Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2, Mécanique, physique, chimie, sciences de l'univers, sciences de la terre (2023)

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Titre : Comptes rendus de l'Académie des sciences. Série 2, Mécanique, physique, chimie, sciences de l'univers, sciences de la terre

Auteur : Académie des sciences (France). Auteur du texte

Éditeur : Centrale des revues (Montrouge)

Date d'édition : 1989-08-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343942015

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343942015/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 01 août 1989

Description : 1989/08/01 (SER2,T309 (DOUBLE))-1989/12/31.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k56640789

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-3813

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/12/2010

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COMPTES RENDUS

DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

GAUTHIER-VILLARS IMPRIMEUR-LIBRAIRE DES COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

4078-89

Imprimé en France

COMPTES RENDUS

DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

1989 — Tome 309

Série II : MECANIQUE-PHYSIQUE

CHIMIE SCIENCES DE L'UNIVERS SCIENCES DE LA TERRE

gauthier-villars

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 1-5, 1989

Mécanique des solidesMechanics of Solids

Principe des travaux virtuels et identification

Michel GRÉDIAC

Résumé — L'anisotropie des matériaux composites rend nécessaire la mise au point de tests mécaniques spécifiques pour caractériser leur comportement mécanique. La méthodologie des tests de flexion classiques pratiqués sur des matériaux isotropes est généralisée dans cette Note à l'aide du principe des travaux virtuels et adaptée aux plaques anisotropes.

Principle of virtual work and identification

Abstract — Spécifie mechanical tests are required for the characterization of composite materials because particular effects due to the anisotropy are to be taken into account. This Note extends the methodology of classical bending tests to anisotropic plates through the use of the principle of virtual work.

Abridged English Version — The expérimental characterization of the mechanical properties of composite materials raises spécifie difficulties due to the anisotropy of thèse materials and requires the design of better suited tests and the introduction of new analysis procédures. Many papers (références [1] and [2] for example) deal with the practical détermination of the bending rigidities of anisotropic plates but do not présent any safisfactory method: either the mechanical tests are not optimized or the whole set of unknown rigidities cannot be identified.

This Note présents an identification method of the complète bending rigidity matrix of elastic anisotropic thin plates based on mechanical tests producing a heterogeneous strain field and interpreted within the framework of the virtual work principle.

In the case of an anisotropic thin plate, we can formulate from Hooke's law the constitutive relationship (1) between the bending moments, the curvatures and the bending rigidities.

The principle of virtual work, applied to a plate of any shape (Fig. 1), leads to the linear équation (2). This relation, verified for any kinematically compatible deflection field, can be used to identify the bending rigidities or compliances of a plate spécimen of any shape submitted to one or several relevant mechanical tests.

In section 2.1, it is pointed out that six well-suited fïelds associated with a mechanical test producing a heterogeneous strain field lead to a linear System which can be solved to identify the unknown rigidities. Indeed, from relation (2), only three groups of rigidities can be determined whatever the virtual fïelds in the case of homogeneous strain fïelds. However, the optimal choice of the virtual fïelds is a diffïcult task in itself. It can be avoided by using several mechanical tests and the three simple fïelds (3) presented in section 2.2.

Using thèse three fïelds, we can establish linear relationships between the applied loads, the bending compliances, géométrie parameters and the mean values of the strain on the upper surface of the plate (4). Obviously, several mechanical tests are required to obtain the six unknown bending compliances. Hence, we propose two classical mechanical tests extended to plates of any shape.

In section 2.2.2, we présent the well-known twisting test conventionally carried out on rectangular plates. The applied load F is located at point (a, b). This test is extended hère to plates of any shape (Fig. 2). Relations (5) allow to identify d16, d26 and d66.

Note présentée par Paul GERMAIN. 0249-6305/89/03090001 $2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2" Semestre (T. 309) Série H - 1

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 1-5, 1989

In section 2.2.3, we présent the well-known three-point bending test conventionally carried out on beams. The applied load F is located at point (a/2, 0) or (0, bjT). This test is extended hère to plates of any shape (Fig. 3). Relations (6) and (7) allow to identify the whole set of unknown bending compliances.

The method presented hère clearly départs from the conventional approach of the mechanical test whose main objective is to induce a homogeneous strain field. Its main characteristic is to identify the bending compliances of a plate spécimen of any shape through the use of two bending tests generating heterogeneous strain fïelds.

However, the expérimental procédure is more complicated. In practice, the mean values of the strain must be calculated on a micro-computer using a fïnite élément method. The strain field is numerically deduced from the two expérimental partial slope flieds obtained on the upper surface of the plate by a moiré method [4]. This aspect is presently being developed in our laboratory.

INTRODUCTION. — L'étude expérimentale des propriétés mécaniques des matériaux composites présente des difficultés spécifiques inhérentes à l'anisotropie de ces matériaux et nécessite la mise au point de méthodes expérimentales et de techniques d'interprétation adaptées. Différents auteurs ont proposé des tests mécaniques permettant d'identifier les six paramètres indépendants décrivant la loi de comportement linéaire élastique en flexion de plaques minces stratifiées ([1] et [2] par exemple). Toutefois, les méthodologies proposées ne permettent pas de définir les essais au mieux et certains paramètres ne sont pas toujours accessibles. Cette Note présente une application du principe des travaux virtuels qui permet d'interpréter des essais mécaniques générant des champs de déformations hétérogènes dans le but de mesurer les constantes élastiques de flexion d'échantillons de type plaque.

1. RAPPELS SUR LE PRINCIPE DES TRAVAUX VIRTUELS APPLIQUÉ A LA THÉORIE DES PLAQUES MINCES. — Pour une plaque mince anisotrope, en théorie des petites perturbations et dans le cadre de l'hypothèse de Love-Kirchhoff, une loi de comportement élastique linéaire en flexion est donnée par la relation moments de flexion-courbures [3] :

où (D) est la matrice des rigidités de flexion et (d) = (D) l la matrice des souplesses de flexion.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 1-5, 1989

Le principe des travaux virtuels, appliqué à une plaque chargée perpendiculairement à son plan moyen conformément à la figure 1, conduit à l'expression suivante :

où w* est le champ de flèches cinématiquement admissible, wf est la valeur de w* en (x yt), point d'application de l'effort F;, w est le champ des flèches réelles, S est la surface de la plaque.

2. APPLICATION A L'IDENTIFICATION. — La relation (2), très générale car vérifiée pour tout champ virtuel cinématiquement admissible, peut être utilisée dans le but d'identifier la matrice des rigidités de flexion (D) ou son inverse (d) à partir d'un seul échantillon de type plaque de forme quelconque soumis à un ou plusieurs tests mécaniques bien choisis.

2.1. Cas d'un seul essai mécanique. — Un choix pertinent d'au moins six champs virtuels conduisant à des équations indépendantes aboutit à un système linéaire qui permet d'identifier les rigidités inconnues après inversion. Le test mécanique peut être a priori quelconque; la seule restriction est qu'il ne doit pas imposer de champ de déformations homogène. En effet, dans ce cas, les courbures de la plaque sont constantes, et la relation (2) montre que seuls trois groupements de rigidités peuvent être identifiés quelque soit le choix des champs virtuels.

Toutefois, le choix au mieux des champs virtuels à associer avec un seul essai n'est pas simple. Ce problème peut être contourné en ne conservant que trois champs virtuels simples tels que ceux que nous présentons ci-dessous en les associant avec plusieurs tests bien choisis.

2.2. Cas de deux essais mécaniques bien choisis. — 2.2.1. Notion de valeur moyenne des déformations. — La relation (2) permet d'introduire et d'exploiter la notion de valeur moyenne des déformations. En effet, l'application du principe avec les champs virtuels : (3) - wX = k1x(x-a), w%=k2y(y-b), w% = k3xy, (ku k2, k3)eR*s

Fig. 1. — Plaque de géométrie quelconque chargée perpendiculairement à son plan. Fig. 1. — Plate of arbitrary shape by normal load.

4 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 1-5, 1989

conduit, après quelques calculs simples, à trois relations linéaires qui peuvent être rassemblées sous la forme matricielle suivante :

où h est l'épaisseur de la plaque, (d) = (D) 1 et où

sont les valeurs moyennes des déformations de la surface supérieure de la plaque.

Un essai mécanique simple associé à ces trois champs permet donc d'écrire trois équations linéaires où les souplesses de flexion peuvent être considérées comme inconnues, les autres grandeurs devant être mesurées expérimentalement. Ces trois équations étant bien sûr insuffisantes pour déterminer les six souplesses inconnues, il est nécessaire de réaliser plusieurs tests mécaniques différent, chacun permettant d'écrire trois nouvelles équations. En particulier, deux tests particuliers peuvent être retenus. Ils représentent la généralisation aux plaques anisotropes de forme quelconque de deux essais mécaniques classiques.

2.2.2. Généralisation de l'essai de flexion anticlastique. — Si l'on applique un seul effort F en (a, b), conformément à la figure 2, le système (4) se réduit aux trois équations découplées suivantes :

qui permettent d'identifier directement d16, d26 et d66. Cet essai généralise Fessai de torsion sur plaques, appelé flexion anticlastique, et fréquemment réalisé sur des plaques rectangulaires car l'expression analytique de la flèche est alors connue.

2.2.3. Généralisation de l'essai de flexion trois points. — Si l'on applique un seul effort F en (a/2, 0), conformément à la figure 3, le système (4) conduit aux trois équations

Fig. 2. — Flexion « anticlastique » sur une plaque de géométrie quelconque. Fig. 2. — "Twisting" test on a plate of arbitrary shape.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 1-5, 1989

découplées suivantes :

qui permettent d'identifier directement diU d12 et d16. Cet essai généralise aux plaques l'essai de flexion trois points pratiqué sur éprouvettes de type poutre.

De même, un effort appliqué en (0, b/2) conduit aux expressions suivantes :

qui permettent d'identifier d12, d22 et d26. Cet essai peut être considéré comme étant identique au précédent, avec a = b et la plaque ayant été tournée de 90° dans le montage.

3. CONCLUSION. — Nous avons mis en évidence une application du principe des travaux virtuels permettant d'exploiter des essais mécaniques générant des champs de déformations hétérogènes pour identifier des constantes élastiques. Cette approche abandonne la notion classique du test mécanique devant imposer un champ de déformations homogène. Son intérêt est de pouvoir identifier l'ensemble des constantes inconnues à partir d'un seul échantillon de type plaque de forme quelconque.

L'aspect expérimental est néanmoins plus complexe que pour les essais classiques. En pratique, exx, &yy et exy sont estimés à partir des champs des pentes donnés par un montage de moiré [4] et avec l'aide d'un programme de calcul par éléments finis implanté sur micro-ordinateur. Ce point est actuellement développé au laboratoire. Note remise le 3 mars 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] J. P. KERNEVEZ, C. KNOPF-LENOIR, G. TOUZOT et G. VERCHERY, International Journal for Numerical Methods in Engineering, 12, 1978, p. 129-139.

[2] A. FOUDJET, Thèse de docteur-ingénieur, I.N.S.A., Lyon, 1980.

[3] S. G. LEKHNITSKII, Anisotropic plates, Gordon and Breach, 1968.

[4] Topographie de surface par méthode optique, Rapport final de contrat D.R.E.T., n° 87/420.

Département Mécanique et Matériaux, École nationale supérieure des Mines de Saint-Etienne,

158, cours Fauriel, 42023 Saint-Étienne Cedex 2.

Fig. 3. — Flexion « trois points » sur une plaque de géométrie quelconque. Fig. 3. — "Three-point" bending test on a plate of arbitrary shape.

C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II, p. 7-9,1989

Mise en forme des matériaux/Materials Processing

Écoulement de fluides polymères enchevêtrés dans un capillaire. Modélisation du glissement macroscopique

à la paroi

Nadia EL KISSI et Jean-Michel PIAU

Résumé — Les polymères de grande masse molaire glissent à la paroi des capillaires lorsque la contrainte y dépasse une valeur critique. Une modélisation de ce phénomène est proposée et les résultats théoriques sont confrontés à des résultats expérimentaux obtenus sur un silicone. On peut comparer les écoulements sous charge contrôlée et sous débit moyen contrôlé.

Flow of entangled polymer melts in a capillary. Macroscopic wall slip model

Abstract — High molecular weight polymers slip at the wall of capillaries when the shear stress exceeds a critical value. This phenomenon a is modeled, and theoretical results are compared to expérimental results obtained for a silicone. Constant upstream pressure flow and controlled mean rate offlow régimes can be compared.

Le glissement macroscopique des polymères fondus à la paroi des capillaires a déjà été constaté expérimentalement ([1], [2]). Deux modélisations ont été publiées dans lesquelles on postule une relation entre la contrainte à la paroi x et la vitesse de glissement UR de la forme UR=x/fc [3] ou UR=ax"{ 1—c2th[(E—c3x)/(fcT)]} [4]. On y considère T comme une fonction croissante de UR qui s'annule avec UR. H en résulte qu'un polymère de structure moléculaire fixée glisse pour tout niveau de contrainte, ce qui est en contradiction avec les observations expérimentales auxquelles nous nous référons. Par ailleurs, une telle modélisation exclut une éventuelle décroissance de UR lorsque T croît, situation pourtant courante en tribologie. De plus, elle n'intègre pas l'effet des pertes de charge d'entrée qui est toujours un paramètre important dans les conditions expérimentales d'observation du glissement.

Le but de cet article est de proposer une modélisation suffisamment complète et simple du régime d'écoulement avec glissement et de l'appliquer à un cas pratique.

1. RELATION DÉBIT-PERTE DE CHARGE DANS LE CAPILLAIRE. — La perte de charge totale AP( dans l'écoulement, est la somme d'une perte de charge interne au capillaire ÀPC, et d'une perte de charge d'entrée APe. De nombreuses études expérimentales [5] et un modèle proposé par Binding [6] montrent que APe varie en fonction du débit selon une loi puissance : APe=K^r™ où qc est le débit volumique dans le capillaire.

La relation entre qc et APC peut s'écrire en régime établi [7] qc=qcl + qc2 avec :

en notant UR la vitesse de glissement du fluide à la paroi, R le rayon du capillaire de longueur L, n et k les constantes de la loi puissance pour la viscosité aux grands gradients de cisaillement.

Note présentée par Jean SALENÇON. 0249-6305/89/03090007 $2.00 © Académie des Sciences

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 7-9, 1989

TABLEAU

A. Caractéristiques du PDMS. B. Paramètres ajustés du modèle théorique.

A. PDMS characteristics properties. B. Theoretical modets calculated parameters.

2. MODÉLISATION DU GLISSEMENT A LA PAROI. — Les polymères fondus envisagés dans cette étude ont une masse molaire très supérieure à la masse molaire entre enchevêtrements. De ce grand nombre de points d'enchevêtrement par chaîne, résulte un comportement aux parois similaire à celui des élastomères mous légèrement réticulés. Par conséquent, l'adhésion et l'hystérésis en sont des mécanismes essentiels ([8], [9]).

Notons xs la contrainte de frottement statique du polymère et xR = (R/2L)APc la contrainte de cisaillement à la paroi du capillaire. Pour les faibles débits, la contrainte de cisaillement à la paroi xR est inférieure à xs. L'écoulement s'effectue alors sans glissement et la vitesse à la paroi est nulle.

Si xR atteint une valeur critique égale à TS, un glissement va se produire et la vitesse à la paroi devient positive. Le débit, et donc UR, augmentent alors, tandis que la contrainte à la paroi diminue dans un premier temps. Enfin, à partir d'une certaine vitesse de glissement, xR varie en fonction de UR sous forme d'une courbe maîtresse en cloche [8]. La loi de glissement décrite ci-dessus peut être modélisée par la relation empirique :

où A, B, X, oc et wx sont des constantes.

3. APPLICATION AUX COURBES D'ÉCOULEMENT sous CHARGE CONTRÔLÉE. — Considérons le cas particulier d'un polydiméthylsiloxane linéaire dont les caractéristiques sont données sur le tableau. Pour ce polymère, en écoulement à travers un capillaire en plexiglas, nous avons mesuré et rapporté sur la figure les variations de la perte de charge totale APexp en fonction du débit volumique moyen qc. Nous avons également porté sur la figure, les variations de la perte d'entrée pour ce même polymère, en utilisant un orifice mince.

Les mesures ont été effectuées à pression imposée et on voit que la courbe expérimentales obtenue et représentée sur la figure, comporte deux parties distinctes et conduit à une instabilité avec hystérésis selon que l'on applique des pressions croissantes ou décroissantes.

Appliquons alors les résultats théoriques. Aux faibles débits la vitesse de glissement à la paroi est nulle et <?cl=0. La perte de charge APC est donnée en fonction de qc2 simplement par la relation (2).

Dès que le débit est suffisamment grand, un glissement se produit. La vitesse à la paroi devient positive. Pour chaque valeur de UR on calcule APC à partir de la relation (3) en y reportant TR = (R/2L) APC. On peut alors calculer qc2 grâce à la formule (2) et qc2 grâce à la formule (1). Par addition de ces deux contributions au débit on a donc accès aux variations de APC en fonction de qc. Enfin, connaissant les variations de APe en fonction de qc déterminées expérimentalement il suffira d'additionner, à qc donné, les

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 7-9, 1989

Courbes d'écoulement pour un polydiméthylsiloxane linéaire : O pression totale mesurée dans un capillaire en plexiglass : L=20 mm, D=2 mm; A pression d'entrée mesurée dans un orifice mince : L=0,2 mm, D=2 mm; + résultats théoriques.

Flow curves for a linear polydiméthylsiloxane: O total pressure drop measured in a plexiglass capillary: L = 20 mm, D=2 mm; A entrancepressure drop in a thin orifice: L=0.2 mm, D = 2 mm; + theoretical results.

pertes d'entrée et dans le capillaire, pour représenter les variations de AP, en fonction de

leParmi

leParmi différents choix possibles, nous avons porté sur le tableau une liste de valeurs des 5 paramètres de la loi de glissement qui permet de superposer résultats expérimentaux et théoriques ainsi que le montre la figure. On peut y voir que la courbe théorique obtenue comporte aux faibles débits une partie sans glissement, puis, à droite du pic de la courbe, les débits sont plus élevés et il y a glissement.

Il est clair que la partie décroissante de la courbe APt (qc) ne peut être précisée à partir des expériences que nous rapportons car elle correspond à une instabilité, à pression imposée. Pour parvenir à l'observer, on pourrait envisager d'utiliser des dispositifs à débit contrôlé, comme un rhéomètre capillaire à piston, ou bien une extrudeuse à vis. Mais, en réalité, la compressibilité du fluide (et éventuellement l'élasticité du matériel) est telle que seul le débit moyen dans le temps est contrôlé, alors que le débit instantané oscille considérablement en parcourant la boucle d'hystérésis construite sur le pic et le minimum de AP,. Note remise le 5 avril 1989, acceptée le 24 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Institut de Mécanique de Grenoble, B.P. n° 53 X, Domaine universitaire, 38041 Grenoble Cedex.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 11-18, 1989 11

Physique des surfaces et des interfaces/Surface and Interphase Physics

L'émergence du régime fractal en digitation viscoélastique

Henri VAN DAMME, Éric ALSAC et Claude LAROCHE

Résumé — Nous avons étudié le passage du régime de Saffman-Taylor au régime fractal dans les écoulements de déplacement immiscibles en cellule de Hele Shaw axiale, à l'aide de fluides colloïdaux non newtoniens. Le passage est continu, mais compte plusieurs étapes correspondant à l'apparition de différents modes d'instabilité, qui se présentent pour des valeurs du nombre capillaire réduit, l/B = 12(w/è)2Nca, compris entre 104 et 106. D conduit d'abord à un fractal de surface (interface), et ensuite à un fractal de masse. L'ouverture d'une fenêtre d'auto-similitude dans la forme de l'interface se produit pour des valeurs de 1/B voisines de 104. C'est à ce stade que le taux de déplacement du fluide le plus visqueux est à son minimum.

The route to fractal behaviour in viscoelastic fingering

Abstract — The crossover from the Saffman-Taylor régime to the fractal régime in immiscible displacive flow within Hele Shaw channels has been studied, using non-Newtonian colloidal fluids. The crossover is continuous, but involves several characteristic steps (instability modes) for values of the effective control parameter, l/B = 12(w/b)2Nca, in the range 104 to 106. It leads first to a surface (interface) fractal, and then to a mass fractal. The opening of a fractal window in the shape of the interface occurs around 1/B s; 104. This is also the point where the displacement efficiency reaches its minimum.

Abridged English Version — Viscous fingering in Hele Shaw channels exhibit two extrême morphologies: smooth Saffman-Taylor (ST) fingers on one hand ([1], [2]) and highly grânched fractal paterns on the other hand ([3] to [9]). The dramatic différence between the ST régime and the fractal régime is best realized by considering the behaviour of the displacement efficiency, 5, as a fonction of a suitable flow control parameter. 5 is defined as the fractional amount of high viscosity fluid displaced by the low viscosity fluid [7]. In ST flow, 8 is équivalent to the relative finger width, X (neglecting the amound of viscous fluid left behind by the finger as a film on the cell). A suitable control parameter is the tip velocity, U, the capillary number, Nca = (iU/T, or even better, the commonly used 1/B = 12 (w/b) 2 Néi, where w is the cell width, b the cell spacing, \i the shear viscosity and T the interfaeial tension. Thus, 8 in ST flow with Newtonian fluids starts from 1 at infïnitely small U or 1/B and drops to 0.5 when 1/B reaches 2 x 103 [2]. The fractal régime with non-Newtonian fluids is totally différent. 8 seems to start from very low values (expérimental Figures are in the range 0.03 to 0.14) [7], [8]) at small velocities, and increases to what seems to be a plateau, around 0.25.

Most illuminating is the range of 1/B in which fractal behaviour develops. The original définition of 1/B (see above) cannot be applied in the non-Newtonian case since the ratio of the shear stress, x, over the shear rate, y (which, in Newtonian fluids, defines the shear viscosity, u) is no longer a constant in non-Newtonian fluids. Nevertheless, one can defïne an effective control parameter, 1/B, by using the non-Newtonian viscosity, T). When doihg so, one notices that the fractal régime explored so far corresponds to huge values of 1/B, close to 106 [9].

The présent paper is an investigation of the intermediate régime, in the range 2x 103<1/B<7 x 106, which takes advantage of the conrinuously tunable shear-thinning

Note présentée par Pierre-Gilles de GENNES. 0249-6305/89/03090011 S 2.00 © Académie des Sciences

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properties of colloidal suspensions. We used air as the pushing fluid and a suspension (paste) of clay particles in water as the displaced fluid [9]. Adding the clay to water introduces a threshold for flow (yield stress, x0) and a shear-thinning behaviour (Table). Twelve patterns (ten are shown in Figure 1) were obtained in the desired range, by tuning the injection pressure of air and the colloidal particles concentration in the suspension. The effective control parameter, 1/B, was calculated by taking into account the average tip velocity, Û, and the non-Newtonian viscosity, r), at a shear rate approximated by 2U/# [9]. The expérimental conditions and the fluid properties are collected in Table.

Patterns 1 to 5 show the séquence of instability modes which appear as 1/B increases. One first encounters a tip-wobbling mode (as described in [2]), which give the fïngers their tottering behaviour. Simultaneously, the (relative) width of the fingers, % = l/w, drops well below the "asymptotic" ST value of 0.5. This is soon relayed by what seems to be the asymmetric hump mode, which, instead of receding and sliding along the finger as in Newtonian fluids [2], is rapidly quenched and gives rise to side ripples. At still higher velocity the ripples turn into individualized petals, thanks to what seems to be the beginning of tip-splitting. Finally, one obtains a very indented and very disrupted pattern (patterns 4 and 5).

Viscous fingering being essentially an interfacial instability phenomon, the primary fractal parameter which one would like to measure is the boundary or "surface" fractal dimension, Ds. As long as the pattern is a monolithic finger (pattern 1), Ds=l (Fig. 2) over the same length scale as for an "idéal" ST finger, inspite of the déformations. However, as soon as sidebuds start growing (pattern 2), a domain where Ds > 1 appears. This domain is roughly comprised between the average pattern width, L, and the average finger width, /. The following patterns confïrm this évolution. Interestingly, the fractal exponent remains constant, but the fractal domain broadens due to the decrease of / on one hand and to the increase of L on the other hand. In other words, the development of the instability has opened a "window" for fractal behaviour by pulling apart two cut-offs which in ST fingering are merging: L on one hand, and l on the other hand.

The opening of the fractal window, concomitantly to the onset of sidebranching, is dramatically evidenced in Figure 3, where A = L/s> and X = l/w hâve béen plotted versus the effective control parameter, 1/B. One can see that the opening of the fractal window occurs over a narrow range o/l/B, beyond a critical range where L and l start diverging. This behaviour is closely paralled by the displacement efficiency, 8 (Fig. 4). 8 does not follow a monotonous decrease or increase, but a complex évolution with a minimum, closely associated to the type of instability. At low driving pressure and low velocity, when tip-wobbling and breathing modes are the dominant instability modes, 8 decreases much below the pseudo-asymptotic value of the ST régime. This descending branch is slowed down by the growth of hump modes and is soon followed by an ascending branch is which, thanks to tip-splitting, the displacement efficiency increases inspite of the still decreasing average finger width. The minimum corresponds to the point where the narrowing of the finger (s) is balanced by branching and where fractal behaviour settles in.

Patterns 6-10, obtained by increasing the colloid concentration in the suspension, cover the range 105 <1/B< 106. As one goes deeper into the fractal régime, the width of the fractal window keeps broadening. Ds remains constant. 8 drops smoothly to values which approach closely the plateau value of the FVF branch (~0.25). The most significant évolution in this range is the tendency towards a well defined and homogeneous finger width. This state is reached in the last patterns (9 and 10). At this point, the pattern becomes a mass fractal, with a mass fractal dimension, Dm, equal to Ds.

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Thus, we hâve shown, in expérimental conditions which avoid forcing tip-plitting (radial cells) and which do not introduce an "external" source of disorder (groved, dirty or porous cells), that there is no gap between smooth ST fingering and highly branched fractal fingering. A window for fractal behaviour opens continuously beyond some critical range of 1/B, due to the increase of the pattern width on one hand and to the decrease of the finger width on the other hand. The orders-of-magnitude-landmarks in this évolution are: 1/B (or 1/B) = 103 for the first anomaly (X<0. 5); 1/B = 104 for the development of the hump mode (in agreement with Tabeling et al.) and for the émergence of a fractal domain in the interfacial shape; 1/B = 105 for the development of tip-splitting and for the development of a fractal interface over about a décade; 1/B =106 for the sélection of a homogeneous finger width and, concomitantly, for the émergence of a DLA-type mass fractal behaviour with a mass fractal dimension equal to the surface fractal dimension.

L'instabilité interfaciale entre un fluide peu visqueux déplaçant un fluide plus visqueux non miscible dans un chenal de Hele Shaw, connue sous le nom de « digitation visqueuse », peut présenter deux morphologies extrêmes : des « doigts » lisses de SaffmanTaylor (ST) ([1], [2]), ou des arborescences fractales ([3] à [9]). Les doigts de ST sont typiquement obtenus en utilisant des fluides newtoniens non miscibles, alors que les arborescences fractales sont facilement générées en déplaçant un fluide non newtonien rhéofluidifiant (la tension interfaciale importe peu [9]).

Au-delà des différences morphologiques, la différence entre le régime de ST et le régime fractal apparaît clairement dans l'évolution du taux de déplacement, 8, avec les paramètres de l'écoulement. 8 est défini comme la fraction du fluide le plus visqueux déplacée par le fluide le moins visqueux. En régime de ST, 8 est équivalent à la largeur relative du doigt, X (pour autant que l'on néglige le volume de fluide restant dans le film résiduel sur les parois). Comme paramètre de contrôle, on peut utiliser la vitesse du front, U, le nombre capillaire, Nca = u U/T, ou mieux, le paramètre 1/B = 12 (w/b) 1 Nca, où w est la largeur du chenal, b est l'écartement entre les parois (épaisseur du chenal), u la viscosité de cisaillement, et T la tension interfaciale. En régime de ST, 8 part de 1 à vitesse infiniment lente et 1/B=0, et décroît à 0,5 lorsque 1/B atteint environ 2.103 [2]. Le régime fractal est totalement différent. 8 semble partir de très faibles valeurs (les valeurs expérimentales sont de l'ordre de 0,03 à 0,14) ([7], [8]) à faible vitesse et croît ensuite vers ce qui semble être un plateau, aux alentours de 0,25 (fig. 1).

Le domaine de valeurs de 1/B dans lequel le comportement fractal se développe est également remarquable. La définition originale de 1/B ne peut être appliquée dans un cas non newtonien puisque le rapport de la contrainte au taux de cisaillement n'est plus une constante. Néanmoins, on peut définir un paramètre de contrôle effectif, 1/B, en introduisant la viscosité non Newtonienne, n. Ce faisant, on constate que le domaine exploré jusqu'à présent correspond à des valeurs extrêmement élevées de 1/B, voisines de 106[9].

Nous rapportons dans cette Note les résultats d'une investigation du régime intermédiaire, dans le domaine 2.103<1/B<7.106, qui est basée sur l'évolution continue et ajustable des propriétés rhéofluidifiantes des suspensions colloïdales. Nous avons utilisé l'air comme fluide déplaçant et des suspensions (pâtes) aqueuses d'argile comme fluides déplacés [9]. L'addition d'argile à de l'eau introduit un seuil d'écoulement, x0, et un comportement rhéofluidifiant. Douze digitations (dont dix sont représentées sur la

14 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série U, p. 11-18,1989

TABLEAU

(°) Ces valeurs sont affectées d'une incertitude considérable, de l'ordre de 50 %.

(°) The experimental error on thèse values is ofthe order o/50%.

La largeur du chenal de Hele Shaw est de 0,28 m. Son épaisseur est de 0,48 mm.

The width of the Hele Shaw channel is 0.28 m. Its tickness is 0.48 mm.

m est l'exposant de rhéofluidification et x0 le seuil d'écoulement obtenus en ajustant les courbes d'écoulement [7] à l'expression x=x0 + aym

m is the shear-thinning exponent and x0 the yield stress, obtained by fitting the flow curves [7] by x=t0+af.

figure 1) ont été étudiées dans le domaine souhaité de valeurs de 1/B, en ajustant la pression d'injection d'air et la concentration de particules colloïdales dans la suspension. Les valeurs de 1/B furent calculées en tenant compte de la vitesse moyenne du front de digitation, Ù, et de la viscosité non newtonienne, ri, à un taux de cisaillement approximé par 2Û/b [9].

Les figures 1.1 à 1. 5, obtenues en augmentant la pression d'injection dans des pâtes identiques, illustrent l'apparition des divers modes d'instabilité à mesure que 1/B augmente. On note d'abord (fig. 1.1) un mode de « vacillement » (décrit dans [2]) qui donne à la digitation son caractère sinueux. Simultanément, la largeur relative moyenne de la digitation, X = l/w, décroît bien en deçà de la valeur (pseudo) asymptotique du régime de ST, 0,5. Ces modifications sont bientôt relayées (fig. 1.2) par ce qui semble être le mode de déformation asymétrique en bosse (hump mode) qui, au lieu de glisser en s'atténuant le long du doigt comme dans les fluides newtoniens [2], est rapidement figé et donne naissance à une succession de rides unilatérales. A vitesse plus élevée, ces rides se transforment en bourgeons bien individualisés et se bilatéralisent (fig. 1.3). A ce stade, la digitation offre un aspect dendritique relativement ordonné. A partir de là (et déjà partiellement dans la forme 3) on semble entrer dans un régime transitoire où les digitations ont une allure extrêmement chaotique (fig. 1.4 et 1.5), avec un profil très indenté et très peu régulier. Il semble bien que ceci soit dû au mode de bifurcation frontale (tip splitting), mais celui-ci ne peut être clairement identifié sur les figures.

Les figures 1.6 à 1.10, obtenues en augmentant la concentration en colloïde dans la pâte, illustrent la sortie de ce régime d'apparence chaotique et l'apparition des arborescences fractales décrites ailleurs [9]. L'évolution la plus notable est l'homogénéisation progressive de la largeur de branche.

Le phénomène de digitation visqueuse étant à la base une instabilité interfaciale, le premier paramètre fractal à analyser est sans conteste la dimension fractale de « surface » ou, plus exactement, de périmètre, Ds (au lieu de la dimension fractale de masse, Dm,

PLANCHE 1/PLATE I HENRI VAN DAMME

Fig. 1. — Figures de digitation obtenues en injectant de l'air dans des suspensions colloïdales d'argiles,

à paramètre de contrôle 1/B croissant (détails dans le tableau). Fig. 1. — Patterns obtained by pushing air into colloidal clay suspensions at increasing control parameter,

Ï/B (détails in Table).

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série H - 2

PLANCHE 11/PLATE II

Fig. 2. — Détermination de la dimension fractale du périmètre des digitations par une méthode de « compas » (la numérotation se réfère à la figure 1). N est le nombre de pas. r/L est la longueur relative des pas par rapport à la largeur de la figure. Les flèches indiquent la borne inférieure du domaine où l'exposant fractal est différent de 1. La borne supérieure est L.

Fig. 2. — Détermination of the interfacial fractal dimension of the patterns of Figure 2 by the coastline method (numbers refer to the patterns in Figure 1). N is the number of yard sticks necessary to cover the perimeter. r/L is the relative yar stick size with respect to the average pattern width. The arrows indicates the lower cut-off ofthe range where the fractal exponent is différent from 1. The upper cut-off is L.

Fig. 3. — Largeur moyenne des « doigts » ou des « branches » (k=T/w) et largeur des figures de digitation (Â = L/w) en fonction du paramètre de contrôle. La zone hachurée est le domaine dans lequel le caractère fractal peut se développer. Les chiffres correspondent aux digitations de la figure 1.

Fig. 3. — Average relative finger width (%=l/w) and average relative pattern width (Â = L/w) vs control parameter in the set of patterns of Figure 1. The shaded area represents the domain were fractal behavior may develop.

Fig. 4. — Évolution du taux de déplacement dans le régime de transition exploré dans ce travail, comparée au

régime de Saffman-Taylor avec fluides newtoniens de la référence [2] (courbe supérieure) et au régime fractal

de la référence [9]. Les chiffres correspondent aux digitations de la figure 1. Fig. 4. — Displacement efficiency in the Saffman-Taylor régime in Newtonian fluids (upper curve; from

référence [2]), in the fractal régime in strongly non-Newtonian fluids (lower curve; from référence [9]) and in

the cross-over weakly non-Newtonian régime (this work).

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qui est le paramètre le plus fréquemment mesuré dans le régime fractal). Ds peut être mesuré simplement par une méthode de recouvrement.

Aussi longtemps que la forme de digitation est un doigt monolithique, Ds = 1 dans le même domaine de longueur que pour un doigt de ST, malgré les faibles déformations. Dès que des bourgeons commencent à croître, un domaine où DS>1 apparaît (fig. 2) (aucune valeur « universelle » ne doit êtte attachée à la valeur numérique, qui dépend de la forme de la cellule de Hele Shaw [3]). Ce domaine est approximativement situé entre la largeur moyenne de la figure, L, d'une part, et la largeur moyenne des bourgeons d'autre part. Les formes suivantes confirment cette évolution (fig. 2). Le point important est que l'exposant fractal reste constant, mais le domaine dans lequel il s'applique s'élargit, grâce à la décroissance de / d'une part, et à la croissance de L d'autre part. En d'autres termes, le développement de l'instabilité ouvre une fenêtre d'auto-similitude en écartant deux bornes qui, en régime de ST, sont confondues.

L'ouverture de la fenêtre d'auto-similitude, parallèlement à l'apparition des bourgeonnements latéraux, est illustré par la figure 3, où A—L/w et X=l/w ont été portés en fonction de 1/B. On constate que l'ouverture de la fenêtre se produit dans un domaine très étroit de valeurs de 1/B, au-delà d'une valeur critique ( —5.103) à partir de laquelle L et / divergent.

L'évolution du taux de déplacement, 8 (fig. 4) reflète cette évolution. 8 ne suit pas une décroissance ou une croissance monotonne, mais une évolution complexe avec un minimum, intimement liée au type d'instabilité. A faible pression et faible vitesse, lorsque le mode de vacillement est le mode dominant, 8 décroît, largement en dessous de la valeur pseudo-asymptotique du régime de ST. Ce régime de décroissance est ralenti par l'apparition du mode de déformation asymétrique et il est bientôt suivi par un régime de croissance dans lequel 8 augmente grâce aux bifurcations, malgré la décroissance continue de la largeur moyenne des bourgeons ou des branches. Le minimum correspond au point où le rétrécissement des bourgeons est compensé par le branchement, et où le régime fractal s'installe. La comparaison avec les données précédemment publiées [9] sur le même système (fig. 4) suggère que la profondeur du minimum dépend du détail des propriétés rhéologiques non newtonniennes du fluide déplacé, et qu'un paramètre de contrôle qui prenne explicitement en compte ces propriétés doit être recherché.

Nous avons donc montré, dans des conditions expérimentales qui évitent de forcer l'apparition de bifurcations (cellule radiale), et qui n'introduisent pas de source « externe » de désordre (cellules rugueuses, sales ou poreuses) qu'il n'existe pas de discontinuité entre le régime de ST et le régime fractal en cellule de Hele Shaw. Quelques jalons permettent de marquer le passage d'un régime à l'autre: 1/B:~103 pour la première anomalie (X.<0,5); 1/B~104 pour le développement du mode de déformation asymétrique (en accord avec Tabeling et coll. [2]) et pour l'ouverture d'une fenêtre d'auto-similitude de l'interface; 1/B ~ 105 pour le développement des bifurcations frontales et pour le développement d'une interface fractale sur une décade; 1/B c? 106 pour la sélection d'une largeur de branche homogène et pour l'émergence d'un comportement de fractal de masse laplacien, avecDm=Ds.

Note remise le 27 février 1989, acceptée après révision le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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C.N.R.S.-C.R.S.O.C.I., 45071 Orléans Cedex 02.

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Physique des surfaces et des interfaces/Surface and Interphase Physics

Films mouillants dans les capillaires

Jean-Marc di MEGLIO, David QUÉRÉ et Françoise BROCHARD-WYART

Résumé — Nous présentons dans cette Note les caractéristiques de films mouillants dans des pores cylindriques. Si le liquide est non volatil, une goutte s'étalera si le paramètre d'étalement S est supérieur à une valeur seuil Sc, fonction décroissante du rayon b du pore : Sc~b~2/ 3. Ce seuil est le même que celui nécessaire pour étaler un liquide sur une fibre de rayon b [1]. Nous calculons en outre les épaisseurs des films mouillants, en contact ou pas avec des gouttes piégées.

Dans la deuxième partie, nous présentons quelques résultats relatifs aux liquides volatils : transition de prémouillage (isothermes d'adsorption) et condensation capillaire.

Ces prévisions peuvent peut-être aider à comprendre les problèmes de vidange ou de séchage des milieux poreux (films résiduels).

Wetting films in capillary tubes

Abstract — In this Note we describe thefeatures of wetting films spread inside cylindrical pores. For non volatile liquids, a drop should spread if S (the spreading parameter) is larger thon a threshold value Sc which is a decreasing function ofthe radius b of the pore: Sc„j,- 2' 3. This threshold is the same as the one needed to spread a liquid on a fiber of radius b [1]. We also compute the thickness of thèse liquid films, whether or not in contact with trapped drops.

Lastly we show some results about volatile liquids with respect to prewetting transition (adsorption isotherms) and capillary condensation.

Thèse prédictions could be useful to understand the emptying (or drying) ofporous média (residual films).

Abridged English Version — I. SPREADING OF A NON-VOLATILE LIQUID IN A CYLINDRICAL PORE. — A liquid drop inside a cylindrical pore of radius b will spread or not according to the spreading parameter S(S=ys —ySL —y). The energy (per unit volume) ofthe spread liquid is (Fier 1 /zV

with P(e) the long range van der Waals interaction term (P (e) = y a 212 e2 where a2 = (Ash— ALL)/6ny, ASL and ALL are the Hamaker constants related to solid-liquid and liquid-liquid interactions) while the energy of the unspread drop is (Fig. \b):

At the drop-film transition, ¥f = ¥g together with d¥fjde = 0 gives:

Surprisingly we find the same threshold values as for fibers [1] in spite of the opposite curvature. In fact, this feature is related confinement: we hâve found the same threshold for plates separated by 2b.

When S<SC, the drop will not spread, while when S>SC it will spread and cover the interior of the pore, making a film of thickness e = a /3y/2S. This latter thickness is so small that, even for tiny quantifies of liquid, the film will usually coexist with a drop: the pressures of the drop and the film should be the same and this leads to a film thickness e~ i.e. the value at the threshold.

Note présentée par Pierre-Gilles de GENNES. 0249-6305/89/03090019 $2.00 © Académie des Sciences

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The condition for hydrodynamical stability of the film is dp\de > 0 with p the pressure of the film at the surface, giving ([2], [3]) e<<?0 = 31/4a1/ 2 b 1' 2.

II. VOLATILE LIQUIDS: ADSORPTION ISOTHERMS AND CAPILLARY CONDENSATION. — The liquid and its vapor are now in equilibrium and thus their chemical potentials should be identical. The energy of the film is (per unit length):

with Çif the volume of the film and p0= ~(ylb) — nd(e) where nd(e) is the disjoining pressure (ftd(e)= — dP(e)lde). The énergies of an empty pore and a full pore respectively are:

Fv = 27t£ysv and Fp = 2nbysh—p0nb 2.

The equilibrium of the chemical potentials imposes p0 = (RT/V0) Log (P/Ps) with P the vapor pressure, Ps the saturated vapor pressure and V0 the liquid molar volume. Two régimes are of interest (results are plotted on Figure 2):

(i) prewetting régime.

A film will form when F/<FV or (RT/V0)Log(P/Ps)> — ya2\e\ (Le. e>es) and the adsorption isotherm will be described by

(ii) wetting régime (capillary condensation).

The liquid will condense into the pore when F <Fr or

Experiments could be carried out by monitoring the height h of a capillary tube [5] above a liquid réservoir instead of monitoring the vapor pressure which is much more tedious. In this case (RT/V0) Log (P/Ps) should be replaced by —pgh in the above prédictions (p is the volumetric mass of the liquid).

I. ÉTALEMENT D'UN LIQUIDE NON VOLATIL DANS UN PORE CYLINDRIQUE. — 1° Transition goutte-film. — Si l'on place une gouttelette d'un liquide non volatil dans un pore cylindrique, de rayon b, le paramètre qui va déterminer l'évolution de cette gouttelette est le paramètre d'étalement (hors équilibre) S: S=ys—y—ySL, qui peut être positif [1] (ys, y, ySL sont les tensions de surface solide/vide, liquide/vide, et solide/liquide). Selon S, le liquide peut s'étaler et tapisser l'intérieur du pore (fig. 1 à), ou préférer l'état de goutte (fig. 1 b). Comparons les énergies par unité de volume de ces deux situations.

L'énergie volumique du film liquide étalé (longueur L, épaisseur e) s'écrit :

où P(e) est l'énergie par unité de surface associée aux interactions à longue portée, répulsives entre l'air et le solide via le liquide, et donc favorables à l'existence d'un film liquide. En se limitant au cas simple des interactions de van der Waals non retardées (e<300Â)

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ASL et ALL sont les constantes de Hamaker associées aux interactions solide/liquide et liquide/liquide dans le vide; a vaut usuellement quelques angstrôms.

L'énergie volumique de la goutte non étalée (longueur /), a pour expression (l$>b; nous négligeons tout effet dû aux extrémités) :

A la transition entre la goutte et le film, ¥f = ¥g et le film adopte l'épaisseur qui minimise son énergie, autrement dit BFfjde — 0. De ces deux conditions, on tire les valeurs-seuil en paramètre d'étalement et en épaisseur. Pour e<^b :

Il est surprenant de constater qu'en dépit de la courbure opposée nous retrouvons la même valeur seuil Sc que pour une fibre sur laquelle on place une goutte [1]. L'existence de ce seuil est hé au confinement : ainsi, plaçant une grosse goutte de liquide entre deux plaques planes distantes de 2 b, on calcule le même paramètre d'étalement seuil : Sc=(3/2)y(a/fc) 2' 3.

Remarquons enfin que prendre en compte les bouts de la goutte (calottes hémisphériques) modifie l'équation (3), de telle sorte que le seuil Sc est abaissé.

2° Épaisseur des films. — La valeur du paramètre d'étalement va déterminer l'épaisseur du film mouillant : S < Sc, le liquide ne s'étale pas (fig. 1 b), S> Sc, le liquide s'étale et tapisse l'intérieur du pore (fig. 1 a). Son épaisseur se calcule en minimisant l'équation (1) par rapport à e, et l'on obtient :

3° Effet de la longueur finie du pore. — Le volume du film dont l'épaisseur est donnée par (5) tapissant un pore de longueur finie X est 2nbXa(3yj2S) 112; c'est minuscule (pour A.=10cm, fr = 10um, a = 10Â et S^y, on trouve 10~5ul). Cela signifie que lorsqu'on place une goutte dans un pore (S > Sc), elle va coexister, à peine « dégonflée », avec le film mouillant. Les pressions à l'intérieur de la goutte et à l'intérieur du film sont alors égales. Pour e<^b, ceci s'écrit :

où nd(e) est la pression de disjonction du film, que l'on peut dériver de son énergie par unité de surface [équation(2)] : nd(e)= — dP/de. On peut déduire de (6) l'épaisseur du film en contact avec la goutte résiduelle :

Pour un tube de polymère de 10 um de rayon, et une goutte d'hexadécane : a = 3 Â et ec= 100Â. Pour une roche poreuse, la proportion de liquide piégé dans ce film mouillant est 2(a/b)2/ 3, ce qui est très petit (de l'ordre de quelques 10" 3 pour un système quartzhvdrocarbure usuel).

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4° Stabilité hydrodynamique des films mouillants. — La condition de stabilité d'un film s'écrit dp/de>0 où p est la pression à l'intérieur du liquide. Dans le film tapissant les parois du capillaire (e -4 b), p vaut :

Et la condition de stabilité s'écrit :

On retrouve les résultats de Starov [2], ou de F. Brochard[3] pour les surfaces courbées axisymétriques.

II. LIQUIDES VOLATILS : CONDENSATION CAPILLAIRE ET ISOTHERMES D'ADSORPTION. — Ce liquide est maintenant en équilibre avec sa vapeur, il y a égalité de leurs potentiels chimiques respectifs. L'énergie du film par unité de longueur s'écrit :

où y désigne la tension entre le liquide et sa vapeur, Qf le volume du film (par unité de longueur) :

et p0, potentiel thermodynamique associé à Q, s'écrit :

p étant la pression vapeur, ps la pression de vapeur saturante et V0 le volume molaire du liquide.

Minimiser (8) revient à écrire l'égalité des potentiels chimiques des phases liquide et vapeur :

Par ailleurs, les énergies du pore vide ou plein s'écrivent respectivement :

Fig. 1. — Représentation en section d'un capillaire (pore cylindrique de rayon b).

a, tapissé par un film d'épaisseur e et de longueur L; b, occupé par une goutte de longueur /.

Fig. 1. — Cut view of a capillary tube (cylindrical pore) of radius b.

a, wetted by a film of thickness e and length L; b, filled by a drop of length l.

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23

où ysv est la tension interfaciale entre le solide et la vapeur. Nous pouvons donc, selon p, prévoir deux régimes :

1° Régime de prémouillage. — Un film se formera dans le capillaire dès que F/<FV, ce qui s'écrit :

où es a été défini par l'équation (5). L'épaisseur de ce film est fixée par dFf/ôe — 0, ou encore (e<^b) :

ce qui nous permet de construire l'isotherme e=f(p), elle fait l'objet de la figure 2. Remarquons que (14) et (15) imposent un seuil minimal en épaisseur :

L'existence même de ce seuil suppose que le paramètre d'étalement S est strictement positif, c'est-à-dire que la règle d'Antonow[4] qui dit que YSL = YSV+YLV et donc S = 0 est violée. Or, pour un liquide volatil, il se forme toujours un film liquide sur le solide et l'interface solide-vapeur n'existe donc pas. Néanmoins, on peut concevoir certaines situations où la vapeur serait effectivement en contact avec le solide [5] : en plaçant le capillaire verticalement dans un réservoir de liquide, il est légitime de penser que très

Fig. 2. — Isothermes d'adsorption pour un capillaire de rayon b, pour deux plaques distantes de 2b et pour une fibre de rayon b. L'épaisseur des films est portée en fonction de (RT/V0)Log(p/ps) (ou —pgh: voir texte). es est l'épaisseur d'équilibre d'une film seul [équation (5)] et ec d'un film en contact avec une goutte [équation(7)]. s=(3/2) (ajb) 213 est la correction due aux interactions de van der Waals (&<1) [équations (17) et (18)]. Pour le capillaire et les deux plaques, la divergence de e intervient kp<ps (condensation capillaire); pour la fibre, il faut sursaturer la vapeur pour la condenser.

Fig. 2. — Adsorption isotherms for a capillary tube of radius b, two plates separated by a distance 2 b and a fiber of radius b. The adsorbed thickness is plotted versus (RT/V0)Log(p/Ps) (or —pgh: see text), es being the equilibrium thickness of a film by its elf [équation (S)], ec the thickness of a film in contact with a drop [équation(J)]. e = (3/2)(a/b) 213 is a correction term due to van der Waals interactions (s<l) [équations (17) and (18)]. For a tube or for plates, e diverges for p<p$ (capillary condensation) while the vapour must be supersaturated to condense on fiber s.

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haut, aucun film liquide ne vient s'interposer entre le solide et la vapeur, l'interface solide-vapeur est alors définie, et donc il est possible d'envisager d'avoir S>0. Dans cet exemple, p0 est donné par —pgh où h est l'altitude au-dessus du réservoir et p la densité du liquide.

2° Régime de mouillage : condensation capillaire. — Le capillaire se remplit de liquide dès que F <Ff, c'est-à-dire :

Il y a condensation pour p <ps : c'est la condensation capillaire. Si on considère maintenant un tube capillaire vertical en contact avec un réservoir, la condensation aura heu pour h, hauteur au-dessus du réservoir, telle que ( fig. 2) :

ce qui est la loi de Jurin, corrigée par la prise en compte des interactions de van der Waals (voir à ce sujet [6]).

David Quéré remercie la Société Atochem pour son soutien financier. Note remise le 30 mars 1989, acceptée le 24 avril 1989.

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 25-28, 1989 25

Chimie de l'état solide/Solid State Chemistry

Détermination des liaisons hydrogène dans le composé d'addition urée-acide teîlurique : Te (OH)6.2 CO (NH2)2

Marie-Thérèse AVERBUCH-POUCHOT et André DURIF

Résumé —La structure du composé d'addition acide tellurique-urée a été réexaminée. La localisation des atomes d'hydrogène permet de décrire le réseau des liaisons hydrogène, essentiel pour la compréhension de la cohésion de ce type de composé d'addition.

Détermination of the hydrogen-bond scheme in the adduct telluric acid-urea:

Te(OH)6.2CO(NH2)2

Abstract — Crystal structure of Te(OH)6.2 CO (NH2)2 has been re-examined. The location of the hydrogen atoms authorizes the description ofthe three-dimensional network ofhydrogen bonds, essential to understand the cohésion ofthis kind ofadducts.

INTRODUCTION. — L'acide teîlurique a la propriété de former des composés d'addition avec un grand nombre de matériaux. Les composés d'addition de ce type avec lés phosphates minéraux, condensés ou non, sont très nombreux. Une mise au point sur ces matériaux a été récemment donnée par N. Boudjada [1]. Par contre, peu de ces composés d'addition sont connus dans le domaine de la chimie organique; on ne peut guère citer que Te(OH)6.2(NH3CH2C02).H20 étudié par Tranqui, Vicat et Durif [2], Te(OH)6.2(CH3NHCH2COOH) récemment décrit par Averbuch-Pouchot [3] et Te(OH)6.2CO(NH2)2 caractérisé par Loub, Haase et Mergehenn [4].

Dans ce type d'arrangements atomiques le groupement Te(OH)6 n'est rattaché au reste de la charpente que par des liaisons hydrogène. La connaissance aussi précise que possible de leur géométrie est essentielle pour la compréhension de la cohésion de tels arrangements.

La structure cristalline du composé d'addition urée-acide tellurique qui fait l'objet de ce travail a été déterminée dès 1979 [4], mais faute de données expérimentales suffisamment précises les auteurs ne purent localiser les atomes d'hydrogène et durent se contenter,

TABLEAU I

Paramètres utilisés pour la collecte des données de diffraction.

Parameters used for the intensity data collection.

Appareillage « Philips » PW1100 Taille du cristal 0,30 x 0,40 x 0,30 mm

Longueur d'onde Molybdène (0,7107 Â) Réflexions de contrôle . . . pas de variation

Monochromateur Graphite Absorption pas de correction

Largeur de balayage 1,20° Extinction g=4,l. 10- 5

Vitesse de balayage 0,04°. s- 1 Programme utilisé SDP [5]

Domaine de mesure de 3 à 45° 0 Ordinateur « MICROVAX El »

Type de balayage © Nombre de réflexions

indépendantes 3671

Nombre total de réflexions

mesurées 3929

Note présentée par Erwin-Félix BERTAUT. 0249-6305/89/03090025 $2.00 © Académie des Sciences

26 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 25-28, 1989

TABLEAU II

Coordonnées atomiques finales dans l'arrangement atomique de Te(OH)6.2CO(NH2)2. Les déviations Standard snnt Hnnnéps p.ntrp narftnthpçps

Final atomic coordinates for the atomic arrangement of Te (0H)6.2 CO (NH2)2. E.s.d.'s are given in parenthèses.

Atomes x y z B„

le 0 0,43225 (2) 1/4 1,32b (2)

O(l) 0,118 5 (1) 0,428 2 (2) 0,4966(1) 2,38 (3)

O (2) 0,078 8 (1) 0,2864 (2) 0,2178 (1) 2,49 (2)

0(3) 0,0814(1) 0,5888 (2) 0,2350(1) 2,15 (2)

O 0,1612 (1) 0,033 8 (2) 0,3907 (1) 2,13 (2)

C 0,1429 (1) -0,0208 (2) 0,488 8 (2) 1,81 (3)

N(l)... 0,1269(2) -0,1674 (2) 0,4900(2) 2,97 (3)

N(2) 0,1404(1) 0,068 5 (3) 0,5929(2) 2,73 (3)

Biso

H (1) 0,811 (3) 0,460 (4) 0,964 (4) 2,7 (7)

H (2) 0,395 (2) 0,734 (4) 0,201 (3) 2,8 (7)

H (3) 0,896 (3) 0,560 (4) 0,318 (4) 3,2 (7)

H (1 N1) 0,396 (2) 0,307 (4) 0,953 (3) 2,6 (6)

H (2N1) 0,113 (3) 0,245 (4) 0,891 (4) 3,3 (7)

H (1N2) 0,863 (2) 0,957 (4) 0,320 (3) 2,5 (7)

H (2N2) 0,851 (3) 0,164 (6) 0,906 (1) 5 (1)

pour tenter d'expliquer le réseau des liaisons hydrogène, de considérations basées sur les distances N-O et O-O.

Nous présentons dans ce travail une structure cristalline basée sur des données expérimentales plus précises qui ont permis la localisation des atomes d'hydrogène et leur affinement.

ÉTUDE CRISTALLOGRAPHIQUE. — Les monocristaux utilisés dans cette étude ont été préparés selon le procédé décrit antérieurement [4]. Le tableau I rassemble les principaux paramètres expérimentaux utilisés pour la mesure des intensités de diffraction.

Les paramètres de réseau mesurés au cours de cette nouvelle étude ne diffèrent pas sensiblement de ceux donnés par les premiers auteurs : a = 14,815 (8), b = 8,882 (5), c = 10,020(5)À, p = 129,15 (5)° (présente étude); a = 14,828 (8), ft = 8,891 (6), c = 10,023 (7) Â, p = 129,13 (5)° [4].

Le groupe spatial est C 2/c avec Z = 4.

Pour la conduite de raffinement nous avons utilisé comme paramètres de départ ceux précédemment déterminés [4]. Les atomes d'hydrogène ont été localisés à l'aide des séries de Fourier-différence et affinés avec des paramètres thermiques isotropes. La valeur finale du paramètre R est de 0,031 pour un ensemble de 3 300 réflexions correspondant au critère I>4crI, soit près de 34 données par paramètre affinable. Les valeurs finales des paramètres de position atomique sont consignées dans le tableau II.

La liste des facteurs thermiques anisotropes des atomes lourds (Te, O, C et N) et celle des facteurs de structure observés et calculés sont disponibles sur demande aux auteurs.

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TABLEAU III

Principales distances interatomiques (Â) et angles de liaison (°) dans l'arrangement atomique

de Te(OH)6.2CO(NH2)2. Les déviations standard sont données entre parenthèses.

Main interatomic distances (Â) and bond angles (°) in the atomic arrangement of Te (OH)6.2 CO (NH2)2.

E.s.d.'s are reported in parenthèses.

L'octaèdre Te (OH) 6

Te-O(l) 1,926 (1) 0(1)-Te-0(1) 177,86 (9)

Te-0(2) 1,903 (2) 0(2)-Te-0(3) 174,63 (7)

Te-0(3) 1,907 (2) 0(l)-Te-0(2) 92,55 (6)

0(l)-Te-0(2) 85,99 (6) Te-0(1)-H(l) 115 (2)

0(l)-Te-0(3) 90,28 (6) Te-0(2)-H(2) 101 (3)

0(l)-Te-0(3) 91,28 (6) Te-0(3)-H(3) 111 (3)

0(2)-Te-0(2) 94,20 (8)

0(2)-Te-0(3) 89,81 (7)

0(3)-Te-0(3) 86,41 (7)

Le groupement urée

C-O 1,270 (3) O-C-N(l) 120,6 (2)

C-N(l) 1,325 (3) 0-C-N(2) 120,3 (2)

C-N(2) 1,329 (3) N(l)-C-N(2) 119,1 (2)

H(1N1)-N(1)-H(2N1) 120 (3)

H(1N2)-N(2)-H(2N2) 109 (4)

Les liaisons hydrogène

0(N)-H...O 0(N)-H H...O 0(N)-0 0(N)-H...O

0(1)-H(1). . .O 0,90 (4) 1,84 (4) 2,717 (2) 163 (3)

0(2)-H(2).. .O 0,80 (3) 1,93 (3) 2,618 (2) 145 (4)

0(3)-H(3)...0(l) 0,82(5) 2,01(5) 2,774(2) 155(3)

N(1)-H(1N1)...0(2) .... 0,86(4) 2,14(4) 2,981(3) 168(3)

N(1)-H(2N1)...0(3) 1,12(4) 1,98(4) 3,081(3) 169(3)

N(2)-H(1N2)...0 0,94(4) 2,02(4) 2,943(3) 168(3)

N(2)-H(2N2)...0(1) . . . . 0,86(5) 2,47(5) 3,294(3) 162(2)

DISCUSSION. — Le tableau III rassemble les principales distances interatomiques et angles de liaisons dans cet arrangement. En ce qui concerne les atomes lourds, sans que l'on observe de différences fondamentales, il convient néanmoins de noter que dans la présente étude le groupement urée apparaît notablement plus symétrique que dans la première détermination : les trois angles formés par les atomes d'azote et l'atome d'oxygène autour du carbone central de la molécule s'échelonnent de 119,1 à 120,6° alors que la première détermination les montre compris entre 117,9 et 122,5e. Toujours dans cette même molécule les deux distances C-N qui étaient de 1,351 et 1,383 Â sont maintenant observées presque identiques (1,325 et 1,329 Â).

Le tableau III rapporte également les valeurs numériques détaillées des distances et des angles de liaison dans le schéma des liaisons hydrogène. C'est à ce niveau que certaines des hypothèses antérieures sont remises en cause. L'atome d'oxygène de la molécule d'urée ne forme pas deux liaisons hydrogène, mais trois: 0(1)-H(1). . .O, 0(2)-H(2). . .OetN(2)-H(lN2). . .O. De même l'affirmation que chaque atome d'oxygène du groupement Te(OH)6 est impliqué dans deux liaisons se trouve infirmée. En effet l'atome O(l) de ce groupement participe à trois liaisons : 0(1)-H(1). . .O, 0(3)-H(3). . .O(l) et N(2)-H(2N2). . .O(l). De même l'atome d'oxygène de la molécule d'urée n'est pas impliqué seulement dans deux liaisons hydrogène mais participe à trois d'entre elles : 0(1)-H(1). . . O, 0(2)-H(2)... O et N(2)-H(2N2). . . O.

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Comme le montre la figure, l'arrangement peut être décrit comme une succession de couches de groupements Te(OH)6 encadrées par deux couches de molécules d'urée. Les couches ainsi formées sont parallèles au plan (a, b) et la totalité des liaisons hydrogène s'établissent à l'intérieur de ces couches.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 25 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] N. BOUDJADA, Thèse, Université de Grenoble, 1985.

[2] D. TRANQUI, J. VICAT et A. DURIF, Acta Cryst., C40, 1984, p. 181-184.

[3] M.-T. AVERBUCH-POUCHOT, Z. Kristallogr., 183, 1988, p. 285-291.

[4] J. LOUB, W. WAASE et R. MERGEHENN, Acta Cryst., B 35, 1979, p. 3039-3041.

[5] Structure Détermination Package, Enraf Nonius, 1977, Delft.

[6] R. X. FISCHER, STRUPLO, J. Appl. Cryst., 18, 1985, p. 258-262.

Laboratoire de Cristallographie, associé à l'Université 3.-Fourier, C.N.R.S., 166 X, 38042 Grenoble Cedex.

Projection selon la direction b de l'arrangement atomique de Te(OH)6.2CO(NH2)2. Les atomes d'hydrogène ne sont pas représentés. Dessin réalisé à l'aide du programme STRUPLO [6]. Les cercles vides les plus petits représentent les atomes de carbone, les plus gros les atomes d'oxygène. Les atomes d'azote correspondent aux cercles de diamètre intermédiaire. Les groupements Te(OH)6 sont schématisés par les octaèdres hachurés. La seule liaison hydrogène représentée (trait hachuré) est celle connectant les octaèdres Te(OH)6.

Projection along the b axis of the atomic arrangement of Te(OH)6.2CO(NH2)2. Hydrogen atoms hâve been omitted. Drawing performed using STRUPLO program [6]. The smallest empty circle corresponds to the central carbon atom of the urea molécule, the intermediate one to the nitrogen atoms and the largest one to oxygen atoms. Te(OH)6 groups are schematized by hatched polyhedra. The only hydrogen-bond figured out (hatched Une) is that Connecting the Te(OH)6 groups.

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Chimie de l'état sohde/Solid State Chemistry

Préparation et données radiocristallographiques de trois nouveaux composés : TlSb2POg, TlSbP2Og et KSb2AsOg

Mohamed Faouzi ZID, Tahar JOUTNI et Noureddine JOUINI

Résumé — Trois phases nouvelles, TlSb2POs, TlSbP2Os et KSb2AsOg, ont été préparées. La symétrie a été déterminée par diffraction X sur monocristal. TlSb2P08 et KSb2AsÔ8 (groupe d'espace Ce) d'une part et TlSbP208 (groupe d'espace R—3) d'autre part s'avèrent isostructuraux respectivement de KSb2POg et KSbP2Og.

Les paramètres de maille affinés à partir des diagrammes de poudre obtenus au moyen d'une chambre de type Guinier-Dewolf et les densités calculées sont :

TlSb2POs : a= 12,500(4); 6 = 7,134(4); c= 15,061 (4) Â; p=96,38(2)°; Dc = 6,04;

KSb2As08 : a = 12,375(7); 6 = 7,352(5); c=15,250(9) À; p = 94,95(4)°; Dc = 4,66;

TlSbP2Os : a=4,7954(9); c = 26,103(6) Â; Dc = 4,95.

Préparation and radiocrystallographic data for three new compounds: TlSb->POB,

Abstract — Three new phases, TlSbP208, TlSb2POs and KSb2AsOs, hâve been prepared. The symetry was determined by single crystal X-Ray diffraction. TlSb2POe and KSb2AsOs (space group Ce) on one hand and TlSbP2Os (space group R —3) on the other hand are isostructural respectively with KSb2P0s and KSbP20a.

The cell parameters refined from Guinier powder photographs and the calculated densities are:

TlSb2POs: a= 12.500(4); 6 = 7.134(4); c = 15.061(4) A; P = 96.38(2)°; Dc = 6.04;

KSb2AsOs: a=12.375(7); 6 = 7.352(5); c = 15.250(9) Â; P = 94.95(4)°; Dc=4.66;

TlSbP2Os: a=4.7954(9); c=26.103(6) Â; Dc=4.95.

1. INTRODUCTION. — Dans l'objectif de l'élaboration de nouveaux matériaux susceptibles de présenter des propriétés physiques performantes (catalytiques, d'échange d'ions, de conduction ionique), l'intérêt s'est porté ces dernières années sur l'étude des systèmes A-M-M'-O (A = alcalin ou pseudo-alcalin, M = Sb, Nb et M' = P, As) ([1] à [8]).

L'exploration des systèmes Tlr-Sbv-P-0 et K-Sbv-As-0 nous a permis d'isoler et caractériser les phases TlSbP2Og, TlSbP2Og et KSb2AsOg dont nous indiquons ici le mode de préparation et les caractéristiques radiocristallographiques.

2. PRÉPARATION CHIMIQUE. — Ces composés ont été obtenus à partir de mélanges stoechiométriques intimes de carbonate M2C03(M=K, Tl), de Nb2Os et de NH4H2Mv04 (Mv = P, As). Les préparations effectuées dans des creusets de zircone comportent un préchauffage à 300°C pendant 3 h en vue de la décomposition du sel d'ammonium. Les mélanges sont ensuite portés à l'air pendant 24 h à 900°C pour les composés du phosphore et à 800°C pour celui de l'arsenic. Les cristaux obtenus sont tous incolores et se présentent sous forme de plaquettes hexagonales pour TlSbP2Og et KSb2AsOg et sous forme de bâtonnets pour TlSbP2Og.

3. ÉTUDE RADIOCRISTALLOGRAPHIQUE. — Les trois phases ont fait l'objet d'études sur monocristal par la méthode de Weissenberg. Ces études montrent que TlSb2POg et KSb2AsOg cristallisent dans le système monoclinique avec le groupe d'espace Ce, alors que TlSbP2Og cristallise dans le système rhombohédrique avec le groupe d'espace R—3.

Note présentée par Paul HAGENMULLER. 0249-6305/89/03090029 $2.00 © Académie des Sciences

30 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 29-31, 1989

TABLEAU I

Caractéristiques radiocristallographiques.

Radiocrystallographic data.

Formule G.s. Z a(k) b (A) c (Â) 6H V (Â 3) De

TlSbP2Os Ce 8 12,500(4) 7,134(4) 15,061(4) 96,38(2) 1335 6,04

KSb2AsOB Ce 8 12,375 (7) 7,352 (5) 15,250 (9) 94,95 (4) 1 382 4,66

TlSbP2Os R-3 3 4,7954(9) 26,103(6) 520 4,95

TABLEAU II

Diagramme de poudre indexé de TlSb2POs.

Indexed powder diagram for TÎSb2POs.

h k l d.h5 rf , lote h k l dobs d„, I.b,

2 0 0 6,22 6,21 7 5 1-2 2,307 2,309 8

1 1 1 5,63 5,61 8 116 2,271 2,270 7

2 0 2 4,543 4,538 23 5 1-4 2,089 2,089 6 0 0 4 3,748 3,742 25 514 1,899 8 1,900 5 <5 0 2 0 3,570 3,567 20 3 3 3 1,868 3 1,869 7 18 2 0-4 3,376 3,376 78 4 0 6 1,848 4 1,847 6 8 4 0 0 3,108 3,106 26 11-8 1,817 3 1,819 3 5

2 0 4 3,058 3,058 32 6 2 0 1,790 7 1,790 7 9

4 0-2 2,990 2,988 9 6 2-2 1,779 6 1,780 9 6

0 2 3 2,899 2,901 87 7 1-3 1,685 4 1,684 8 7

3 1 3 2,785 2,785 22 4 2-7 1,650 2 1,649 7 <5 3 1 -4 2,724 2,721 8 5 3 2 1,647 5 1,646 9 <5

1 1 5 2,640 2,638 13 8 0-2 1,555 0 1,555 0 10 0 0 6 2,492 2,495 100 8 0 0 1,552 6 1,552 6 10

2 0-6 2,408 2,409 5 5 1-8 1,544 1 1,543 7 <5

5 1-1 2,354 2,356 <5

TABLEAU III

Diagramme de poudre indexé de TlSbP208.

Indexed powder diagram for TlSbP2Os.

h k l dobs 4.1 Iobs h k l dobs dcil Iobs

0 0 6 4,353 4,351 70 0 2 4 1,979 5 1,978 8 19

0 1 2 3,958 3,958 42 2 0 8 1,752 9 1,751 9 12

1 0 4 3,507 3,504 100 0 1 14 1,701 0 1,701 0 13 0 1 5 3,248 3,250 12 0 2 10 1,625 1 1,625 1 9 0 0 9 2,897 2,900 21 1 1 12 1,611 1 1,611 1 23

0 1 8 2,561 2,566 39 12 2 1,559 3 1,558 5 7

1 1 0 2,396 2,398 44 2 14 1,525 2 1,526 2 16 1 1 3 2,312 2,312 9 0 0 18 1,450 2 1,450 2 5 10 10 2,212 2,212 27 2 117 1,447 9 1,446 8 <5

0 0 12 2,176 2,175 12 1 1 15 1,408 4 1,408 4 28

1 1 6 2,099 2,100 32 3 0 0 1,384 4 1,384 4 10

2 0 2 2,053 2,051 11

Les paramètres ont été affinés à partir des diagrammes de poudre (tableaux II, III et IV) réalisés sur chambre à focalisation « Enraf-Nonius » de type Guinier-Dewolf utilisant la radiation Kôc du cuivre (X= 1,5418 Â). A1(P03)3 a été utilisé comme étalon interne.

Les données radiocristallographiques relatives aux trois phases sont rassemblées au tableau I.

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TABLEAU IV

Diagramme de poudre indexé de KSb2AsOs.

Indexed powder diagram for KSb2AsOs.

h k l ' doi5 dcai Iobs h k l dobs dcal Iobs

0 0 2 7,56 7,59 <5 0 0 6 2,356 2,532 61

1 1 0 6,32 6,31 48 13-1

2 0 0 6,19 6,16 87

1 1 -1 5.92 5.89 44 2 2 4

2,380 2,378

2,377

10

2 0-2 5,03 5,02 67 5 1-1

1 1 2 4,750 4,745 13

1 1 -3 4,033 4,038 56 5 10

2,339 2,338

2,338

12 ...

3 1 0 3,590 3,587 33 5 1-2

2 0-4 3,363 3,366 10

1 1 4 3.204 3.199 77 5 11

2,288 2,286

2.283

25

2 2 0 3,160 3,157 36 3 15 2,233 2,237 40

2 0 4 3,111 3,116 27 2 2 5 2,141 2,143 21

2 2 1 3,069 3,064 23 3 3 2 2,006 2,006 <5

3 1 -3 3,038 3,039 53 6 0 2 1,941 1,942 8

0 2 3 2,979 2,975 63 3 3 3 1,912 1,914 37

2 2-2 2,960 2,962 100 0 4 1 1,822 1,825 27

4 0-2 2,948 2,946 93 5 1-6 1,791 1,792 46

3 1 3 2,835 2,835 40 6 2-3 1,732 1,732 33

1 1 5 2,692 2,692 24 7 12 1,640 1,641 18 0 2 4 2,650 2,642 33 5 3 3 1,615 1,614 13

4. ÉTUDE STRUCTURALE. — TlSbP2Og et KSb2AsOg s'avèrent isostructuraux de

KSbP208 dont la structure a été déterminée par Tournoux et coll. [4]. Dans cette structure la charpente anionique (Sb2POs")„ peut être décrite à partir d'octaèdres SbOe partageant des arêtes ou des sommets et de tétraèdres P04. Ces derniers sont liés aux octaèdres par des sommets communs. Cette charpente covalente délimite des tunnels parallèles à l'axe b dans lesquels s'insèrent les cations K+.

TlSbP2Os s'avère isostructural de KSbP2Og [5]. La charpente anionique (SbP208)n résulte de l'assemblage d'octaèdres SbOe et de tétraèdres P04 ne partageant que des sommets. Un des oxygènes du tétraèdre n'est pas ponté. Dans cet assemblage chaque antimoine est entouré de six oxygènes appartenant à six tétraèdres différents.

Les groupements (SbP2Og")„ constituent des couches entre lesquelles viennent se loger les ions K+. Note remise le 14 avril 1989, acceptée le 25 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] A. LACHGAR, S. DENIARD-COURANT et Y. PIFFARD, J. Solid State Chem., 63, 1986, p. 409-431. [2] A. LACHGAR, S. DENIARD-COURANT et Y. PIFFARD, J. Solid State Chem., 58, 1988, p. 138. [3] Y. PIFFARD, A. LACHGAR et M. TOURNOUX, Mat. Res. Bull, 21, 1986, p. 1231-1238. [4] Y. PIFFARD, A. LACHGAR et M. TOURNOUX, Mat. Res. Bull, 20, 1985, p. 715-721. [5] Y. PIFFARD, S. OYETOLA, S. COURANT et A. LACHGAR, J. Solid State Chem., 60, 1985, p. 209-213. [6] A. HADDAD, T. JOUINI, N. JOUINI et Y. PIFFARD, J. Solid State Chem., 77, 1988, p. 293-298. [7] M. F. ZID, T. JOUINI, N. JOUINI et M. OMEZZINE, J. Solid State Chem., 74, 1988, p. 337-342. [8] A. HADDAD, T. JOUINI et M. GHEDIRA, Acta Cryst., CM, 1988, p. 1155-1157.

M. F. Z. et T. J. : Département de Chimie, Faculté des Sciences de Tunis, 1060 Tunisie; N. J. : École normale supérieure de l'Enseignement Technique de Tunis, 1000 Tunisie.

C. R., 1989, 2E Semestre (T. 309) Série II - 3

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 33-36, 1989 33

Chimie organique biologique/Bioorganic Chemistry

Plantes de Nouvelle-Calédonie CXXVIII [1] : Hydroxy-17^

déhydrovoachalotines, nouveaux alcaloïdes d' Alstonia

undulata Guillaumin (Apocynacées), structures et

hémisynthèse

Anne-Marie MORFAUX, Dominique GUILLAUME, Georges MASSIOT et Louisette LE MEN-OLIVIER

Résumé — La structure des hydroxy-171, déhydrovoachalotines, nouveaux alcaloïdes isolés d'Alsto■ nia undulata Guillaumin, est établie à l'aide de données spectroscopiques et confirmée par hémisynthèse à partir de la vincamajine.

Plants from New Caledonia CXXVIII: 17 ^-hydroxy-dehydrovoachalotines, novel

alkaloids from Alstonia undulata Guillaumin (Apocynaceae)

Abstract — Structure of 17'1,-hydroxy-dehydrovoachalotines, new alkaloids isolated from Alstonia undulata Guillaumin, lias been established by spectroscopic means and confirmed by a hemisynthesis from vincamajine.

Le carbone C-6 des alcaloïdes indoliques est rarement fonctionnalisé pour des raisons de biogenèse, mais aussi à cause d'un manque de réactivité chimique; de notables exceptions sont, entre autres, les alcaloïdes de type gelsemine [2] et gardnutine [3]. Dans cette Note et dans la suivante, on décrit de nouveaux alcaloïdes indoliques dont le C-6 est fonctionnalisé, ainsi qu'une réaction chimique permettant de les préparer.

L'hydroxy-17^ déhydrovoachalotine 1 est un alcaloïde nouveau isolé des feuilles et des racines à'Alstonia undulata Guillaumin récolté en Nouvelle-Calédonie ([4], [5]) : c'est un produit amorphe ([a]D=+93°; c=0,5, CHC13) qui présente en CCM une coloration violette après pulvérisation de réactif cérique; avec le temps la partie centrale de la tache devient jaune puis grisâtre. Le spectre ultraviolet de 1, enregistré dans le méthanol, présente des maximums à 225 (log e=4,5), 280 (3,84) et 289 (3,75) nm; il est caractéristique d'un noyau indolique. Le spectre IR montre des absorptions à 3400 cm- 1 (OH) et 1735 cm- 1 (ester).

Le pic de masse la plus élevée du spectre de masse apparaît à mjz 380,1736 ce qui correspond à une composition de C22H24N204. Ce pic est accompagné de fragments importants à m/z : 336 (80%) et 335 (90%) (M+-44 et -45) : les pics de base du spectre (m/z : 183 et 182) correspondent aux fragments principaux des N-méthyl a(3 carbolines.

Note présentée par Pierre POTIER.

0249-6305/89/03090033 $2.00 © Académie des Sciences

34

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 33-36, 1989

Les spectres de RMN du proton et du carbone-13 de 1 ont été enregistrés à 300 et 75 MHz respectivement et interprétés grâce à des expériences COSY H-H et COSY C-H. Ils montrent deux jeux de signaux dont l'un est largement majoritaire (>80%); ils correspondent à un mélange d'anomères en équilibre qu'il n'est pas possible de séparer. Le spectre RMN 1H présente des signaux pour 23 des 24 protons, le proton échangeable n'étant pas détecté (tableau I); les deux méthylènes 14 et 21 sont fortement couplés et leurs signaux ne peuvent être analysés au premier ordre. Les protons H-5 et H-6 apparaissent comme deux doublets couplés (J = 8,3 Hz) attachés à des carbones résonnant à 60,9 et 69,5 ppm respectivement. Le déplacement de ce dernier carbone montre qu'il est substitué par un hétéroatome. Le proton H-5 est aussi couplé à longue distance (J=l Hz) avec un singulet élargi centré à 5,25 ppm, lié à un carbone résonnant à 97,8 ppm; ce déplacement chimique suggère une substitution par deux hétéroatomes. La grande ressemblance entre les spectres de RMN 13C du composé 1 et de la déhydrovoachalotine 2 [6] amène à proposer pour 1 la structure de l'hydroxy-17^ déhydrovoachalotine (tableau II).

TABLEAU I

Spectre de RMN 1H (300 MHz) de l'alcaloïde 1 (CDC13).

Déplacements chimiques.

XH NMR data for alkaloid 1 (300 MHz, CDCl3).

Dérivé majoritaire Dérivé minoritaire

ppm Multiplicité J (Hz) (ppm)

H-3 3,9 dd 11; 5 4,05

H-5 4,55 dd 8,3; 1 4,60

H-6 5,85 d 8,3 5,75

H-9 . 7,60

H-10

H-ll

H-12 7,10

H- 14 W m 2,65

H-15 3,40 t 3 3,50

H-17 5,25 s large 1 5,45

H-18 1,65 dt 7 1,60

H-19 5,35 qq 6,9

H-21 3,60 m

N-Me 3,61 s

Co2Me 3,70 s

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série n, p. 33-36, 1989 35

TABLEAU II

Spectre de RMN 13C (75 MHz) des alcaloïdes 1 et 2.

I3C NMR data for alkaloids 1 and 2 (75 MHz).

C 12 C 12

2 142,7 143,6 14 28,4 29,0

3 46,3 47,0 15 30,0 31,0

5 60,9 61,5 16 56,4 53,9

6 69,5 72,6 17 97,8 68,3

7 103,6 103,5 18 12,8 12,7

8 125,7 126,5 19 116,9 116,5

9 118,2 119,1 20 134,6 135,9

10 119,7 120,1 21 54,4 55,4

11' 121,2 121,7 C=0 172,6 175,9

12 108,8 109,2 O-Me 51,7 52,1

13 136,7 137,7 N-Me 29,0 29,0

Une première confirmation de cette hypothèse est fournie par le spectre de corrélation C-H par les petits couplages (COLOC) qui montre, entre autres choses, que les carbones C-6 et C-17 appartiennent à un même cycle. Les corrélations les plus significatives sont résumées dans le tableau III.

La fermeture du cycle oxygéné fixe l'orientation des substituants du C-16, mais la présence de la fonction acétalique amène un carbone asymétrique supplémentaire de configuration indétenninée. Celle-ci a été établie par comparaison des spectres de RMN du 13C de l'hydroxy-17^ voachalotine 1 et du composé parent 2 (tableau II). L'introduction de l'hydroxyle en 17 n'entraîne aucun déplacement significatif du C-14 dont on aurait pu attendre un déblindage léger consécutif à une substitution en 8. Pour ces raisons, il est proposé une configuration 17-R pour l'acétal majoritaire. Il n'a pas été possible de déterminer totalement le spectre de RMN 13C du dérivé minoritaire, mais le spectre COSY H-H du mélange permet d'évaluer les déplacements chimiques de la plupart des protons de cette molécule. Le déplacement le plus marquant est celui de l'hydrogène 14 p qui subit un déplacement chimique de +0,8 ppm. Il existe dans la littérature de nombreux précédents de déblindages induits par la proximité spatiale d'hétéroatomes ([7], [8]). Cet effet amène à proposer le configuration 17-S pour l'hémiacétal minoritaire, ce qui confirme l'attribution basée sur RMN 13C de la configuration de l'hémiacétal majoritaire.

De façon à déterminer la configuration absolue de 1, une corrélation chimique avec la vincamajine 3 a été réalisée. La liaison 7-17 de la vincamajine 3 [9] a été ouverte dans des conditions oxydantes selon un protocole bien connu [10] pour donner l'aldéhyde 4 apparenté à la polyneuridine. Les travaux de Yonemitsu [11] ayant démontré qu'il est possible d'abstraire un ion hydrure de la position 6 des tétrahydro p carbolines au moyen de la dichlorodicyanobenzoquinone (DDQ), il était raisonnable de penser que le

TABLEAU III

Corrélations C-H (COLOC) de l'alcaloïde 1.

Long range CH corrélations for alkaloid 1 (COLOC expérimeni).

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série U, p. 33-36, 1989

carbocation intermédiaire serait piégé par l'oxygène de la fonction aldéhyde voisine. En effet, le traitement du composé 4 dissous dans le THF sec, par un équivalent de DDQ, fournit après traitement par l'eau du milieu réactionnel un mélange d'hémiacétals interconvertibles en tout point identiques au produit naturel issu d'A undulata. Cette réaction apporte confirmation de la structure proposée pour 1 et permet d'espérer pouvoir préparer de nouveaux alcaloïdes substitués sur leur C-6.

Note remise le 27 février 1989, acceptée le 26 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[I] Publication précédente dans la série : S. LITAKU, A. L. SKALTSOUNIS, F. TILLEQUIN, M. KOCH et J. PUSSET, Ann. pharm. fr. (à paraître).

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[5] Le docteur T. Sévenet a assuré la récolte du matériel végétal.

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[11] Y. OIKAWA et O. YONEMITSU, J. Org. Chem., 42, 1977, p. 1213-1216.

Faculté de Pharmacie, 51, rue Cognacq-Jay, 51000 Reims.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 37-42, 1989 37

Chimie analytique/Analytical Chemistry

Calcul des indices de rétention de quelques plastifiants en

chromatographie en phase gazeuse avec programmation

linéaire de température

Farhi HELAIMIA et Djelloul MESSADI

Résumé — Une méthode de calcul des indices de rétention en chromatographie gazeuse, basée sur l'interpolation spline cubique, ne nécessite pas la présence dans l'échantillon de séries homologues complètes de n-alcanes. L'application à quelques plastifiants élues sur deux colonnes de polarités différentes montre que les indices ainsi obtenus se distribuent plus linéairement que ceux calculés de façon classique.

Détermination of linear programmed température gas chromatography rétention

indices for some plasticizers

Abstract — A method which allows the détermination of rétention indices in programmed température gas chromatography (P.T.G.C.) is described. The method, based on cubic spline interpolation, does not require the présence of a complète homologous sériés of n-alkanes in the sample. Its application ■ to some plasticizers, eluted on two columns of différent polarities, shows that the indices obtained béhave more linearly than those determined by the classical method.

Abridged English Version — The Kovats index has been extended to programmed température gas chromatography by several authors[l]. A compound X eluted between two référence M-alkanes of chain lengths(Z) and (Z + i) hâve a rétention index for programmed elution expressed as:

Where Tr is the rétention température of the three compounds considered.

The linearity between the rétention température and the number of carbon atoms thus assumed can be derived theoretically if a number of restrictive assumptions are made [2].

The practical vérification of the supposed linearity was first attempted. The rétention températures were obtained from a theoretical model[3] which makes use of a transcendent intégral:

Where T0 is the column temperaure at time 0, which is the moment, of injection of the soluté and start of heating at a constant rate b. The tg is the rétention time of a nonsorbed sample (méthane), R is the gas constant, AH° is the standard vaporisation enthalpy of the soluté from the solution in the stationary phase, and A is an entropy term. Both of thèse thermodynamical values, required for the calculation of the soluté rétention température, were obtained by measuring the isothermal rétention times over an interval of sixty degrees, using a 10° spacing.

The measurements were made with an IGC 16 gas chromatograph (Intersmat) fitted with an FID detector. The stainless steel columns used (2 m long, 3 mm inner diameter) were packed with liquid stationary phase, SE 30 or QF 1, deposited on Chromosorb Q_(60-80 mesh);

Note présentée par Raymond DAUDEL. 0249-6305/89/03090037 $2.00 © Académie des Sciences

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the percentage loading of liquid phase on the support was 2.5%. Control measurements allow to introduce an average heating rate for the calculation.

Equation (2) was resolved numerically by Newton's method, with the help of a computer. Plots of the calculated rétention températures against AH° are shown in Figure 1. It can be seen, because of the errors generated, that not every linear interpolation of the data set is appropriate.

The simultaneous changes in Log A and AH° hâve been used to predict the variation of rétention température [2]. A linear relationship between Tr and AH° could occur only when A is constant. A simultaneous decrease in Log A and AH" would cause a curvature towards lower températures. Our results (Fig. 2) do not verify thèse assertions.

Because of the lack of linearity between the rétention température and the number of carbon atoms, the rétention indices will be determined by non linear interpolation. Amongst ail functions f interpolating a given data set, the cubic spline [4] is the most regular. It reduces to a polynomial of degree one, if the data points lie on a straight line.

The method was applied to the détermination of linear PTGC indices of some plasticizers, eluted on two columns of différent polarities (SE 30 and QF 1), when the starting température was To = 100°C, and the fïxed heating rate was b = 10°/min.

AH the calculations were performed on a micro computer (Olivetti M 24) using BASIC language (program listing is available from the authors upon request). Corrélations between rétention indices and rétention températures were established [5].

Table reports the index values calculated by the linear [équation (1)] and the spline interpolations. The two techniques yield significantly différent results in the régions where the calibration data do not behave linearly.

The sums of squared second divided différences were calculated for the consécutive plasticizers, when the rétention indices are computed by the linear Q]) and the spline (£)

L S

methods. The following results:

show that the rétention indices determined by the spline method behave more linearly, since ]£ (where M = L, s) vanishes for a set of points lying on a straight line.

M

The relationship between the carbon number of the homologs and their rétention températures being not strictly linear, a simple method yielding an acceptable calibration curve connects the data points by a broken line. The use of mixtures of consécutive normal paraffins, so that interpolation occurs over the shortest possible interval, minimizes the error due to the non linearity. Besides the existence of practical diffïculties (availability of hydrocarbons, complexity of the sample to be tested), the method is not suitable for the détermination of rétention indices with sufficient précision, especially when the data serve as input for satistical anafyses and identification procédures. Cubic spline interpolation avoids thèse inconveniences, and furnishes results that are more consistent with the scheme of rétention indices.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série n, p. 37-42, 1989 39

L'indice de Kovats a été étendu par certains auteurs [1] à la chromatographie en phase gazeuse avec programmation de la température (C.G.P.T.). L'équation(l) définit ce type d'indice de rétention pour une substance X éluée entre deux paraffines normales à (Z) et (Z+i atomes de carbone :

Tr étant la température de rétention des trois composés considérés.

Cette extension dépend de la linéarité entre les n-alcanes de référence et leurs températures de rétention qui peut être établie théoriquement en posant quelques hypothèses simplificatrices [2].

Nous avons d'abord cherché à vérifier pratiquement cette linéarité en utilisant pour le calcul des températures de rétention un modèle établi [3], dont le point de départ est l'équation fondamentale de la C.G.P.T. exprimée sous la forme thermodynamique suivante :

T0 est la température de la colonne au temps 0, correspondant à l'injection du soluté et au démarrage simultané de la programmation de température avec une vitesse b constante, tg est le temps de rétention d'un composé non retenu (méthane) et R la constante des gaz parfaits. AH° est Fenthalpie standard de vaporisation du soluté à partir de la solution dans la phase stationnaire, et A un terme entropique. Les valeurs de ces caractéristiques thermodynamiques ont été obtenues à partir de mesures isothermes effectuées sur un intervalle de 60°C, en faisant varier la température par bonds de 10°C, et en supposant que Log A varie linéairement avec AH" pour toute série homologue. Les mesures ont été réalisées avec un chromatographe « IGC16 » (Intersmat) muni d'un détecteur à ionisation de flamme. Les colonnes utilisées en acier inoxydable (longueur 2 m; diamètre intérieur : 3 mm), sont garnies de phases stationnaires constituées de solvant, SE 30 (peu polaire) ou QF1 (moyennement polaire) déposé sur du Chromosorb Q (60-80 mesh); le taux d'imprégnation par rapport au support nu est de 2,5%. Des mesures de contrôle ont permis de faire intervenir dans les calculs une vitesse moyenne de montée en température.

Les températures ont été calculées en résolvant numériquement (méthode de Newton) l'équation (2) à l'aide de l'ordinateur. Les courbes de la figure 1 reproduisent les variations des températures de rétention des n-alcanes de référence en fonction de leurs enthalpies standards de vaporisation. Évidemment, toute approximation linéaire de l'ensemble des résultats, sur chaque colonne, est inappropriée à cause des erreurs qu'elle engendre.

Les changements des valeurs de Log A et de AH° ont été utilisés pour prévoir les variations de la température de rétention [2]. Une relation linéaire entre la température calculée et AH" n'est possible que si Log A est constant, alors qu'une diminution simultanée des valeurs de Log A et de AH° se traduit par une incurvation vers les températures les plus basses. Nos résultats (fig. 2) ne vérifient pas ces assertions. Dans ces conditions une fonction régulière passant par tous les points expérimentaux sera plus adaptée pour le calcul des indices de rétention en C.G.P.T. Parmi toutes les fonctions interpolantes possibles d'un ensemble de résultats expérimentaux, la fonction spline cubique [4] est la plus régulière; elle convient aussi bien pour les données linéaires que non linéaires.

40 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 37-42, 1989

Fig. 1. — Température de rétention, Tr, en fonction de Penthalpie standard de vaporisation,

AH", des n-alcanes en solution dans la phase stationnaire liquide.

Fig. 1. — Rétention température, TT, against standard vaporisation enthalpy,

AH", of the n-alkanes from the solution in the liquid stationary phase.

Fig. 2. — Logarithme du terme entropique A en fonction de AH". Fig. 2. — Logarithm of the entropy term A against AH".

La méthode a été appliquée au calcul des indices de rétention de quelques plastifiants élues en programmation de température sur deux colonnes de polarités différentes (SE 30 et QF1) dans les conditions suivantes : T0 = 100°C; b (affichée) = 10°C/mn.

Les calculs ont été faits sur l'« Olivetti M 24 » en utilisant le langage de programmation BASIC (le listing du programme peut être obtenu sur demande, auprès des auteurs), et

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TABLEAU

Température de rétention mesurée des solutés

et indices de rétention des plastifiants calculés par interpolations linéaire et spline cubique.

Measured rétention température of solutes

and plasticizers rétention indices determined by linear and cubic spline interpolations.

SE 30 QF1

Soluté Tr(°C) IL Is Tr(°C) IL Is

Di méthyl-phtalate 165 1425 1400 172 1971 1965

Di éthyl-phtalate 181,5 1558 1584 183 2106 2097,9

Di méthyl-sébaçate 186 1619 1630,9 183 2110 1110,6

Tri butyl-phosphate 186,5 1623 1636 193,5 2221 2232,2

Di allyl-phtalate 195 1708 1717,6 194 2225 2238,6

Di butyl-adipate 199 1731 1754,4 195 2242 2251,5

Di éthyl-sébaçate 200 1759 1763,5 193 2195 2225,7

Di octyl-adipate 260,5 2382 2389,7 - - -

Tridécane 153 - - - - -

Tétradécane 165 - - - -

Pentadécane 174 - - - - -

Hexadécane 183 - - - - -

Octadécane 204 - - 157 - -

Eicosane 225 - - 175

Docosane 244 - - 191 — -

Tétracosane - - - 206,5 - -

Hexacosane 278 - - - - -

en établissant des corrélations entre les indices et les températures de rétention [5]. Les valeurs ainsi obtenues peuvent différer de trente unités d'indice de celles calculées de façon classique, dans les régions où les résultats d'étalonnage ne se distribuent pas linéairement (tableau).

Les valeurs de la somme des carrés des différences secondes divisées calculées pour les plastifiants successifs, lorsque les indices de rétention sont déterminés par interpolation linéaire (£) et spline cubique (£), sont reproduites ci-après :

L s

Elles montrent que la méthode décrite donne des résultats plus compatibles avec le schéma des indices de rétention, puisque la somme £ (où M = L, s) s'annule pour un

M

ensemble de points se disposant sur une même droite.

Pour accroître la précision du calcul classique des indices de rétention en C.G.P.T., on ajoute dans l'échantillon une série de n-alcanes successifs pour pouvoir interpoler sur l'intervalle le plus étroit possible. Les conditions pratiques (dispombilités des n-alcanes; . complexité de l'échantillon) rendent souvent caduque cette solution. L'interpolation spline cubique pallie cet inconvénient et fournit des valeurs qui se distribuent plus linéairement; c'est la méthode de choix pour le calcul des indices de rétention en C.G.P.T., surtout

42 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 37-42, 1989

lorsque ces grandeurs servent pour l'identification chromatographique et l'analyse

statistique.

Note remise le 16 novembre 1988, acceptée après révision le 29 mars 1989.

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 43-48, 1989 43

Minéralogie/Mmeralogy

Minéraux-fils et solides piégés dans les inclusions fluides

hypersalines de quartz du Trias diapirique Nord-Tunisien;

données de la microspectrométrie Raman et de la

microscopie électronique à balayage

Lazare JRAD, Jean-Claude TOURAY, Claire BENY et Vincent PERTHUISOT

Résumé — La combinaison à l'analyse optique et microthermométrique de la microscopie électronique à balayage et de la microspectrométrie Raman a permis l'identification des minéraux-fils et des solides piégés dans les inclusions fluides hypersalines. Cette étude confirme, avec de nouveaux arguments, la présence d'anhydrite, hématite, halite et sylvite et précise la nature des carbonates piégés. La mise en évidence de fluorapatite et de baryto-célestite (solides piégés) et celle d'un minéral-fils salin non exactement déterminé (chlorure de F et K?) conduit à préciser le rôle métallogénique des saumures liées au Trias diapirique.

Trapped and daughter minerais in brine inclusions; a micro-Raman and SEM

investigation applied to quartz crystals from Triassic diapirs located in Northern

Tunisia

Abstraet — Combining optical characteristics and behaviour on heating with SEM and micro-Raman data results in the détermination of the microscopie solids hosted by fluid inclusions. Tliis approach has been applied to brine inclusions in quartz from Triassic diapirs. The results highlight possible transports ofPO%~, F~, Ba2+, Sr 2 + and Fe2+ by diapiric brines.

Abridged English Version — Fluid inclusions may contain trapped solids and/or saline daughter phases ([1], [2], [3]). Their diagnosis lies in the knowledge of their optical characteristic and behaviour on heating [4], combined with data from Scanning Electron Microscopy [5] and Raman microspectrometry ([6], [7]).

This Note présents a micro-mineralogical investigation of fluid inclusions in quartz based on such a combination of techniques.

Quartz samples hâve been collected from three Triassic diapirs located in Northern Tunisia (Jbel Cheid, Jbel Thibar, Aïn Jemala, ([8] to [11]) and, for comparison, from the Aïn Telijene diapir located in north-eastern Algeria within a similar geological context. AU the samples contain hypersaline multiphase fluid inclusions with casual trapped solids and daughter halite; other daughter salts are présent in Tunisian samples.

Quartz from Aïn Telijene (Algeria) contain halite-bearing inclusions (microthermometrical data displayed in Figure) with casual hématite (determined from Raman spectra) and unknown rhombohedral carbonate (Raman data in Table).

Fluid inclusions at Jbel Cheid contain halite and sylvite (mean dissolution températures respectively TdH = 217°C and Tds = 99°C). Among solid inclusions anhydrite, dolomite and siderite (from Raman spectra) hâve been identified.

At Jbel Thibar, brine inclusions occasionaly contain an undetermined rhombohedral carbonate (Table) and barite-celestite needles. Daughter phases include halite (mean TdH = 231°C) associated either to sylvite (mean T,,s=100oC), or to biréfringent platelets (mean dissolution température = 88°C). This sait incompatible with KC1 is presumably a K-bearing phase. On the other hand, no Raman spectra could be detected, implying that the unidentified species do not contain any SO|~, OH~ or CO|~ and are likely to be chlorides. Finally,

Note présentée par Jean WYART. 0249-6305/89/03090043. S 2.00 © Académie des Sciences

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platelets analyzed by SEM-EDS within broken inclusions revealed the présence of Fe, K and Cl, suggesting a potassium and iron chloride. In this respect, Rinneite (K3NaFeCl6) and Douglasite (KFeCl32H20) hâve been quoted among rare evaporitic salts [13].

At Aïn Jemala, only solid inclusions hâve been observed and determined by Raman microspectrometry (anhydrite, magnesite and fluorapatite).

This Note illustrâtes the complementary character of the various techniques involved in determining small-sized minerais présent within fluid inclusions or trapped in quartz. As a first approximation, the composition of trapped brines may be described with respect to the H20 —NaCl—KC1 ternary System [4], ignoring possible additional FeCl2 and/or CaCl2 [14]. At Jbel Cheid and Jbel Thibar, similar compositions are found with significandy higher KCl/NaCl ratios than in présent diapiric brines from the Salton Sea [15], suggesting significant amounts of potassic salts in the rock source. With regard to the metallogenic rôle of the diapiric brines, the mineralogical data reported emphasize possible transports of PO,^, F- (présence of fluorapatite), Ba2+, Sr2+ (présence of barite-celestite). The casual présence of iron-bearing daughter phases ([4], [16]) indicates the existence of possible ironrich brines, however presendy poorly-known in evaporitic Systems. The importance of the FeCl+ and FeCl" complexes in brines has been demonstrated experimentally ([17], [18]). Iron mobility is enhanced by elevated températures and salinities, with an inverse effect of pressure [18]. Accordingly, it appears likely that diapiric brines similar to thèse observed in fluid inclusions could transport significant amounts of dissolved iron. In this respect, if the unidentified daughter chloride observed at Jbel Thibar is actually an iron bearing sait, Fe-rich brines could hâve played some part in the genesis of siderite deposits related to diapirs (e. g.: Jerissa, Tunisia).

Les inclusions fluides renferment parfois des dépôts salins ([1], [2]) et/ou des solides piégés mécaniquement [3]. Classiquement, la détermination de ces phases s'appuie sur l'appréciation de caractéristiques morphologiques et optiques (forme, couleur, biréfringence, indice) et l'estimation des variations de solubilité avec la température [4]. La mise en oeuvre de la microscopie électronique à balayage sur échantillons fracturés [5] et celle de la microspectrométrie Raman complètent ([6], [7]) la panoplie des méthodes de détermination applicables à des minéraux de très petite taille.

Dans cette Note, on présente les premiers résultats d'une étude combinant ces différentes approches et s'appliquant aux inclusions fluides et solides de quartz néoformés provenant de trois diapirs triasiques de Tunisie septentrionale (Jebel Cheid, Jebel Thibar, Aïn Jemala). Les données géologiques et les caractères généraux des inclusions fluides, en particulier la composition de la phase gazeuse, ont été publiés antérieurement ([8], [9], [10]). Par ailleurs, à titre comparatif, sont présentées des données relatives aux quartz du diapir d'Aïn Telijene situé en Algérie nord-orientale dans le même contexte géologique et actuellement en cours d'étude.

Les cristaux provenant de Aïn Telijene, Jebel Thibar et Jebel Cheid sont des quartz associés à un cortège de minéraux potassiques et magnésiens (feldspaths potassiques, phyllites) que des études radiochronologiques ont permis de dater d'environ 100 M. a. [11]. Les cristaux provenant d'Aïn Jemala sont considérés comme plus anciens.

I. MÉTHODOLOGIE. — Des lamelles de quartz polies sur les deux faces (épaisseur 0,2 à 0,5 mm) ont été préparées. Après étude optique, les mesures microthermométriques ont été effectuées à l'aide d'une surplatine chauffante de type Chaix-Meca, selon une procédure

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TABLEAU

Raies Raman caractéristiques de différents carbonates rhomboécriques

(vt et v4 : raies de la liaison C—O; L et T : raies de réseau).

Characteristic Raman peaks from rhomboedral carbonate

(yt and v4 : C—O band peaks; L and T : lattice peaks).

Vi ■ v4 L T

(cm- 1) (cm- 1) (cm- 1) (cm- 1)

Calcite (référence) 1086,5 712 282 155

(Jebel Cheid) 1087 713 282 155

Magnésite (référence) 1095 739 330 213

(Aïn Jemala) 1095 738 328 211

Dolomite (référence) 1097,5 723,5 300 175,5

(Jebel Cheid) 1097 nd 299 176

Sidérite (référence) 1090,5 734,5 301 195,5

(Jebel Cheid) 1090 nd 300 197

Carbonate (X) (Jebel Thibar) 1086 734 284 185

(Aïn Telijene) 1087 734 285 186

antérieurement décrite [9]. Les spectres Raman ont été obtenus avec un appareil U-1000 équipé d'un microscope avec objectif G x 100; les radiations excitatrices provenaient d'un laser à argon ionisé (longueurs d'onde 488 nm ou 544,5 nm, puissance en sortie de laser de 300 à 800 mW selon la nature et la dimension des solides étudiés). L'ouverture des fentes était de 500 um, le pas d'enregistrement de 1 cm- 1 et le temps de comptage, en général, d'une seconde. Par ailleurs, des échantillons de quartz qui ont été fracturés et •métallisés au platine ont été étudiés à l'aide d'un microscope électronique à balayage Stereoscan-100 équipé d'un système EDX d'analyse chimique ponctuelle semi-quantitative (limite de détection : quelques pour cent atomiques).

IL RÉSULTATS. — Aïn Telijene. — Les inclusions fluides observées ne contiennent pas de sylvite mais uniquement un dépôt de halite. Les résultats des mesures thermométriques relatives à 50 inclusions sont donnés dans la figure. Des particules d'hématite (raies Raman caractéristiques à 412, 300, 247 et 223 cm- 1) et des grains d'un carbonate rhomboédrique non exactement déterminé (tableau) sont parfois piégés dans les inclusions fluides.

Jebel Cheid. — Les inclusions fluides primaires et secondaires ont un remplissage pluriphasé avec solides piégés et dépôts de halite et sylvite [10], dont la nature est confirmée par microanalyse ponctuelle (détection de Na, K et Cl). L'analyse des sels déposés sur la surface des fractures du quartz après évaporation des saumures permet de reconnaître les mêmes éléments ainsi que Ca et Fe. Ces éléments étaient donc à l'état dissous dans les fluides inclus.

L'étude microthermométrique d'une dizaine d'inclusions conduit à des résultats proches de ceux qui avaient été obtenus sur des échantillons du même secteur [10]. Les températures moyennes et extrêmes de disparition de la bulle gazeuse (Tb) de dissolution de la halite (T^ et de dissolution de la sylvite (TdS) sont respectivement : T6 = 202°C (190 à 214°C); TliH=2170C (197 à 240°C); T(iS=990C (90 à 110°C).

La comparaison des valeurs de TdH et TdS illustre bien la possibilité d'une discrimination de la halite et de la sylvite à partir de leurs températures de dissolution totale [4].

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L'analyse par spectrométrie Raman a confirmé la présence dans le quartz d'abondantes inclusions solides d'ahydrite (raie v de SOf- à 1018 cm- 1) et permis de reconnaître parmi les solides piégés dans les inclusions fluides des grains de calcite et des agrégats de dolomite et de sidérite (tableau).

Jebel Thibar. — Les inclusions fluides renferment, comme minéraux piégés, d'une part des grains d'un carbonate semblable par son spectre Raman à celui qui a été mis en évidence à Aïn Telijene (tableau) et d'autre part de fines aiguilles de baryto-célestite (raie v de SQ4- à 993 cm-1). Compte tenu du déplacement de la raie caractéristique avec la composition de la solution solide [12] la fraction molaire de SrS04 est proche de 0,5. Par ailleurs, trois « minéraux-fils » salins ont été observés : la halite qui accompagne soit la sylvite, soit un sel anisotrope en tablettes d'aspect rhomboédrique. L'analyse microthermométrique de dix inclusions à dépôts de NaCl et KC1 a conduit aux moyennes et valeurs extrêmes suivantes :

Pour 40 autres inclusions, on a mesuré la température de dissolution du sel anisotrope. Les valeurs obtenues varient de 83 à 97°C (moyenne 88°C). La nature de ce sel n'a pu être exactement déterminée :

— il est incompatible avec KC1;

— aucun spectre Raman n'a pu être détecté, en particulier dans les domaines de vibration des OH-, CO3- et SO4-. domaines de vibration des OH-, CO|- et SOf-. Le sel inconnu pourrait donc être un chlorure non oxyhydrilé;

— l'analyse chimique ponctuelle et les observations au MEB ont révélé dans deux cas la présence dans des cavités fracturées de tablettes d'aspect rhomboédrique constituées de Fe, K et Cl. Ce fait suggère qu'il s'agit d'un chlorure de fer et de potassium. A cet égard, signalons que la Rinneite K3 Na FeCl6 et la Douglasite KFe Cl3 2 H20 sont cités parmi les minéraux rares présents dans les séries salines évaporitiques [13].

Aïn Jemala. — Complétant une étude antérieure des inclusions fluides [9] la microanalyse Raman des inclusions solides révèle la présence des phases suivantes :

— l'anhydrite (raie v de SO|" à 1018 cm-1);

— la magnésite (tableau);

Histogrammes des températures de dissolution totale de NaCl(A) et de disparition de la bulle de gaz (B),

dans les inclusions hypersalines du quartz d'Aïn Telijene.

Histograms displaying tlie températures of NaCl dissolution and gas bubble disappearance

in brine inclusions of quartz from Aïn Telijene.

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— la fluorapite (raies à 1082, 966, 608, 582 et 212 cm 1; aucune raie d'un groupement OH dans la bande de 3 700 à 3 000 cm-1).

CONCLUSION. — Dans les quartz néoformés des diapirs triasiques, les résultats obtenus confirment, avec des arguments nouveaux, la présence de halite et sylvite comme minéraux-fils des inclusions fluides ainsi que celle d'anhydrite et d'hématite comme solides piégés. Les saumures piégées peuvent être décrites en première approximation dans le système H20—NaCl—KC1 [4] en ignorant la présence éventuelle de FeCl2 ou CaCl2 [14]. La composition ne peut être précisée à Aïn Telijene où seule la halite est présente comme minéral-fils. A Jebel Cheid et Jebel Thibar les compositions des saumures sont proches et correspondent (aux erreurs d'interpolation près) à environ 55% H20, 22% NaCl et 23 % KC1 en pourcentages pondéraux. On soulignera la valeur élevée du rapport KCl/NaCl par référence aux saumures profondes d'origine diapirique de Salton Sea [15]. Le fait suggère à Jebel Cheid et Jebel Thibar une part importante de sels potassiques au niveau des évaporites sources. De plus, la nature des carbonates inclus a été précisée. Il s'agit de calcite, de dolomite, de magnésite, de sidérite et d'un carbonate rhomboédrique encore indéterminé qui pourrait être une solution solide complexe. La comparaison des observations effectuées aux divers sites souligne ainsi les variations de composition des roches salines sources (présence ou absence de KC1, présence possible d'un chlorure ferrifère) comme celles des fugacités d'oxygène (hématite ou sidérite). Trois résultats nouveaux ont enfin été obtenus :

— La fluorapatite, piégée dans la quartz d'Aïn Jemala, complète la liste des phosphates néoformés connus à ce jour dans le Trias diapirique [8].

— La présence de microcristaux de baryto-célestite piégés dans certaines inclusions fluides primaires des quartz de Thibar éclaire l'origine des occurences de barytine et célestite [14] associées aux diapirs triasiques de Tunisie en montrant le caractère relativement précoce de la migration de saumures riches en Ba et Sr.

— Dans les inclusions fluides primaires du quartz de Thibar a été découvert un minéral-fils anisotrope, très soluble, incompatible avec la sylvite et qui pourrait être un chlorure de Fe2+ et K+. La présence de minéraux-fils ferrifères, discutée par divers auteurs ([4], [17]), témoigne de l'existence occasionnelle de saumures riches en fer, dont la présence est encore méconnue, à notre connaissance, en contexte évaporitique. Expérimentalement, il a été montré en milieux salins, l'importance des complexes FeCl+ . et FeCl" ([18], [19]). La mobilité du fer à l'état dissous est favorisée par une élévation de température de fortes salinités et une pression modérée [19]. Il n'est donc pas invraisemblable que des saumures semblables à celles observées en inclusions aient pu transporter des quantités significatives de fer dissous. Si cette interprétation est exacte, elle suggère la possibilité d'importantes migrations de fer dans les saumures diapiriques. Il s'agit là d'un élément nouveau pour l'établissement de modèles de genèse des gîtes de sidérite associés spatialement à des diapirs (ex. : Jerissa en Tunisie). Note remise le 14 novembre 1988, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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Minéralogie/Mineralogy

Conditions de formation préférentielle de géhlénite hydratée dans les liants de kaolin activé et de chaux

William PRINCE et René PERAMI

Résumé — Les conditions les plus favorables à la formation de géhlénite hydratée à partir de mélange de kaolin activé et de chaux sont mises en évidence. Il apparaît que la géhlénite hydratée peut se former en présence de chaux d'autant mieux que la prise aura heu à température plus voisine de 50°C

Conditions for preferential cristallisation of hydrated géhlénite made whith

activated kaolin and lime

Abstract — We study the best conditions in which activated kaolin and lime react to give hydrated géhlénite. Expérimental results show that hydrated géhlénite cristallise despite the présence ofportlandite, when température is about 50°C, relative humidity 95%, and Ca(OH)2 approximatively 30%.

Dans la réalisation des liants à base d'argiles kaoliniques activées et de chaux la géhlénite hydratée est le constituant dont il convient de favoriser la formation. Or dans de tels liants, quatre principales phases hydratées sont susceptibles de cristalliser suivant la composition du milieu réactionnel et le processus opératoire : Faluminate tétracalcique (Al2034Ca013H20), l'aluminate tricalcique (Al2033Ca06H20), la géhlénite (Al203Si022Ca08H20) et la tobermorite (Si02CaOH20). Les réactions de principe donnant ces phases à partir de kaolin activé (métakaolin Al2032Si02) et de chaux sont rappellées ci-dessous.

Nous nous sommes proposés de rechercher les conditions dans lesquelles la géhlénite hydratée pouvait se former préférentiellement.

A cet effet, nous avons examiné l'influence de la température et de la teneur en chaux sur la proportion de géhlénite formée dans les pâtes pures de kaolin activé et de chaux.

MODE OPÉRATOIRE. — Le kaolin utilisé est un produit industriel contenant 85 % de kaolinite, 2% de quartz et 15% d'illite; il a été activé thermiquement par cuisson à 800°C. La chaux employée est l'hydroxyde de calcium pur commercial.

Dans chaque essai, les deux constituants mélangés en proportions déterminées, sont gâchés à l'eau déminéralisée de façon à obtenir une pâte homogène. La pâte est mise en place par vibration dans des moules cylindriques, puis conservée en atmosphère humide à différentes températures définies (20, 40, 50, 60°C). Les éprouvettes durcies sont broyées manuellement dans un mortier en agate, et sont analysées par diffractométrie RX. Les variations de la teneur en géhlénite sont suivies en déterminant, dans chaque cas, l'aire du pic n/c 7 = 001 à 12,6 Â.

Note présentée par Laurent CAPDECOMME. 0249-6305/89/03090049 S 2.00 © Académie des Sciences

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RÉSULTATS. — J. Effets de la teneur en chaux. — La figure 1 traduit en unités arbitraires les variations de la teneur en géhlénite hydratée en fonction de la teneur en chaux, pour quatre températures de réaction (20, 40, *50, 60°C).

Pour chacune des températures utilisées, la teneur en géhlénite formée augmente lorsque la proportion de chaux passe de 0 à 20%, elle se stabilise entre 20 et 30%, décroît audelà de 30 % et s'annule pour les proportions de chaux supérieures à 60 %.

//. Effets de la température. — a. Produits de réaction obtenus entre 20 et 50°C — La figure 2 reproduit trois diffractogrammes RX obtenus à partir d'éprouvettes conservées à 40°C. Le diffractogramme a est enregistré sur l'échantillon témoin séché dès le gâchage; les diffractogrammes b et c sont enregistrés respectivement après 24 et 48 h de réaction.

On peut constater, après les vingt-quatre premières heures de réaction (diagramme b), une cristallisation très nette de géhlénite hydratée formée au détriment du kaolin et de la chaux; les pics de la chaux (CH) et ceux de la géhlénite (G) sont bien identifiables.

Après 48 h de réaction (diagramme c) les pics de la géhlénite sont intenses, ceux de la chaux étant encore décelables.

b. Produits de réaction obtenus entre 50 et 100°C. — Pour les températures de réaction comprises entre 50 et 100°C, on constate que les pics de la géhlénite tendent à disparaître au profit de ceux de l'aluminate tricalcique. L'aluminate tricalcique se forme en proportion d'autant plus importante que la température est plus élevée. A 100°C cet aluminate devient la principale phase néoformée comme le montre le diffractogramme de la figure 3.

L'ensemble des déterminations effectuées montre qu'en augmentant la température de 20 à 50°C, on favorise la formation de la géhlénite hydratée, mais qu'au-delà de 50°C l'aluminate tricalcique tend à devenir la phase stable. La teneur maximale en géhlénite est ainsi obtenue au voisinage de 50°C pour une proportion en chaux comprise entre 20 et 30%.

Les diffractogrammes de la figure 2 réalisés sur les produits formés à 40°C, font apparaître la présence simultanée des pics de la chaux et de la géhlénite. On remarquera que ce résultat diffère des données théoriques classiques établies à température ambiante : le diagramme des phases du système CaO, Al2Os, Si02, H20 établi à 20°C [2] prévoit en effet une incompatibilité entre la chaux et la géhlénite hydratée, les domaines de

Fig. 1. — Variations de la teneur en géhlénite en fonction de la teneur

en chaux pour différentes températures.

Fig. 1. — Géhlénite content variations fonction oflime content

at différent températures.

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stabilité de ces deux phases étant distincts. Or nos essais montrent que malgré la présence de la chaux, la cristallisation de la géhlénite hydratée a heu au-dessus de 20°C et est favorisée lorsqu'on augmente la température entre 20 et 50°C.

La comparaison des réactions (1) (2) (3) rappelées précédemment, montre que la géhlénite hydratée est la phase qui requiert la plus faible quantité de chaux pour sa cristallisation. L'obtention préférentielle de ce composé au voisinage de 50CC peut donc s'expliquer par la diminution de la solubilité de la chaux sous l'effet de la température; la solubilité passe en effet de 1,17 g de CaO/1 à 20°C à 0,91 g de CaO/1 seulement à 50°C. •

Par ailleurs, les conditions de notre expérimentation étant éloignées des équilibres réalisés au cours de l'établissement des diagrammes des phases, on conçoit que la géhlénite hydratée puisse se former localement, même à température ambiante, malgré la présence de chaux.

CONCLUSION. — La géhlénite hydratée peut être obtenue rapidement dans les liants pouzzolaniques malgré la présence de chaux au moment du gâchage. La cristallisation préférentielle de ce composé est favorisée par l'augmentation modérée de la température.

Fig. 2. — Diffractogrammes des produits de réaction formés à 40°C entre le kaolin activé et la chaux (de haut en bas), (a) Échantillon témoin séché dès le gâchage, (b) Après 24h de réaction (on observe la coexistence de la géhlénite hydratée avec la chaux), (c) Après 48 h de réaction (la géhlénite hydratée est la principale phase néocristallisée). — CH=chaux; G=géhlénite hydratée; Q=quartz; CSH=silicate calcique hydraté; Ca = calcite; I=illite.

Fig. 2. — D.R.X. of reaction products obtained with activated kaolin and lime at 40°C (from the top to bottom). (a) Référence sample. (b) After 2Ahrs. (hydrated géhlénite and lime are simultaneously présent), (c) After 48 hrs. (hydrated géhlénite is the main cristallised phase). CH=lime; G=hydrated géhlénite; Q = quartz; CSH = hydrated calcium silicate.

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La géhlénite est stable dans les conditions ordinaires de conservation des liants alors que les aluminates prompts à cristalliser à température ambiante sont connus comme évolutifs [3].

Le développement précoce de la géhlénite hydratée confère aux liants pouzzolaniques une meilleure stabilité et permet d'améliorer sensiblement les résistances mécaniques initiales. A titre d'exemple, nous avons mesuré une résistance à la compression de 8 MPa après 24 h seulement de réaction à 50°C, alors qu'à 20°C, elle n'était que de 3 MPa même après 7 jours de conservation ([4], [5]).

La formation préférentielle de géhlénite hydratée dans les liants pouzzolaniques présente donc un double intérêt, en assurant à la fois, une plus grande résistance mécanique et une meilleure stabilité physico-chimique.

Note remise le 7 février 1989, acceptée après révision le 17 avril 1989.

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Fig. 3. — Diffractogrammes des produits de réaction formés à 100°C entre le kaolin activé et la chaux.

A3 = aluminate tricalcique; CSH = silicate calcique hydraté; Q=quartz; I=illite.

Fig. 3. — D.R.X. of reaction products obtained with activated kaolin and lime at 100°C.

A3 = tricalcique aluminate; CSH —hydrated calcium silicate; Q = quartz; I=Illite.

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Géochimie/Geocnemistry

Estimation de la température de formation des paragenèses

saponite-céladonite et glauconite-nontronite dans les

altérations sous-marines de basalte, par la méthode des

corrélations entre éléments au sein de populations

monominérales

Joëlle DUPLAY, Hélène PAQUET, Anna KOSSOVSKAYA et Yves TARDY

Résumé — Différents minéraux argileux ont été analysés à la microsonde dans des vésicules et dans une veine d'un basalte sous-marin altéré, de l'Atlantique Nord (DSDP, Leg 49). Dans chacun des sites, une série d'une dizaine d'analyses ponctuelles a été effectuée. Les résultats mettent en évidence la présence de saponite et de céladonite dans la veine, et de glauconite et nontronite dans les vésicules du même échantillon. A partir de l'étude des corrélations entre éléments au sein des différentes populations monominérales, on donne une hypothèse de formation à basse température pour la glauconite et la nontronite, et à plus haute température pour la céladonite et la saponite.

Estimation of the formation température of saponite-céladonite and nontroniteglauconite

nontroniteglauconite in altered oceanic basalts by the use of chemical élément

corrélation method within monomireralic populations

Abstract — Microprobe analyses hâve been performed on clay minerais from vesicles and a vein in an altered oceanic basait from the North Atlantic Océan (DSDP, Leg 49). About ten microprobe analyses hâve been done in the vein and in the vesicles. The analytical results show the présence in the same sample, of céladonite and saponite in the vein, and of glauconite and nontronite in the vesicles. The corrélations among chemical éléments within a monomineralic population suggest that glauconite and nontronite hâve been formed at low température and saponite and céladonite at higher température.

Abridged English Version — Glauconite and céladonite associated with saponite and other clay minerais hâve been described in altération products of marine basalts [1]. Some authors suggest that it is an hydrothermal altération [2], some others think that it is a low température altération [3] and that saponite forms during reducing conditions while céladonite équilibrâtes in oxydizing conditions [4]. Glauconite and céladonite, both exist in altered basalts ([5], [6]) but seem to form at différent conditions: at températures below 25 and 60°C for the former ([6], [8], [13]) and between 22°C and 60°C for the latter ([7] to [12]). The problem is to détermine wether or not, they are stable together in the altered basalts described by Kossovskaya et al. [1], and sampled SW of Island near the Reykjanes ride (DSDP, Leg 49, site 407).

Microprobe analyses hâve been done on clay assemblages appearing in the différent samples. Within the same thin section, céladonite is pointed out, associated with saponite in the vein fillings, while glauconite is associated with nontronite in the vesicles. Céladonite and glauconite chemical compositions are consistent with the définition given by Bailey et al. [18] (Table I).

Corrélations among éléments (Al, Fe and Mg) and charges (tetrahedral, octahedral and total layer) in monomineralic populations allow to answer the question of formation conditions of the two species — céladonite and glauconite — which are présent in the same core level ; in fact, it has been shown ([14] to [17]) that at low température clay populations show a positive

Note présentée par Georges MILLOT. 0249-6305/89/03090053 $2.00 © Académie des Sciences

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corrélation between tetrahedral charge and octahedral iron. On the other hand a positive corrélation between octahedral magnésium content and tetrahedral charge is characteristic of a clay population formed at higher température.

Monomineralic clay particle populations of either glauconite, céladonite, nontronite or saponite, show large variations in chemical composition without noticeable structural modifications so that it can be assumed that clays are solid solution-like phases. In conséquence, a solid solution model was used to describe the 2:1 clay compositions, and to understand the influence of température on composition variations and on corrélations observed in the populations. Corrélation tendencies may be predicted according to the température of formation. Comparison of corrélation tendencies predicted and corrélations observed in monomineralic populations of clay particles can lead to the knowledge of the température of formation. The solid solution model used [19] requires 36 end-members. The contribution of the différent end membrers in the composition of the clays can be calculated by using computer programs. The mole fraction dépends on the solubility product and so is température dépendent. Corrélation tendencies between octahedral cations and charges can be established from the mole fractions which change with température.

Corrélation coefficients in the céladonite and glauconite populations hâve been calculated and the model has been used to calculate the mole fraction of each end members at différent températures and to predict corrélation tendencies in thèse conditions (Table II). The comparison leads to the conclusion that clays in the vein (céladonite and saponite) are formed at higher température than clays from the vesicles (glauconite and nontronite). The existence of céladonite and glauconite in différent sites of the same thin section can be explained by two types of altération conditions: 1. A warm hydrothermal altération forming céladonite and saponite in the veins. 2. A low température altération by sea water percolating through the basait and producing glauconite and nontronite in the vesicles.

I. INTRODUCTION. — Kossovskaya et coll. [1] ont décrit différentes paragenèses associant la céladonite, la glauconite et la saponite dans les produits de l'altération sous-marine de basalte échantillonnés à l'Ouest de la ride de Reykjanes au SW de l'Islande (DSDP, Leg 49, site 407). Pour certains auteurs, il s'agit d'une altération hydrothermale; la saponite ferrifère que l'on y trouve en abondance se serait formée à des températures qui ont pu atteindre 200°C [2]. Pour les autres, l'altération des basaltes s'est produite à basse température, par percolation lente et prolongée d'eau de mer à travers la roche [3]. Certains [4] pensent que la formation de saponite, parce que celle-ci contient du fer ferreux, est liée à un milieu réducteur et celle de la céladonite, parce que cette dernière contient du fer ferrique, à un milieu oxydant.

La céladonite, minéral argileux de la famille des micas comme l'est la glauconite, a jusqu'à présent été répertoriée surtout dans des altérations hydrothermales de laves basiques [5]. La glauconite, principalement d'origine sédimentaire marine existe aussi dans les produits d'altération de basse température de basaltes sous-marins [6]. Les résultats d'analyses d'isotopes de l'oxygène donnent des températures de formation comprises entre 22 et 60°C ([7] à [12]) pour les céladonites, et inférieures à 25°C ([6], [8], [13]) pour les glauconites d'altération des basaltes. Il semble que ces deux phases micacées se forment dans des intervalles de températures distincts, puisque ceux-ci ne se chevauchent que très partiellement. La coexistence, dans un même échantillon de ces deux minéraux qui sont supposés stables dans des conditions différentes, pose donc problème.

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Une étude antérieure du produit d'altération d'un basalte de Chypre, a montré qu'au sein d'un matériel caractérisé par difraction des rayons X comme de la céladonite pure, on trouve aussi des particules présentant des compositions de glauconite [14]. Par l'étude des corrélations entre éléments majeurs dans les deux populations de particules, il a été possible de proposer deux origines différentes : nées à des températures différentes, ces deux populations coexistent à l'état métastable.

Nous avons vérifié la présence de céladonite, de glauconite, de nontronite et de saponite, à partir d'un même échantillon étudié par Kossovskaya et coll. [1], échantillonné à l'Ouest de la ride de Reykjanes (Leg 49, site 407) située au SW de l'Islande. Afin de distinguer leurs histoires respectives, nous avons étudié leurs variations de composition et appliqué la méthode des corrélations entre éléments, au sein des populations monominérales ([14] à [17]).

III. RÉSULTATS DES ANALYSES. — 1. Compositions chimiques moyennes. — Les argiles secondaires se rencontrent dans deux sites distincts : les vésicules qui renferment la glauconite et la nontronite et les veines remplies, sur les bordures, par de la céladonite et, au centre, par de la saponite.

20 analyses quantitatives à la microsonde Camebax ont été effectuées dans les vésicules et 9 analyses dans la veine d'une même lame mince. La présence simultanée de céladonite et de glauconite dans des sites très proches est vérifiée. Les formules structurales calculées à partir des analyses chimiques moyennes (tableau I) correspondent bien aux dénominations recommandées par le comité de nomenclature [18] de glauconite, céladonite, nontronite et saponite.

2. Corrélations entre éléments. — Les coefficients de corrélation entre les différents cations et charges ont été calculés dans les quatre populations individualisées (tableau II). Les tendances de corrélation sont comparées à celles qui sont obtenues par calcul à partir d'un modèle de solution solide proposé par Tardy et Fritz [19]. En effet si l'on considère les phases argileuses comme des mélanges idéaux de 36 pôles, on peut calculer la contribution de chacun des pôles dans la composition moyenne des argiles. Cette distribution des fractions molaires X; des pôles est une fonction des produits de solubilité Ki correspondants et donc de la température. Ces calculs sont effectués pour les céladonites et saponites, à la température de 200°C choisie comme exemple et pour les glauconites et nontronites, à 25°C. Ces températures ne sont qu'indicatives et ce choix ne préjuge pas des températures réelles de formation de ces argiles. Le signe des coefficients de corrélation donne une bonne idée des températures auxquelles ces minéraux se sont formés ([14] à [17]). Une corrélation positive CHT-Fe3+ est la propriété caractéristique d'une argile de basse température comme c'est le cas pour la glauconite (tableau II). Une corrélation positive CHT-Fe2+ comme d'ailleurs CHT-Mg2+ sont les propriétés caractéristiques des argiles de plus haute température comme c'est le cas pour la céladonite (tableau II).

IV. CONCLUSIONS. — Cette étude des paragenèses de minéraux phylliteux ferrifères formés lors de l'altération sous-marine de basaltes apporte une nouvelle vérification de la théorie plusieurs fois formulée ([14] à [17]), selon laquelle la température de formation d'une population monominérale de particules argileuses induit des corrélations spécifiques entre paramètres chimiques caractérisant chacune des particules. Ainsi dans le cas de basaltes altérés à l'Ouest de la ride de Reykjanes dans l'Atlantique Nord, plusieurs traits intéressants sont mis en évidence.

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TABLEAU I

Formules structurales moyennes calculées à partir des analyses chimiques à la microsonde (Camebax). Populations de 4 céladonites et 5 saponites de la veine (Vn)

ainsi que 10 nontronites et 10 glauconites des vésicules (Vs) (CHT et CHO : charges tétraédrique et octaédrique; CHF : charge totale du feuillet).

Mean structural formula calculated from microprobe analyses (Camebax). Populations of4 céladonites and 5 saponites from the vein (Vn)

and of 10 glauconites and 10 nontronites from the vesicles (Vs) (CHT and CHO: tetrahedral and orctahedral charges; CHF: total layer charges).

Formule structurale calculée pour 22 charges négatives Charges

Site Tétraèdre Octaèdre Interfoliaire CHT CHO CHF

Céladonite Vn Si394 Al0>06 Al010 Fe^j Mg0785 K077 O10 OH2 0,06 0,725 0,785

Saponite Vn Si3i77 Al0 23 AI008 Fe2^85 Mgli68 K0>195 Ca0>13 O10 OH2 0,23 0,23 0,46

Glauconite Vs Si3i85 Al0,os Fe3+7 Al0-002 Fe3^ Mg0-54 K0i63 Ca0,03 O10 OH2 0,15 0,55 0,70

Nontronite Vs Si3,77 Al0i235 Fe3+05 Al0,05 Fe3+95 Mg0i77 KOJl0 Ca0>12 O10 OH2 0,24 0,125 0,365

TABLEAU II

Coefficients de corrélation observés (R observés) entre charges (CHT, CHO et CHF) et cations octaédriques (Fe3+, Al3+, Mg2+) pour les quatre populations monominérales.

Comparaison avec les coefficients de corrélation déduits de calculs (R calculés) à partir du modèle de solution solide (Xf : fractions molaires des pôles).

Corrélation coefficients observed (R observés) between charges (CHT, CHO and CHF) and octahedral cations (Fe3+, Al3+, Mg2+) for the four monomineralic

populations. Comparison with the corrélation coefficients deduced after calculations (R calculés) from the solid solution model (X,-: molar fractions of the pôles).

Populations Modèle de solution solide Populations Modèle de solution solide

de (Tardy et Fritz, 1981) de (Tardy et Fritz, 1981)

céladonites pour la céladonite à 200°C glauconite pour la glauconite à 25°C

R R Répartition R R Répartition

Corrélation observés calculés des pôles X, Corrélation observés calculés des pôles Xf

CHT-Fe3+ -0,41 <0 mica Fei+ 0,00 CHT-Fe3+ +0,715 >0 mica Fe3+ 0,14

CHF-Fe3+ +0,89 >0 pyro. Fe3+ 0,01 CHF-Fe3+ +0,23 <0 pyro. Fe3+ 0,13

CHO-Fe3+ +0,92 >0 célad. Fe3+ 0,67 CHO-Fe3+ -0,42 <0 célad. Fe3+ 0,54

CHT-A13+ -0,59 <0 mica Al3+ 0,00 CHT-A13+ -0,90 <0 mica Al3+ 0,00

CHF-A13+ -0,75 <0 pyro. Al3+ 0,02 CHF-A13+ -0,83 <0 pyro. Al 3 + 0,00

CHO-Al3+ -0,20 >0 célad. Al3+ 0,03 CHO-Al3+ -0,28 >0 célad. Al 3 + 0,00

CHT-Mg2+ +0,76 >0 mica Mg2+ 0,06 CHT-Mg2+ -0,58 <0 mica Mg2+ 0,01

CHF-Mg2+ -0,67 <0 talc Mg2+ 0,16 CHF-Mg2+ -0,54 >0 talc Mg2+ 0,16

CHO-Mg2+ -0,96 <0 célad. Mg2+ 0,05 CHO-Mg2+ -0,17 >0 célad. Mg2+ 0,02

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1. Céladonite et glauconite d'une part, sont deux micas ferrifères; nontronite et saponite, d'autre part, sont deux smectites ferrifères. Ces quatres minéraux coexistent deux à deux dans des sites différents, au sein de la même lame mince : céladonite et saponite dans une veine, nontronite et glauconite dans des vésicules.

2. L'étude des corrélations entre le fer, le magnésium et l'aluminium et, les charges tétraédrique, octaédrique et interfoliaire, menées ici en comparaison avec les calculs de contribution des pôles d'un modèle de solution solide proposé par Tardy et Fritz [19], donne de bonnes indications qualitatives sur la température de formation de ces argiles ([14] à [17]). Dans ce modèle en effet, les taux de contribution des pôles dépendent de leurs produits de solubilité relatifs qui sont des fonctions de la température. Les corrélations entre la charge tétraédrique et les teneurs en cations octaédriques par exemple, reflètent les contributions des pôles de type mica caractérisés par une charge tétraédrique.

3. On montre ainsi que la formation d'une population de particules où les teneurs en fer ferrique octaédrique sont directement corrélées avec la charge tétraédrique (CHTFe 3 + >0) est caractéristique d'une température basse. En revanche, la formation de minéraux phylliteux TOT à forte charge tétraédrique corrélée avec une forte teneur en magnésium ou en fer ferreux (CHT-Mg ou CHT-Fe2+ >0) est caractéristique des milieux de plus haute température.

4. Céladonite et saponite se seraient donc formées par altération hydrothermale dans les veines, à température plus élevée que glauconite et nontronite formées par altération à basse température sous l'influence de l'eau de mer percolant dans le basalte poreux.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 20 avril 1989.

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J. D., H. P. et Y. T. : Centre de Sédimentologie et de Géochimie de la Surface,

Institut de Géologie, 1, rue Blessig, 67084 Strasbourg Cedex;

A. K. : Geological Institute, Academy of Sciences ofthe U.S.S.R., Moscow, U.S.S.R.;

Y. T. : Institut français de Recherche scientifique pour le Développement en Coopération (O.R.S.T.O.M.),

2/3, rue Lafayette, 75480 Paris Cedex 10.

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Pétrologie/Petrology

Données préliminaires sur un faciès orbiculaire dans le granité rouge de Ploumanac'h (Massif armoricain)

Louis CHAURIS, Bernard HALLEGOUET et Nadia RIVA

Résumé — Le faciès orbiculaire du granité de Ploumanac'h résulterait d'une rapide accrétion de microcline, autour de noyaux préexistants, de nature variée, disséminés dans des poches à faible viscosité (avec une composition de bain silicate hyperpotassique) en voie de cristallisation.

First data on an orbicular faciès in the Ploumanac'h red granité (Armorican massif)

Abstract — The Ploumanac'h granitic orbicular faciès could be interpreted as a quick growth of microcline around pre-existent nuclei of various nature scattered in crystallizing chambers with low viscosity and hyperpotassic composition.

Le granité tardi-hercynien de Ploumanac'h (Côtes-du-Nord) constitue l'un des plutons de la « traînée moniliforme des granités rouges » [1] qui s'étend de l'Aber-Ildut à Barfleur. Il appartient à la « magnetite séries » [2]; son origine est partiellement mantellique, sa mise en place, de type diapirique [3]. A proximité de sa bordure, près de La Clarté, le granité rouge à gros grain (syénogranite subalcalin) [3] qui constitue la marge du massif, admet des différenciations pegmatitiques potassiques (à microcline, biotite, hastingsite, magnetite, molybdénite et parfois allanite) [4]. Un faciès orbiculaire a été découvert au sein de ce granité rouge dans la carrière de l'entreprise Gad et fils, ouverte près de La Clarté. Il forme au moins une dizaine de masses, grossièrement ovoïdes, d'un mètre cube à plusieurs mètres cubes, disséminés dans le granité ici partiellement arénisé. La zone de la carrière où affleure le faciès orbiculaire est actuellement inaccessible; l'étude a porté sur les blocs déjà extraits, sciés et polis sur plusieurs mètres carrés.

Le pourcentage des orbicules dans les amas, mesuré sur des surfaces planes, oscille entre 40 et plus de 60%; les contacts entre orbicules restent toutefois exceptionnels. Quelques orbicules isolés apparaissent dans le granité encaissant; localement, des passées aplitiques décimétriques intragranitiques, riches en microcline, montrent des protubérances globuleuses; à leur proximité immédiate, d'autres excroissances sont entièrement détachées de la zone aplitique et forment des orbicules individualisés au sein du granité.

Dans les amas, la matrice des orbicules présente une teinte et une composition comparable à celles du granité rouge [microcline, oligoclase, biotite (avec zircon et apatite), quartz, sphène, magnetite], mais offre une texture différente, hétérogranulaire, à grain fin ou à gros grain (biotite et feldspath potassique) : l'ensemble évoque une formation aplitopegmatitoïde; le faciès pegmatitoïde tend à se développer dans les parties les plus distantes des orbicules.

Tous les orbicules sont constitués d'une zone centrale (noyau ou coeur) entourée d'une enveloppe ou cortex (fig. a à g).

La forme générale des orbicules est, le plus souvent, régulière (ovoïde à subsphérique, exceptionnellement piriforme) et reproduit fidèlement le contour du noyau. Les dimensions offrent, dans l'ensemble, peu de variations. Le grand diamètre moyen est de 11 cm; le petit diamètre, de 9,2 cm; L/l = l,2; les plus gros orbicules atteignent une vingtaine de centimètres. Les contours irréguliers reflètent la morphologie complexe des noyaux ou,

Note présentée par Claude GUILLEMIN. 0249-6305/89/03090059 $2.00 © Académie des Sciences

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a. Section partielle d'un amas orbiculaire. b à g : exemples d'orbicules. 1. Amas surmicacé. 2. Différenciation

mésocrate. 3. Granité à grain fin. 4. Granité grossier. 5. Feldspath potassique ourlé de plagioclase.

6. Feldspath potassique dans amas surmicacé. 7. Cortex. 8. Matrice. a. Partial view of an orbicular cluster. b to g: examples of orbicules. 1. Overmicaceous mass. 2. Mesocratic

differentiation. 3. Fine granité. 4. Coarse granité. 5. K-Feldspar rimmed by plagioclase. 6. K-Feldspar in

overmicaceous mass. 7. Cortex. 8. Matrix.

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éventuellement, le contact avec un autre orbicule (rapport convexo-concave). Dans le détail, le contour externe forme souvent une succession d'enveloppes juxtaposées, de rayon de courbure un peu différent. Le contact entre matrice et orbicule est généralement tranché; dans quelques cas, l'enveloppe externe de l'orbicule a « éclaté » partiellement et le fragment, légèrement déplacé, est cimenté par la matrice. Assez souvent, la matrice émet d'étroites apophyses dans l'enveloppe de l'orbicule.

Selon les orbicules, le noyau présente des compositions variées, (a) Amas surmicacés (biotite) à grain très fin, de forme irrégulière (type rare : < 1 %). (b) Association finement grenue biotite-plagioclase-quartz sporadique (quelques pour cent), (c) Granité à grain fin à biotite (quelques pour cent). Ces trois types de noyaux sont comparables aux enclaves ou aux différenciations précoces du granité de La Clarté, (d) Granité à gros grain, semblable à la matrice ou au granité de La Clarté (quelques pour cent), (e) Mégacristaux de feldspath potassique (un ou plusieurs cristaux par coeur) : microcline rouge, avec microperthites, parfois zone, et inclusions de plagioclases blanchâtres séricitisés; les plagioclases peuvent ourler aussi partiellement l'orthoclase; type de loin très prédominant ( > 90 %). Dans quelques rares cas, un grand feldspath potassique ovale est associé à l'amas surmicacé (coeur mixte). Le coeur, situé le plus souvent dans la partie centrale des orbicules, est parfois excentré.

Le cortex des orbicules présente une texture grossièrement radiée, en éventail. A l'oeil nu, l'enveloppe montre généralement deux zones successives de teinte différente : autour du noyau, une zone assez claire, de teinte rougeâtre, qui passe insensiblement à une zone plus sombre, grisâtre (différence du degré d'oxydation?). Le cortex est essentiellement constitué par du microcline quadrillé, souvent de très grande taille, remarquable par la fréquence de petites plages quartzeuses arrondies ou allongées (ayant peut-être formé initialement de longs cristaux squelettiques rayonnant autour du coeur et à présent en partie résorbés?); la biotite sporadique forme de petites lames disséminées; le plagioclase est rare. L'ensemble offre un net cachet potassique.

Une interprétation préliminaire du faciès orbiculaire de Ploumanac'h peut être proposée. (a) Présence dans le magma granitique de La Clarté, en voie de cristallisation, de poches où s'isole un bain silicate résiduel hyperpotassique. (b) Sédimentation, par gravité, dans ces poches à faible viscosité, d'éléments déjà cristallisés en provenance du magma granitique sus-jacent, qui vont constituer les noyaux des orbicules (amas surmicacés, différenciations mésocrates, mégacristaux de feldspath potassique, voire portions de granité). Ces éléments servent de germes à la cristallisation du cortex des orbicules; quelquefois, la matrice elle-même a commencé à cristalliser et a pu être utilisée comme support.

(c) Cristallisation rapide, sous forme radiée (cortex à microcline dominant et quartz accessoire) du bain silicate hyperpotassique, autour des noyaux en cours de sédimentation.

(d) Enfin, cristallisation de la matrice, suivant de près la formation des cortex orbiculaires (ainsi s'explique la rareté des contacts entre orbicules) ; les faciès pegmatitoïdes se développent en dernier lieu. L'évolution est achevée au stade pegmatitique : aucune géode minéralisée n'a été notée ici (à l'inverse de certaines pegmatites du granité de La Clarté [4]). Au total, l'ensemble pourrait être interprété comme une formation pegmatitique d'un type original, peut-être assez proche de la genèse des pegmatites de contact du type « stockscheider », mais où chaque noyau jouerait ici le rôle d'exogranite.

Le faciès orbiculaire du granité de Ploumanac'h diffère de celui observé à Porspoder [5], dans le granité rouge de l'Aber-Ildut, par ses plus vastes dimensions, son environnement et surtout par la nature du cortex des orbicules : à Porspoder, le cortex est formé

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d'oligoclase blanchâtre (Na-Ca), à La Clarté par du microcline (K). Dans les deux cas, les coeurs sont constitués d'éléments déjà cristallisés et l'accumulation orbiculaire attribuée à un mécanisme de sédimentation dans des poches à faible viscosité. Toutefois, à Porspoder, l'interprétation privilégie une différenciation magmatique; à La Clarté, les observations suggèrent plutôt une évolution de type pegmatitique particulier. A notre connaissance, un tel granité orbiculaire à cortex de microcline est actuellement unique en France.

Les auteurs remercient vivement MM. Chhé et Gad pour l'accueil qui leur a été réservé lors de l'étude du granité orbiculaire.

Note remise le 5 avril 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] C. BARROIS, Carte géol. à 1/80 000, feuille Lannion, 1909. [2] L. CHAURIS, Chron. Recherche minière, 462, 1981, p. 5-42.

[3] M. BARRIÈRE, Le complexe de Ploumanac'h (Massif armoricain), Thèse Doct. d'État, Université de Brest, 1977, 292 p. [4] L. CHAURIS, Bull. Soc. fr. Minéral. Cristallogr., 81, 1958, p. 150-153. [5] M. BARRIÈRE, L. CHAURIS et J. COTTEN, Bull. Soc. fr. Minéral. Cristallogr., 94, 1971, p. 402-410.

L.C : Département des Sciences de la Terre, U.R.A. n" 699,

Faculté des Sciences, U.B.O., 29287 Brest;

B. H. et N. R. : Laboratoire de Géographie de la Mer et des Littoraux, U.B.O., 29285 Brest.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 63-68, 1989 63

Pétrologie/Petroiogy

Modélisation d'une réaction magmatique contrôlée par la

diffusion. Exemple de la déstabilisation d'amphibole dans

le dôme trachytique de Monac (Massif central français)

Jean-Luc POTDEVIN, Catherine COTONIAN et Hervé BERTRAND

Résumé — Dans le suc de Monac, l'amphibole se déstabilise suivant la réaction coronitique : amphibole+liquide 1 -samdme+(diopside+titanomagnétite)+liquide 2. Cette réaction magmatique liquide-solide contrôlée par la diffusion a fait l'objet d'une modélisation analogue à celle développée par Fisher [3] et Joesten [4] pour des réactions métamorphiques. Le modèle rend compte de l'agencement des produits de réaction entre amphibole et liquide et permet de discuter des valeurs des coefficients de diffusion de certains éléments.

Diffusion model for magmatic reaction. An example of amphibole breakdown in

the trachytic dôme of Monac (French Massif Central)

Abstract — In the "suc of Monac", amphibole breakdown results in the coronitic reaction: amphibole +liquid 1 - sanidine + (diopside + titanomagnetité) + liquid 2. This diffusion-controlled reaction between solid and magma has been modelled using the Fisher [3] and Joesten [4] model for metamorphic reactions. The model accounts for the coronitic structure between amphibole and liquid and allows to discuss the diffusion coefficient values for some éléments.

Abridged English Version — INTRODUCTION. — A kinetic model of a magmatic reaction needs numerous physical parameters ([1], [2]): chemical potential of éléments, kinetic coefficients... In Fischer's [3] solid-solid reaction model and Joesten's [4] for metamorphic rocks, only the minerai composition of reactants and products need to be known. The aim of this paper is to apply such a model to the diffusion-controlled réaction of amphibole breakdown in a trachytic magma.

MAGMATIC REACTION. — The studied reaction has been observed in the trachytic "suc of Monac" (French Massif Central) [5]. The trachyte contains phenocrysts of amphibole (kaersutite), diopside, zoned plagioclase rimmed by sanidine, titanomagnetite and some titanite. The groundmass consists of diopside, sanidine, titanomagnetite and apatite. In the late stage of cooling, the destabilization of amphibole phenocrysts produces coronitic pseudomorphs. Thèses structures exhibit an inner sanidine corona at the edge of the relie amphibole, mantled by an outer corona which consists of an association of diopside and titanomagnetite in contact with the groundmass. Thèse minerais préserve striedy the initial amphibole outline and resuit from the following magmatic reaction: Amphibole+ liquid 1 -» sanidine+titanomagnetite + liquid 2 [9].

REACTION MODEL. — It implies the following assumptions ([4], [6], [7], [8]).

1. Diffusion controls the réaction kinetics. According to the rate ofthe éléments transport and their amounts in the reactants, the reaction products grow on the liquid or on the amphibole side. Then the coronitic structure develops and corona growth results from chemical reactions at the interfaces between mineral layers (Fig. 1). In the pseudomorph, éléments diffuse from one interface to another in the grain boundaries of the réaction products.

2. The diffusing éléments in the grain boundaries are in local equilibrium with adjacent minerais.

Note présentée par Georges MILLOT. 0249-6305/89/03090063 S 2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II

64 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 63-68, 1989

3. The reaction reaches a steady-state.

4. Chemical reactions occur only at the interfaces between minerai layers. No reaction takes place within the minerai layer.

During the reaction, the liquid gains or looses éléments. Then, in the model, the liquid is taken as a fictitious minerai whose composition reflects thèse mass transfers. Such mass transfers hâve been estimated by mass balance calculations [9]. According to the phase rule, four éléments are perfectly mobile ([4], [10]). From pétrographie observations and mass balance calculations, thèse éléments are aluminium, iron, titanium and magnésium [9].

The model is described by three kinds of équations.

1. Mass balance équations. They give the number of éléments produced or consumed at each interface between the minerai layers.

2. Steady diffusion équations. They express that concentrations of éléments in the grain boundary do not change in a steady state.

3. Flux ratio équations. They describe the relationships between diffusion and reaction in a steady state.

THE DIFFUSION DIAGRAM. — We can solve the set of équations describing the reaction model when the values of diffusion coefficient are arbitrarily specified. Then we obtain the minerai séquence between amphibole and liquid, the diffusion fluxes and the reaction at each interface (Fig. 2). According to the diffusion coefficients' ratio, five mineralogical séquences can be found (Fig. 3). When LMg 2: LFe S: LA] the narural séquence is stable whatever the diffusion coefficient of titanium. Coefficients' ratios such as LFe/LA1 = 5, LFe/LTi=l, LFe/LMg=0.1 seem realistic for the studied magmatic reaction [11].

CONCLUSIONS. — The solid-solid reaction model of Fisher and Joesten may describe magmatic reactions between liquid and solid. We only need to estimate liquid gains or losses of éléments by mass balance calculations. The model has been applied to the destabilization of amphibole in a trachytic magma. It allows to calculate the diffusion fluxes of éléments between liquid and amphibole and the chemical reactions at each interface of the coronite. The diffusion coefficients of aluminium, iron, titanium and magnésium may be compared.

INTRODUCTION. — La modélisation du déroulement d'une réaction magmatique demande la connaissance des variables physiques qui en décrivent les deux principaux mécanismes :

— la dissolution (ou cristallisation) du minéral au contact du magma;

— la diffusion dans le magma des éléments nécessaires ou libérés par la réaction.

Les valeurs expérimentales des coefficients de diffusion, de dissolution et des paramètres thermodynamiques dans les liquides silicates sont rares. Seuls quelques systèmes cliimiques simples permettent une approche ponctuelle de la cinétique des réactions magmatiques ([1], [2]). Fisher [3] et Joesten [4] ont développé, pour des réactions métamorphiques solide-solide, un modèle de réaction contrôlée par la diffusion qui ne nécessite pas la connaissance préalable de paramètres thermodynamiques. Seules les compositions des phases solides impliquées dans la réaction doivent être connues. L'objectif de cette Note est d'appliquer le même modèle à la réaction de déstabilisation d'amphibole dans un magma trachytique.

CADRE GÉOLOGIQUE. — La réaction étudiée a été observée dans le suc de Monac (Massif central français). L'édifice est constitué de trachytes subalcalins [5], termes différenciés

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appartenant à la série alcaline du Velay. Ces trachytes contiennent des phénocristaux d'amphibole (kaersutite), de diopside, de plagioclase zone à écorce de sanidine, de titanomagnetite et parfois de sphène. La mésostase est constituée de diopside, de sanidine, de titanomagnetite et accessoirement d'apatite. Les trachytes forment un dôme d'extrusion typique. Lors de sa mise en place, les amphiboles ont réagi avec le magma.

LA RÉACTION MAGMATIQUE AMPHIBOLE-LIQUIDE. — L'amphibole se déstabilise suivant la réaction : kaersutite+liquide 1 -> sanidine + (diopside+titanomagnetite) -(-liquide 2 [9].

Les minéraux produits conservent la forme initiale de l'amphibole et s'agencent en deux couronnes distinctes. L'une, contre l'amphibole est faite de sanidine, l'autre, contre la mésostase, se compose de diopside et de titanomagnetite. La réaction présente à la fois les caractères d'une pseudomorphose et d'une coronite; elle se déroule en une seule étape. La déstabilisation de l'amphibole à volume constant et le développement d'une paragenèse identique à celle de la mésostase traduit, en effet, une cristallisation synchrone de l'ensemble des minéraux de la coronite [9].

LE MODÈLE DE RÉACTION. — Il implique les hypothèses suivantes ([4], [6], [7]).

1. La vitesse de diffusion des éléments contrôle la cinétique de réaction. Le caractère coronitique de la réaction l'atteste [8]. Suivant la vitesse de diffusion des éléments et la composition des minéraux, les phases produites vont se développer le plus près possible de l'une des deux sources en éléments que constituent l'amphibole et le liquide. Très rapidement, la structure coronitique sera acquise. Dès lors, la réaction progressera avec l'épaississement de chaque couronne minéralogique par réaction aux interfaces et diffusion d'éléments d'une interface à l'autre (fig. 1). Le rôle de la diffusion est également souligné par l'absence de titanomagnetite dans la mésostase au contact des pseudomorphoses. Ceci traduit l'appauvrissement progressif du liquide en fer et titane par diffusion vers le site de réaction. Dans la pseudomorphose, la diffusion opérerait entre les limites des grains néoformés.

2. Les valeurs des concentrations en éléments qui diffusent dans les limites de grains respectent la condition d'équilibre chimique local entre phases adjacentes. Aux températures minimales invoquées pour la réaction (^700°C), un déséquilibre important est peu vraisemblable [1] et la condition d'équilibre chimique local doit prévaloir.

3. La réaction se déroule en état stationnaire. Pression, température et gradients de potentiel chimique d'une part, masse, volume et énergie du système d'autre part restent invariants lors de la réaction.

4. Les réactions clurniques se produisent aux interfaces entre les niveaux minéralogiques de la structure coronitique. Il n'y a pas de précipitation interne dans les niveaux.

Pour une réaction magmatique, le modèle doit intégrer les apports et les départs d'éléments qu'enregistre le liquide. Ces échanges d'éléments ont été estimés par des bilans de masse [9]. Le liquide sera alors considéré comme un minéral réactant fictif (fig. 1) dont la composition reflète ces échanges. Le nombre d'éléments parfaitement mobiles au sens de Korzhinskii ([4], [10]) est fixé à quatre par la règle des phases. D'après les bilans de masse et les observations pétrographiques [9], ces quatre éléments sont le fer, l'aluminium, le titane et le magnésium. Les équations traduisant les contraintes du modèle sont de trois types.

1. Équations de conservation de la masse. — Le nombre de moles de l'élément i libéré ou absorbé à l'interface p est donné par :

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où nf est la teneur de l'élément i dans la phase <E> et ug, le nombre de moles de la phase <I> produit ou consommé à l'interface p.

2. Équations de conservation de la masse en état stationnaire. — La réaction se déroulant en état stationnaire, le gradient de potentiel chimique et donc la concentration d'un élément dans le milieu intergranulaire ne varie pas :

3. Équations du flux de diffusion. — Le milieu intergranulaire est en équilibre cMmique local avec les phases adjacentes. Les potentiels chimiques (u;) satisfont à la condition de Gibbs-Duhem :

Fig. 1. — Schéma du modèle de réaction liquide-amphibole. Jf+ : flux de diffusion de l'élément i arrivant à l'interface p. Jf~ : flux quittant l'interface, uj : nombre de moles de la phase <I> produit ou consommé à l'interface p. Krs : kaersutite, Sa : sanidine, Di : diopside, Tmg : titanomagnetite, Liq : liquide.

Fig. 1. — Diagram showing the model of liquid-amphibole reaction. Jf+: diffusion flux of élément i coming at interface p. Jf~: flux leaving interface, uj: the number of moles of phase <I> produced or consumed at interface p.

Fig. 2. — Flux de diffusion et réactions aux interfaces pour LFc/LAI = l, LFc/LMg = 0,01, LFe/LTi = l.

Lj : coefficient de diffusion de l'élément i.

Fig. 2. — Diffusion fluxes and interface reactions for LFe/LA1=l, LFo/LMg = 0.01, LFe/LT1 = l.

L,-: diffusion coefficient of élément i.

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Cette équation reste valide si on remplace du par le gradient de potentiel chimique d\it/dx. Le flux de diffusion d'un élément i étant donné par

où L; est le coefficient de diffusion de l'élément i; on a le moyen de décrire l'interaction entre diffusion et réaction par des équations ne faisant plus intervenir les potentiels chimiques mais les rapports des coefficients de diffusion.

LES DIAGRAMMES DE DIFFUSION. — La résolution du système d'équations décrivant la réaction amphibole-liquide est possible si l'on fixe les valeurs des rapports des coefficients de diffusion. Elle donnera alors l'agencement des minéraux entre amphibole et liquide, les flux de diffusion des éléments et les réactions se déroulant aux interfaces (fig. 2). D'après les valeurs des coefficients de diffusion, cinq types de séquence minéralogique peuvent être trouvés dont la séquence naturelle observée. Pour préciser la mobilité relative des éléments, on construit un diagramme donnant les champs de stabilité de ces séquences en fonction des rapports des coefficients de diffusion (fig. 3). La séquence naturelle n'est pas stable si les éléments montrent une mobilité voisine (LFe/LMg = LFe/LA1 = LFe/LTi=l). Sa stabilité est peu dépendante des mobilités relatives du titane et du fer. Par contre l'aluminium, le magnésium et le fer doivent montrer des mobilités telles que

Comme les rapports des coefficients de diffusion ne dépendent pas des concentrations [6], leurs différences traduisent effectivement des différences de mobilité des éléments. Cellesci sont limitées pour une température donnée [11]. La solution LFe/LA1 = 5, LFe/LTi = 1, et LFe/LMg=0,l limite au mieux les différences de mobilité entre les éléments et doit s'approcher de la solution naturelle.

CONCLUSIONS. — Le modèle de réaction solide-solide de Fisher [3] et Joesten [4] est transposable à des réactions magmatiques liquide-solide contrôlées par la diffusion. Pour cela les échanges d'éléments chimiques que permet le liquide doivent être quantifiés par

Fig. 3. — Diagramme de diffusion. Fig. 3. — Diffusion diagram.

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des bilans de matière. Appliquée à la déstabilisation d'amphibole dans un magma trachytique, le modèle rend compte de l'agencement coronitique des produits de réaction. Il décrit, dans la structure coronitique, les flux d'éléments entre amphibole et liquide et les réactions se produisant aux interfaces entre les différentes phases. Enfin, il permet de comparer les coefficients de diffusion de l'aluminium, du fer et du magnésium. Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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J.-L. P. : Laboratoire de Pêtrologie, U.F.R. des Sciences de la Terre, U.R.A. n° 719,

Université des Sciences et Techniques de Lille, 59655 Villeneuve-d'Ascq Cedex;

H. B. et C. C. : Laboratoire de Pêtrologie, U.C.B. Lyon-I, U.R.A. n" 713,

27-43, boulevard du ll-Novembre-19l&, 69622 Villeurbanne Cedex.

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Pétrologie/Petrology

Témoins de cisaillements syn-éclogitisation : les éclogites blastomylonitiques à clastes d'omphacite du Lévezou, (Rouergue, Massif Central français)

Jean-Luc BOUCHARDON

-Résumé — A un développement-^récoce-de-mégacristaux omphacitiques-Ghromifères succède-unephase blastomylonitique transformant ces mégacristaux en clastes à bordures granulées alors que s'établit la paragenèse éclogitique matricielle complexe à omphacite + grenat + amphibole primaire +phengite + rutile +zoïsite + quartz +disthène. Parallèlement à cette évolution tectonique, les conditions de pression et de température augmentent tandis que la roche tend vers un équilibre chimique plus global.

Record of shearing during eclogitisation: omphacitic clastic blastomylonites in the

Lévezou éclogistes (Rouergue, Massif Central français)

Abstract — Succeeding to an early cristallisation of omphacite, a blastomylonitic phase leads early megacrysts to the observable clastic habit of omphacite surrounded by granulated crystals and pressure shadows. This blastomylonitic phase develops a linear texture (L = S). According to this lineation, complex eclogitic paragenesis is constituted with matricial omphacite +garnet (showing a large development in the lineation) +primary poecilitic calcic hornblende + strings of rutile +phengite +zoisite +helicitic and policitic kyanite + quartz. Compared to the composition ofthe clastic and granulated omphacite, the matricial clinopyroxene suggest a prograde évolution under increasing pressure conditions. Garnet composition also suggest a prograde évolution under increasing température conditions during syn-blastomylonite eclogitisation.

INTRODUCTION. — A l'opposé des éclogites bastomylonitiques à rubans de quartz montrant une recristallisation syntectonique complète [1], nous avons observé dans l'horizon basique d'Arvieux [2] quelques échantillons de blastomylonites à clastes omphacitiques, dans lesquels l'empreinte tectonométamorphique incomplète permet de « lire » partiellement l'histoire précoce de l'éclogitisation. L'échantillon sélectionné RR 86-47 est une éclogite à paragenèse complexe, à clastes omphacitiques + omphacite matricielle + grenat. + amphibole primaire +phengite +zoïzite +disthène + quartz -(-rutile.

TEXTURE. — La texture de ce type de roches est caractérisée par la présence de clastes omphacitiques à bordure granulée, cernés d'ombres de pression (fig. 1 a, b) et moulés par une matrice piano-linéaire (L=S), éclogitique elle aussi. Dans quelques échantillons, dont RR 86-47, ces clastes et pro parte leur cortex granulé sont verts et chromifères, alors que l'omphacite matricielle, incolore, est pauvre ou dépourvue de chrome. Ces omphacites chromifères anté-blastomylonite témoignent donc d'une transformation gabbro-éclogite statique gardant un héritage chimique, que l'on peut attribuer à d'anciens pyroxènes magmatiques ([3], [4], [5]). La phase mylonitique détruit partiellement ces mégacristaux et développe dans la matrice une lineation minérale dessinée par l'homphacite matricielle, l'amphibole primaire, poecilitique mais très allongée dans la fabrique, la phengite, la zoïsite, le rutile en chapelets, et parfois le grenat (en cristaux montrant un développement fort dans la lineation). Le disthène, poecilitique, se développe en blastes «spongieux» à bords sinueux, parfois golfes. Les nombreuses inclusions, toujours de petite taille, sont localement hélicitiques. Elles témoignent donc de la contemporanéité au moins partielle de la blastèse du disthène et de la mylonitisation syn-éclogjtique.

Note présentée par Maurice ROQUES. 0249-6305/89/03090069 $2.00 © Académie des Sciences

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MINÉRALOGIE. — U omphacite de ces éclogites blastomylonitiques appartient donc à deux générations. La première, pré-mylonitique, correspond aux clastes. Elle montre des teneurs en jadéite variables [25 à 35% environ (fig. 2)], et des teneurs en Cr203 comprises entre 0,3 et 1,5%. La seconde, syn-mylonitique, comprend l'omphacite matricielle dont la fourchette de composition est étroite (32 à 35% de jadéite, Cr2O3=0,l%), et le cortex granulé des clastes, dont la composition s'apparente à celles des clastes.

Le grenat, en petits grains, peut constituer des rubans polycristallins conférant à la structure blastomylonitique un aspect piano-linéaire (S = L). Il n'est en contact avec les clastes qu'à leur périphérie et n'a jamais été observé en inclusion dans ceux-ci. Le coefficient de partage précoce Fe-Mg entre grenat et clastes pré-mylonitiques est donc connu. Dans cette roche à petits grenats, le rapport pyrope/almandin (0,75 à 1,15) est inversement proportionnel au taux de grossulaire [20 à 30% (fig. 3)]. L'observation de zonations de faible amplitude, du coeur vers la périphérie, nous a conduit à étudier un échantillon à gros grenats (RR80-COST 11). La «fabrique» y est plus achevée. Les clastes sont remplacés par des boudins omphacitiques polycristallins à coeur chromifère (fig. 4). L'analyse qualitative au M.E.B. des grenats a montré que la distribution des caractères chimiques observée sur l'ensemble des grenats de RR 86-47 est ici centrifuge. La teneur en Ca chute brutalement et le rapport Mg/Fe croît régulièrement du coeur vers la périphérie (fig. 5). L'évolution centrifuge dans les grenats de RR 80-COST 11, apparaît enregistrée par une chaîne nucléation-croissance de petits grenats dans RR 86-47. Le

Fig. 1. — Représentation schématique de la texture blastomylonitique à clastes pyroxéniques. a. Texture L = S, vue parallèle à L d'un claste légèrement granulé et à périphérie granulée; om, omphacite, gt: grenat, zo: zoïzite. b. Texture L = S, vue perpendiculaire à L.

Fig. 1. — Blastomylonitic L = S texture, showing clastes, poorly granulated or not, and rounded by granulated rim, along L (a), and orthogonally to L (b) (schematic représentation).

Fig- 2. — Clinopyroxènes sodiques, xjadéite, xacmite, 1-xjadéite-xacmite. Triangles clairs : omphacite matricielle, triangles sombres : clastes et périphérie granulée.

Fig. 2. — Na-clinopyroxenes, xjadéite, xacmite, 1-xjadeite. Open triangles: matricial omphacite, closed triangles: clastes and granulated rims.

Fig. 4. - Représentation schématique de la texture à boudin omphacitiques de RR 80-COST 11, clastes totalement granulés, étirés. La limite du coeur chromifère (zone entourée d'un tireté) traverse les cristaux.

Fig. 4. - Omphacitic boundins in RRS0-COST11, showing Cr rich core (dotted line). Cr-zone limits cross-cut omphacitic cristais, and probabily represent the limits of a desappeared claste (schematic représentation).

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parallèle nous semble significatif et nous permet de conclure que là température qui préside à la cristallisation s'accroît progressivement durant la blastomylonitisation.

La zoïsite, en baguettes très allongées moule les clastes pyroxéniques et présente une distribution en éventail dans les ombres de pression.

L'amphibole primaire, poecilitique et antékélyphite est abondante. C'est une hornblende calcique ([6], [7]), à A1IV/A1VI=1, Natot (Natot + Ca) inférieur à 0,33, Fe/(Fe + Mg) voisin de 0,25. Seuls les clastes montrent une amphibolitisation rétromorphique tardive, en damier, à hornblende plus trémolitique que l'amphibole primaire.

La phengite, en zone autour de la lineation, est très kélyphytisée (biotite + oligoclase). Les coeurs ont livré des compositions à 80% de phengite irùmmum, 10% de paragonite, et des valeurs en Si de 3,3 environ.

Le disthène, en éponges à contours sinueux, contient de très nombreuses inclusions de petits minéraux de la paragenèse, dont la distribution est localement hélicitique.

Le quartz, intergranulaire ou en rubans, peu abondant, est aussi contenu en inclusions dans le grenat, le disthène, et l'amphibole primaire.

Le rutile présente deux habitus : 1. micro-inclusions dans les clastes et nuages au coeur de grenats; 2. chapelets de grains d'orientation conforme à la fabrique.

CONDITIONS D'ÉQUILIBRE. — Dans de telles éclogites les conditions de l'équilibre thermodynamique ne sont pas satisfaites. Nous observons en effet le télescopage des paragenèses pré à syn tectoniques lors de l'évolution prograde des conditions P,T. La fourchette de composition étroite de l'omphacite matricielle, suggère une «homogénéisation» partielle durant l'épisode tectonique. Dans de telles conditions, les valeurs calculées de la température ([8] à [13]) et de la pression ([14], [15], [16]) sont très dispersées. Toutefois, les valeurs maximales (environ 700°C et 14 à 15 kb) obtenues pour l'échantillon RR 86-47 sont proches de celles des éclogites à paragenèse simples traitées dans la Note [1] (16,2 kb minimum, 720±30°C).

CONCLUSIONS. — Deux types de blastomylonites ont été observées en Rouergue.

1. Le premier (cf. Note [1]), correspond à des éclogites à paragenèses simples ayant atteint ou approché l'équilibre thermodynamique lors de l'épisode blastomylonitique.

2. Le second, décrit ici, montre à l'inverse la surimposition d'une paragenèse éclogitique blastomylonitique sur une paragenèse éclogitique antérieure à texture probablement héritée de la texture magmatique. L'événement tectonométamorphique correspondant est le plus ancien connu en Rouergue.

Fig. 3. — Composition des grenats dans le système pyrope/almandin-grossulaire. C, coeur; R, bordure. Fig. 3. — Garnet composition in pyrope/almandine, grossular System. C, core; R, rim.

Fig. 5. - Traversée d'un grenat de RR 80-COST 11

au M.E.B. montrant la richesse du coeur en Ca et l'évolution de Mg/Fe du coeur vers la bordure.

Fig. 5. - S.E.M. scanning of garnet from RRS0-COSTU,

showing Ca rich content of core and prograde variation of Mg/Fe from core to rim.

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Les caractères paragénétiques de l'ensembles des éclogites, les caractères texturaux observés dans les éclogites blastomylonitiques de deux types, ainsi que le continuum de déformation observable d'un échantillon à l'autre permettent de préciser la cinématique de Féclogitisation.

Temps 1. — La transformation gabbro, dolérite-éclogite débute en climat au moins localement statique, comme le montrent les clastes à coeur chromifère, l'existence d'éclogistes équantes, et des gabbros coronitiques reflétant divers stades d'éclogitisation, depuis des faciès proches du protolithe jusqu'à des faciès pré-éclogitiques ([4],. [5]).

Temps 2. — L'absence de recristallisations post-blastomylonite en climat éclogitique témoigne du caractère terminal de la tectonique tangentielle par rapport à l'épisode éclogitique. La blastomylonitisation scelle donc l'évolution prograde des éclogites du Rouergue. Elle correspond au début d'un régime de cisaillements majeurs en Rouergue qui permettra la remontée et les rétromorphoses MP de ces éclogites. Note remise le 22 décembre 1988, acceptée après révision le 25 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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E.N.S.M. de Saint-Étienne, 42023 Saint-Étienne Cedex 2.

C R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série n, p. 73-79, 1989 73

Sédimentologie/Sedimento/ogj

Périodicités dans les séries pélagiques alternantes et

variations de l'orbite terrestre. Exemple du Crétacé

inférieur dans le Sud-Est de la France

Michel Rio, Serge FERRY et Pierre COTILLON

Résumé — L'étude, par transformée rapide de Fourier, de l'épaisseur des bancs et interbancs de la série alternante pélagique du Crétacé inférieur d'Angles - Saint-André-les-Alpes (Alpes de Hautes Provence), montre que les cycles de Milankovitch n'induisent pas le signal périodique le plus important; d'autres composantes, non interprétées pour l'instant, ont une intensité parfois plus forte. La nature du matériel sédimentaire dominant (terrigène ou biogène) contrôle l'enregistrement préférentiel de certaines périodes.

Periodicities in alternating pelagie successions and terrestrial orbital

variations. An example in Lower Cretaceous of South-East of France

Abstract — Fast Fourier transform of beds and interbeds thickness of Lower Cretaceous alternating pelagic succession from Angles-Saint-André-les-Alpes (Alpes de Haute Provence, France) reveals that Milankovitch cycles do not induce the major periodic signal; other components, whose significance is unknown, hâve a higher intensity. The nature of the main sedimentary component (terrigenous or biogenous) controls preferential recording of some periods.

Abridged English Version — The harmonie analysis of numerous alternating successions ([1] to [3]), aims to point out periods corresponding to those calculated by Milankovitch for terrestrial orbital parameters. We hâve applied Fast Fourier Transform (FFT) to the Berriasian-Barremian hypostratotypic succession of Angles - Saint-André-les-Alpes (Alpes de Haute Provence, France), whose stratigraphy is well known [4], to reveal possible periodicity in thickness of limestone beds and mari interbeds (2,160 measurements). We first discuss the hypothesis implicitly introduced to transform lithologie actual succession into temporal one.

I. THE HYPOTHESIS. — (a) The sedimentary recording is continuons. — This is quite true in this area. There is not any érosion, emersion or sédimentation gap. Some intervais are slumped. They hâve been replaced by thickness values compatible with adjacent ones. This replacement introduces an error of 4% for the number of beds + interbeds cycles (45 for 1,080).

(b) The bed+interbed duration is constant. — None of the stratigraphie or geochronologic existing methods can détermine the exact duration of cycles. We hâve used fïve différent geological time scales ([5] to [9]) and the number of cycles counted in the four considered stages to do this estimation. Except for the Barremian in the Kennedy and Odin scale, the mean of the cycle duration is near 21,000 years whatever the scale used (Table I). It is noteworthy that this value coincides with the average of the two well known periods of equinox precession Le. 19,000 and 23,000 years.

II. THE RESULTS. — The results of harmonie analysis are given by spectra (Fig. 1) that contains the periods whose relative power is greater than 50% of the most powerfull period,

(d) The periods of orbital variation do not always appear: 40,000 years is présent and intense except for the Barremian; 100,000 years is weak and inconstant; 400,000 years is the most powerfull and constant in ail stages.

Note présentée par Georges MILLOT. 0249-6305/89/03090073 S 2.00 © Académie des Sciences

74 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 73-79, 1989

(b) The spectra are quite différent from one another. The Berriasian one contains few harmonies between 40 and 80,000 years and near 400,000. For the Valanginian there are a lot of harmonies between 40,000 and 100,000 and none for the 100,000-400,000 interval. The harmonies of the Hauterivain spectrum are spread between 40 and 400,000 years. For the Barremian, the harmonies are scarce. What is the origin of thèse différences? The variations of the thickness of cycles could not faithfully reflect the sédimentation rate modifications. If coupling between orbital and climatic variations is good [1], only post depositionnal disturbances must be accounted for. After some tests, différenciai compaction does not appear as an important factor. Do terrigenous and biogenous sedimentary components react in the same way to climatic variations? The spectrum of Barremian cycles looks like the spectrum of Barremian limestone beds that are dominant in this stage. In the same way, the Valanginian cycles spectrum and the Valanginian interbeds spectrum are similar (Fig. 2). Furthermore, there are clear différences between the calcareous lower part and the shally middle part of Valanginian (Fig. 3).

So, the recording of periodic variations of environmental parameters dépends upon the nature of the sedimentary material.

(c) In the spectra, there are numerous powerfull harmonies that simply correspond to a whole multiple of the 21,000 years basic period. They represent the bed clusters easily observed in the successions. But they do not reflect any "Milankovian" values. Their origin are not, fot instance, understood.

III. CONCLUSION. — Harmonie analysis of lower Cretaceous pelagic limestone-marl alternations point out to the importance of the nature of sedimentary material (biogenous versus terrigenous) on the quality of the climatic variations periodicity recording. Extra "Milankovian" harmonies appear in the spectra, indicating that other phenomena than terrestrial orbitary modifications could induce some characters of the alternating successions.

L'étude de la périodicité dans les séries alternantes de toutes natures s'est récemment développée en liaison avec celle de l'enregistrement sédimentaire des variations climatiques ([1] à [3]). Dans tous les cas, le but est de retrouver des périodes qui coïncident avec celles établies par Milankovitch pour les principaux paramètres de l'orbite terrestre. Nous avons pris comme exemple la série hypostratotypique du Crétacé inférieur de la région d'Angles - Saint-André-les-Alpes (Alpes de Haute Provence) dont la stratigraphie est bien établie [4]. C'est une alternance typique de calcaires et de marnes pélagiques. L'épaisseur de tous les bancs et interbancs de l'intervalle Berriasien-Barrémien a été mesurée (2160 valeurs) et sert de base à ce travail.

La coïncidence entre les valeurs obtenues par analyse harmonique sur les séries géologiques et les périodes établies par les astronomes, ne constitue pas une preuve certaine que les variations de l'orbite terrestre modifient la nature des sédiments ou leur vitesse de dépôt. L'assimilation de la périodicité géométrique de la succession visible sur le terrain à une périodicité temporelle implique un certain nombre d'hypothèses qu'il convient d'expliciter et d'éprouver.

I. LES HYPOTHÈSES. — (a) L'enregistrement sédimentaire est continu. — Dans la région choisie, aucune surface d'érosion, d'émersion ou d'arrêt de sédimentation n'est décelable dans l'intervalle étudié. Quelques niveaux contournés, failles mineures ou lacunes d'observation perturbent les mesures. Ces intervalles ont été complétés par des valeurs tirées au

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TABLEAU I

Durée des étages selon cinq échelles chronologiques récentes

et durée moyenne calculées des cycles élémentaires.

Duration of stages from five récent geological time scales

and the calculated mean duration of the elementary cycles.

I II III IV V VI

Nabcdefgh i j k I

Berriasien 204 6 29412 4 19608 6 29412 4 19908 6 29412 5 25490

Valanglnien 347 7 20173 7 20173 7 20173 9 25937 7 20173 7 21326

Hauterivien 238 6 25210 5 21008 7 29412 4 16807 7 29412 6 24370

Barrémien 291 6 20619 2 6873 5 17182 4 13746 5 17182 4 15120

Total 1080 25 23148 18 16667 25 23148 21 19444 25 23148 23 21111

I : Harland et coll. (1982); II : Kennedy et Odin (1982); ni : Hallam et coll. (1985); IV : North American Geological Time Scale (1983); V : Kent et Gradstein (1985); VI : moyenne.

I: Harland et al. (1982); H: Kennedy and Odin (1982); III: Hallam et al. (1985); IV: North American Geological Time Scale (1983); V: Kent and Gradstein (1985); VI: average.

a, c, e, g, i, k : durées des étages en millions d'années, b, d, f, h, j, l : durées des cycles élémentaires en milhers d'années. N : nombre de cycles dans chaque étage.

a, c, e, g, i, k: stages durations in millions years. b, d, f, h, j, l: duration of the elementary cycle in thousand years. N: number of cycles in each stage.

hasard mais respectant deux contraintes :

— l'épaisseur des bancs ou des interbancs est comprise dans la fourchette déterminée par les épaisseurs des dix bancs ou interbancs encadrant l'intervalle en question;

— le nombre de cycles banc+interbanc est compatible avec celui observé de part et d'autre sur une épaisseur équivalente à l'intervalle traité.

Cette solution introduit une incertitude de l'ordre de 4% sur le nombre des cycles (45 sur 1080).

(b) La durée du cycle élémentaire calcaire + marne est constante. — La méthode de calcul employée pour cette étude (transformée rapide de Fourier) implique que les valeurs utilisées suivent un pas constant d'échantillonnage temporel ou spatial. L'utilisation, pour les calculs de périodicité, de l'épaisseur des bancs, des interbancs ou des cycles banc+interbanc, implique que la durée d'un cycle est constante. Aucune méthode stratigraphique ou géochronologique ne permet évidemment de déterminer directement cette durée. L'unique solution consiste à rapporter la durée d'un intervalle stratigraphique rigoureusement défini au nombre de cycles présents dans cet intervalle. Le tableau I résume les valeurs obtenues pour les quatre étages du Crétacé inférieur en utilisant cinq échelles temporelles récentes ([5] à [9]).

Tous les résultats obtenus pour la durée du cycle banc+interbanc encadrent une valeur de 21000 ans voisine de la moyenne, 21111 ans. Il y a coïncidence entre la durée moyenne estimée du cycle élémentaire dans l'intervalle Berriasien-Barrémien, et la moyenne des deux périodes connues pour la précession des équinoxes (19000 et 23000 ans). En la

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TABLEAU II

Calcul de la durée des différents étages.

La durée retenue pour le cycle élémentaire est de 21000 ans.

Calculated duration of the différent stages.

The duration used for the elementary cycle is 21,000 years.

Nombre de Erreur Durée calculée Durée cycles +/- 1 000 000 ans retenue

Berriasien 204 10 4,1-4,5 4

Valanginien 347 15 7,0-7,6 7

Hauterivlen 238 10 4,8 - 5,2 5

Barrémlen 291 10 5,9-6,3 6

Total 1080 45 21,7-23,6 22

considérant comme représentative, cette moyenne permet de faire le calcul inverse c'està-dire l'estimation de la durée probable des étages (tableau II).

Les valeurs obtenues sont en bon accord avec les durées proposées par Kennedy et Odin [7] sauf pour le Barrémien pour lequel l'accord se fait avec les autres échelles. Dans la suite du travail, nous adopterons comme postulat que, dans la série étudiée, le signal élémentaire a une période de 21000 ans; c'est la plus courte période que nous puissions reconnaître; elle correspond toujours au cycle banc+interbanc. La plus petite période fournie par l'analyse harmonique sera donc de 42000 ans. Cette solution est évidemment arbitraire mais nous n'en avons pas d'autre à notre disposition.

II. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS. — Les résultats sont représentés par des spectres (fig. 1) portant en abscisse les périodes et en ordonnée leur puissance relative. Seules les périodes ayant une puissance relative supérieure à 50 % ont été retenues.

Plusieurs remarques s'imposent à l'examen de ces résultats.

(a) Les périodes caractérisant les variations de l'orbite terrestre n'apparaissent pas régulièrement dans ces spectres : 40000 ans est toujours présente et intense sauf au Barrémien; 100000 ans n'est ni systématique ni intense; 400000 enfin est la plus constante et la plus intense de toutes.

(b) Les spectres diffèrent sensiblement les uns des autres. Celui du Berriasien est pauvre en harmoniques; les principales périodes se situent entre 40000 et 80000 ans et autour de 400000 ans. Pour le Valanginien, le spectre est caractérisé par un très grand nombre d'harmoniques entre 40000 et 100000 ans et par leur absence entre 100000 et 400000 ans. Le spectre de l'Hauterivien est étalé entre 40000 et 400000 ans. Celui du Barrémien, enfin, est pauvre en harmoniques, les principales correspondant aux longues périodes. Quelles sont les raisons de ces différences ?

Les variations d'épaisseur du cycle élémentaire pourraient ne pas refléter fidèlement les variations du taux de sédimentation, c'est-à-dire les changements de l'environnement marin induits par les modifications périodiques de l'orbite terrestre. Le couplage entre variations climatiques et variations orbitales étant considéré comme très plausible [1], seules des perturbations postérieures au dépôt pourraient être invoquées. La compaction différentielle entre calcaires et marnes ne paraît pas, d'après les tests que nous avons

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réalisés, être la cause de cette distorsion. Les variations orbitales ne sont pas les seuls facteurs modifiant le milieu. Il existe probablement des variations à plus grande période; les analogies entre les spectres du Berriasien et du Barrémien rappellent par exemple l'existence d'un mégacycle lithologique Tithonique-Bédoulien. Mais un autre facteur doit être envisagé. Les composants terrigènes et biogènes du sédiment répondent-ils de la, même manière aux variations de l'environnement? Les spectres de là figure 1 ont été obtenus à partir de l'épaisseur des cycles calcaire+marne. Le calcul a été également effectué sur les bancs calcaires et sur les interbancs marneux considérées comme représentatifs de l'ensemble du cycle. Or le spectre obtenu pour les cycles du Berriasien ressemble fortement au spectre calculé à partir des bancs calcaires qui dominent dans cet étage, alors que le spectre des cycles du Valanginien se calque sur celui des marnes qui sont le faciès dominant de ce niveau (fig. 2). Cette observation peut être affinée. Le spectre obtenu à partir des cycles de la partie basale, essentiellement calcaire, du Valanginien, correspond presque exactement à celui des bancs du même niveau; le spectre calculé sur les cycles de la partie centrale marneuse du même étage est tout à fait similaire à celui des interbancs (fig. 3). La qualité de l'enregistrement sédimentaire des variations périodiques du milieu dépend donc de la nature du matériel qui se dépose. Les marnes sont surtout sensibles aux courtes périodes, alors que les calcaires conservent aussi la trace des longues périodes.

(c) En dehors des périodes recherchées, il en existe beaucoup d'autres qui correspondent à un multiple entier de la période élémentaire de 21000 ans. Elles ne sont que l'expression, dans les calculs, de faits d'observation. Les bancs dédoublés ou des groupes de trois à cinq bancs sont fréquents dans le Valanginien, alors que dans les niveaux plus calcaires de l'Hauterivien ou du Barrémien, ce sont de grands ensembles d'une vingtaine ou d'une cinquantaine de bancs qui se discernent. Il faut souligner que la périodicité qui soustend ces groupes ou ces ensembles est apparemment sans rapport avec les périodes de Milankovitch mais qu'elle correspond, en général, aux signaux les plus intenses extraits par le calcul.

III. CONCLUSIONS. — L'analyse harmonique de l'ensemble du Crétacé inférieur alternant de la région d'Angles - Saint-André-les-Alpes (Alpes de Haute Provence), permet de; retrouver les périodes de 40000, 100000 et 400000 ans caractéristiques des variations des paramètres de l'orbite terrestre. Toutefois, ces périodes n'apparaissent pas systématiquement dans les résultats des calculs. D'autres, au contraire, dont l'intensité est généralement forte, et qui ne correspondent pour l'instant à aucune valeur à signification astronomique, se reconnaissent sur le terrain par des groupements particuliers de bancs. -_La

-_La de l'enregistrement sédimentaire des variations périodiques (ou pseudopériodiques) de l'environnement marin dépend fortement de la nature du matériel qui se dépose. Les marnes (la fraction détritique?) sont sensibles aux variations à haute fréquence, alors que les calcaires (la fraction biogénique ?) réagissent plus fortement aux modifications de basse fréquence.

Contribution C.N.R.S.-I.N.S.U., Dynamique et Bilan de la Terre, n° 89, « Message sédimentaire ». Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 19 avril 1989.

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Centre des Sciences de la Terre, Université Lyon-I, 27-43, boulevard du ll-iVouemfere-1918, 69622 Villeurbanne Cedex.

EXPLICATIONS DE LA PLANCHE

Fig. 1. — Spectres obtenus par transformée rapide de Fourier à partir de l'épaisseur des cycles pour les quatre étages étudiés. Les périodes sont calculées en utilisant une valeur de 21000 ans pour le cycle élémentaire.

Fig. 1. — Fast Fourier transform spectra computed using the thickness of the cycles for each studied stages. Periods are calculated using a value of 21,000 years for the duration of the elementary cycle.

Fig. 2. — Comparaison des spectres obtenus par transformée rapide de Fourier à partir des épaisseurs des

cycles et des bancs pour le Barrémien, des cycles et des interbancs pour le Valanginien. Les périodes sont

calculées en utilisant une valeur de 21000 ans pour le cycle élémentaire. Fig. 2. — Comparison of fast Fourier transform spectra computed with the thickness of cycles or beds in the

Barremian, cycles or interbeds in the Valanginian. Periods are calculated using a value of 21,000 years for

the duration of the elementary cycle.

Fig. 3. — Comparaison des spectres obtenus par transformée rapide de Fourier à partir des épaisseurs des cycles et des interbancs pour la partie basalé et la partie moyenne du Valanginien. Les périodes sont calculées en utilisant une valeur de 21000 ans pour le cycle élémentaire.

Fig. 3. — Comparison of fast Fourier transform spectra computed with the thickness of cycles or interbeds in the lower and middle parts of Valanginian. Periods are calculated using a value of 21,000 years for the duration of the elementary cycle.

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Sédimentologie/Sedimentology (Stvatigraphie/Stratigraphy)

Modèle sédimentologique des monticules micritiques de la

partie supérieure du Frasnien du Massif de Philippeville

et corrélations séquentielles avec le bord nord du

Synclinorium de Dinant (Belgique)

Frédéric BOULVAIN et Marie COEN-AUBERT

Résumé — Dans la région classique du Synclinorium de Dinant, les corrélations séquentielles, confirmées paléontologiquement (Rugueux massifs et Conodontes), permettent d'établir des équivalences latérales entre monticules micritiques et dépôts stratifiés plus proches du continent.

Sedimentological model of Upper Frasnian micritic mounds from Philippeville

area and sequential corrélations with the North side of the Dinant Synclinorium

(Belgium)

Abstract — In the classical area of the Dinant Synclinorium, sequential corrélations, confirmed by fossils (massive rugose corals and conodonts), are established between mud mounds and stratified deposits situated doser to the continent.

Abridged English Version — Some fifty calcareous mud mounds developed during the upper part of Middle Frasnian and the Upper Frasnian in the "Massif de Philippeville" (Fig. 1) [1]. Thèse lentdcular bodies, embedded in shales, range from twenty to eighty mètres in thickness. A microbian ([3], [4], [5]) iron oxide pigment gives a pinky to reddish color to the lower and upper parts of thèse bioherms.

Based on a detailed pétrographie study of ten mud mounds ([4], [6], [7]), a sedimentological model is proposed [2]. The aim of this note is to demonstrate the sequential corrélations existing between mud mounds and stratified deposits from the north side of the Dinant Synclinorium.

MUD MOUND ÉVOLUTION. — Briefly, starting from pre-mound argillaceous limestones and progressing towards their top, the séquence comprises (Fig. 2):

— argillaceous sponge-spicule mudstones and wackestones, characteristic of pre- and peribiohermal sédimentation, (microfacies 1: MF 1);

— the first mud mound sédiments represented by spiculitic mudstones and wackestones with Stromatactis (MF 3) become progressively enriched in corals (MF 4), subsequendy in crinoids and peloids (MF 5) and fïnalry in irregular plurimetric fenestrae (MF 6) (relies of microbial mats, [4]); in the periphéry of the mound, bioclastic wackestones (MF 2) are deposited by the reworking of fine biohermal sédiments; on the flanks of well-developped buildups, crinoidal grainstones are interbedded with MF1 and MF 2;

— algal or cryptalgal bindstones with sponges, corals, stromatopores, Renalcis and Paleomi^ crocodium (MF 7);

— algal-peloids wackestones, packstones and bindstones with Codiaceae-Udoteaceae and thick algal coatings (MF 8).

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090081 S 2.00 © Académie des Sciences

82 C R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série n, p. 81-87, 1989

The local virtual séquence is represented by the succession MF 1-3-4-5-6-7-8 for the central zone of the buildups and by the succession MF 1-2-9 for the flanks. The uppermost part of certain buildups is characterized by the return of the deeper MF 3 faciès. Following mud mound development, the deepening is confirmed by open marine clay déposition.

NORTH SIDE OF DÎNANT SYNCLINORIUM. — Several sections in the Aisemont Formation [8] (that of Lustin for example in Figure 2) reveal, after a hard ground which limits the restricted sédimentation of the Lustin Formation, a succession of argillaceous limestones and shales, dolomitic oncoidal and coral-crinoidal limestones. The Aisemont Formation is overlain by shales. According to the order of the local virtual séquence, the following microfacies are encountered: silty maris (MFA); bioturbated argillaceous mudstones (MFB); argillaceous wackestones with brachiopods (MFC); crinoidal bioclastic packstones (MFD), peloidaloncoidal packstones (MFE); dolomitic oncoidal grainstones (MFF); laminar wackestones (MFG).

CORRÉLATIONS. — Mud mound development begins, below the photic zone, with Stromatactis limestones (MF 3). On the periphery of buildups, thèse limestones are interbedded with contemporaneous argillaceous peri-biohermal sédiments (MF 1). Progressive buildup development, during constant sea-level, is expressed by initial enrichment in corals (MF 4), subsequendy in crinoids and peloids (MF 5) and fïnally in microbial mats (MF 6). This local séquence of biohermal accretion is the équivalent of a monosequence of argillaceous limestones and shales on the north side of the Dinant Synclinorium (MFC, A).

A progressive lowering of the sea level is suggested by the development of a régressive séquence in the mud mounds (development of (crypt)algal-coral bindstones, MF 7 and 8) and on the north side of the Dinant Synclinorium (dolomitic oncoidal limestones, MFE, MFF).

Finally, the reccurence of Stromatactis limestones (MF 3) at the top of the mounds and of crinoidal packstones at the top of the Aisemont Formation is the resuit of a gênerai rising sea level (transgressive séquence). This séquence ends with the déposition of shales throughout the basin.

Thèse sequential corrélations are confirmed by the succession of conodonts and massive rugose corals. Indeed, Ancyrognathus triangularis triangularis Youngquist and Frechastraea carinata Scrutton are found in the lower part of the mounds and at the base of the Aisemont Formation whereas A. asynimetricus (Ulrich and Bassler), F. pentagona micrastraea (Penecke), F. limitata (Milne-Edwards and Haime) and Phillipsastrea ananas ananas (Goldfuss) occur in the upper part of the mounds; the same species of corals characterize the limestone level from the top of the Aisemont Formation.

CONCLUSION. — Two contemporaneous sections, situated in the same basin, one of them possessing it's own particular dynamics (mud mound accretion) recorded a stationary sea level period, then a marine régression and finally a transgression. A comparison between the two sections demonstrates the strong adaptability of the mounds to environmental changes; sea level fluctuations, well marked on the north side of the Dinant Synclinorium, are attested in the mounds only by a more rapid succession of organic communites.

Trois phases de développement de biohermes calcaires se succèdent durant le Frasnien au bord sud du Synclinorium de Dinant ([1] par ex.). Plus au Nord (fig. 1), dans le Massif de Philippeville (anticlinorium secondaire du Synclinorium de Dinant), les deux

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niveaux inférieurs de monticules micritiques passent à deux niveaux de calcaires biostromaux. Les monticules de la dernière phase, connus sous le nom de « biohermes de marbre rouge F2j" sont peu développés au bord sud du Synclinorium et ne prennent leur plein développement que dans le massif de Philippeville.

Un modèle sédimentologique a été récemment proposé pour ces biohermes de marbre rouge [2]. Le but de cette Note est de montrer les corrélations séquentielles entre ces monticules micritiques et les sédiments carbonates stratifiés de la Formation d'Aisemont déposés au bord nord du Synclinorium de Dinant, dans une aire plus proche du continent.

MODÈLE SÉDIMENTOLOGIQUE DES BIOHERMES DE MARBRE ROUGE. — Ces biohermes sont de grosses masses carbonatées de forme lenticulaire, de 20 à 80 m de puissance, isolées au sein d'un encaissant plus argileux. Le pigment ferrugineux à l'origine de la couleur rouge de certains faciès est d'origine microbienne ([3], [4], [5]).

Dix biohermes datés par Coraux et Conodontes ont été étudiés et échantillonnés en détail. Il s'agit notamment des carrières de Tapoumont et des Bulants à Neuville, de Beauchâteau à Senzeille et du Petit-Mont à Vodelée ([4], [6], [7]). Neuf groupes de microfaciès (MF) ont été recensés.

En partant de la base des calcaires argileux infra-biohermaux qui surmontent le second niveau biostromal et en progressant vers le sommet des monticules, on observe la séquence suivante (fig. 2) :

— des mudstones et wackestones argileux à Spongiaires (MF1);

— les premiers sédiments biohermaux, représentés par des mudstones et wackestones rouges à spicules et Stromatactis (MF 3). Avec la croissance du bioherme, ces microfaciès s'enrichissent d'abord en Coraux Rugueux (MF 4), ensuite en Crinoïdes et péloïdes algaires (MF 5). A ces sédiments correspondent, sur les flancs du bioherme, des wackestones et packstones bioclastiques (MF 2) qui résultent de la remise en suspension et du dépôt des plus fins bioclastes. Ces calcaires bioclastiques de flanc s'enrichissent également progressivement en Crinoïdes au fur et à mesure de la croissance du monticule pour donner naissance à des grainstones à Crinoïdes (MF 9). Ces faciès de flanc alternent avec la sédimentation péri-biohermale (MF 1);

. — des wackestones rouges à fenestrae irrégulières, interprétés comme sédiments riches en tapis microbiens (MF 6) [4].

Ces sept microfaciès (MF 1, 2, 3, 4, 5, 6, 9) contiennent quelques pour cent d'insolubles (argiles, oxydes de fer);

— des bindstones et floatstones gris, purs, à Coraux, Stromatopores, Algues, Eponges et des bindstones cryptalgaires à Renalcis et Paleomicrocodium (MF 7);

— des bindstones et wackestones gris à Codiacées-Udotéacées et' encroûtements algaires au sommet des bioconstructions (MF 8).

La séquence régressive idéale est représentée par la succession MF 1-3-4-5-6-7-8 pour la zone centrale des édifices et par la succession MF 1-2-9 pour les flancs.

L'extrême sommet des monticules est caractérisé par une récurrence des wackestones rouges à Stromatactis (essentiellement MF 3). Après la fin de l'épisode biohermal, la sédimentation argileuse domine.

BORD NORD DU SYNCLINORIUM DE DÎNANT. — Plusieurs coupes ont été levées et échantillonnées dans la Formation d'Aisemont de la vallée de la Meuse. La coupe illustrée (fig. 2) est celle des Rochers de Frênes à Lustin [8]. Elle débute dans les calcaires purs, parfois laminaires de la formation de Lustin qui sont surmontés par un fond durci. Ensuite, la Formation d'Aisemont est constituée de calcaires nodulaires à Brachiopodes,

2 ° 30' LONG. E

3°30'

Fig. 1. — Carte géologique simplifiée des affleurements de Dévonien moyen et de Frasnien dans les Synclinoriums de Dinant et de Namur. Fig. 1. — Simplified geological map ofMiddle Devonian and Frasnian outerops in the Dinant and Namur Synclinoriums.

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de schistes et de calcaires dolomitiques où l'on observe notamment des oncoïdes, Crinoïdes et Coraux; elle est recouverte par quelques mètres de schistes.

Les microfaciès suivants (MF), présentés dans l'ordre de la séquence virtuelle locale ont été recensés : des marnes silteuses (MFA), des mudstones argileux bioturbés (MFB), des wackestones argileux à Brachiopodes (MFC), des packstones à Crinoïdes et bioclastes (MFD), des packstones et wackestones à péloïdes et oncoïdes (MFE), des grainstones dolomitisés à péloïdes et oncoïdes (MFF) et des wackestones et packstones laminaires et Mérites (MFG).

CORRÉLATIONS SÉQUENTIELLES. — Dans le Massif de Philippeville, plusieurs mètres de calcaires argileux (MF1) se déposent au-dessus du deuxième niveau biostromal (fig. 2), avant le développement des monticules micritiques. Au bord nord du Bassin de Dinant, la sédimentation silto-argileuse (MFA) est séparée de la fin du cycle régressif, correspond dant au sommet de la Formation de Lustin (calcaires laminaires et loférites, MFG) par un fond durci, marquant un arrêt de sédimentation.

Le développement des monticules micritiques commence par des calcaires rouges à Stromatactis (MF 3) qui s'interdigitent sur les flancs de l'édifice avec les calcaires argileux péribiohermaux (MF 1), témoignant de la contemporanéité des deux types de sédimentation. Celle-ci débute en dessous de la zone photique. L'enrichissement progressif en Rugueux (MF4), ensuite en Crinoïdes et péloïdes (MF 5) et finalement en tapis microbiens (MF 6) est attribué à la croissance du bioherme, atteignant progressivement la zone photique, sans modification notable des conditions du milieu.

Cette séquence locale d'accretion biohermale correspond à une monoséquence au bord nord du bassin, avec dépôt de marnes et d'argilites silteuses à Brachiopodes (MFC et A).

La fin de cette première séquence correspond à un changement des conditions du milieu. Il s'agit d'une baisse progressive du niveau marin accompagnée d'une diminution de l'apport détritique. Ce phénomène est marqué, au bord nord du bassin, par une séquence régressive : mudstones bioturbés (MFB) — wackestones à oncoïdes (MFE) — grainstones dolomitiques à oncoïdes (MFF). Les monticules développent eux des faciès de bindstones purs à Coraux, Stromatopores, Algues et Eponges (MF 7), suivis de faciès algaires à Codiacées-Udotéacées (MF 8), terme extrême de la séquence régressive.

La récurrence de calcaires rouges à Stromatactis (MF 3) au sommet des monticules et de packstones à Crinoïdes au sommet de la Formation d'Aisemont (MFD) témoigne d'une élévation du niveau marin avec reprise de l'apport détritique dans tout le bassin. La séquence se termine, dans le Massif de Philippeville et au bord nord du Synclinorium par le dépôt de schistes.

CORRÉLATIONS BIOSTRATIGRAPHIQUES. — Ces corrélations sont basées sur l'étude des Rugueux massifs et des Conodontes. Dans le Massif de Philippeville, Argustastrea konincki (Roemer) se rencontre dans la partie supérieure du second niveau biostromal. Les sept premiers mètres des calcaires argileux sus-jacents sont riches en Hexagonaria davidsoni (Milne-Edwards et Haime) et H. mae Tsien associés à quelques Ancyrognathus triangularis euglypheus Stauffer sensu Coen [9]. Par contre, les bancs coralliens suivants renferment de nombreux Frechastraea carinata Scrutton et A. triangularis triangularis Youngquist. A la base de ces bancs ou peu au-dessus commencent à se développer les monticules micritiques. Dans les calcaires rouges, qui caractérisent leur partie inférieure, on retrouve F. carinata et A. triangularis triangularis. Dans les calcaires gris de la partie supérieure des monticules micritiques abondent au contraire F. pentagona micrastraea

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(Penecke) et Phillipsastraea ananas ananas (Goldfuss) à côté de F. limitata (MilneEdwards et Haime) et d'Ancyrognathus asymmetricus (Ulrich et Bassler). La transition entre cet assemblage et la faune à F. carinata a notamment été observée dans la carrière des Bulants à Neuville [6].

Au bord nord du Synclinorium de Dinant, on retrouve Argustastrea konincki dans la partie supérieure de la Formation de Lustin. Ensuite, F. carinata et A. triangularis triangularis sont habituellement présents dès les premiers calcaires argileux, situés à la base de la Formation d'Aisemont, par suite probablement de l'arrêt de sédimentation enregistré par le fond durci; un phénomène de diachronisme affectant le sommet du second niveau biostromal peut également être envisagé. F. pentagona micrastraea, P. ananas ananas et F. limitata se rencontrent dans l'épisode calcaire, caractéristique du sommet de l'unité lithostratigraphique. Ces occurences confirment les corrélations séquentielles proposées.

CONCLUSIONS. — Deux coupes situées dans le même bassin en contexte paléogéographique contrasté ont enregistré une période de niveau marin stationnaire, suivie d'une régression progressive et enfin d'une transgression rapide. Ces phénomènes eustatiques se superposent dans l'une des coupes à une évolution propre due à l'accretion biohermale.

Si les corrélations séquentielles permettent aisément de situer le début de la transgression dans tout le bassin, il est par contre plus difficile de faire la part, au sein des monticules, entre sédiments formés au cours de la phase de niveau marin stationnaire et ceux formés durant la régression. Cette particularité des biohermes résulte évidemment du fait que régression marine et accretion biohermale sont deux phénomènes jouant dans le même sens. Grâce aux corrélations biostratigraphiques, il est cependant possible de préciser cette limite et de comparer deux séquences d'accrétion biohermale d'abord dans une situation de niveau marin stationnaire et ensuite variable. La grande adaptabilité des bioconstructions à leur environnement en ressort. La phase régressive, bien individualisée au bord Nord du Synclinorium de Dinant, n'est marquée en milieu biohermal que par une succession plus rapide des communautés organiques dominantes. Note remise le 12 décembre 1988, acceptée après révision le 17 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[4] F. BOULVAIN, M. COEN-AUBERT et F. TOURNEUR, Ann. Soc. Géol. Belgique, 110, 1988, p. 225-240.

[5] F. BOULVAIN, Ann. Soc. Géol. Belgique (sous presse).

[6] M. COEN, M. COEN-AUBERT et P. CORNET, Ann. Soc. Géol Nord, 96, 1977, p. 325-331.

[7] A. PREAT et F. BOULVAIN, 9th LA.S. Eur. Reg. Meet. of Sedimentol., Excursion Guidebook, A. HERBOSCH éd., Leuven, 1988, p. 1-25.

[8] M. COEN-AUBERT et M. COEN, Ann. Soc. Géol. Belgique, 97, 1975, p. 499-524.

[9] M. COEN, Ann. Soc. Géol. Belgique, 95, 1973, p. 239-253.

F. B. : Boursier C.E.E., Laboratoire de Géologie sédimentaire, bât. n° 504,

Université de Paris-XI, 91405 Orsay Cedex

et Laboratoires associés de Géologie-Pétrologie-Géochronologie, Université Libre de Bruxelles,

50, avenue Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Belgique; M. C.-A. : Département de Paléontologie, Institut royal des Sciences naturelles de Belgique,

rue Vautier 29, B-1040 Bruxelles, Belgique.

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Fig. 2. - Corrélations séquentielles entre un monticule micritique et la coupe de Lustin au bord nord du Synclinorium de Dinant. Fig. 2, — Sequential corrélations between a mud mound and the Lustinsection onthe north side ofthe Dinant Synclinorium. .

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Stràtigraphie/Stratigragphy

Rôles respectifs de l'eustatisme et de la tectonique

dans la sédimentation carbonatée du Crétacé moyen

des Pyrénées orientales (Aude, France)

Michel BILOTTE et Jean-Paul SEVERAC

Résumé — Le déroulement des processus sédimentaires dans les séries de plate-forme du Crétacé moyen des Pyrénées orientales s'organise en trois périodes : 1, des cycles eustatiques de 3e ordre contrôlent directement l'organisation séquentielle pendant le Vraconien-Cénomanien; 2, une phase de tectonique distensive interrompt cette organisation au cours du Turonien inférieur; 3, le contrôle eustatique redevient prépondérant à partir du Turonien moyen.

The respective rôles of eustacy and tectonics in carbonated sédimentation of the

Mid-Cretaceous in the Eastern Pyrénées (Aude, France)

Abstract — The sedimentary process in the séries of Mid-Cretaceous platforms in the Eastern Pyrénées develops in three periods: 1. third order eustatic cycles directly control sequential organization during the Vraconian-Cenomanian time; 2. a phase of distensive tectonics'interrupts this organization during the Early and Lower Turonian; 3. eustatic control again becomes dominant starting in the Middle Turonian.

Abridged English Version — The Mid-Cretaceous period in the Eastern Pyrénées (the Mouthoumet Block) is well known from a stratigraphie and sedimentological point of view as well as from a cartographie one ([1], [2]). It therefore seemed interesting to suggest an interprétation using the séquence stratigraphy ([5], [6]).

The référence section chosen is located in the Roc Fourcat Unit (Fig. 1) where, besides a continuous succession from the Albian to the Turonian séries, all the morphological devices of a platform-basin link are preserved.

The Vraconian to Turonian interval is represented by three formations dated with référence to biozones of planktonic and benthonic Foraminifera, Rudistids and Ammonites [1]. Thèse formations are bounded by major discontinuities (Fig. 2) which are respectively, from bottom to top:

— the Verdouble Formation: Vraconian to Lowermost Cenomanian;

— the Escudiés Formation: Early Cenomanian to Uppermost Cenomanian;

— the "Marnes glauconieuses" Formation: Mid-Turonian at the base.

Six depositional séquences can be identifïed: two in the Verdouble Formation (SD1-SD2); three in the Escudiés Formation (SD3-4-5); one in the Marnes glauconieuses Formation (SD6).

SD1, 2 and 3 begin with a transgressive System tract that is marly-calcareous or marlysilty and end with a calcarenitic highstand System tract. The boundary surface corresponds to a hard ground between 1 and 2; and to a burrowed and ferruginous surface between 2 and 3., The base of the fourth depositional séquence is locally reworked under slumped and conglomeratic levels joined to the lower part of a lowstand wedge. The transgressive System tract organized into thinning upwards séquences ends with a discontinuity linked to the rapid rise of the sea level. The highstand System tract is composed of shallow deposits of carbonated and sometimes terrigenous platforms. Its top is crowned by a burrowed and ferruginous surface. The fifth depositional séquence is reduced to a single transgressive System tract: a

Note présentée par Jean DERCOURT. 0249-6305/89/03090089 $2.00 © Académie des Sciences

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microkarstic surface séparâtes it from the maris of the transgressive interval of the sixth depositional séquence.

The Mouthoumet Platform, adjacent in the West, is only reached by the last three séquences (Fig. 2). SD4 is reduced to a single highstand System tract; SD5 and SD6 are organized in the same way, within variations in the faciès.

Ail of thèse depositional séquences can be correlated, despite some chronological shifts, to the third order cycles of the UZA-2 Supercycle in the global cycle chart of Haq et al. (Fig. 2). Only the discontinuity which interrupts SD5 does not seem to be under eustatic control. We may see hère the effect of distension tectonics with block tilting during the Lowermost to Early Turonian period.

In conclusion, this study of the Mid-Cretaceous in the Eastern Pyrénées allow us to show the relative importance of eustatism and tectonics in sedementary évolution. Sédimentation is mainly influenced by global variation in sea level during the Vraconian-Cenomanian period. The depositional séquences and obvious discontinuities can easily by related to the third order eustatic cycles. Tectonics play an important rôle during the Lower Turonian, while eustatic control reappears in the Mid-Turonian.

The model in depositional séquences of the Mid-Cretaceous period in Mouthoumet platform could therefore be the basis for a new interprétation of the Cenomano-Turonian in the Pyrénées.

Le Crétacé moyen-supérieur des Pyrénées orientales (compartiment Mouthoumet) a récemment fait l'objet d'études approfondies tant stratigraphiques et sédimentologiques [1] que cartographiques [2].

L'intervalle Vraconien-Cénomanien s'y est révélé particulièrement intéressant, en raison :

— d'une richesse en éléments de datation qui a déjà permis de proposer un cadre biostratigraphique cohérent et précis pour l'ensemble des Pyrénées;

— d'évolutions sédimentaires (mégaséquences-discontinuités) bien identifiées et comparables à celles reconnues sur le versant sud des Pyrénées ([3], [4]).

Dans ces conditions il est apparu intéressant de proposer une interprétation des séries du Vraconien-Cénomanien du Nord-Est des Pyrénées conforme aux concepts de la stratigraphie séquentielle ([5], [6]).

1. LE CONTEXTE MORPHO-STRUCTURAL. — Dans la zone sous-pyrénéenne, les séries sédimentaires du Crétacé moyen occupent la marge méridionale du massif paléozoïque de Mouthoumet. D'Est en Ouest, trois unités sont à considérer (fig. 1) : un rhombo-horst occidental où tous les dépôts montrent une polarité S-N, allant de la plate-forme externe (Saint-Louis-Quillan) à l'interne (Rennes-les-Bains) ; un rhombo-horst oriental où le bassin méridional (Lame de Camps-Peyrepertuse) chevauche au Nord la plate-forme moyenne à interne; l'Unité du Roc Fourcat, diverticule méridional de la montagne de Tauch, où sont conservés tous les dispositifs d'une articulation plate-forme - bassin [1]. Les séries sédimentaires s'y révèlent les plus complètes et les plus aptes à l'analyse des dépôts; de leur compréhension résulte la cohérence des corrélations avec les séries incomplètes des deux précédentes unités.

IL RAPPEL DES DONNÉES LITHO- ET BIOSTRATIGRAPHIQUES. — Le Crétacé moyen de l'Unité du Roc Fourcat a été décomposé en quatre formations séparées par des discontinuités

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majeures [1] (fig. 2) :

1. Formation de Cucugnan, épaisse de près de 300 m et constituée essentiellement de calcaires à Floridées d'âge Albien (anté-Vraconien);

2. Formation du Verdouble, composée de deux membres, des marno-calcaires noduleux et glauconieux sombres (60 m, C) à Planomalina buxtorfi (Gand.), Favusella washitensis (Carsey), Rotalipora gr. appenninica, Orbitolina (O.) duranddelgai Schrod., Pithonelles, ..., du Vraconien, surmontés de calcaires fins puis de calcarénites blanches (24 m, D) à Simplalveolina simplex Reich., P. iberica Reich., O. (C.) corbarica (Bil.), ..., du Cénomanien inférieur;

3. Formation des Escudiés, d'épaisseur variable, (100 à 400 m); elle débute ici par un membre silto-gréseux à gréseux, roux (85 m, E), à Echinides, Forbesiceras sp., F. washitensis, Rotalipores, et se continue par une énorme masse de calcaires blancs (60 à 300 m, F) affectés de nombreux passages latéraux de faciès et rapportés à l'intervalle Cénomanien moyen (associations à Orbitolines-Préalvéolines, FI) et supérieur (Préalvéolines seules, F2);

4. Formation des marnes glauconieuses, datée dès sa base du Turonien moyen par des microfaunes planctoniques : Helvetoglobotruncana helvetica (Bolli), Marginotruncana marianosi Douglas [7].

III. LES SÉQUENCES DE DÉPÔT DU VRACONIEN-TURONIEN. — A l'exclusion de la discontinuité entre les formations de Cucugnan et du Verdouble, la cluse du Verdouble, entre Tuchan et Padern, recoupe la quasi-totalité du Vraconien-Turonien organisé en 6 séquences de dépôts (Séquences de dépôt 1 à 6) :

1. Formation du Verdouble. — Deux séquences de dépôt la composent. L'inférieure (séquence de dépôt 1) comporte un Intervalle Transgressif très épais (58 m) organisé en plusieurs séquences de comblement plurimétriques avec chacunes des marno-calcaires sombres puis des calcaires noduleux et glauconieux; le Prisme de Haut Niveau marin très réduit (2 m) comprend deux séquences métriques de comblement enchaînant calcaires marneux et calcaires bioclastiques; il est couronné d'une légère discontinuité représentée par une surface durcie. La supérieure (séquence de dépôt 2) débute par un Intervalle Transgressif peu épais (8 m) organisé en petits bancs décimétriques onduleux de fines biosparites graveleuses surmontées d'un Prisme de Haut Niveau (14 m) constitué de

Fig. 1. — Schéma de localisation. Fig. 1. — Schéma of the localization.

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calcarénites massives; une très nette discontinuité matérialisée par une surface perforée et rubéfiée couronne cette deuxième séquence.

2. Formation des Escudiés. — On peut y reconnaître 3 séquences de dépôt. L'inférieure (séquence de dépôt 3) débute par un Intervalle Transgressif épais (membre E) organisé en séquences de comblement (marnes silteuses-grès fins à moyens à ciment carbonate); le Prisme de Haut Niveau marin se compose de séquences décamétriques de comblement (marno-calcaire - calcaire) progradantes vers l'Est, et qui passent vers l'W, en direction de la plate-forme à une épaisse masse carbonatée d'apparence homogène. La séquence de dépôt suivante (séquence de dépôt 4) débute par des niveaux de slumps et un conglomérat monogénique et hétérométrique de bas de talus alimenté en éléments de plate-forme carbonatée récifale (moules de Caprinidés); sa base peut être ravinante et localement elle entaille profondément la séquence de dépôt 3; en raison des mauvaises conditions d'affleurement, il est difficile d'appréhender l'organisation des strates qui coiffent directement ce niveau de resédimentation. Quoiqu'il en soit, ses caractéristiques sont celles de la base d'un Prisme de Bas Niveau marin. Au-dessus, l'Intervalle Transgressif comprend des séquences décamétriques de comblement strato-décroissantes ou se succèdent marnes, marno-calcaires et calcaires à Orbitolines; il s'achève par une surface condensée et rubéfiée, à Coelentérés, assimilable à une discontinuité de montée rapide des eaux. Dans le Prisme de Haut Niveau marin prédominent des calcaires clairs, zoogènes, très riches en Alvéohnes et Miliolidés typiques d'environnements protégés (lagons). Il s'y associe sporadiquement : des horizons bioclastiques à brèchiques à débris de Rudistes et de Coelentérés, témoins d'une augmentation de l'hydrodynamisme (tempêtes?); des masses de terrigène silico-clastique encadrées par de nettes discontinuités. L'évolution d'ensemble du Prisme de Haut Niveau marin est régressive; il est couronné d'une surface perforée et rubéfiée. La séquence supérieure (n° 5) est peu épaisse (12 m) et composée de deux termes; des micrites jaunes peu zoogènes que surmonte une bioconstruction massive à Coelentérés. La surface sommitale est affectée d'une importante discontinuité avec microkarstifications. Ces deux faciès ne représenteraient que l'Intervalle Transgressif de la séquence.

3. Formation des Marnes glauconieuses. — Ces marnes beiges, homogènes et riches en Foraminifères planctoniques appartiennent à l'Intervalle Transgressif d'une nouvelle séquence : n° 6.

IV. CORRÉLATIONS AVEC LES DÉPÔTS DE LA PLATE-FORME OCCIDENTALE DU MOUTHOUMET. — Il est établi [1] que seul le Cénomanien moyen et/ou supérieur repose, du S vers le N et suivant un net dispositif d'onlap littoral, sur des termes de plus en plus anciens de la plate-forme de Mouthoumet. La totalité des dépôts relève de la Formation des Escudiés qui est réduite aux seules séquences de dépôt 4 et 5 (fig. 2). La séquence de dépôt 4 n'est

LÉGENDE DE LA FIGURE 2

Fig. 2. — Les séquences de dépôt dans l'Unité du Roc Fourcat et sur le Massif de Mouthoumet; correspondance avec les cycles eustatiques. 1, marnes; 2, calcaires marneux; 3, calcaires noduleux; 4, calcaires; 5, calcaires coralliens; 6, conglomérats et slumps; 7, silts et grès fins; 8, grès; D, discontinuité; LC, limite chronologique; CS, limite de cortège sédimentaire.

Fig. 2. — The depositional séquences in the Roc Fourcat Unit and Mouthoumet Block; relationship to eustatic cycles. 1, maris; 2, marly limestones; 3, knobly limestones; 4, limestones; 5, coralline limestones; 6, conglomerate and slumps; 7, silts and fine sandstones; 8, sandstones; D, discontinuity; LC, chronological boundary; CS, System tract boundary.

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exprimée que par le Prisme de Haut Niveau marin organisé en séquences positives dues aux avancées successives sur le Mouthoumet; la séquence de dépôt 5 ne comporte ici encore que l'Intervalle Transgressif localement constitué de marnes à Ostracodes, Brachiopodes, Coelentérés et daté de la zone à Juddii par une Ammonite du genre Pseudaspidoceras. Directement au-dessus, lorsqu'il peut être précisément daté, le Turonien (séquence de dépôt 6) n'est jamais antérieur à la base de la zone à Woollgari (=zone à Turoniense).

V. COMPARAISON AVEC LE DIAGRAMME DES CYCLES EUSTATIQUES DE 3e ORDRE [5]. — Cinq SD ont été reconnues dans le Vraconien-Cénomanien de l'Unité du Roc Fourcat. Elles sont corrélables totalement ou partiellement aux cinq cycles de 3e ordre du supercycle UZA-2, même s'il existe quelques décalages chronologiques que nous allons préciser

(fig- 2).

Les deux séquences de dépôt de la Fmt du Verdouble sont assimilables respectivement à UZA 2-1 et UZA 2-2 (la discontinuité séparant les 2 séquences étant datée ici du Cénomanien inférieur basai et non de l'Albien sommital [5] ?) ; les 2 premières séquences de la Fmt des Escudiés correspondent aux cycles UZA 2-3 et UZA 2-4 (une discontinuité majeure avec ravinement sépare ces 2 séquences; elle coïncide avec la discontinuité de type 1 mentionnée dans le diagramme de Haq et coll. [5]) ; la séquence SD5 ne représente que la base de UZA 2-5, le prisme de haut niveau marin de ce dernier cycle est absent. A moins d'admettre une érosion extrêmement importante que rien ne laisse prévoir sur le terrain, il faut considérer que la discontinuité qui interrompt cette séquence n'est pas sous contrôle eustatique, comme les précédentes. On peut voir là, l'expression d'un jeu tectonique (distension et basculement de bloc) pendant le Turonien inférieur. Au-dessus, la séquence turonienne SD6 correspond au cycle UZA 2-6.

CONCLUSION. — Cette étude du Crétacé moyen de l'Est des Pyrénées permet de mieux cerner les jeux relatifs de l'eustatisme et de la tectonique dans les évolutions sédimentaires. La sédimentation est surtout sous contrôle des variations globales du niveau des mers pendant le Vraconien-Cénomanien; les séquences de dépôt et les discontinuités reconnues peuvent être ajustées de façon satisfaisante sur les cycles eustatiques de 3e ordre. La tectonique joue un rôle important durant le Turonien inférieur, l'empreinte eustatique se faisant de nouveau sentir à partir du Turonien moyen.

Ce découpage en séquences de dépôt du Mésocrétacé de la plate-forme stable et sousalimentée de Mouthoumet peut donc servir de base pour une nouvelle interprétation du Cénomano-Turonien des Pyrénées.

Nous adressons nos remerciements, au Dr W. J. Kennedy, pour les déterminations d'Ammonites et les informations relatives à leur valeur zonale; au Pr J. Rey, pour ses conseils tant sur le terrain que lors de la lecture critique du manuscrit.

Note remise le 6 mars 1989, acceptée après révision le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] M. BILOTTE, Strata, Toulouse, (2), 5, 1985, 438 p.

[2] QUILLAN, B.R.G.M., Orléans, 1/50000, n° 1077.

[3] T. SIMO, Thèse Doct., Barcelone, 1985, 310 p.

[4] M. BILOTTE, Coll. Événements de la partie moyenne du Crétacé, Lyon, 1987, (sous-presse).

[5] B. U. HAQ, J. HARDENBOL et P. R. VAIL, Science, 235, 1987, p. 1156-1167.

[6] P. R. VAIL, J. P. COLIN, R. JAN DU CHÊNE, J. KUCHLY, F. MEDIAVILLA et V. TREFILIEFF, Bull. Soc. Géol. Fr., (8), III, 1987, p. 1301-1321.

[7] M. BILOTTE, E.-J. DEBROAS, J. MAGNE et A. SANCHEZ RIOS, Bull. Soc. Géol. Fr., (8), V, 1989 (sous presse).

M. B. : Université Paul-Sabatier, C.E.R.G., Laboratoire de Géologie sédimentaire et Paléontologie,

39, allées Jules-Guesde, 31062 Toulouse Cedex; J.-P. S. : 5, avenue Gabriel-Péri, 31220 Cazères-sur-Garonne.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 95-101, 1989 95

Géologie structurale/Structura/ Geology

La déformation progressive de l'Eocène de la région de

Corte : nouvelles données pétrostructurales et conséquences

pour la tectogenèse alpine en Corse

Patrick BEZERT et Renaud CABY

Résumé — Sur la base de nouvelles données pétrostructurales, la région de Corte est divisée en cinq unités tectoniques présentant une histoire tectonométamorphique alpine commune. Cette histoire se résume à un épisode majeur d'âge Éocène supérieur à métamorphisme prograde et tectonique synschisteuse. Nous soulignons, en outre, l'importance de la déformation progressive qui affecte la couverture autochtone du socle.

Progressive déformation of the Eocene cover in the Corte area: new petrostructural

data and implications for Alpine tectogenesis in Corsica

Abstract — On the basis of structural data, five tectonic Units hâve been defined in the Corte area, ail of which were affected by the same tectonometamorphic Alpine events. Alpine structures formed during a major épisode of upper Eocene âge with prograde metamorphism and main slaty cleavage. The importance of progressive shearing which affected the autochthonous cover ofthe basement is outlined. -■• .

Abridged English Version — The problem of the âge of Alpine déformation in Corsica has given rise to divergent interprétations. Following Mattauer and Proust [1], many authors regarded the emplacement of the Schistes lustrés onto the crystalline Corsica as an obduction of Upper Cretaceous âge followed by refolding of the tectonic pile during Late Eocene ([2]- [5]). Others proposed an Eocene âge for the tectonic and metamorphic events ([6]-[9]). The Corte area (central Corsica) is a key area for study of Alpine tectonometamorphic events because of the présence of thick Mesozoic and Tertiary séquences tectonically accumulated between the basement to the West and the Schistes lustrés nappes to the East. On the basis of new detailed investigations, we recognize five tectonic units in this area (Fig. 2).

PETROSTRUCTURAL ÉVOLUTION. — Unit 1 comprises the Hercynian basement capped by Eocene clastic cover. Narrow shear zones formed in granités, whereas to the West of Asco, the Cinto Permian volcanics display a recumbent slaty cleavage ([10], [9]). The Early Eocene cover displays the "Zurmulu type" chaotic faciès of Ilerdian âge [11]. It suffered negligible déformation when undetached from basement. The cover grades by progressive déformation into a stretched nummulitic faciès, and then into mylonitic faciès derived from matrix-supported conglomérâtes (Fig. 3, A, B and C). Carbonate pebbles and blocks up to several mètres in length hâve X/Z~10 and X/Y^2 ratios indicative of a strong flattening régime, whereas granité and hornfels clasts maintained their angular shape. Lenses of undeformed matrix-poor breccias with some nummulites remnants form boundins within the stretched conglomérâtes. Thèse breccias hâve been erroneously considered as Upper Cretaceous [11]. Extrême microboudinage of clasts in the deformed carbonate-rich faciès are interpreted to resuit from superplastic behaviour of calcite [12] prior annealing with a palissade fabric (Figs. 1 and 3, D and E). Terrigeneous flysch dated as young as Bartonian in adjacent areas ([5], [9]) was deposited after the conglomeratic faciès.

Unit 2 is a detached pièce of Jurassic marbles [13] and chlorite calcareous schists preserved in a pluridecametric steeply-plunging isoclinal fold.

Note présentée par Michel DURAND-DELGA. 0249-6305/89/03090095 S 2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) série n

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Unit 3 is made up of deformed granités.

Unit 4 is part of the "écailles de Corte" and comprises a Mesozoic, upside-down, detached séquence of Cretaceous (?) green metaconglomerates and intercalated metabasalts.

Unit 5 includes a chaotic unit with possible olistolims of Eocene âge. The first déformation Dx produced Sx cleavage, transverse folding in the thrusted units and extensive boundinage of the Eocene cover of unit 1. D2 structures consist in N-S-trending folding with sub-horizontal strain-slip axial-plane cleavage and reworking of Si in thrust-planes. Shear criteria indicate west-directed displacements in ail units.

ALPINE METAMORPHISM. — Similar greenschist faciès mineral assemblages hâve been observed in the five units. They include the following minerais: epidote, chlorite, stilpnomelane, pumpellyite, albite, actinote, phengite. Blue amphiboles of the crossite-riebeckite séries, whinchite (Na, Ca) associated with actinote occur in sodic granités, metabasalts, and the fossiliferous Eocene conglomérâtes. The paragenesis suggest P-T conditions near the transition between green schist and blue schists faciès ([14], [15]) prior to partial retrogression in the chlorite-pumpellyite faciès.

CONCLUSION. — D1+D2 ductile déformations initiated under green schist-blue schist faciès transition affected ail units, culminating with west-directed thrustings that postdates Bartonian [9]. Thus the Schistes lustrés units were emplaced onto the crystalline Corsica in post Middle Eocene time in the Corte area. There seems to exist an important gap in PT régimes between crystalline Corsica and the Schistes lustrés nappes that registered highpressure assemblages in the more internai units.

INTRODUCTION. — Le problème de l'âge de la tectogenèse et des déformations alpines en Corse a donné heu à des interprétations divergentes. La plupart des auteurs considèrent, à la suite de Mattauer et Proust [1], comme d'âge Crétacé supérieur la mise en place des Schistes lustrés par obduction sur la bordure de la Corse cristalline. Succédant à cette étape majeure en climat métamorphique HP/BT, une seconde phase tectonique d'âge Éocène supérieur à faciès schiste vert, serait responsable du remaniement de l'édifice obducté ([l]-[5]).

Par contre, pour Counas [6], il n'existe pas de déformations compressives avant l'Éocène terminal. Ritsema [7] et Durand-Delga [8] considèrent comme essentielle la tectogenèse d'âge Eocène supérieur. Nos travaux dans la région de Popolasca [9] nous ont conduit à mettre en doute une éventuelle tectogenèse d'âge Crétacé supérieur, en nous basant sur l'identité des déformations synschisteuses et du métamorphisme dans toutes les formations y compris l'Éocène, localement daté du Bartonien [9].

Nous présentons ici les premiers résultats des recherches détaillées entreprises par l'un d'entre nous (P. B.) sur le secteur clef de la Punta Zurmulu (région de Corte). Ces résultats confirment nos conclusions antérieures [9] et soulignent l'importance de la déformation progressive dans l'Éocène fossilifère. Au sein de cette zone, incluant les « écailles de Corte » s. s., et formant un édifice complexe accumulé au front de la nappe des Schistes lustrés s. 1., nous distinguons cinq unités. Ces unités, dont la distinction est d'ordre structural mais aussi lithostratigraphique, sont séparées par des contacts anormaux synschisteux (fig. 2).

I. ÉVOLUTION PÉTROSTRUCTURALE COMPARÉE , DANS LES DIVERSES UNITÉS. — L'Unité 1 comprend le socle granitique et sa couverture eocène transgressive. Le socle est constitué

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par des granités calco-alcalins intrusifs dans des cornéennes (bordure figée de la Restonica). La phase hercynienne est bien marquée dans les cornéennes qui sont affectées par des plissotements complexes scellés par des paragenèses de H. T. à biotite-plagioclasecordiérite-grenat et amphibole brune dans les amphibolites. Les déformations alpines affectent peu le socle. Il n'existe que quelques shear-zones très localisées à chloriteépidote, contrairement à ce que l'on observe plus au Nord (Bordure est du cauldron du Cinto) ([10], [9]) où l'histoire alpine est mieux marquée.

La couverture : lithologie. — Un faciès de brèche chaotique (« type Zurmulu ») transgressif sur le socle, daté du Paléocène supérieur Ilerdien [11], se présente sous une forme massive et compacte. La microfaune est préservée : dans des niveaux marnocalcaires schistosés ainsi que dans les galets calcaires remaniés dans cette formation; dans quelques blocs calcaires de la brèche chaotique ainsi que dans des passées de calcarénites interstratifiées; également dans des niveaux plus étirés de conglomérats à matrice calcaire (fig. 3). Nous avons reconnu des Nummulites dans des lentilles bréchiques d'échelle dm à hm ainsi qu'à la périphérie déformée de ces lentilles qui représentent des masses rigides non stratifiées, en boudins dans les conglomérats à matrice calcaire. Ces conglomérats déformés étaient interprétés comme étant d'âge Crétacé supérieur [2]; ils évoluent graduellement, par déformation progressive, en mylonites à l'approche du contact majeur à leur toit (fig. 2 et 3, A, B, C). En rive gauche du Tavignano, la brèche chaotique est surmontée stratigraphiquement par des grès micacés et des schistes à faciès flysch. Ces flyschs sont assimilables au flysch de Prunelli dans lequel une faune d'âge Ypréso-Lutétien, très probablement remaniée (?), a été décrite [5]. Des galets datés du Bartonien sont présents dans ces flyschs plus au Nord [9].

Dans la face sud du Zurmulu, la brèche polygénique non stratifiée, à matrice réduite (gréseuse) ou absente, renferme des éléments de granité, de cornéenne et de calcaires. Elle présente une déformation insignifiante là où elle repose sur les cornéennes, mais aussi au coeur des lentilles boudinées d'échelle dm à hm. On peut étudier pas à pas leur évolution progressive, en particulier dans des niveaux à éléments carbonates prédominants (»50% de galets), vers des faciès extrêmement laminés à galets entièrement marmorisés pouvant atteindre plusieurs mètres de longueur. Les rapports X/Z~10, X/Y^2 témoignent d'une forte composante en aplatissement antérieurement à leur replissement (fig. 3, B et C). Les blocs de cornéenne demeurent souvent anguleux là où le ciment carbonate enregistre la déformation ductile. Ils subissent aussi un fort allongement par tronçonnement et boudinage. Non recristallisées dans les faciès équants du sommet, les Nummulites reconnaissables à l'oeil nu acquièrent, dans les faciès déformés du flanc sud, une microstructure secondaire à calcite en palissade estompant peu à peu les anciens piliers (fig. 3, D et E). Elles n'ont pu être reconnues dans les faciès les plus déformés. La cartographie détaillée montre aussi le passage graduel des brèches fossilifères à leurs équivalents très déformés et protomylonitiques qui les surmontent.

En lame mince, on observe un microboudinage très important des éléments au sein de la matrice microcristalhne de calcite. Bien que très recristallisées (palissade orthogonale à SJ, ces microstructures pourraient témoigner d'une déformation superplastique [12] (fig. 1). Cette lithologie particulière souligne ainsi une zone de cisaillement ductile d'environ 100 m d'épaisseur conforme au contact tectonique synschisteux limitant Uj et U2 (fig. 2).

L'unité 2 comprend des lambeaux de couverture mésozoïque de type « marbre de la Restonica» (Malm?) surmontés par des marbres chloriteux (Crétacé ?) ([5], [13]). Ces

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lambeaux sont très déformés et décollés de leur socle. Les marbres s'organisent en un grand pli isoclinal d'échelle pluridécamétrique d'axe N 70 à N 80 parallèle à la lineation d'allongement et plongeant de 40 à 45° vers l'Est.

L'unité 3 correspond à une écaille de granités déformés.

L'unité 4 appartient aux « écailles de Corte » [5] et se caractérise par une série mésozoïque en position inverse et décollée à sa base (fig. 2). Des conglomérats polygéniques très déformés couronnent la série; ils ont été attribués au Crétacé [2] mais plus récemment au Dogger-Malm (Durand-Delga, comm. orale). Ils présentent un faciès analogue à ceux de Popolasca [9]. Ils renferment des éléments de socle d'origine locale et de carbonates mésozoïques dans une abondante matrice verte très recristallisée. Cette formation se distingue des conglomérats éocènes par la présence de passées prasinitiques finement rubanées dérivant d'anciens tufs et coulées (?) basaltiques.

L'unité 5 correspond à ce qui a été anciennement interprété comme des mégabrèches liasiques ou une écaille d'Éocène ([2], [7]) et plus récemment nommé «schistes à blocs » [5]. Il s'agit effectivement de mégabrèches chaotiques azoïques avec d'énormes olistolites de Permien et de dolomie (taille hm). Des flyschs de faciès eocène constituent une écaille sous la citadelle de Corte se prolongeant plus au S.

Nous appelons D2 la phase de plis synschisteux transverses visibles dans les unités charriées ainsi que le boudinage et la déformation plane superplastique (?) présente dans l'Éocène de PU^ La phase P2-syn-S2 est matérialisée par un strain-slip auquel sont associés des plis de toute échelle à plans axiaux sub-horizontaux et d'axe N à N020. Dans toutes les unités et au sein des contacts anormaux, les critères de cisaillement observés dans les roches déformées (allure sigmoïde des clastes et des microboudins de galets dans SL; ombres de pression; rapport C/S) indiquent toujours des déplacements dirigés globalement vers l'Ouest et peuvent traduire une déformation continue (S1-S2)

(fig- OII.

OII. MÉTAMORPHISME ALPIN. — Dans les granités de l'U1 et de PU3, le métamorphisme s'exprime par l'association à épidote, chlorite, phengite, stilpnomélane, albite, actinote, pumpellyite. Dans des faciès particuliers sodiques de PU1; la paragenèse est à albite + riebeckite + actinote + phengite. Dans la couverture de PUl5 les flychs éocènes sont caractérisés par l'association quartz + albite + phengite alors que les brèches fossilifères du Zurmulu présentent, dans des faciès de carbonate ferrifère rose ainsi que dans la matrice peu abondante de la brèche, l'association amphibole bleue, bleu-vert et verte, respectivement crossite-riebeckite (Na), winchite (Na, Ca) et actinote (Ca), associées avec

Fig. 1. — Microboudinage d'un claste (conglomérat eocène à matrice calcaire très déformée) (l'Ouest est à gauche).

Fig. 1. — Clast affected by microboudinage (Eocene conglomerate with very deformed calcareous matrix) (West to the left).

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de l'hématite. Cette association est connue dans toute la zone de stabilité de la glaucophane [14] : cependant la solution solide entre les pôles Na et Ca qui est presque continue (légère lacune de miscibilité) suggère que l'on se situe plutôt à la transition des faciès schiste bleu et schiste vert [15].

Dans PU2, le chimisme permet la cristallisation de chlorite, phengite, amphibole bleuvert, oxydes de fer. Dans l'U4, la matrice du conglomérat est à chlorite, épidote, phengite + riebeckite. Lorsque la texture originelle des tufs basaltiques est préservée, les baguettes de plagioclase sont transformées en albite; la crossite et la riebeckite sont contemporaines de la Mg-chlorite et l'épidote existe sous forme de petits granules associées à la phengite, plus rare. Les unités sont globalement affectées par une rétromorphose à stilpnomélane, chlorite, micas blancs, prehnite et pumpellyite.

CONCLUSION. — La tectonique synschisteuse Dls accompagnée d'un métamorphisme prograde (transition des faciès schiste bleu-schiste vert), affecte le socle, la série mésozoïque et l'Éocène fossilifère de la région de Corte. Cet épisode postérieur au Bartonien [9] est immédiatement suivi par une phase à schistosité de crénulation, probablement synchrone de la paragenèse rétromorphique. Ces divers résultats nous amènent à affirmer que la mise en place des unités à matériel ophiolotique sur la marge corse est postérieure au dépôt de l'Éocène moyen dans la région de Corte. De plus, l'écaillé frontale de Schistes lustrés à l'Est de PU5 renferme des associations minérales comparables à celles décrites ci-dessus. En particulier, les albitites du cortège ophiolitique sont à albite, stilpnomélane et riebeckite, et n'ont jamais enregistré les conditions du faciès schiste bleu s. s. qui apparaissent plus à l'Est. Ces écailles ne peuvent donc pas représenter la semelle de la nappe des Schistes lustrés. Elles évoquent plutôt les nappes superficielles de type Balagne. Il semble donc" exister une frontière brutale entre deux domaines ayant subi des régimes P/T contrastés dont la chronologie reste à préciser.

Les auteurs remercient M. Durand-Delga et M. Mattauer pour leurs remarques constructives apportées lors de l'élaboration finale du manuscrit. Note remise le 30 mars 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[I] (a) M. MATTAUER et F. PROUST, C. R. Acad. Sci. Paris, 281, série D, 1975, p. 1681-1684. (b) C.R. Acad. Sci. Paris, 282, série D, 1976, p. 1249-1252. (c) Bull. Soc. géol. Fr., (7), XVHI, 1976, p. 1177-1178.

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P. B. et R. C. : Centre géologique et géophysique, U.S.T.L., place Eugène-Bataillon, 34060 Montpellier Cedex.

100 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 95-101, 1989

EXPLICATIONS DE LA PLANCHE

Fig. 2. — Coupes géologiques. (1) (a) Granité autochtone; (b) Cornéennes. (2) (a) Brèche non déformée sans matrice; (b) Brèches déformées; (c) Brèches à éléments et matrice calcaire; (d) Conglomérats protomylonitiques à éléments et matrice calcaire; (e) Marno-calcaires fossilifères. (3) Flyschs éocènes. (4) Marbres chloriteux conglomératiques. (5) Marbre (Malm?). (6) Granité déformé. (7) Conglomérats à matrice verte. (8) Calcaire à passées gréseuses, conglomératiques à leur base (Lias?). (9) Dolomies (Trias?). (10) Unité ophiolitique.

Fig. 2. — Geological cross-section. (1) (a) Autochthonous granité; (b) Hornfels. (2) (a) Underformed breccia, matrix-poor; (b) Deformed breccia; (c) Matrix-rich breccia with éléments; (d) Protomylonitic conglomerate with calcareous éléments and calcareous matrix; (e) Fossiliferous marly-limestone. (3) Eocene flysch. (4) Conglomeratic "chloritic marbles". (5) Marbles (Malm 7). (6) Deformed granité. (J) Conglomerate with green matrix. (8) Limestones with sandy layers and basai conglomerate (Lias?). (9) Dolomite (Trias?). (10) Ophiolitic unit.

Fig. 3. — Déformation progressive des conglomérats de la Punta Zurmulu. A. Brèche peu défprmée à éléments et matrice calcaires. B. Protomylonite 1 (distinction difficile entre galets et matrice). C. Protomylonite 2 (distinction impossible entre galets et matrice). D. Nummulite non déformée (flanc W du Zurmulu) L.P. x 25. E. Nummulite très déformée et recristallisée. L.P. x 25. Pour A et B, échelle : 50 cm.

Fig. 3. — Progressive shearing of the Zurmulu conglomérâtes. A. Breccia with limestone éléments and matrix with incipient déformation. B. Protomylonite 1 (difficult distinction between pebbles and matrix). C. Protomylonite 2 (impossible distinction between pebbles and matrix). D. Undeformed nummulite (westside of Zurmulu), crossed niçois x25. E. Recrystallized and very deformed nummulite, crossed niçois x25. For A and B, scale bar: 50 cm.

PLANCHE I/ PLATE I

PATRICK BEZERT

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 103-108, 1989 103

Géologie/Geology

Une coupure climatique nette à l'Holocène moyen dans les

domaines atlasiques d'Afrique du Nord : Étude du stratotype de Makhfamane (Haut-Atlas occidental, Maroc)

Jean-Claude MISKOVSKY

Résumé — L'étude sédimentologique du stratotype de Makhfamane, situé au SW de Marrakech (Maroc), montre l'existence d'une coupure climatique à l'Holocène moyen dans le domaine atlasique et met en évidence l'importance de la sédimentation de fond de vallée. L'Holocène moyen marque incontestablement, dans ces régions, un retour à des conditions humides.

New data about Holocene sédimentation in Atlas areas of North Africa, after the

Makhfamane stratotype (Western High Atlas Chain, Morocco)

Abstract — Sedimentological study about the Makhfamane stratotype, situated in SW Marrakech (Morroco), shows up a climatic eut in Atlas area, during Holocene and the importance of the sédimentation in the bottom of valley. The middle Holocene shows undeniably a return to humid conditions.

Abridged English Version — The stratigraphy and paleoclimate of the morocco quaternary hâve long been studied. Corrélation with european chronology has often been proposed for the lower and middle Quaternary ([1] to [11]), based on the présence of deposits and a geomorphology without doubt linked to climatic oscillations (précipitation cycle) as well as to tectonic placement responsible for the stages of formations [14]. Four climatic cycles hâve been evidenced between the lower Pleistocene and the last interglacial, especially thanks to studies of paleosols inland from the atlantic coast. The last cycle (Rharbian) corresponds to the Holocene and is less well-known due to the absence of complète continental sedimentary séquences. Prior studies hâve not shown each group corrélation to a spécifie climatic environment [10]. Often, surficial deposits are encrusted or sealed by a calcareous crust attributed to a new arid climate ([12], [15]), however the exact periods of humid climate, especially during the Holocene, are difficult to détermine with précision.

In the piedmont area north of the Haut Atlas and south of Marrakech, the oued' N'Fis valley cuts large alluvial cones ([1], [6], [7]). Of thèse, we were able to study Tizgui and Amizmiz (Fig. 1), comprising thick accumulations of fluviatile pebbles. Thèse hâve left drainage channels in the older piedmont deposits which are miocene-pliocene in âge and of varied faciès, most often marly and sandy [8]. The last infill of the valley bottom is présent in the main oued and its tributaries. It has been found in the Chabet el Khemis ravine near the village of Makhfamane in 3 cross-sections located between 50 and 800 m from each other Cross-section I is on the right bank; II and III are on the left bank. They were exposed by the current run — off which cuts 5 m deep into the lithostratigraphic study of the cross-section reveals 4 sedimento-climatic séquences of unequal thickness (2 to 4 m). Thèse séquences overlie each other and become finer and finer from the bottom up (Fig. 2).

Séquence I shows a large .channeling at the base, overlain by a group of silty sands. The sedimentological characteristics (granulometry, quartz exoscopy) show that thèse sands were emplaced during a dry climate. 14C shell dating of this séquence fields âges 25,000 + 900 years B.P. and thus falls within the upper Pleistocene.

Note présentée par Georges MILLOT. 0249-6305/89/03090103 $2.00 © Académie des Sciences

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Séquence II, almost 2 m thick, comprises eolian sédiments. This phase corresponds to part of the valley bottom infill at the end of the upper Pleistocene or the beginning of the Holocene.

Séquence III, 3 m thick, is composed of alternating beds of sand and pebbles. It is subdivided into III a and III b, with III a situated during the lower Holocene (older than 11,300 B.P.). The sédiments display hère again the characteristics of an arid climate, except in the upper part (III b) where there are indications of humidity.

Séquence IV, 4 m thick, is composed of coarse-grained sédiments. An abundance of unsifted, coarse-grained sand, along with shiny, weathered quartz (55%) points to the particularly humid period of this séquence, dated 7,200+130 years B.P. at Makhfamane II and 7,450 + 350 at Makhfamane I. This sets the en tire group in the middle Holocene.

CONCLUSIONS. — The Makhfamane cross-sections display significant detritic sédimentation at the valley bottom during the middle Holocene in the Atlas domains in north Africa. The deposits come mostly from nearly up-stream, during fréquent channelling. The middle Holocene of the Atlas domain may therefore be characterized by a fundamental morphological climatic cross-section, with a return to more humid conditions. What remains to be determined is precisely when during the upper Holocene this return to more arid conditions began and, further, how it has interacted with the anthropic activity which has constantly increased until the présent time.

I. TRAVAUX ANTÉRIEURS. — La stratigraphie et la paléoclimatologie du Quaternaire marocain sont étudiées depuis longtemps. Pour les périodes anciennes et moyennes, des corrélations ont été souvent proposées avec la chronologie européenne ([1] à [11]), basées sur la présence de niveaux étages et de modèles hérités, dont le façonnement est incontestablement lié à des oscillations climatiques (Pluviaux et Interpluviaux), et à une disposition tectonique responsable de l'étagement des formes [14]. Plusieurs auteurs ([9], [10], [12]) ont montré que l'élaboration des formes et la mise en place des dépôts se réalisaient en plusieurs étapes; concentration des écoulements et incision linéaire; remblaiement partiel des vallées par des alluvions; construction des cônes au débouché des affluents dans les vallées principales; élaboration de croûtes calcaires. Récemment, un bilan actualisé [11] a montré que les résultats obtenus ne pouvaient pas toujours s'intégrer dans un contexte général. Ce bilan fait état de quatre cycles climatiques élémentaires, mis en évidence du Pleistocene ancien au dernier interglaciaire, en particulier à partir de l'étude des paléosols de l'arrière-pays atlantique. Si les trois plus anciens sont aujourd'hui mieux étudiés sur le littoral atlantique marocain [13], le dernier cycle (Rharbien) correspondant à l'Holocène est moins connu par suite de l'absence de séquences sédimentaires continentales complètes. Jusqu'ici, l'état des recherches ne permettait pas de corréler chaque groupe de processus à un environnement climatique précis [10]. Souvent, les dépôts supérieurs sont encroûtés ou scellés par une croûte calcaire attribuée à une nouvelle aridification du climat ([12], [15]) mais la localisation exacte de périodes humaines surtout à l'Holocène est difficile à préciser.

II. LES DONNÉES NOUVELLES. — Dans le piémont nord du Haut-Atlas, au SW de Marrakech, la vallée de l'oued N'Fis entaille de vastes cônes de déjection ([1], [6], [7]). Nous avons pu étudier deux d'entre eux, Tizgui et Amizmiz (fig. 1), constitués d'accumulations épaisses de galets fluviatiles dont les chenaux ravinent des dépôts plus

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anciens de piémont, dits « mio-pliocènes », de faciès variés, mais le plus souvent marneux et sableux [8]. Ces cônes se différencient par la nature de leur matériel détritique grossier : dans le cône de Tizgui, ce sont les galets de schistes altérés enrobés dans une matrice limoneuse abondante, qui dominent; dans le cône d'Amizmiz, scellé par une épaisse dalle calcaire, le cortège est plus varié avec des granités et des calcaires. Dans les deux cônes, l'énorme accumulation détritique peut être attribuée au Pleistocene ancien. En effet, six niveaux de terrasses alluviales s'y emboîtent, étages dans la vallée de l'oued N'Fis, où les galets de grès roses issus du Trias constituent un marqueur. Le dernier remblaiement de fond de vallée, présent dans l'oued principal et dans ses affluents, a été observé dans le ravin « Chabet el Khemis », près du village de Makhfamane, sur trois coupes situées entre 50 et 800 m de distance les unes des autres (I sur la rive droite, II et III sur la rive gauche).

Le bassin versant étant entièrement situé dans le grand cône détritique d'Amizmiz, les dépôts récents ne peuvent donc provenir que du substratum marneux et sableux miopliocène, et des formations conglomératiques du cône.

Les coupes de Makhfamane II, III, IV sont situées à environ 2 km à l'Est du village, à l'aval du vallon « Chabet el Khemis », près du barrage sur l'oued N'Fis (fig. 1). Elles ont été mises au jour dans l'écoulement actuel qui entaille le remblaiement holocene sur plus de 5 m d'épaisseur. L'étude lithostratigraphique de chaque coupe montre quatre séquences sédimento-climatiques d'épaisseurs inégales (de 2 à 4m) superposées, sans ravinement notable, constituées de sédiments de plus en plus fins du bas vers le sommet (fig- 2).

La séquence I. — Elle n'est pas entièrement visible à la base de la coupe I et est indurée par une forte quantité de calcaire (entre 30 et 35%) localisé dans les fractions fines. L'examen micromorphologique prouve que le sédiment est très homogène et contient des carbonates secondaires de néoformation, avec quelques débris de coquilles et des cristaux de gypse. U s'agit essentiellement de sables très fins, bien classés, avec des caractères éoliens très marqués. Cette séquence a pu être datée, par 14C, de 25000+900 ans B.P. (GIF 6583 et GIF 6795) et est ainsi attribuée à la fin du Pleistocene supérieur, toujours caractérisé par une forte aridité, avec toutefois l'apparition de quelques indices d'humidité, attestée par la présence de quartz émoussés luisants.

La séquence II. — Sur près de 2 m d'épaisseur, en particulier dans la coupe II, se succèdent des graviers et des galets de 0,5 à 2 cm de diamètre à la base, puis des sables très fins et des limons moins calcaires que ceux de la séquence I, bien classés à la partie supérieure, avec de bons indices d'hétérométrie et asymétrie. Les caractéristiques 1 sédimentologiques sont tout à fait comparables à celles des sables du substratum « miopliocène » repris par une forte action éolienne, comme le montre l'analyse exoscopique des quartz (émoussés-luisants refaçonnés en ronds mats au cours de leur mise en place).

Postérieure au grand ravinement observé dans la séquence I, cette seconde phase sédimentaire correspond à une partie du remblaiement de fond de vallée, par le vent, au début de l'Holocène.

La séquence III. — Elle est bien visible dans les coupes II et III où elle atteint 3 m d'épaisseur, et est constituée par une alternance de lits de sables et de galets. Elle se subdivise en deux sous-séquences III a et III b. L'ensemble III a débute par des galets de 2 à 7cm de diamètre, auxquels se superposent des graviers, puis des limons sableux non calcaires, mieux classés (en particulier dans la couche 10) que les sables des séquences sous-jacentes. La couche 10 se caractérise par un pourcentage élevé de grains de quartz

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ronds-mats (65%). L'étude micromorphologique du sédiment montre l'abondance de gypse et la présence de carbonates secondaires. L'ensemble des caractères sédimentologiques prouve encore le caractère éolien de cette séquence qui se retrouve aussi bien à l'aval qu'à l'amont, sur les trois coupes. Le tri éolien fait même apparaître un enrichissement inhabituel de certains minéraux lourds : épidote, zoïsite, biotite. L'étude comparative des trois coupes permet, compte tenu des datations 14C, de situer cette séquence dans l'Holocène inférieur (antérieur à 11300 B.P.).

La séquence IV. — Au-dessus de l'ensemble III, se sont déposés, sur 4 m d'épaisseur, des sédiments grossiers, riches en galets à la base, puis des graviers et sables disposés en lentilles, parfois des sables fins (couche 15 a) et des argiles à smectites. Par rapport à la séquence précédente, le dépôt est très différent. Les fractions sableuses sont beaucoup plus grossières, mal triées comme le montrent les indices granulométriques de classement et d'asymétrie.

O. AMIZMIZ O. CHABET EL KHEMIS

Fig. 1. — Croquis de situation. Fig. 1. — Location sketch.

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L'abondance de grains de quartz émoussés-luisants (55%) atteste le caractère très humide de cette séquence. Une datation 14C, effectuée sur des charbons de bois récoltés dans la couche 17, a donné un âge de 7200 + 130 ans (Gif 7112) à Makhfamane II et 7 480 ±350 à Makhfamane I, ce qui place bien cette séquence IV dans l'Holocène moyen.

III. CONCLUSION. — L'étude lithostratigraphique des coupes de Makhfamane montre l'importance de la sédimentation détritique de fond de vallée à l'Holocène inférieur, dans les domaines atlasiques d'Afrique du Nord et met en évidence à l'Holocène moyen, une coupure morphoclimatique fondamentale, avec un retour à des conditions nettement humides, suivies, à l'Holocène supérieur, d'une nouvelle aridification. Il reste encore à préciser à quel moment de l'Holocène supérieur s'est amorcé le retour à une nouvelle aridification et son interaction avec l'action anthropique.

L'auteur adresse ses remerciements à M"" M. M. Adams qui a assuré amicalement et avec compétence la traduction en anglais.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Laboratoire de Géodynamique des Milieux continentaux,

Université de Paris-VI, Tour n° 26-16, 4e étage,

4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05.

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Géologie/ Geology

Le fonctionnement de la marge africaine de la Téthys

maghrébine au Jurassique supérieur-Crétacé basai :

son enregistrement dans les systèmes sédimentaires

de l'Avant-pays rifain oriental

Gérard CATTÀNEO et Jean-Pierre GÉLARD

Résumé — Les systèmes sédimentaires de plate-forme de l'Oxfordien moyen au Berriasien inférieur dans l'Avant-pays rifain nord-oriental ont enregistré les effets d'une tectonique distensive accompagnée d'un affaissement rapide. Ils ont été contrôlés par un réseau ordonné de fractures N 45-70 et N110-130. Ces dispositifs tectoniques et sédimentaires sont attribués au fonctionnement de la marge septentrionale de la plaque africaine le long du couloir transformant maghrébin (ou Téthys maghrébine).

African margin motion of the Maghrebian Téthys during the upper Jurassic and

basai Cretaceous as recorded in the sedimentary Systems of the eastern Rifian

Foreland

Abstract — The horizontal and vertical pattern ofthe middle Oxfordian to lower Berriasian platform sedimentary Systems records the effects of distensive tectonics associated with rapide subsidence. The cartographie pattern of the sedimentary bodies suggests tectonic control by an ordered faulting System with N 45-70 and N110-130 directions. Thèse tectonic and sedimentary patterns attributed to the structuration ofthe northern African margin along the transform zone ofthe Maghreb (the Maghrebian Téthys) extends eastward, in Algeria, in homologous areas ofthe alpine Maghrebian Foreland.

Abridged English Version — During the Jurassic, both the opening of the Central Atlantic Océan and the Ligurian Téthys were linked by the Gibraltar-Maghreb-Sicilia transform zone

ai], PI, m).

The effects of distensive movements, évident both in the sedimentary System framework and the tectonic structures, were recorded on the northeastern Rifian Foreland of the southern African margin of this transform segment.

In the région studied [4] (Béni Snassen, Béni Bou Yahi, Terni-Masgout and northern fringe of Horsts chain), there was a succession of four carbonate sedimentary platform Systems which appear as four régressive megasequences. The first System (Grès de Béni Ourimeuch), is a sandy siliciclastic shoaling littoral plateform with temporary and/or locally sandy carbonated areas. This platform is supplied by a deltaic complex located at the middle Adas inlet passage. Distally, the prolongation of this shelf is a large siliciclastic deep-sea fan characterised by rhythmic sédimentation [7]. The second System (Formation de Mechra Klila) is a carbonate rimmed shelf with locally bioclastic or oolithic sandy shoals and reef buildups. The third System (Formation d'Ahmar Lakhdar) is a gendy sloping carbonate ramp, lacking a break in the slope. In thèse two models, the boundaries of the différent déposition areas stable because of the same rate between sédimentation and subsidence. However, the fourth System (Formation de Bou Rhennja) is marked by a basinward extension of the platform due to a sédimentation rate superior to the subsidence rate. In all, the four sedimentary bodies hâve moved by progradaton around 50 km northwest (Fig. 2).

Note présentée par Jean DERCOURT. 0249-6305/89/03090109 $2.00 © Académie des Sciences

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Sédimentation was directed by tectonics, as shown by tectonic subsidence and by the orderly pattern of the fractures.

TECTONIC SUBSIDENCE. — The collapse of the basement is the resuit of an active distensional System. Several forms of collapse can be distinguished:

— little jerks which are registered in elementary sedimentary séquences;

— abrupt movements of larger amplitude induce gênerai deepening of the depositional environment and are registered by discontinuities between greater sedimentary séquences and by paleogeographic modifications. Thèse movements produce a brutal rupture in sedimentary faciès (see Fig. 1, for an example of the basai part of the third major séquence, SIII, of Beni Ourimeuch Formation). Several events are known over the régional, particulary in western Algeria, by a major discontinuity;

— négative slow movements which induce areas where there are great accumulations of deposits: 1,500 to 1,800 m thickness of deposits during 15 M.a., on the north side of the Beni Snassen Mountains.

FRACTURES ARRANGED IN AN ORDERLY PATTERN. — Since the Triassic and during the LiasDogger, the paleogeography was induced in Atlas mountains [10] and the eastern Rifian Foreland ([11], [12]) by tectonic lines which were inherited in the Late Hercynian period: N 50-60, N 80-90 and N 110-130. During the Malm we observe the same directions in the eastern Rifian Foreland [4], the Tlemcen areas [8] and the Saharan Adas [6] directed N4570 et N 110-130 (Fig. 3). These directions evidently constirute a orderly pattern of fractures.

The N 45-70 fractures are the effect of distensional system with a deepening basement. They hâve delimited a séries of blocks, ail along which there are rapid variations of faciès.

We think that the N 110-130 fractures may take part in the en échelons disposition of the différent sedimentary basins of the plate margin (Fig. 3).

CONCLUSION. — The septentrional part of the African plate seems to have been divided during the Malm by fractures which mark the boundaries of sedimentary basins, very subsident. The Dercourt et al. [2] modified pattern (Fig. 4) may explain our observations. The NI 10-130 fractures could be transform faults and N45-70 fractures may be the opening, along the transform corridor, that connected the Adantic Océan to the Ligurian Océan.

I. INTRODUCTION. — On admet ([1], [2], [3]) que le segment occidental de la Téthys séparant Europe et Afrique fonctionne au Jurassique comme un Couloir transformant sénestre reliant l'Atlantique central à la Téthys ligure, l'un et l'autre en expansion. A l'extérieur de la chaîne alpine maghrébine, l'Avant-pays rifain nord-oriental situé sur la marge méridionale africaine de ce couloir a enregistré de l'Oxfordien moyen au Berriasien inférieur les effets d'une tectonique distensive qui se marquent à la fois dans l'architecture des systèmes sédimentaires et dans la structuration tectonique qui a contribué à leur mise en place.

II. LES SYSTÈMES SÉDIMENTAIRES. — Dans la région étudiée [4] qui comprend les massifs des Béni Snassen, des Béni Bou Yahi, le Terni-Masgout et la bordure septentrionale de la chaîne des Horsts, la série allant de l'Oxfordien moyen au Berriasien inférieur a les caractères d'une plate-forme d'abord terrigène puis carbonatée. Elle comprend quatre formations superposées correspondant à autant de mégaséquences qui présentent une

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tendance générale au comblement. On peut suivre l'évolution de cette plate-forme pendant 15 M.a. Elle s'effectue en deux phases.

1. Phase d'installation. — Après une période de facturation callovo-oxfordienne [5] et le dépôt de sédiments à caractères flyschoïdes, équivalents latéraux des Argiles de Saïda, un important matériel terrigène silicoclastique d'origine saharienne [6] se met en place sous la forme d'une plate-forme littorale sableuse très peu profonde, temporairement et/ou localement carbonatée (Grès de Béni Ourimeuch), alimentée par un édifice deltaïque situé au débouché du couloir moyen atlasique. L'ensemble se prolonge distalement par un éventail détritique profond (deep-sea fan) à sédimentation flyschoïde [7].

2. Phase de maturité. — La sédimentation de plate-forme carbonatée s'effectue sur une aire morphologiquement évoluée provenant du comblement de la fin de l'épisode précédent. Il se développe alors un premier système, de type plateau carbonate (rimmed shelf), à fond plat ou très peu incliné, essentiellement vaseux, barré localement de levées sableuses et de constructions coralliennes (Formation des Calcaires de Mechra Klila). Lui succède un second système, de type rampe carbonatée faiblement inclinée vers le large (Formation des Marno-calcaires et Calcaires d'Ahmar Lakhdar). Les limites des différents corps sédimentaires se déplacent peu, indiquant que la sédimentation compense ici la subsidence. Au contraire la formation suivante (Calcaires et Marno-calcaires de Bou Rhennja) marque une nette extension vers le large et parallèlement le domaine margino-littoral se dilate, en raison d'un taux de comblement plus élevé que celui de la subsidence. Au total, le dispositif que constituent les quatre corps sédimentaires s'est déplacé par progradation d'une cinquantaine de kilomètres du SE vers le NW (fig. 2).

III. LE CONTRÔLE STRUCTURAL. — Il se manifeste par une forte subsidence tectonique et par l'influence de lignes structurales majeures sur l'organisation et la répartition paléogéographique des aires de sédimentation.

1. Subsidence tectonique. — L'affaissement du soubassement qui est dû pour l'essentiel à un régime distensif actif s'effectue :

(à) par petites saccades enregistrées sous forme de séquences élémentaires répétées qui modifient peu les limites de chaque domaine sédimentaire;

(b) par des mouvements brusques et de plus grande ampleur; ils provoquent l'approfondissement généralisé des milieux de dépôt, que soulignent discontinuités entre séquences majeures et modifications paléogéographiques. Ces mouvements d'inégale intensité se manifestent par des ruptures brutales de faciès (fig. 1) : base de la troisième séquence majeure (SIII) de la Formation de Béni Ourimeuch; première moitié de la Formation d'Ahmar Lakhdar; partie médiane et sommet de la Formation de Bou Rhennja. Les trois derniers événements sont connus à l'échelle régionale, notamment en Algérie occidentale, par des discontinuités sédimentaires majeures [8];

(c) par des mouvements négatifs lents ayant engendré de fortes accumulations. Une subsidence particulièrement intense s'installe sur une largeur de 50 km du flanc nord des Béni Snassen au Kerker (fig. 2) : ce sont 1 500 à 1 800 m de sédiments (épaisseurs après compaction diagénétique) qui s'y accumulent en 15 M.a. Une estimation approchée donne un taux de sédimentation moyen de 200 m/M. a. pouvant même atteindre 300 à 400 m/M.a. au Kimméridgien supérieur (dépôt de la Formation de Mechra Klila);

(d) par la mise en place de brèches synsédimentaires au sommet de cette même formation, déjà interprétées comme des indices de faille de distension morcelant la frange externe de la plate-forme en blocs basculés [9].

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 8

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série H, p. 109-114, 1989 113

LÉGENDES DES FIGURES

Fig. 1. — Découpage séquentiel, évolution sédimentologique et place des événements tectoniques majeurs. PE, plate-forme externe; B, bordure; PI, plate-forme interne; DML, domaine margino-littoral.

Fig. 1. — Sequential section, sedimentary évolution and place of main tectonic events. PE, outer shelf; B, shelf edge; PI, inner shelf; DML, coastal domain.

Fig. 2. — Coupe palinspastique et géométrie des corps sédimentaires de la marge rifaine nord-orientale entre l'Oxfordien moyen et le Berriasien inférieur. 1, F. de Béni Ourimeuch; 2, F. de Mechra Klila; 3, F. d'Ahmar Lakhdar; 4, F. de Bou Rhennja; a, substratum anté-Oxfordien moyen; b, faciès de plate-forme externe et de bassin; c, faciès de bordure; d, faciès de plate-forme interne; e, faciès margino-littoraux.

Fig. 2. — Palinspastic sketch and geometrical aspect of the sedimentary bodies of the northeastern Rifian margin during middle Oxfordian and lower Berriasian. 1, Béni Ourimeuch Formation; 2, Mechra Klila F.; 3, Ahmar Lakhdar F.; 4, Bou Rhennja F.; a, antemiddle oxfordian substratum; b, outer shelf and basin faciès; c, shelf edge faciès; d, inner shelf facies; e, coastal facies.

Fig. 3. — Dispositif paléogéographique au Maroc nord-oriental et en Algérie occidentale au cours du dépôt des Calcaires de Mechra Klila (Kimméridgien supérieur). 1, domaine rifain externe; 2, domaine tlemcénien; 3, Ouarsenis; 4, Aurès; 5, Atlas saharien; a, faciès marneux externes; b et c, faciès calcaires et marnocalcaires de plate-forme interne; d, calcaires et dolomies à laminites du domaine margino-littoral; e, marnocalcaires et marnes lagunaires à gypse; f, argiles, grès et dolomies gréseuses; g, domaine émergé; h, zone de failles ou de flexure du soubassement; RR, Rhar Roubane; TI, Tiffrit; B.BR, Bechtout-Bou Rheddou.

Fig. 3. — Palaeogeographic pattern of northeastern Morocco and western Algeria during déposition of Calcaires de Mechra Klila (upper Kimmeridgiari). 1, external Rifian domain; 2, Tlemcenian domain; 3, Ouarsenis; 4, ' Aures; 5, Saharan Atlas; a, outer marly facies; b and c, inner shelf calcareous and marly facies; d, laminated limestones and dolomites of coastal domain; e, gypseus lagoonal marly limestones and maris; f, clays, sandstones and gritty dolomites; g, emerged domain; h, zone of faults or basement flexures; RR, Rhar Roubane; TI, Tiffrit; B.BR, Bechtout-Bou Rheddou.

Fig. 4. — La Téthys maghrébine au Jurassique supérieur (d'après Dercourt et coll., modifié). 1 à 5, voir fig. 2;

a, domaine émergé; b, croûte continentale; c, croûte océanique; MM, Meseta marocaine; MO, Meseta

oranaise; AL, Alboran; K, Kabylie; Si, Sila. Fig. 4. — The Maghrebian Tethys during upper Jurassic (after Dercourt et al., modified). 1 to 5, see Fig. 2; a,

emerged domain; b, continental crust; c, oceanic crust; MM, Moroccan Meseta; MO, Meseta of Or an; AL,

Alboran; K, Kabylia; Si, Sila.

2. Fracturation ordonnée. — Depuis le Trias et pendant tout le Lias-Dogger, la paléogéographie, tant dans les Atlas [10] que dans l'Avant-pays rifain oriental ([11], [12]), a été guidée par les lignes tectoniques héritées de l'époque tardi-hercynienne : N 50-60, N 80-90 et N110-130. Il en est de même au Malm où les deux directions principales que l'on retrouve dans les reconstitutions de l'Avant-pays rifain oriental [4], dans le domaine tlemcénien [8] et de l'Atlas saharien [6] sont orientées N45 à N70 et N110 à N130 (fig. 3). Ces directions forment à l'évidence un réseau de fractures ordonnées.

Les fractures N 45-70 responsables du jeu en distension avec affaissement du soubassement ont délimité une série de blocs que révèlent les variations rapides d'épaisseur de la couverture sédimentaire (fig. 2). Leur fonctionnement synsédimentaire a engendré les brèches, mégabrèches et pans de falaises éboulés et glissés de la Formation de Mechra Klila. En Algérie occidentale, dans le domaine tlemcénien [8], des failles normales de même direction ont morcelé la plate-forme en un système de zones résistantes (horst de Rhar Roubane et môle de Tiffrit) à sédimentation peu épaisse et de zones fortement subsidentes où sont localisées les accumulations les plus fortes. Dans l'Atlas saharien, les paléostructures N 45-70 ont également contrôlé l'évolution tectono-sédimentaire jurassique de ce vaste domaine subsident.

114 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 109-114, 1989

La direction N110-130, considérée comme un élément important de la structuration alpine dans l'Avant-pays rifo-tellien, l'est aussi pour la paléostructuration des bassins de la marge nord-africaine de la Téthys maghrébine. Ces accidents, à composante horizontale mais aussi verticale, nous paraissent en effet intervenir dans la disposition en échelons des différents bassins sédimentaires de la marge (fig. 3) : domaines rifain oriental et tlemcénien, Ouarsenis et Aurès; la limite entre domaine tlemcénien et Ouarsenis étant jalonnée de hauts-fonds (Bechtout-Bou Rheddou) découpés suivant des directions N110120 et N60. En Algérie orientale, on souligne également [13] le rôle déterminant de la direction N110 dans le découpage des blocs basculés de la partie septentrionale de l'Atlas saharien (SW Constantinois, Aurès).

IV. DISCUSSION-CONCLUSION. — La frange septentrionale de la plaque africaine apparaît découpée au Jurassique supérieur, en une succession de bassins sédimentaires (ou dépôtscentres) fortement subsidents, orientés WSW-ENE, limités et décalés par un système d'accidents N 45-70 et N110-130.

Sans aborder ici le problème de l'océanisation de Gilbratar à la Sicile [3], le modèle de Dercourt et coll. [2] modifié (fig. 4) peut rendre compte de nos observations, où les accidents N110-130 en échelons auraient valeur de failles transformantes ou de leurs prolongements et les accidents N 45-70 pourraient correspondre aux ouvertures naissant sur le couloir transformant, selon des directions d'ailleurs voisines de celles de l'ouverture des océans atlantique et ligure. Note remise le 6 février 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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Laboratoire de Géologie, Université du Maine, 72017 Le Mans Cedex; Équipe recommandée M.E.N.; J.-P. G. : U.A. n° 157, C.N.R.S.

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Géologie/Geology

Données nouvelles sur les flyschs jurassiques de la zone de

Luda Kamcija (Balkanides orientales, Bulgarie) :

conséquences paléogéographiques

Bernard PEYBERNÈS, Platon TCHOUMATCHENCO, Jean DERCOURT, Zivko IVANOV, Georges LACHKAR, Jean-Paul ROLANDO, Jérôme SURMONT et Jacques THIERRY

Résumé — Sur la base de nouvelles données sédimentologiques et biostratigraphiques (palynologiques principalement), est individualisé au sein des flyschs de la zone de Luda Kamcija (Balkanides orientales, Bulgarie) un complexe gravitaire du Lias-Dogger, le « Groupe de Kotel », articulé en trois formations successives, Sinivir, Balaban et Kotel. Dans la formation de Kotel, des blocs domériens resédimentés proviennent d'une plate-forme carbonatée méridionale, actuellement inconnue. Son origine nord-téthysienne se fonde sur la paléolatitude de 37,2° N+2° obtenue pour l'un de ces blocs grâce à une étude paléomagnétique. Le sillon des flyschs jurassiques de Kotel a valeur de mer marginale intra-plate-forme nord-téthysienne associée à la subduction de l'océan néotéthysien.

New data about the Jurassic flysch deposits from the Luda Kamcija Zone (Eastern

Balkanides, Bulgaria). Paleogeographic conséquences

Abstract — Thanks to new sedimentologic and biostratigraphic (mainly palynologie) data, is recognized, in the Luda Kamcija Zone (Eastern Balkanides, Bulgaria), a turbiditic complex assigned to Lias-Dogger in time, the "Kotel group", which includes three successive formations: Sinivir, Balaban and Kotel. Within the Kotel formation, reworked Domerian olistolithes corne from a Southern carbonate shelf, actually unknown. Its North-Tethyan origin is evidenced by the paleolatitude 37.2° JV+2° obtained by paleomagnetic study on one of these blocks. The Jurassic flysch through of Kotel is regarded as an intra-North-Tethyan shelf marginal sea associated with the Northward subduction ofthe Neotethyan océan.

Abridged English Version — The Luda Kamcija Zone ([1] to [3], PL I, Fig. 1), regarded as a particular external zone of Eastern Balkanides between the Stredna Gora and the Stara Planina-Prebalkan zones, includes two parallel structural units, the Kotel belt to the North and the Sliven-Sipka belt to the South (PI. I, Fig. 2). Up to présent day, the folded flyschs from the Luda Kamcija zone were assigned to the Early/Mid.-Cretaceous-Paleocene interval, especially the famous "Emine flysch" deposited during the Turonian-Early Paleocene period. In the frame of the Scientific Group "Téthys", a French and Bulgarian mission has been recently devoted to the micropaleontologic, sedimentologic and paleomagnetic study of thèse flysch deposits. Some of them, Early-Mid. Jurassic in âge (Kotel group), are characteristic of an intra-North-Tethyan shelf marginal sea associated with the Northward Neotethyan subduction of the "Vardar Océan".

I. THE FLYSCH DEPOSITS FROM THE KOTEL BELT. — They are subdivided into three successive formations called by P. T. (unpublished) Sinivir, Balaban and Kotel, which form together a négative megasequence (Kotel group) showing the progradation of a deep sea fan:

1. The Sinivir formation (500-800 m) corresponds to a sandy and clayey flysch deposit : principally including distal f~e turbidites (Kotel, Cernigol) and more rarely, proximal ta-e turbidites (Balaban Déré) (PI. I, Fig. 3). Its palynologie assemblage given by P. Tchoumatchenko and S. Cernjavska [4] points to a Liassic âge (up to Toarcian).

Note présentée par Jean DERCOURT. 0249-6305/89/03090115 $2.00 © Académie des Sciences

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2. The Balaban formation (60 m) contains numerous metric to plurimetric beds of sandstones (PI. I, Fig. 3) deposited within a distal turbiditic fan. It progressively follows the underlying Sinivir flysch.

3. The Kotel formation (over 1,000 m was assigned), up to présent day, to AlbianCenomanian [5] or Turonian [1]. Now, we consider it as a proximal Mid. Jurassic flysch deposit including reworked heterometric and pofygenic blocks (olistostrome) which float within a dark peliric turbiditic matrix.

(a) Olistolits. The most common olistolits correspond to Triassic carbonates and flyschs, Liassic fossiliferous white or red limestones and Balaban sandstones. The Liassic blocks (Ammonitico Rosso or Hierlaz faciès) seem to corne from a lost Southern shelf (PI. I, Fig. 4) belonging to a palaeographic realm comparable to the Pontides one [7]. They are eut, near Târnak, by sedimentary veins filled up by Toarcian to Bathonian red pelagic sédiments induced by ante-Callovian extension motions of this shelf. A paleomagnetic work was carried out on the hectometrical Domerian Korou Déré olistolit (42.92°N; 27.2°E). It comprises pink-grey limestones with Entrochals, Brachiopods and few Ammonites (Amaltheus). IRM curves and subséquent thermal demagnetization curves (PI. II, Fig. 5) indicate that NRM seems to be carried both by titanomagnetites (low blocking fields and Curie points between 450 and 580CC) and hématite (high blocking fields and Curie points near 700°C).

41 samples were thermally demagnetized and a single characteristic component of magnetization (ChRM) was identified between 250 and 400-450°C. Its direction after tilt correction is: D = 51°; 1 = 56.6°; A95 = 1.7° (PI. II, Fig. 2). Because of the complete allochtony of the formation, this declination cannot be interpreted as a rotation. On the other hand, the inclination indicates a paleolatitude of 37.2° N +2° which characterizes a North-Tethyan origin (PI. II, Fig. 3). This paleolatitude is also in good agreement with another Jurassic data ("d" on Fig. 3), from the Western Stara Planina Zone, and confirms that the Korou Déré ChRM was acquired before the resedimentation. Other Cretaceous and Tertiary paleolatitudes on Figure 3 were computed using data from Bulgaria (Stredna Gora, Kraiste and Rhodope zones) and from Greece (Thrace and Macedonia). Because of their inaccuracy the interprétation of thèse data remains difficult.

The occurence of reworked Cretaceous blocks is not yet proved; we consider them as tectonic slices associated with thrusts.

(b) The pelitic matrix of these olistolits can be actually assigned to the Latest Lias-Dogger interval, according to the preliminary palynologie analysis of S. Cerjnavska [10]. Our datation is founded on a new palynologie study (G.L.): near Gârnjovitza, the sporopollinic assemblage of the matrix is not older than Mid-Bajocian and not younger than Kimmeridgian; near Cerkoviste, its points to the Mid. Pliensbachian-Bajocian interval [11]. The Kotel olistolitic flysch is directly overlain by the uncomformable sandy limestones from Late Albian containing a Vraconnian micropaleontologie association [12].

II. THE FLYSCH DEPOSITS FROM THE SLIVEN-SIPKA BELT. — They are more récent than the Jurassic flyschs from the Kotel belt. The best known of them, the "Emine flysch" (2,000 m) can be included in the Late Turonian-Paleocene interval thanks to planctonic Foraminifera. It comprises several megaturbidites (chaotic breccia reworking Triassic clasts) previously regarded as olistolits of Triassic carbonates [1].

III. CONCLUSION. — During Early and Mid. Jurassic, the Kotel flysch trough has been nourished by submarine érosions along the growth fault escarpments which eut the NorthTethyan margin into tilted blocks covered or not by shelf deposits. This through can be

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considered as a marginal sea associated with the Northward Tethyan subduction of the "Vardar Océan" ([25] to [27]). After the Austrian compressions, a new marginal sea appears during Late Cretaceous over this folded area; it is filled up by Volcanogenic material to the South and by flysch deposits (Emine) to the North.

La zone de Luda Kamcija ([1], [2], [3]) est considérée comme une unité structurale autonome externe des Balkanides orientales (pi. I, fig. 1). Limitée au Nord et au Sud par deux chevauchements à vergence nord, d'âge illyrien, elle s'étire sur 180 km d'Ouest en Est, du méridien de Gabrovo-Kazanlâk à la mer Noire, entre les zones de Stredna Gora au Sud et de Stara Planina-Prébalkan au Nord (fig. 1). Elle s'articule en deux bandes parallèles séparées par des chevauchements mineurs jalonnés de Trias (pi. I, fig. 2) : la bande de Kotel au Nord et celle de Sliven-Sipka au Sud. Jusqu'à présent, on pensait que les flyschs plissés de la zone de Luda Kamcija devaient être rapportés à l'intervalle Crétacé inférieur-Paléocène (notamment le célèbre « flysch d'Émine », étage du Turonien au Paléocène inférieur et couronné par les molasses de l'Éocène moyen). Une récente mission franco-bulgare dans le cadre du Groupement scientifique Téthys a été consacrée à l'analyse de ces flyschs. Ses résultats préliminaires, d'ordre micropaléontologique (mise en évidence de flyschs jurassiques), sédimentologique (environnements) et palêomagnétique (paléolatitudes), apportent des renseignements sur l'âge et la situation paléogéographique de ces dépôts gravitaires mésozoïques qui caractérisent une mer marginale intra-plate-forme nord-téthysienne associée à la subduction vers le Nord de la Néotéthys (océan du «Vardar »).

I. LES FLYSCHS DE LA BANDE DE KOTEL. — Géométriquement situés sous l'Albien supérieur-Cénomanien daté, ces flyschs s'articulent en trois formations successives (P.T., inédit), Sinivir, Balaban et Kotel (fig. 1) constituant une mégaséquence négative (groupe de Kotel) qui exprime la progradation d'un éventail sous-aquatique profond.

1. La formation de Sinivir (500 à 800 m) correspond à un flysch argilo-gréseux distal, de granulométrie fine (Kotel, Cernigol), à turbidites te-e dominantes où alternent des bancs de grès centimétriques (à intervalles ridés et lamines planes parallèles) et des intervalles pélitiques pélagiques sombres. A Balaban Déré, à l'Est de Bilka, les bancs s'épaississent (50 cm) et les turbidites, plus proximales, sont de type f°_e (parfois ta-c ou fa-d), tronquées apicalement, (pl. I, fig. 3) avec des intervalles (e) à (c) à convolutes très déformées. A Emirovo, ce flysch occupe le flanc inverse d'un demi-anticlinal déversé au Nord, structure compressive « autrichienne » (albo-cénomanienne) cachetée par les grès albo-cénomaniens qui surmontent directement la formation de Sinivir. Le substratum de celle-ci demeure inconnu (contact par faille avec le Crétacé inférieur). Les données palynologiques recueillies par P. Tchoumatchenko et S. Cernjavska [14] donnent un âge liasique (au maximum toarcien) à la formation. La présence de nombreux Ichnofossiles (Paleodictyon entre autres) confirme bien l'environnement profond de ce flysch.

2. La formation de Balaban (60 m environ) comporte surtout des grès quartzites (pi. I, fig. 3), en bancs métriques à plurimétriques amalgamés (à stratification plane ou oblique courbe) renfermant à leur base des débris végétaux. Le passage avec la formation de Kotel sus-jacente est progressif. Il pourrait s'agir d'un dépôt de cône turbiditique distal. Des palynomorphes jurassiques ont été collectés mais ils sont trop mal conservés pour constituer des éléments de datation [4].

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3. La formation de Kotel (plus de 1000 m) était jusqu'à présent tenue pour albocénomanienne [5] ou même turonienne [1]. Nous l'interprétons maintenant comme un flysch méso-jurassique proximal à blocs resédimentés, de composition et de dimensions variées (olistostrome [5], de bas de talus), noyés dans une matrice pélitique sombre agencée en minces turbidites proximales, parfois distales.

(a) Les olistolithes les plus fréquents correspondent à des carbonates du CarnienNorien (connus dans l'autochtone voisin), à des flyschs noriens inconnus à l'affleurement dans les Balkanides [1], à des calcaires zoogènes, blancs ou rouges, du Lias, parfois stratigraphiquement solidaires des blocs triasiques et, plus rarement, à des grès de la formation de Balaban sous-jacente. Les blocs liasiques appartiennent à plusieurs systèmes de dépôt d'une même rampe homoclinale qui s'échelonnent depuis le talus externe jusqu'au littoral [6]. Ils livrent des Ammonites et des Brachiopodes du Sinémurien au Toarcien qui proviennent surtout de faciès rouges de type Hierlaz ou Ammonitico Rosso et pourraient révéler une origine méridionale comme source d'apport, dans un domaine paléogéographique comparable à celui des Pontidés [7]. Les blocs domériens datés par Ammonites (Aegoceras sp., Amaltheus margaritatus et A. evolutus) renferment une riche microfaune benthique dont Involutina liassica à Korou Déré, Pseudocyclammina liasica, Palaeomayncina termieri, Biokovina gradensis et Bosniella oenensis à Cerkoviste. Ce dernier assemblage, bien connu dans les Dinarides internes, montre également la proximité de la marge sud-téthysienne (Apulie). Près de Târnak (Kazaldza Laya), la présence dans les olistolithes de filons sédimentaires à remplissage pélagique rouge, d'âge toarcien à bathonien [6], témoigne de l'existence de mouvements d'extension anté-calloviens sur la plate-forme pourvoyeuse qui se situait probablement au Sud ou au Sud-Ouest (Strandzides, Kraistides et/ou Rhodopes?).

L'olistolithe hectométrique de Korou Déré a fait l'objet d'études paléomagnétiques (J.S.). Il se situe en bordure de la Luda Kamcija (42,92°N; 27,2°E) et comporte essentiellement des calcaires gris-roses, à Entroques, Brachiopodes et rares Ammonites (Amaltheus).

Des analyses de minéralogie magnétique ont été réalisées sur plusieurs échantillonstémoins, au moyen du tracé des courbes d'acquisition de l'aimantation rémanente isotherme (ARI) et des courbes de désaimantation thermique de l'ARI à saturation. Ces courbes semblent indiquer que les niveaux échantillonnés comportent en association des

EXPLICATIONS DES PLANCHES

Planche I

Fig. 1. — Carte structurale de la Bulgarie et localisation de la zone de Luda Kamcija. Fig. 1. — Structural map of Bulgaria showing the location ofthe Luda Kamcija zone.

Fig. 2. — Coupe à travers la zone de Luda Kamcija entre Kotel et Sliven. (BSL) : bande de Sliven-Sipka;

BKO : bande de Kotel; SG : zone de Stredna Gora; SP-PB : zone de Stara Planina-Prébalkan). Fig. 2. — Cross-section through the Luda Kamcija zone from Kotel to Sliven. Fig. 3. — Colonne stratigraphique du « Groupe de Kotel » et détail de quelques turbidites. Fig. 3. — Stratigraphie séquence ofthe "Kotel Group" and détail of some turbidites.

Fig. 4. — Essai de reconstitution palinspastique d'un transect Nord-Sud de la marge européenne de l'océan de

Vardar au Lias-Dogger et au Crétacé supérieur. Fig. 4. — Attempt of palinspastic reconstruction of a North-South transect across the European margin ofthe

Vardar océan for the Lias-Dogger and the Late Cretaceous period.

PLANCHE I/PLATE I BERNARD PEYBERNÈS

PLANCHE II/PLATE II

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 115-124, 1989 121

Planche II

Fig. 1. — Courbes normalisées d'acquisition de l'ARI (a) et de désaimantation thermique de l'ARI à saturation (b) d'un échantillon de calcaire gris-rose (KD) et d'un échantillon de calcaire rose (AD) de l'olistolithe de Korou Déré.

Fig. 1. — Normalized IRM curves (a) and subséquent thermal demagnetization curves of the maximum IRM (b) for a sample of pink-grey limestone (KD) and a sample of pink limestone (AD) from the Korou Déré olistolit.

Fig. 2. — Stéréogrammes des directions des ARN (a) et des directions des aimantations caractéristiques de l'olistolithe de Korou Déré, sans correction tectonique (b) et après correction tectonique (c). NM : Nord magnétique; CMTA : champ magnétique terrestre actuel.

Fig. 2. — Stereographic plots of the NRM directions (a) and of the ChRM directions of the Korou Déré olistolit, before (b) and after tilt correction (c). NM: Magnetic North; CMTA: présent Earth field direction.

Fig. 3. — Paléolatitudes théoriques attendues pour le site de Korou Déré lorsque celui-ci est rigidement lié à l'Eurasie (losanges pleins reliés entre eux) ou à l'Afrique (carrés vides reliés entre eux). L'étoile indique la paléolatitude obtenue pour le site de Korou Déré. Les autres paléolatitudes ont été calculées à partir des données paléomagnétiques jurassiques, crétacées et cénozoïques de Grèce et de Bulgarie. Références : a [15], b [16], c [17], d [18], e [19], /[20], g [21], h [22], i [23] et j [24].

Fig. 3. — Theoretical paleolatitudes expected for the Korou Déré site when this one is rigidly attached to Eurasia (Unes joining full diamonds) or to Africa (Unes joining empty squares). The star marks the paleolatitude obtained for the Korou Déré formation. Other paleolatitudes were computed from Jurassic. Cretaceous and Cenozoic paleomagnetic data from Greece and Bulgaria. Références: a [15], b [16], c [17], d [18], e [19], / [20], g [21], h [22], i [23] and j [24].

titanomagnétites (faibles champs de blocage et points de Curie compris entre 450 et 580°C) et de l'hématite (champs de blocage élevés et points de Curie vers 700°C). Ce dernier minéral prédomine dans les faciès franchement roses.

41 spécimens, répartis sur l'ensemble du site, ont été progressivement désaimantés thermiquement jusqu'à 450-500°C. Dans tous les échantillons, une seule composante d'aimantation d'inclinaison positive a été identifiée entre 250 et 400-450°C. Ses coordonnées moyennes après correction tectonique sont : D = 51°; 1 = 56,6°; A 95 = 1,7° (pl. II, fig. 2). En raison de l'allochtonie totale de l'objet échantillonné, il convient de ne pas interpréter cette dernière déclinaison en terme de rotation. En revanche, l'inclinaison après correction tectonique indique une paléolatitude de 37,2°N+2°. Nous avons représenté sur la figure 7 les courbes d'évolution théorique de la latitude du site de Korou Déré entre le Permien supérieur et l'Actuel lorsque ce site est solidaire de l'Eurasie et lorsqu'il est solidaire de l'Afrique. Ces courbes ont été construites à partir des courbes synthétiques de dérive des pôles de ces deux continents [8]. La paléolatitude obtenue pour le site de Korou Déré coïncide parfaitement avec la courbe eurasiatique et indique que la plateforme pourvoyeuse se situait vraisemblablement sur la marge nord-téthysienne. Cette paléolatitude n'est pas significativement différente de celle déduite des données paléomagnétiques jurassiques de la zone de Stara Planina occidentale (notée « d » sur la figure 3). L'aimantation portée par les échantillons de Korou Déré, dont le caractère primaire n'est pas prouvé, semble donc bien avoir été acquise avant la resédimentation. Les paléolatitudes crétacées et cénozoïques reportées sur la même figure ont été calculées à partir d'autres données paléomagnétiques de Bulgarie (zones de Stredna Gora, de Kraiste et des Rhodopes) et de Grèce (Macédoine et Thrace).

L'existence de blocs crétacés au sein de flysch de Kotel est souvent mentionnée ([1], [5]). Pour nous, ils ne représenteraient que des écailles liées à des chevauchements. Par exemple, au lieu-dit « les Sources », à la sortie de Kotel, un bloc décamétrique valanginien, supposé resédimenté, jalonne nettement le chevauchement vers le Nord de la bande de

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Kotel sur les calcaires maastrichtiens du Prébalkan. De plus, ce même bloc s'associe non pas au flysch de Kotel mais à celui de Sinivir dont les turbidites distales nous ont livré (G.L.) un assemblage sporopollinique du Trias supérieur-Lias avec Deltoïdospora toralis, D. minor, Combaculatisporites spinosus, Aratrisporites minimus, Chasmatosporites apertus, Ch. hians, Eucommiidites troedssonii, Cycadopites sufflatus, Alisporites robustus et A. radialis. Dans cette association ont été également observés quelques kystes de Dinoflagellés de l'espèce Rhaetogonyaulax rhaetica qui ne sont connus que du Rhétien à PHettangien [9]. Rappelons enfin que l'existence de blocs de calcaires cénomaniens (ou parfois d'Orbitolines de cet âge noyées dans la matrice) ne semble pas devoir être retenue

([1], P]).

(b) La matrice pélitique des olistolithes est désormais rapportée au Lias supérieurDogger, âge qui d'ailleurs avait déjà été évoqué dès 1965 [10] par l'analyse palynologique préliminaire de S. Cernjavska (avec une probabilité plus grande pour le Bajocien). Notre attribution s'appuie sur une nouvelle étude des spores, des pollens et des Dinoflagellés (G.L.) collectés dans de nombreux sites de prélèvement dont deux se sont révélés particulièrement intéressants autour de la ville de Kotel:

— A Cârnjovitza, (Nord de Kotel), si les spores et pollens sont rares (Araucariacites australis, Alisporites radialis), on recueille de nombreux kystes de Dinoflagellés dont Pareodinia ceratophora, Chytroeisphaeridia chytroeides, Nannoceratopsis gracilis, Tehamadinium cf. evitti, Hystrichogonyaulax sp., Rhynchodiniopsis sp. et Meiourogonyaulax sp. Cette association indique un âge Dogger-Malm: en effet, N. gracilis ne dépasse pas le Kimméridgien alors que les Hystrichogonyaulax, Rhynchodiniopsis et Meiourogonyaulax ne sont pas connus avant le Bajocien moyen [11].

— A Cerkoviste (Sud-Ouest de Kotel), derrière l'usine de camions, la matrice contient de nombreux microspores et grains de pollens liasiques dont Araucariacites australis, Inaperturopollenites turbatus, Cycadopites carpentieri, Chasmatosporites elegans, Cerebropollenites macroverrucosus, Alisporites robustus, Cyathidites punctatus, Deltoidospora minor et Klukisporites variegatus. La présence de kystes de Dinoflagellés rapportés à Nannoceratopsis plegas précise la fourchette stratigraphique : Pliensbachien moyen à Bajocien [11].

Le flysch à olistolithes de Kotel est couronné en discordance (par exemple sur la route Kotel-Omurtag) par les calcaires gréseux de FAlbien supérieur qui contiennent une biophase benthique d'âge Vraconnien supérieur [12], avec Orbitolina (Mesorbitolina) aperta, 0. (Conicorbitolina) conica, Cliarentia cuvillieri, Pseudocyclammina rugosa, Paraphyllum primaevum et Kymalithon belgicum.

II. LES FLYSCHS DE LA BANDE DE SLIVEN-SIPKA. — Les complexes resédimentés que l'on y rencontre s'avèrent plus jeunes que les flyschs mésojurassiques de Kotel. Il s'agit notamment du « Flysch d'Émine » (2000 m) dont l'âge turonien supérieur à paléocène est solidement étayé par les microfaunes planctoniques. (Ch. Pimpirev, inédit). Son motif séquentiel correspond à des bancs décimétriques à turbidites complètes f~e (Icera) incluant des débrites granoclassées (a) et des rides-lamines planes (c) et (d). Ce flysch contient des olistoplaques permo-triasiques (Karandyla) et, également, d'importantes intercalations de mégaturbidites bréchiques, métriques à plurimétriques, à clastes inorganisés de Trias à faciès de plate-forme, resédimentés en bassin profond. Celles, autrefois tenues pour des olistolithes de Trias bréchique [1], de la vallée de la Borustica (gare de Javorovec), apparaissent nettement interstratifiées dans les pélites et montrent un granoclassement et des structures sédimentaires.

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III. CONCLUSION. — L'existence de flyschs distaux dans le Lias (Sinivir) puis plus proximaux dans le Dogger (Kotel) dans les Balkanides orientales de Bulgarie présente une signification majeure pour la reconstitution paléogéographique de la marge nordtéthysienne. Pour des nécessités cinématiques théoriques une subduction de l'océan téthysien sous la plaque eurasiatique avait été proposée dès le Lias et pendant tous les temps jurassiques ([25] à [27]) sans qu'à ce jour aient été mis en évidence de faits de terrains sur la plate-forme. L'identification de la fosse à flysch méso-jurassique est un argument d'importance dans cette réflexion. La fosse est alimentée par la création d'escarpements de failles synsédimentaires induisant des écroulements de la marge nordtéthysienne jusqu'à l'articulation Dogger-Malm.

La fosse de Kotel a valeur de mer marginale associée à la subduction téthysienne (pl. I, fig. 4); nous proposons qu'elle puisse se prolonger axialement en bordure occidentale de la Moésie par le sillon de Séverin et de Sinaia (Roumanie) qui apparaît plus tardivement, comme le fait la subduction océanique supposée liasique en Bulgarie et même en Roumanie.

Les compressions de la phase autrichienne ont par la suite fortement plissé ces flyschs jurassiques avant le dépôt en discordance des calcaires albo-cénomaniens. Une nouvelle mer marginale s'installe à la suite de cette réorganisation des plaques due à la collision de l'appendice apulien de l'Afrique qui entre en collision avec l'Europe lors de la dérive vers l'Est de l'Afrique lorsque s'ouvrait l'Atlantique Sud. La nouvelle mer marginale s'ouvre dans un secteur plissé (dont celui du sillon de Kotel); volcanogène au Sud et en son coeur (bande de Stredna Gora, G. Stanicheva-Vasileva in [3]), elle est terrigène et à matériel flysch marneux au Nord (flysch de la bande de Sliven-Sipka, formation turonienne d'Émine) (pl. I, fig. 4).

L'origine des blocs resédimentés dans le sillon de Kotel, première génération des fosses marginales associées à la subduction téthysienne, peut être retrouvée — en partie — par l'analyse du matériel carbonate qui se retrouve sous forme de blocs resédimentés dans le flysch. L'origine paléolatitudinale de l'un de ces blocs a pu être chiffrée grâce au paléomagnétisme : 37,2°N+2° et indique l'origine encore nord-téthysienne de la marge méridionale de ce sillon de flyschs.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 24 avril 1989.

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B. P. et J.-P. R. : Laboratoire de Géologie sédimentaire et Paléontologie,

Université Paul-Sabatier, 39, allées Jules-Guesde, 31061 Toulouse Cedex;

P. T. : Institut de Géologie, Académie bulgare des Sciences, rue Acad.-G.-Boncev, bloc 24, 1113 Sofia, Bulgarie;

J. D. et G. L. : Département de Géologie Sédimentaire, C.N.R.S., U.A. n° 1315,

Stratigraphie, Université Paris-VI, 4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05;

Z. I. : Faculté de Géologie et de Géographie, Université de Sofia,

15, boulevard Roussky, 1000 Sofia, Bulgarie;

J. S. : Département de Géologie sédimentaire, C.N.R.S., U.A. n° 1315 et Laboratoire de Géomagnétisme,

4, avenue de Neptune, 94107 Saint-Maur-des-Fossés Cedex;

J. T. : Centre des Sciences de la Terre, Université de Bourgogne, U.R.A. n° 157,

Géodynamique sédimentaire et évolution géobiologique, 6, boulevard Gabriel, 21100 Dijon.

C. R. Acad. Sci. Paris, L 309, Série II, p. 125-128,1989 125

Tectonique/Tectonics

Mise en évidence d'une néotectonique en distension N-S à Madagascar (Hauts Plateaux)

François ARTHAUD, Jean-Claude GRILLOT et Michel RAUNET

Résumé — A Madagascar, la tectonique récente crée des failles normales qui affectent les surfaces d'érosion quaternaires et le réseau hydrographique. Dans la région de Tananarive, les microfailles caractérisent une distension N-S.

Occurence of a distensive tectonics of present age in Madagascar

Abstract — In Madagascar, the most récent tectonics induces normal faults, which affect the erosion surfaces od early quaternary age and the stream pattern. In the Tananarive area, the microfaults caracterize a N-S distension.

1. INTRODUCTION. — Du point de vue tectonique, Madagascar est considérée comme un bloc stable depuis le Paléozoïque. Les événements tectoniques majeurs sont limités aux zones côtières avec la formation de la marge passive de l'Océan Indien au Crétacé supérieur, et au Permien celle du bassin du Mozambique ([1], [2]). Des mouvements tectoniques tertiaires à actuels sont attestés par des axes volcaniques, des failles souvent normales ([3], [4]), et des zones sismiques [5]. Cette tectonique était mal connue. L'orientation des axes volcaniques, les grandes failles parallèles aux côtes, le soulèvement des hauts plateaux laissaient supposer que la tectonique récente correspond à une extension. E-W qui apparaîtrait comme le prolongement de la tectonique du Crétacé supérieur où l'Ile se comporte comme un horst entre deux rifts. Nous avons étudié la tectonique d'une zone à environ 25 km au NW de Tananarive, pour préciser la part relative des facteurs structuraux et climatiques dans l'organisation du réseau hydrographique. Cette étude modifie les idées sur la tectonique récente de Madagascar. En effet, il ressort de données microtectoniques, géomorphologiques et cartographiques que la néotectonique correspond à une distension en moyenne N-S, dont les structures recoupent ou réactivent les structures fini-tertiaires liées à l'extension E-W.

2. ASPECT MICROTECTONIQUE DE LA NÉOTECTONIQUE DE MADAGASCAR (fig. 1). — Cinq stations microtectoniques ont permis de caractériser le champ de contraintes. Les cinq stations donnent des résultats cohérents (fig. 1) : (i) L'ensemble des mouvements correspond à un état de contraintes défini par une extension horizontale (sigma 3) en moyenne N-S. (ii) Il n'y a pas de différences notables entre les stations. Les résultats sont représentatifs pour l'ensemble de la zone. Ceci est confirmé par le fait que les mesures des cinq stations traitées ensemble donnent le même résultat. De plus, les mesures dispersées, collectées sur l'ensemble du secteur, sont compatibles avec les contraintes définies dans les stations. On admet donc que le champ de contraintes est homogène, (iii) L'âge des mouvements n'est pas déterminé directement puisque les mesures sont faites dans du précambrien. On pense que cet âge est récent : (a) dans les stations 2, 4 et 5, les stries de la distension N-S recoupent les stries d'une extension E-W d'âge connu Quaternaire [6], (b) on a observé deux microfailles dans les altérites, (c) alors que sous la surface d'aplanissement, les fractures anciennes ont guidé l'altération en boules et sont, plus ou moins effacées, les fractures étudiées sont fraîches. Il s'agit donc soit de fractures

Note présentée par Xavier LE PICHON. 0249-6305/89/03090125 $ 2.00 © Académie des Sciences

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 125-128, 1989

postérieures aux altérites soit de fractures plus anciennes ramenées en surface par les mouvements verticaux récents.

La striation des fractures, liée à la distension N-S est postérieure à la distension E-W plio-quaternaire, aux altérites liées à l'aplanissement quaternaire ancien, et à l'altération en boules. Cette fracturation est donc d'âge quaternaire récent à actuel.

3. ASPECT CARTOGRAPHIQUE DE LA NÉOTECTONIQUE A MADAGASCAR. — La morphologie présente trois types d'éléments : — I. Des bas-fonds dont les plus développés sont à une altitude proche du niveau de base local (1250 m). — II. Une surface d'aplanissement correspondant à une carapace d'altérites datée du quaternaire ancien, par des critères géomorphologiques paléoclimatiques et quelques datations absolues ([2], [6], [7], [8]). — III. Les zones de raccordement entre les deux types morphologiques précédants qui sont des zones de reprise d'érosion.

Fig. 1. — Données microtectoniques de la distension N-S récente : à gauche : plans de failles et stries; à droite : position de CT3. Toutes les failles sont normales. 1° 19 failles, x = 503,5, y = 810,1; 2° 12 failles, x = 517, y = 798; 3° 18 failles, x = 508, y = 814; 4° 21 failles W de Tananarive; 5° 15 failles : sur l'ensemble du secteur; 6° 16 failles, centre de Tananarive — 1. Pôle de faille, 2. Strie, 3. Trace de cr3. 4. Position moyenne de a3. La position des contraintes est obtenue en admettant que dans le plan perpendiculaire à la faille, passant par la strie, <J3 est à 45° de la strie.

Fig. 1. — Microtectonics datas concerning the present N-S extension: on the left; fault-planes and striation; on the right: orientation of cr3. All faults are normal faults. 1° 19 microfaults, x = 503.5, y = 801.1; 2° 18 microfaults, active cave x = 508, y=814; 3° 12 microfaults 120 x 10 m x = 517, y = 198; 4° 21 microfaults in W-Tananarive; 5° 16 microfaults in Tananarive; 6° 15 microfaults, scattered datas collected in the surveyed zone. SW corner u = 47°23E, y= 18°49SS. 1, Fault surface; 2, Movement direction; 3, c3; 4, Mean orientation ofa3.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 125-128, 1989

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Parmi ces dernières un certain nombre sont des escarpements de failles plus ou moins atténués qui décalent la surface quaternaire. On est donc en présence d'un épisode de néotectonique dont les caractéristiques ont été déterminées par une cartographie au 1/20 000 d'environ 120 km 2, (i) Les failles majeures du secteur sont orientées E-W à NUE; leur longueur est de l'ordre de 3 à 4 km; leur rejet vertical de la centaine de mètres, (ii) Il s'agit de failles normales comme on peut le constater quand leur escarpement originel est encore conservé sous forme de facettes triangulaires. On note l'absence de toute structure compressive associée, (iii) Le jeu des failles majeures s'accompagne du basculement de blocs, de la réactivation de fractures en particulier NE-SW, dont résulte la géométrie du réseau hydrographique. Il en résulte également l'apparition de failles de deuxième ordre, de longueurs hectométriques à kilométriques et de rejets métriques, orientées E-W à NW-SE. (iv) Si l'on tient compte des seules failles néotectoniques, la direction d'extension est proche de N-S, ce qui implique un rejeu des accidents antérieurs NE-SW. (v) La tectonique est clairement très récente, en tout cas postérieure à la surface d'aplanissement et à l'altération en boules du Quaternaire ancien. En fonction de leur

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309)

Série II - 9

Fig. 2. — Carte des structures néotectoniques de la zone d'Ambohidratimo (25 km NW de Tananarive). 1.

Faille normale avec rejet r<20 m; 2. id° 20<r<50; 3. id° r>50 m; 4. Escarpement de faille atténué inactif;

5. Zone à remblaiement sédimentaire; 6. Surface d'aplanissement; 7. Zone d'érosion; 8. Dénivelle en mètres

par rapport au niveau de base coordonnées du coin SW x = 47°23E, y= 18°495S. Fig. 2. — Map of the récent fault in the région of Ambohidratimo (25 km NW of Tananarive). 1. Normal fault

with vertical offset r<20 m; 2. id° with 20<r<50; 3. id° with r<50; 4. Attenuated scarpe; 5. Zone with

sedimentary filling; 6. Erosion surface; 1. Erosion working; 8. Différence of altitude between the surface 6 and

the base level.

128 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 125-128, 1989

degré d'érosion, certaines failles peuvent même être datées comme postérieures à des ouvrages humains anciens. Dans la plupart des failles cartographiées (fig. 2), et malgré l'érosion souvent très intense, les escarpements de faille ne sont jamais totalement détruits. Comme la zone étudiée est sismique, il est normal de conclure que l'âge de la tectonique est quaternaire récent à actuel.

5. CONCLUSION. — La mise en évidence d'une tectonique actuelle en distension N-S, repose sur des arguments microtectoniques, structuraux et géomorphologiques. L'étude porte sur la seule région de Tananarive, mais des observations faites dans des secteurs très variées de l'Ile montrent que cette distension n'est pas un phénomène local. Il reste encore à préciser les caractéristiques générales de cette distension; pour cela des études complémentaires sont entreprises. Il reste à préciser la répartition de cette tectonique sur l'ensemble de Madagascar et, à l'intégrer dans l'ensemble de la tectonique actuelle de l'Océan Indien et de ses bordures. Cette Note résume des travaux effectués dans le cadre de l'ATP PIREN « Bilan hydrique et minéral d'un bas-fond sur les hautes terres de Madagascar »; elle sera développée dans une Note à soumettre à Journal Canadien des Sciences de la Terre. Note remise le 2 février 1989, acceptée après révision le 17 avril 1989.

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F. A. et J.-C. G. : Département de Géologie, U.S.T.L.,

34060 Monptellier Cedex, U.A. C.N.R.S. n° 1359;

M. R. : I.R.A.T.-C.I.R.A.D., Pédologie, B.P. n° 5035, 34032 Montpellier Cedex 1.

C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II, p. 129-135, 1989 129

Tectonique/Tectonics

Stratigraphie, structures du massif du Bükk (Nord-Est de

la Hongrie) et reconstitution palinspastique triasique de

cette portion des Carpathes internes

Lazlo CSONTOS et François THIÉBAULT

Résumé — Le massif du Bükk (Nord-Est de la Hongrie) est tout d'abord présenté dans son cadre général des Carpathes internes. Les unités isopico-structurales, qui le constituent, sont définies puis comparées avec les unités analogues constituant le Mont Aggtelek (Tchécoslovaquie). L'étude stratigraphique du parautochtone du Bükk fait apparaître une évolution géodynamique durant le Trias comparable à celle admise pour les séries de Szilice (Tchécoslovaquie). C'est pourquoi les auteurs proposent de rattacher, au Trias, ces deux ensembles à une seule et même marge nord de l'océan de Melléte.

Stratigraphy and Structures of the Bükk range (North-Eastern

Hungary). Palinspastic triassic reconstruction of these internai Carpathians

Abstract — The Bükk range (Northeastern Hungary) is first described in its general geological setting the internal carpathians. The Bükk mountain is divided into three isopic tectonic units which are defined and compared with the analogous units outcropping within the Aggtetek mountains. The statigraphic study of the parautochtonous unit of the Bükk shows a triassic evolution which is very similar to the Szilice counterpart. These facies relations lead to classify the Bükk autochtonous and the Szilice units as portion of the same northern margin of the triassic-jurassic ocean of Mellete.

Abridged English Version — Lying in NE Hungary (Fig. 1), the Bükk mountain forms a part of the western central Carpathians or more generally of the inner Carpathians. According to published data (general bibliography in 1 and 2), north of the Bükk (Fig. 2) the inner Carpathians are divided into four tectonic-isopic units from South to North and bottom to top (Fig. 4).

A. The Szilice nappe [3]. It consists of non metamorphic rocks of triassic to jurassic age, showing a typical uppermost Upper Austroalpine (Jurassic) [3] development. It is classifïed as a part of the northern outer shelf region of the Melléte ocean.

B. The melléte nappe ([2] to [6]). It consists of sedimentary and mafic rocks, affected by high P-low T metamorphism. It is considered as a triassic series formed in an ocean (Melléte ocean) or on a thinned continental crust.

C. The Gömör Paleozoic unit [7]. It corresponds to metamorphic rocks classifïed as Paleozoic rocks cuted by granites of cretaceous âge. It is separated from the lower Austroalpine series of Vepor by the Lébény-Margitfalva lineament and it is overlapped by the Melléte and Szilice nappes.

D. The parautochtonous of Torna [3] separated from the Gömör Paleozoic unit by the Rozsnyo linéament. It consists of anchi—or epimetamorphic rocks, dated as upper Permian, Triassic and Jurassic. The pelagic limestone of upper Triassic age can be correlated with the limestone of the same age outcropping in the Bükk ranges.

The Bükk range itself is divided into three tectonic levels from bottom to top (Figs. 3 and 4 b):

1. The Kisfennsik nappe [1], consisting of upper triassic limestone, which are slightly deformed and non metamorphic. It may be correlated with the Szilice nappe.

Note présentée par Jean DERCOURT. 0249-6305/89/03090129 S 2.00 © Académie des Sciences

130 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 129-135, 1989

2. The Monosbél-Szarvaskö [5] nappes corresponding to an anchimetamorphic jurassic sequence with resedimented material and with mafic volcanic rocks of oceanic type. It may be classifïed as the Bükk equivalent of the Mellete nappe.

3. The parautochtonous of Bükk consisting of an anchimetamorphic paleozoic to upper jurassic shelf séquence correlated with the Torna séquence.

The stratigraphic model of the Bükk autochtonous (Fig. 1, PI.) shows three main paleogeographic domains [1]. This sequence is uniform till the Anisian, when widespread différenciation occurs, creating platforms and basins and initiating a Sud Alpine Dinaric type volcanism of middle triassic age. Genesis and evolution of the basins are continuing on in the Upper Triassic when we have a central platform between two basins to the North and to the South with respect to actual directions. After a gap of unknown extent, one can observe a resedimented series introducing a general deepening of the whole area, regardless of the former paleogeographical boundaries. Products of this Mid-Upper Jurassic subsidence are radiolarites and black shales classifïed as distral turbidites.

We use two paleogeographic models: that of Kovacs [8] modifïed, and our new proposition. Both models are based on the assumption that the Triassic and Jurassic oceanic fragments are derived from the same ocean. Unfortunately no transition of the ocean and the Bükk domain could be found in the NE Hungarian realm.

Facies differences and other geodynamic and structural considerations lead us to suppose large scale wrench faults, before the units were piled up in the Upper Cretaceous. These strike slips do not coincide with the equally large amplitude Palaeogene and Neogene strike slips, responsible for the actual strange position of the whole pile [10]. The early Cretaceous strike slips are most probably of right lateral sense.

The first model (Fig. 2, PI.) is assuming a Triassic Mellete ocean between Szilice on the North and Bükk on the South. Although it seems to be a good approximation, several problems arise, for example the origin of coarse detrital material of carnian age simultaneously present on both shelves of the ocean. The second model (Fig. 3, Pl.) puts Szilice and Bükk units on the same northern margin of the Triassic-Jurassic ocean of Mellete. This model solves the problem of the detritic material.

INTRODUCTION. — Le massif du Bükk, situé dans la partie NE de la Hongrie (fig. 1) appartient aux Carpathes occidentales centrales ou plus généralement aux Carpathes internes. Ce massif est isolé des autres parties des Carpathes occidentales par des bassins tertiaires (fig. 2). Il est bordé au Sud par la grande plaine hongroise qui masque complètement ses relations avec la plus grande partie du soubassement de cette dépression pannonienne (Monts Mecsek et Villany); la Montagne transylvanienne, les Carpathes slovaques et à plus petite échelle les Dinarides. Dans un tel contexte le massif du Bükk occupe une position clef quant aux reconstitutions paléogéographiques antéliasiques. C'est pourquoi son étude systématique a été entreprise [1], nous présenterons ici les conclusions relatives aux reconstitutions palinspastiques possibles au Trias.

CADRE GÉOLOGIQUE GÉNÉRAL. — D'après les résultats publiés concernant cette région (bibliographie générale in ([1], [2]) l'édifice tectonique du NE de la Hongrie et du Sud de la Tchécoslovaquie est constitué par la superposition des unités isopiques et structurales suivantes de haut en bas (fig. 2 et 4 a) :

— la nappe de Szilice (Digitations d'Aggtelek et de Bodva) [3] formée de terrains sédimentaires triasico-jurassiques, non métamorphiques, homologue de l'Austroalpin

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série n, p. 129-135, 1989 131

supérieur [2], déposés durant le Trias au niveau d'une marge s'approfondissant vers le Sud;

— la nappe de Melléte ([2] à [6]) (ou Meliata) à laquelle on rattache les roches des collines de Darno, regroupe un ensemble de terrains triasiques et jurassiques formant des lambeaux tectoniques à la semelle de la nappe de Szilice. Elle se compose de roches basiques métamorphiques et de roches sédimentaires dont les plus anciennes sont d'âge ladinien. On l'interprète comme les restes d'une croûte océanique ([5], [6]);

— le « Paléozoïque » de Gömör. Il s'agit [7] d'un ensemble métamorphique attribué pour sa plus grande part au Paléozoïque, traversé par des granites d'âge crétacé et sur lequel chevauchent les nappes de Melléte et Szilice. Il est séparé des séries de l'Austroalpin inférieur du Vepor par la ligne (ou le linéament) de Lébény-Margitfalva;

— le parautochtone de Torna [3] séparé du « Paléozoïque » de Gömör par la ligne (ou le linéament) de Rozsnyo. Il est formé de terrains anchi à épimétamorphiques, d'âge permotriasique, avec un Permien supérieur détritique et des calcaires pélagiques du Trias supérieur. La plupart des reconstitutions rattachent le parautochtone du Bükk à cet ensemble.

LA STRUCTURE GÉNÉRALE DU MASSIF DU BÜKK. — Des études détaillées (cartographiques, stratigraphiques, structurales) [1] ont permis de montrer que l'édifice structural du Bükk est constitué par la superposition de trois unités isopiques et structurales qui sont de haut en bas (fig. 3 et 4 A) :

A. La nappe de Kisfennsik formée de calcaires du Trias supérieur très peu déformés et non métamorphisés, homologues probables des calcaires de même âge de la nappe de Szilice.

B. Les nappes de Monosbél-Szarvaskö [5], formées de schistes, de schistes gréseux, de masses importantes de métabasaltes en coussins, de petites masses de microgabbro ou gabbro intrusifs. On attribue à cet ensemble un âge jurassique, et on le rattache génétiquement à la nappe de Melléte.

C. Le parautochtone du Bükk constitué de roches métasédimentaires-anchimétamorphiques d'âge carbonifère à Jurassique supérieur, où l'on reconnaît trois unités (cf. infra).

L'ensemble du parautochtone du Bükk et des nappes de Monosbél-Szarvaskö a subi une évolution tectonique polyphasée [1] dont les phases principales sont: a. la mise en place des nappes, la vergence de cet événement restant hypothétique; b. une phase de plissement principale synmétamorphe à vergence sud d'âge antéturonien; c. le découpage de l'ensemble préalablement structuré par des cisaillements inverses à vergence principalement sud; d. fonctionnement de décrochements dont celui de Darno.

STRATIGRAPHIE DE L'AUTOCHTONE RELATIF DU BÜKK ET INTERPRÉTATION. — L'autochtone relatif du Bükk se divise en première approximation en trois unités qui sont du Nord au Sud (fig. 3 et 4B) celles: 1. de l'Anticlinal du Nord; 2. du haut Plateau-Repashuta; 3. du Bükk de l'Est. Les séries sédimentaires correspondantes (fig. 1, pl.) montrent une succession paléozoïque supérieur d'affinité dinarique (absence de déformations varisques post-namuriennes, calcaires carbonifère supérieur et permien supérieur marins), des dolomies anisiennes et un volcanisme orogénique acide-basique d'âge aniso-ladinien. Au cours du Ladinien, s'observe une différenciation opposant durant le Ladinien et la CarnoNorien des séries carbonatées de plate-forme au centre (Haut Plateau-Repashuta) et des séries de calcaires pélagiques siliceux au Nord et au Sud (Anticlinal du Nord et Bükk de l'Est). On soulignera l'existence au Nord (Anticlinal du Nord) d'un épisode détritique

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 129-135, 1989

Fig. 1, 2 et 4 A. — Le massif du Bükk dans son cadre géologique général

en carte (1 et 2) et en coupe (4 A).

Figs. 1, 2 and 4 A. — Geological setting of the Bükk range:

maps (1 and 2) and cross section (4 A).

Fig. 3 et 4B. — Carte et coupe géologiques schématiques du massif du Bükk. Figs. 3 and AB. — Schematic geologie map and cross section of the Bükk mountain.

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(Schistes de Vesszos) représentant probablement l'événement terrigène de Raibl d'âge carnien, bien connu dans les domaines austro-alpin et sud alpin. Les séries s'homogénéisent à nouveau au cours du Jurassique avec le dépôt de radiolarites oxfordiennes et d'une série détritique épaisse de schistes ardoisiers d'âge jurassique supérieur [crétacé inférieur (?)].

Ces séries matérialisent une évolution que l'on peut interpréter de la manière suivante. Durant le Paléozoïque et le début du Trias moyen le Bükk appartenait à une vaste plateforme néritique. Cette plate-forme se serait morcellée au Ladino-Carnien en s'approfondissant vers le Nord et le Sud. L'approfondissement étant contemporain du dépôt des radiolarites des unités de type océanique de Melléte-Darno, nous l'interpréterons comme la conséquence d'une phase de rifting ayant structuré une marge du domaine océanique de Melléte-Darno. L'absence à l'affleurement de séries de transition entre cet océan de Melléte-Darno et l'un ou l'autre des bords de la plate-forme du Bükk autorise à placer cet océan aussi bien au Nord qu'au Sud de celle-ci. Mais l'existence d'une sédimentation détritique carnienne (schistes et grès de Vesszos) dans le domaine de l'Anticlinal du Nord pose le problème de la continuité et de la solidarité éventuelle, à cette époque du parautochtone du Bükk avec la vaste plate-forme austroalpine à sudalpine [8].

L'ensemble de la marge ainsi définie aurait subi ensuite une ultime phase d'approfondissement au cours du Jurassique inférieur à moyen. A la fin du Jurassique supérieur et au Crétacé inférieur (?) la sédimentation détritique observée serait l'équivalent distal des flyschs précoces connus ailleurs dans les Dinarides témoignant de l'obduction puis de l'érosion des ophiolites dinaro-helléniques [9].

RECONSTITUTIONS PALINSPASTIQUES TRIASIQUES ET CONCLUSIONS. — Les données géologiques peuvent conduire à deux reconstitutions possibles au Trias supérieur. La première est le modèle de Kovacs [8] qui interprète les unités de Szilice et le parautochtone du Bükk comme les deux marges respectivement Nord et Sud, d'un bassin océanique intermédiaire de Melléte-Darno (fig. 2, pl.). La difficulté majeure afférente à ce modèle concerne l'alimentation des épisodes détritiques d'âge carnien et jurassique supérieur.

Ce problème disparaît si on adopte un autre modèle (fig. 3, pl.). Nos données établissent en effet que Szilice, Torna et la parautochtone du Bükk ont des caractéristiques stratigraphiques et sédimentologiques permettant de les rattacher à une seule et même marge, la marge nord du bassin océanique de Melléte-Darno. La nappe de Szilice et le parautochtone du Bükk sont constitués d'un ensemble d'unités structurales et isopiques montrant au Trias supérieur une évolution allant de milieux proximaux peu profonds à des milieux distaux plus profonds. Quant au parautochtone de Torna il ne montre pas une telle évolution et semble correspondre uniquement à une partie distale de la marge. Si l'on admet cette reconstitution, le dispositif structural actuel résulterait fondamentalement de la juxtaposition de deux fragments d'une même marge à la suite de mouvements décrochants postérieurs à l'obduction. Quant à la position relative de ces portions de marge on notera simplement quelques faits permettant de la préciser. Les séries de Szilice et de Torna présentent certaines affinités austroalpines : Permien supérieur élastique, absence de volcanites orogéniques ladiniennes. Elles pouvaient donc être relativement proches l'une de l'autre. Par contre l'absence de volcanites ladiniennes, même sous forme de cinérites, semble impliquer une distance relativement importante entre Szilice-Torna d'une part et le parautochtone du Bükk d'autre part. Ce dernier devait donc occuper

134 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 129-135, 1989

une position sudalpine et dinarique étant donné ses affinités (Paléozoïque supérieur carbonate marin, importance des volcanites orogéniques laniniennes).

Les auteurs remercient J. Dercourt, L. E. Ricou et S. Kovacs pour leurs critiques et leurs conseils. Note remise le 3 avril 1989, acceptée le 19 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[10] S. KOVACS, Geol. Rundschau, 71, n° 2, 1982, p. 617-639.

L. C. : Laboratoire de Géologie, Université R.-Eötvös, Budapest, 1088 Hongrie;

F. T. : Laboratoire de Dynamique sédimentaire et structurale, U.R.A. n° 719,

Université de Lille-Flandres-Artois, Sciences de la Terre, 59655 Villeneuve-d'Ascq Cedex.

PLANCHE I/PLATE I LAZLO CSONTOS

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Tectonique/Tectonics

Séquence de chevauchements et séquences de dépôt

dans un bassin d'avant-fosse.

Exemple du sillon crétacé du versant sud des Pyrénées

(Espagne)

Pierre SOUQUET et Joachim DÉRAMOND

Résumé — En combinant analyse tectonique et stratigraphie séquentielle on montre que, dans le versant sud des Pyrénées, la tectonique alpine compressive débute au Turonien terminal (90 M.a.). Cette tectonique est caractérisée par une séquence de chevauchements «piggy-back» et de plis associés, dont l'orientation peut être contrôlée par les structures sédimentaires.

Thrust sequence and depositional sequences in a foredeep basin.

Example of the Cretaceous trough of the Southern Pyrenees (Spain)

Abstract — Tectonic analysis and sequence stratigraphy applied in the Southern Pyrenees show that the Alpine shortening began at the Latest Turonian (90 M.a.). As a result of this shortening there exists a thrust piggy-back sequence with associate folds. The structural orientations may be controlled by previous sedimentary structures.

Abridged English Version — In the Southern Pyrenees numerous syndepositional unconformities were determined by the Alpine shortening. The older ones took place during Late Cretaceous rimes but they have been neither ordered nor accurately dated ([1] to [5]). The best-known ([1] to [8]) occurs between the Boixols thrust (Fig. 1) and the Aren Group (Late Campanian-Early Danian [8]). The present paper shows that this Maastrichtian Boixols thrust belongs to a piggy-back thrust-fold sequence beginning in the Latest Turonian. In addition the kinematic evolution of the whole Senonian South-Pyrenean basin is reinterpreted in keeping with the concept of a migrating foredeep basin.

METHODOLOGY. — Tectonic analysis and sequence stratigraphy [9] are combined in order to analyse the thrust propagation in space and time. The boundary mapping of the depositional sequences gives an isochrone map (Fig. 2) which reveals the géométrie and chronometric relationships between tectonic structures and depositional sequence sets, i. e. chronology and timing of thrusting and folding. Consequently, the Senonian sequence of tectonosedimentary events has been characterized in the Turbon [10] and the Noguera Ribagorzana areas, in a Cenozoic thrust sheet [11] (Fig. 1).

SUPERIMPOSED STRUCTURES OF THE TURBON (Fig. 2, 3). — The structure of the Turbon massif results from an interference pattern between two Systems of folds and thrusts deforming the Mesozoic series which are detached on the Triassic evaporites. This sedimentary cover (Fig. 3) includes foredeep deposits organized according to Bally's model [12], with (i) a carbonate ramp assemblage (Cenomanian to Santonian) and (ii) a turbidite wedge containing numerous unconformities (Santonian-Danian). The syndepositional tectonics are contemporaneous with turbidites facies belonging to two depositional sequence sets named [8] Vallcarga II (85-80 M.a.) and Vallcarga III (80-75 M.a.) Groups. The Vallcarga I (9085 M.a.) Group does not exist in the Turbon, being developed only in the more internai Noguera Ribagorzana area where the transition to foredeep régime was earlier.

Note présentée par Michel DURAND-DELGA. 0249-6305/89/03090137 $ 2.00 © Académie des Sciences

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The first thrust-fold system is oriented N40, the second N140. As the resuit of the superposition the strata are folded into a series of alternating domes and basins (La Plana dome, Llert basin) according to the type 1 interference pattern described by Ramsay [13]. The strong axial plunge of the perianticline structures can be explained in the same way.

The N40 system includes thrust of reverse faults, one of which is related to a palaeoslope on a faulted ramp and due to reactivation of normal fault (La Plana fault between platform formations in the hangingwall and slope complex in the footwall). The N40 structures are progressively onlapped by the Vallcarga II Group, folded in a N40 synform (3, Fig. 2) and are overlapped by an angular unconformity dated 80 M.a. (base of Vallcarga III Group). So the time of deformation in the N40 system is about 5 M.a. (85 to 80 M.a.).

The N140 structures are onlapped by the Vallcarga III Group and the development of individual thrusts and folds can be timed. For example, the Padarniu thrust, which dies out under a sequence boundary dated 77.5 M.a., generates a folding in the overlapping strata due to a displacement in depth along the thrust surface. The first unconformable sequence overlapping this fold begins at 75 M.a. (base of the Aren Group). So the time of déformation seems about 2.5 M.a. (80 to 77.5 M.a.) for the emergent thrusting and about 5 M.a. (80 to 75 M.a.) for the folding.

SENONIAN THRUST AND FOLD SEQUENCE (Fig. 1,3). — A complete sequence of four Senonian thrust-fold Systems develops in the Noguera Ribagorzana valley concurrendy with a migration of foredeep depocenters. Associated with the Vallcarga I Group, the San Gervas thrust is viewed as equivalent to an E-W trending thrust located (Fig. 2) North of the Turbon (Las Aras thrust, 90-85 M.a.). The Vallcarga II Group unconformably overlaps the previous series deformed by N-S trending folds, corresponding to the Turbôn N40 system (Turbôn thrust, 85-80 M.a.). The Vallcarga III Group overlies the Miralles anticline and the blind thrust correlated with the Turbôn N140 system (Padarniû thrust, 8075 M.a.). Then the lower part of the Aren Group overlaps the Tamurcia anticline which is related to a deeper and blind thrust (Boixols thrust, 75-68 M.a.).

CONCLUSION. — The method applied leads to a better knowledge of the chronology, timing and evolution of tectono-sedimentary processes. The relationship between thrust progression and sequence set deposition are clearly demonstrated. They show that, in the Southern Pyrenees, a shortening regime acted in a perisutural basin from 90 M.a. (Latest Turonian).

Sur le versant sud des Pyrénées une tectonique compressive crétacée est prouvée par l'observation de discordances progressives. Mais ses caractéristiques n'ont jamais été précisées et son âge a fait l'objet d'appréciations différentes ([1] à [5]). Une analyse et une mise au point sont donc nécessaires. L'exemple de cette tectonique actuellement le plus connu ([1] à [8]) est l'anticlinal du San Corneli (fig. 1), transporté sur la surface de chevauchement de Boixols et fossilisé par le Groupe d'Aren (Campanien terminal-Danien basai [8]). Des observations nouvelles nous permettent de montrer que ce chevauchement maastrichtien de Boixols appartient à une séquence de chevauchements qui s'est développée à partir du Turonien terminal et dont les accidents plus internes sont reconnaissables dans le massif du Turbôn et dans la vallée de la Noguera Ribagorzana. Nous sommes ainsi en mesure de proposer un modèle d'évolution cinématique en zone de raccourcissement qui peut être généralisé à l'ensemble du bassin sénonien sud-pyrénéen.

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139

MÉTHODE D'ÉTUDE. — Son originalité réside dans l'association de l'analyse tectonique et de la stratigraphie séquentielle [9]. Les séquences de dépôt constituent des marqueurs stratigraphiques plus précis que ceux utilisés habituellement. Leurs limites sont des surfaces isochrones, cartographiables ([5], [8], fig. 2) et datées en millions d'années (M.a.). Il est dès lors possible d'évaluer la durée des phénomènes tectoniques. Ainsi dans le Turbôn, où des études antérieures [10] avaient permis d'ébaucher une géométrie d'ensemble en un système de plis complexes diversement orientés, on peut maintenant: (i) préciser cette géométrie; (ii) caler la formation des structures par rapport aux différentes séquences : (iii) estimer des vitesses de déformation à l'échelle des structures régionales.

STRUCTURES TECTONIQUE DU TURBÔN. — Le massif du Turbôn appartient à la nappe d'âge tertiaire la plus élevée du versant sud des Pyrénées ([11], fig. 1). Sa structure résulte de la superposition de deux systèmes de plis et chevauchements d'âge Santonien supérieurCampanien (fig. 2).

Fig. 1. — Schéma structural simplifié de la zone de chevauchements crétacés du versant sud des Pyrénées. A : localisation dans l'Unité sud-pyrénéenne centrale (USPC); B : séquence de chevauchements et plis associés formés dans l'avant-fosse crétacée et transportés sur les chevauchements tertiaires.

Fig. 1. — Sketch map of the Cretaceous thrust-fold belt of the Southern Pyrenees. A: location in the Cenozoic thrust sheet (USPC); B: thrust sequence ans associate folds in the Cretaceous foredeep basin.

140 C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II, p. 137-144, 1989

Cadre stratigraphique. — Le massif du Turbôn est constitué d'une série mésozoïque décollée sur les évaporites du Trias. On y reconnaît (fig. 3) plusieurs cycles tectosédimentaires séparés par des surfaces d'érosion et de discordance ([10], [6]) : plate-forme jurassique; rift albien; rampe néocrétacée inclinée vers le Nord en direction de l'axe de la chaîne (faciès proximaux, comme les calcaires néritiques d'Ejea et du Serrado et faciès distaux comme les marnes d'Anserola et les calcaires hémipélagiques d'Aguas-Salenz dans le Sénonien inférieur); avant-fosse néocrétacée à remplissage syntectonique découpé par des discordances (prismes turbiditiques du Groupe Vallcarga et prismes à faciès de talus — plate-forme — continent du Groupe d'Aren dans le Sénonien supérieur).

La tectonique synsédimentaire du Turbôn est contemporaine des prismes, ou groupes de séquences de dépôt [8], Vallcarga II (85-80 M.a.) et Vallcarga III (80-75 M.a.). Le prisme turbiditique Vallcarga I (90-85 M.a.) a ici pour équivalent des faciès de rampe préorogéniques (Formations Aguas-Salenz, Anserola, Ejea et Serrado). Les faciès synorogéniques Vallcarga I se limitent en effet aux unités tectoniques plus internes de la vallée de la Noguera Ribagorzana (fig. 1) où les plissements ont débuté plus tôt. Le groupe d'Aren (75-63 M.a.) est bien représenté dans le Turbôn mais il y est peu affecté par les structures visibles en surface, étant lié, comme déjà indiqué, au chevauchement maastrichtien de Boixols, plus externe et plus profond.

Les faciès du Crétacé supérieur du Turbôn s'organisent donc conformément au modèle de Bally [12] pour les bassins de périsuture de type avant-fosse qui comportent une rampe et des prismes terrigènes syntectoniques.

Géométrie et chronologie des structures (fig. 2). — Les deux systèmes de plis et chevauchements responsables de la structuration du Turbôn sont visibles à toutes les échelles. La cartographie [10] révèle des mégastructures (fig. 2 A) d'axe NE-SW (synformes 1 et 3 et antiformes 2, 4, 5 et 6) et d'axe NW-SE (synforme 7 et antiformes 9, 10 et 11). Dans les marno-calcaires incompétents du Rio Rialvo (Formation Anserola), on mesure des plis d'axe moyen N40, de longueur d'onde plurimétrique avec plan axial subvertical, marqué par un clivage de crénulation. La direction de l'axe des plis est constante mais il n'en est pas de même de leur plongement qui varie entre 10° et 60° vers le NE ou le SW. Ces variations sont le fait d'un replissement par des plis décamétriques à axe N140 et plan axial subvertical (fig. 2B).

La superposition de ces deux systèmes de plis correspond au type 1 de Ramsay [13]. Les figures d'interférence se présentent régionalement sous forme de dômes et de cuvettes : les dômes résultent de l'intersection de deux antiformes (dôme de la Plana, superposition des plis 4 et 10); les cuvettes, de deux synformes (cuvette de Llert, superposition des

EXPLICATIONS DES PLANCHES

Planche I

Fig. 2. — Schéma structural des interférences tectoniques et des limites de séquences de dépôt dans le massif

du Turbôn. A : Carte des plis et chevauchements (isochrones d'après [5], [8]); B : Stéréogramme de

dispersion des axes de plis N40 déformés par un pli d'axe N140 (Rio Rialvo). Fig. 2. Structural schema of the tectonic interferences and of the depositional sequence boundaries in the Turbôn

massif. A: Folds and thrust map (isochrons from [5], [8]); B: Stereographic plot of N40 fold axis deformed by

a fold with a N140 axis trend (Rio Rialvo).

PLANCHE II/PLATE II

* Non représentées dans le Turbôn . Localisées dans la vallée de la Noguera Ribagorzana où les plissements sont plus précoces.

Fig. 3

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 137-144, 1989 143

Planche II

Fig. 3. — Corrélations tectonique-sédimentation dans le bassin crétacé sud-pyrénéen. Fig. 3. — Tectonics and sedimentation correlations in the Cretaceous South-pyrenean basin.

plis 1 et 7). On peut expliquer de la même manière l'importante variation constatée dans le plongement axial des structures périanticlinales (anticlinal 6).

A chacune des deux familles de plis sont associés des failles inverses ou des chevauchements. Au système N40 se rattachent: (i) le chevauchement du Turbôn qui s'enfonce sous l'anticlinal déversé 5; (ii) la faille inverse de la Plana qui se développe sur le flanc nord-ouest de l'anticlinal 4. On peut remarquer que cette faille suit le tracé d'un talus préorogénique puisqu'on observe, au toit, des formations de plate-forme (Ejea, Serrado) et, au mur, des faciès de talus d'érosion (Formation Anserola, ici riche en olistolites). On peut donc considérer cette faille comme une faille normale réactivée.

Les structures N40 sont recouvertes en discordance progressive par les séquences de dépôt du Groupe Vallcarga II (base à 85 M.a.), ce qui conduit à situer le début de leur formation à cette date. Les couches de ce groupe synorogénique sont en outre ployées dans la synforme 3, sous la discordance de Vallcarga III (base à 80 M.a.) qui scelle toutes les structures N40. On peut donc estimer la durée de formation du système structural N40 à 5 M.a. (entre 85 et 80 M.a.).

Les structures N140 sont recouvertes en discordance progressive par les séquences de dépôt du Groupe Vallcarga III (base à 80 M.a.) et les relations entre les couches permettent d'apprécier les durées de formation respective des chevauchements et des plis. Ainsi le chevauchement de Padarniû disparaît vers l'Est sous des couches à 77,5 M.a. Il devient aveugle, c'est-à-dire que son fonctionnement ne se traduit plus en surface que par une déformation souple des terrains qui le scellent. Si l'on considère les plis N140, tel l'anticlinal 11, on constate que l'âge des premières couches discordantes est de 80 M.a. et que la première séquence non affectée par le pli débute à 75 M.a. (base du Groupe Aren). La durée de fonctionnement du système structural N140 peut donc être estimée à 2,5 M.a. pour le déplacement le long du chevauchement émergeant (entre 80 et 77,5 M.a.) et à 5 M.a. pour le plissement (entre 80 et 75 M.a.).

Nous proposons donc la chronologie suivante: plis N40 et chevauchements associés, contemporains du prisme sédimentaire Vallcarga II, entre 85 et 80 M.a.; plis N140 et chevauchements associés, contemporains du prisme Vallcarga III, entre 80 et 75 M.a.

SÉQUENCE DE CHEVAUCHEMENTS SYNSÉDIMENTAIRES CRÉTACÉS (fig. 1 et 3). — Les deux groupes de structures décrits dans le Turbôn s'inscrivent dans une séquence de chevauchements (sensu Boyer et Elliott [14]) qui a été reconnue sur tout le versant sud des Pyrénées centrales. Les trois divisions du Groupe Vallcarga et le Groupe Aren s'incorporent en effet à des unités tectoniques superposées et transportées sur des chevauchements synsédimentaires, aveugles et peu pentes quand ils sont profonds, émergeants et redressés pour les plus élevés. Ces groupes de séquences de dépôt matérialisent des aires de sédimentation synclinales au front de chevauchements actifs qu'ils recouvrent en discordance progressive suivant un mode « piggy-back ».

La séquence complète est décelable dans la vallée de la Noguera Ribagorzana où la structuration en dômes et cuvettes était passée inaperçue. Le prisme sédimentaire Vallcarga I (90-85 M.a.) est discordant par rapport à la série antéturbiditique (Cénomanien-Turonien de la Sierra de San Gervâs) renversée sous le chevauchement émergeant

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 10

144 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 137-144, 1989

du Trias d'Aulet (un équivalent de ce premier système structural d'avant-fosse peut être recherché, au Nord du Turbôn, dans le chevauchement de las Aras [10]). Le prisme Vallcarga II (85-80 M.a.) recouvre l'ensemble des deux séries précédentes qui sont replissées dans des structures approximativement N-S (équivalent du système N40 du Turbôn, ici également avec une orientation parallèle à celle de paléotalus préorogéniques [6]). Le prisme Vallcarga III (80-75 M.a.) fossilise le chevauchement aveugle de Miralles [5] orienté N90 qui transporte tout l'édifice sus-jacent (équivalent du système N140 du Turbôn). La partie inférieure du Groupe d'Aren (75-68 M.a.) scelle à son tour un chevauchement aveugle plus externe et plus profond dont la présence est invoquée pour expliquer l'anticlinal de Tamurcia (équivalent latéral du chevauchement de Boixols).

CONCLUSION. — Une méthode d'étude originale, associant l'analyse tectonique et la stratigraphie séquentielle, permet de préciser la chronologie, la durée et l'évolution des phénomènes tectoniques synsédimentaires. Cette méthode conduit à mettre en évidence sur le versant sud des Pyrénées une avant-fosse sénonienne. La série terrigène syntectonique est découpée par des discordances qui ont enregistré la progression d'une séquence de chevauchements à partir de 90 M.a. (Turonien terminal). L'orientation des structures varie soit par suite d'une dispersion des directions de raccourcissement, soit sous le contrôle de structures préexistantes (paléotalus).

Note remise le 30 mars 1989, acceptée le 21 avril 1989.

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P. S. : Laboratoire de Géologie sédimentaire et Paléontologie, Université Paul-Sabatier,

39, allées Jules-Guesde, 31400 Toulouse;

J. D. : Laboratoire de Géologie structurale et Tectonophysique, Université Paul-Sabatier,

38, rue des Trente-Six Ponts, 31400 Toulouse.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 145-152, 1989 145

Pédologie/Pedology

Zonage et quantification de la stabilité structurale de sols

cultivés basés sur des données du satellite Landsat-TM.

Application au cas d'une parcelle d'orge en Beauce

Paul BOISSARD, Jean-Georges POINTEL, Bernard RÉNAUX et Jean-Claude BEGON

Résumé — Des données de luminance spectrale, mesurées par le satellite Landsat-TM, sont mises en relation avec un indice calculé de stabilité structurale (dit encore indice de battance) pour divers sols situés en Beauce. On observe une bonne corrélation en particulier dans la bande d'absorption de l'eau — dite TM 5. La télédétection peut ainsi aider à effectuer une cartographie quantitative de la stabilité structurale de sols en s'appuyant sur un nombre réduit de prélèvements de terrain et d'analyses de laboratoire.

Zoning and quantification of the structural stability of cultivated soils using data

from the Landsat-TM satellite. Application relating to one barley land parcel in

Beauce (France)

Abstract — Spectral luminance data, as measured by the Landsat-TM satellite, were related to an index of structural stability (i. e. an index of soil crusting) of some loamy soils in Beauce. The index was calculated from granulometric analysis, pH, and organic matter content. A high level of correlation was mainly obtained in the TM5 water absorption band. So remote sensing can be of a good help to make a quantitative cartography of soil structural stability controlled by but a few ground samples and laboratory analysis.

Abridged English Version — I. INTRODUCTION. — The degradation of a cultivated soil's superficial structure depends on its mineral and organic composition, its hydrous state, technical factors and climatic parameters such as, for example, the kinetic energy of rain and the pluviometry (G. Monnier et al. [1]). In certain types of soils defined as "crusting", this degradation, when due to the cultivation methods, appears as a more or less rapid decrease in the soil's initial roughness. The formation of crusts (clayey crusts or surface film organizations) on the surface modifies, among other things, the soils superficial dessication process.

II. EQUIPAIENT AND METHODS USED. — A parcel of land measuring 93 ha, located north of Bazoches-les-Gallerandes (Beauce), and which has been constandy cultivated with spring barley since 1959—date of its last re-allotment—was selected from aerial photographies taken on November 19, 1984. From a pedological point of view, four broad types of soils were recognized (Pl. II): brown calcareous soils (A), bleached brown soils (B), brown limey soils (C) and not very evolved soils (D). Because of its large size and cultivated homogeneity, we examined it using a Landsat-TM satellite picture taken on April 14, 1984, after the winter rainy season and before cultivation had grown enough to hide the phenomena to be observed. At this date, the barley had reached the three to four leaf stage and covered about 50% of the soil.

Division of the land parcel into homogeneous zones was carried out from a digital analysis of spectral data.

On May 7, 1987, fourteen observation points of the soil surface conditions were carried out in the zones recognized as homogeneous from the aerial photograph and the land survey (PI. b II, Fig. 2). Eight samplings were subjected to pedological analyses (Table I). This

Note présentée par Georges PEDRO.

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made it possible to calculate the crusting index (IB) by referring to the structural stability index proposed by J.-Cl. Rémy et al. [6] and completed by B. Colomb [7]:

where LF = fine loam, LG = coarse loam, A = clay; MO = organic matter. For a neutral pH of 7[6]:IB<1.4 indicates a non-crusting soil; 1.4<IB<1.6 a slightly crusting soil; 1.6<IB<1.8 a relatively crusting soil; 1.8<IB<2 a crusting soil; IB^2 a very crusting soil.

III. RESULTS AND DISCUSSION. — Despite the wide diversity in the homogeneous zones studied (cf. the caption of Plate II), the linear regressions between spectral luminance, in the six wave bands, and the crusting index are all highly significant (Table II). It is in one of the bands in relation with the water absorption (TM5) that the relation is best established (r 2 =0.985) (Fig. 1). The data relative to the rocky area (PL II, sampling No. 2) were not taken into account.

Once this general relation has been established, it seems indispensable to consider how the cultivation methods used may have affected the phenomena observed, and to remember that the land parcel examined underwent five actions between October 5, 1983 (ploughing and disking) and August 4, 1984 (land rollers).

Passage of the Danish cultivator and the sowing machine (20 and 21 March for the Triumph variety and the 1 and 2 March for the Golf variety), followed by rolling, had practically smoothed the different soils "dry" by crumbling and packing. Under the action of rain and as a function of the zonal stabilities, this new structure could, either become increasingly smooth, following the "coarse condition => smooth condition" séquence [1], or recover a certain roughness in accordance with an inverse sequence observed by the farmer.

At any given moment, the surface condition of crusting soils is linked to the preceding agronomie and climatic conditions. In 1984, the climatic conditions which occurred between rolling and when the satellite picture was taken, favoured the differential development of the surface conditions. In fact, two phases followed each other: first a rainy phase (one 10 mm rain and three 7 mm rains), then a dry phase (1.8 mm in 13 days). The excellent concordance of the zones observed between the three documents: Landsat-TM picture taken on April 14, 1984, aerial photography on November 19, 1984, and a Spot picture on May 1, 1986 (PL II), along with the ground observations on May 7, 1987, shows that the phenomena observed depends not only on the cyclical characteristics (along with the cultivation work and the annual climatic characteristics), but even more on the soils inherent behaviour, i.e., their quasi-permanent intrinsic characteristics.

IV. CONCLUSION. — In the end, despite the fact that the soils studied were smoothed by uniform cultivating methods, it is their pedological characteristics which determine a more or less high aptitude to crust. However, depending on the climatic characteristics and the cultivation dates, this aptitude may express itself differendy. It may be perceived by remote sensing which, in 1984, made it possible to differentiate the different superficial structural conditions of these soils.

The very narrow relationships observed in the TM5 band of the Landsat-TM between, on one hand, spectral luminance and the crusting index, and field observations on the other hand, show that this spectral band is a good indicator of the tendency to crust. Moreover, the significant relationships obtained in the visible and near-infrared bands indicate that the Spot 1 satellite pictures could also be used (PI. II, Fig. 4).

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However, this observation method presents a few limitations, and for two reasons:

— the remote sensing data make it possible to determine structural iso-stability contours within a parcel of land, but do not provide an absolute value at a given point. A few field measurements should suffice to remove any uncertainty;

— the average luminance of identical soils, in different but neighbouring parcels of land, is likely to vary, although it will keep a certain continuity in the contours.

Despite these few reservations, remote sensing should make it possible to visualize homogeneous zones from a pedological point of view, in order to determine where sampling sites should be established.

I. INTRODUCTION. — La dégradation de la structure superficielle d'un sol cultivé dépend de sa constitution minérale et organique, de son état hydrique, de facteurs techniques et de paramètres climatiques comme, par exemple, l'énergie cinétique des pluies et la pluviométrie (G. Monnier et coll. [1]). Chez certains types de sols qualifiés de « battant », cette dégradation se manifeste par une diminution plus ou moins rapide de leur rugosité initiale, due aux façons culturales, et par la formation, en surface, de croûtes (croûtes de battance ou organisations pelliculaires de surface — OPS) qui modifient, entre autres, leur processus de dessication superficielle. On comprend dès lors que l'évolution combinée de la rugosité et de l'état hydrique influe sur la luminance des sols, plus particulièrement dans les bandes sensibles à l'absorption du rayonnement par l'eau.

L'approche que nous avons utilisée pour évaluer les surfaces à caractère battant consiste à relier directement les données fournies par la télédétection (images satellitaires) à un indice de stabilité structurale et non à des caractéristiques analytiques de la composition du sol ([2], [3], [4]).

II. MATÉRIEL ET MÉTHODES. — Des photographies aériennes ont été réalisées en Beauce, le 19 novembre 1984, afin d'obtenir une information globale sur l'hétérogénéité des sols de la région de Pithiviers. Une parcelle de 93 ha, cultivée sans interruption en orge de printemps depuis 1959, date de son dernier remembrement, a ainsi été repérée au nord de Bazoches-les-Gallerandes. Du point de vue pédologique, quatre grands types de sols ont été reconnus (pl. II) : sols bruns calcaires (A), sols bruns lessivés (B), sols bruns calciques (C) et sols peu évolués (D). Du fait de sa grande dimension et de son homogénéité culturale, nous l'avons étudiée à l'aide d'une image du satellite Landsat-TM acquise le 14 avril 1984, après la période des pluies hivernales et avant l'occultation, par la culture, des phénomènes à observer. A cette date, l'orge avait atteint le stade trois à quatre feuilles et recouvrait 50 % environ du sol.

Les valeurs numériques de cette image, dans six gammes d'onde .— du visible à l'infrarouge moyen —, ont été converties en luminance (en watts par mètre carré et par stéradian) [5], puis affichées sur une unité de traitement d'images. Le découpage de la parcelle en zones homogènes a été réalisé à partir de l'analyse d'histogrammes bidimensionnels associant les bandes spectrales deux à deux.

Le. 7 mai 1987, 14 points d'observation des états de surface du sol ont été définis dans les zones reconnues homogènes à partir de la photographie aérienne et de l'enquête de terrain (pl. II, fig. 2). Huit prélèvements ont fait l'objet d'analyses pédologiques (tableau I), ce qui a permis de calculer l'indice de stabilité structurale (ou indice de

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TABLEAU I

Résultats des analyses des prélèvements.

Results of soil samples analysis.

Code Type des Matière Limon Limon Valeur

de sol sondages pH organique Argile fin grossier IB

A1 4 8,0 1,90 33,5 28,2 32,1 1,06

A2 2 8,2 2,35 29,2 32,8 19,8 0,97

B1 7 6,2 1,59 26,6 31,8 38,1 1,95

B1 8 6,3 1,68 28,8 30,7 35,9 1,74

Var. B1 5 5,9 1,53 26,1 31,4 38,4 2,05

B2 9 7,7 1,82 30,8 29,4 35,3 1,30

B2 14 6,6 1,54 30,2 29,8 35,6 1,65

C1 10 7,9 1,84 33,0 29,2 35,0 1,18

D 11 6,2 1,75 27,2 31,7 37,7 1,86

TABLEAU II

Résultats statistiques des régressions linéaires :

luminance spectrale/indice de stabilité structurale.

Statistical results of the linear regression:

Spectral luminance versus index of structural stability.

Canal et bande spectrale r2 F Sign. (%)

TM1 : de 0,45 à 0,52 µ 0,774 20,58 0,4

TM 2 : de 0,52 à 0,60 µ 0,911 61,22 0,0

TM 3 : de 0,63 à 0,69 µ 0,934 85,28 0,0

TM 4 : de 0,76 à 0,90 µ 0,921 69,73 0,0

TM 5 : de 1,55 à 1,75 µ 0,985 405,60 0,0

TM 7 : de 2,08 à 2,35 µ 0,921 70,41 0,0

battance) proposé par J.-Cl. Rémy et coll. [6] et complété par B. Colomb [7] :

où LF = limons fins; LG = limons grossiers; A = argile; MO = matière organique. Pour un pH neutre de 7 [6] : IB<1,4 indique un sol non battant; 1,4<IB<1,6, un sol peu battant; 1,6<IB<1,8 un sol assez battant; 1,8<IB<2, un sol battant; IBS:2, un sol très battant.

III. RÉSULTATS ET DISCUSSION. — En dépit de la grande diversité des zones homogènes étudiées (cf. la légende de la planche II), les régressions linéaires entre luminance spectrale et indice de battance sont toutes très hautement significatives et ceci respectivement dans les six gammes d'onde (tableau II). C'est dans la bande de l'infrarouge proche (TM4) que la droite de régression a la plus forte pente (fig. 1), mais c'est dans une des bandes en relation avec l'absorption de l'eau (TM5) que la relation est la mieux établie (r 2 =0,985). Les données relatives à la zone pierreuse (pl. II, sondage n° 2) n'ont pas été prises en compte.

Cette relation générale étant établie, il s'avère indispensable d'envisager comment les façons culturales ont pu intervenir dans les phénomènes.

Rappelons que la parcelle étudiée a subi cinq façons culturales entre le 5/10/1983 (labours et disques) et le 8/04/1984 (rouleaux).

PLANCHE I/PLATE I

PAUL BOISSARD

Indice de battance Index of soil crusting

Fig. 1. — Relations statistiques entre la luminance spectrale mesurée par le satellite Landsat-TM et un indice de stabilité structurale du sol, l'indice de battance.

Fig. 1. — Relationships between the spectral luminance as measured by Landsat-TM satellite and the index of structural stability of soil, the index of soil crusting.

PLANCHE II/PLATE II

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EXPLICATIONS DE LA PLANCHE II

Fig. 2. - Photographie aérienne de la parcelle. Échelle, 1/14900 (19/11/1984). Fig. 2. - Aerial photographie of the plot. Scale, 1/14,900 (19/11/1984). Fig. 3. - Extrait de l'image Landsat-TM, canal TM4 (14/04/1984). Fig. 3. - Part of Landsat-TM image, spectral band TM4 (14/04/1984). Fig. 4. - Extrait de l'image Spot, canal XS 3 (7/05/1986). Fig. 4. - Part of Spot image, spectral band XS3 (7/05/1986).

En surimpression et d'après la photographie aérienne de la figure 2, cartographie des différentes unités de sol

et sondages : , ancien chemin, —, chemin acutel; © , dépression; • 1, sondage de reconnaissance;

* 2, sondage pour analyse.

From aerial photo of figure 2, superimposed mapping of the types of soil and drillings: , old lane; —, lane

in use; fa , depression; • 1, drilling for mapping; * 2, drilling for analysis.

Reconnaissance des différentes unités de sol : A. Sols bruns calcaires. A1 : Sur calcaire dur, peu caillouteux. Surface à structure micro-polyédrique anguleuse à nombreuses fentes et fissures allant jusqu'à 1 à 2 cm suivant le semis. Teinte légèrement rougeâtre. A2 : Sols identiques à cailloux calcaires. Surface « fermée » à légère croûte et à fentes nombreuses et peu larges. Teinte claire. B. Sols bruns lessivés. B1 : Surface battue à croûte de 2 à 3 mm et nombreuses craquelures de 10 mm, espacées. Teinte claire. B1 (variante) : Sols identiques légèrement érodés. Surface battue à croûte de 1 à 2 mm. Rugosité presque absente et très nombreuses craquelures millimétriques. Teinte claire. B2 : Limoneux érodés. Surface légèrement battue localement à croûte discontinue très peu épaisse. Reste de rugosité adoucie et assez nombreuses craquelures. Teinte plus foncée. C. Sols bruns calciques. C1 : Épais sur marne. Surface aplanie, non battue à structure micro-polyédrique anguleuse et nombreuses fissures de 5 à 20 mm dans le sens du semis. C2 : Surface rugueuse à structure micro-polyédrique anguleuse et très nombreuses craquelures et fissures de 1 à 3 cm. D. Sols peu évolués d'apport colluvial. Surface sans rugosité, battue à croûte de 2 à 4 mm, bien marquée, continue avec de très nombreuses et fines craquelures.

Le passage du vibroculteur et du semoir (les 20 et 21/03/1984 pour la variété Triumph sur 66 ha, et les 1 et 2/04/1984 pour la variété Golf sur 37 ha), puis des rouleaux, ont pratiquement lissé « à sec » les différents sols par émiettement et tassement. Sous l'action des pluies et en fonction des stabilités zonales, cette nouvelle structure a pu soit se lisser de plus en plus, suivant en cela la séquence « état rugueux -> état lisse » [1], soit reprendre une certaine rugosité selon une séquence inverse observée par l'agriculteur.

A une date donnée, l'état de surface des sols battants est hé aux conditions agronomiques et climatiques qui l'ont précédée. En 1984, les conditions climatiques qui ont prévalu entre roulage et acquisition de l'image satellite ont favorisé l'évolution différentielle des états de surface. En effet, deux phases se sont succédée : pluvieuse d'abord (une pluie de 10 mm et trois de 7 mm), puis sèche (1,8 mm en 13 jours). En revanche, si des conditions totalement sèches avaient prévalu pendant la période considérée — du roulage à l'observation satellitaire —, ce type d'évolution aurait pu ne pas être aussi net. Il n'en reste pas moins que la très bonne concordance des zonages observée entre les trois documents : image Landsat-TM du 14/04/1984, photographie aérienne du 19/11/1984, image Spot du 1/05/1986 (pl. II) d'un côté et les observations au sol du 7/05/1987 d'un autre, montre que les phénomènes mis en évidence ne relèvent pas a priori de caractères conjoncturels (en relation avec les travaux agricoles et les caractéristiques annuelles du climat), mais bien plus de comportements propres aux sols, c'est-à-dire de caractères intrinsèques quasi permanents. A ce stade, il est bon de souligner que la délimitation des différentes zones effectuée par l'agriculteur coïncide parfaitement avec nos propres résultats.

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IV. CONCLUSION. — Malgré le lissage des sols par des façons culturales uniformes, ce sont donc leurs caractéristiques pédologiques qui déterminent, in fine, leur plus ou moins grande susceptibilité à la battance. Celle-ci se manifeste différemment suivant les caractéristiques climatiques et les date des façons mais peut être appréhendée par la télédétection, comme cela a été le cas en 1984.

Les relations très étroites observées dans la bande TM 5 de Landsat-TM entre luminance spectrale et indice de battance d'une part, et observations de terrain d'autre part, montrent que cette bande spectrale est un bon indicateur de la tendance à la battance. Au reste, l'obtention de relations significatives dans les bandes du visible et du proche infrarouge, indique que les images du satellite Spot 1 pourraient être également utilisées (pl. II, fig. 4).

Cette méthode d'observation présente cependant quelques limitations, pour deux raisons :

— les données de télédétection permettent de déterminer des contours d'iso-stabilité structurale à l'intérieur d'une parcelle, mais ne fournissent pas de valeur absolue en un point. Quelques mesures de terrain devraient suffire pour lever cette incertitude;

— la luminance moyenne de sols identiques, dans des parcelles différentes mais voisines, est susceptible de varier selon les façons culturales et leurs dates, les types de culture ainsi que leurs stades de développement. D'une parcelle à l'autre, cependant, les contours de ces sols peuvent généralement être suivis par continuité.

Malgré ces quelques réserves, la télédétection devrait déjà permettre de visualiser les zones homogènes d'un point de vue pédologique, pour y effectuer des prélèvements pour analyse. Ainsi, dans le cas de la parcelle étudiée (93 ha), 14 sondages et les données « images » ont suffi pour délimiter les principales zones et « quantifier » leur susceptibilité à la battance.

Nous remercions M. Alain Chachignon de nous avoir autorisé à travailler sur sa parcelle et de nous avoir fourni tous les renseignements nécessaires au bon déroulement de nos recherches.

Note remise le 13 mars 1989, acceptée après révision le 27 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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I.N.R.A., Ardon, 45160 Olivet.

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Paléoclimatologie/Paleoclimatology

Sécheresse holocène au Brésil (18-20° latitude Sud). Implications paléométéorologiques

Michel SERVANT, Marc FOURNIER, François SOUBIÈS, Kenitiro SUGUIO et Bruno TURCQ

Résumé — Une étude géomorphologique, appuyée par des datations au 14C, montre que le bassin du Rio Doce, actuellement occupé par une forêt tropicale humide (Mata Atlântica), a été soumis à un climat sec pendant une grande partie de l'Holocène. Le maximum de la sécheresse, marqué par un intense ravinement des versants, a culminé vers 8 000 ans B.P.

Holocene drought in Brazil (18-20° Lat. S). Palaeometeorological implications

Abstract — The Rio Doce Basin in Brazil, now covered by a closed tropical forest (Mata Atlântica), was subject to a dry climate during the Holocene, as demonstrated by geomorphological studies supported by 14C dates. Demonstration of aridity maximum from 8,000 years B.P. is provided by strongest erosion of the slopes.

I. INTRODUCTION. — Des observations géomorphologiques ont montré que des formes de relief, héritées de périodes sèches du Quaternaire, sont présentes aux basses latitudes du continent sud-américain [1]. De très grands champs de dunes éoliennes ont été signalés dans le NW de l'Amazonie, au Venezuela et en Colombie, de même que dans le bassin du Rio Sâo Francisco, dans le Centre NE du Brésil [2]. Il est admis, sans arguments très précis, que la plus récente de ces périodes sèches du Quaternaire a eu lieu au Pléistocène supérieur, durant la dernière époque glaciaire [3]. On commence toutefois à percevoir que des climats secs ont pu également exister au Post-glaciaire, dans des régions actuellement occupées par la forêt ([4], [5]). Nous montrerons ici que d'évidents indices géomorphologiques d'une sécheresse holocène sont aussi présents dans la forêt tropicale humide (Mata Atlântica) de la façade atlantique du Brésil, entre 18 et 20° de latitude Sud. La région étudiée se situe dans le bassin du Rio Doce, sur le versant est de reliefs qui culminent à 1800 m d'altitude environ : la Serra do Chifre, la Serra Negra et la Serra do Espinhaço.

II. DONNÉES GÉOMORPHOLOGIQUES. DATATIONS. — Les paysages du bassin du Rio Doce montrent, sous la végétation actuelle, de nombreuses traces d'une ancienne et intense érosion par le ruissellement. Cette érosion a alimenté le dépôt, à la base des versants, de grands cônes de déjection sableux. En s'étalant dans les bas-fonds, ces cônes de déjection ont fréquemment barré les plus petites vallées, d'où l'individualisation de nombreux lacs ou marécages ([6], [7]). Dans les grands axes du réseau hydrographique, le Rio Doce par exemple, d'épaisses accumulations sableuses, alimentées par la partie haute du bassin, ont parfois obturé les débouchés des rivières affluentes. Cela s'est traduit par la création de lacs relativement profonds qui atteignent plusieurs kilomètres de longueur [8]. Les cônes de déjection présentent localement, à la base, des intercalations de couches organiques (paléosols, lits à débris végétaux ou à charbons). Quatre échantillons de ces couches organiques, prélevés dans des sites éloignés les uns des autres, sont datés d'environ 9 440, 9310, 9230, 8710 ans B.P. (Bondy 112, 111, 232 et 251, tableau). Un charbon de bois, issu d'un cône sableux, est daté de 8 620 ans B.P. (Bondy 227). Ces âges isotopiques indiquent que le ravinement des versants a été très actif après 9000 ans B.P. Cela est en

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TABLEAU

Datations par le 14C. (1) Charbons de bois. (2) Débris végétaux.

(3) Bois. (4) Matière organique totale.

14C Age Data. (1) Charcoal. (2) Fragments of grass vegetation and leafs.

(3) Wood. (A) Total organic matter.

Bondy n° Lat. S. Long. W. Localité Matériel Ans B.P.

72 18°25' 43°40' Contagem (1) 31950 + 2610/-1220

112 17°40' 42°07' Malacacheta (2) 9440 + 330/-320

111 17°40' 42°07' Malacacheta (1) 9 310 + 400/-380

232 17°15' 41°30' . Padre Paraiso (4) 9230 + 420/-400

251 . . . . 17°43' 41°47' Malacacheta (4) 8 710 + 300/-290

227 18°10' 42°18' Santa Maria (1) 8 620+ 410/-390

225 18°25' 43°40' Contagem (1), (2) 7010+180/-180

223 18°25' 43°40' Contagem (1) 6450+340/-330

123 18°25' 43°40' Contagem (3) 4130+190/-180

221 18°25' 43°40' Contagem (1) 2430 + 330/-320

244 18°25' 43°40' Contagem (3) 2240 + 280/-280

219 18°25' 43°40' Contagem (3) 1720 + 240/-230

245 18°25' 43°40' Contagem (2), (4) 1640 + 320/-310

246 18°25' 43°40' Contagem (1) 1300 + 210/-210

bon accord avec deux datations déjà publiées sur un site proche du Rio Doce [8]. Par contre, les accumulations sableuses qui ont barré des vallées affluentes dans le cours moyen du Rio Doce pourraient être un peu plus anciennes et dater de la fin du Pléistocène [8].

Dans la partie haute de la Serra do Espinhaço, une reprise récente du creusement des rivières a entaillé localement le remplissage alluvial des fonds des vallées. L'un de ces remplissages, étudié en détail dans le Corrego Contagem au Sud de Gouveia, vers 1200 m d'altitude, comprend, à la base, des argiles organiques datées de 32000 ans B.P. (Bondy 72). Ces argiles organiques sont tranchées par une surface d'érosion sur laquelle repose un remblaiement sableux de 5 à 8 m d'épaisseur. Ce remblaiement comprend au moins trois séquences majeures de dépôt, séparées par des surfaces de ravinement. Il est caractérisé par des figures sédimentaires d'écoulements de crues. Des bois fossiles, des charbons, et des débris végétaux parfois calcinés, y sont abondants. Les datations par le 14C (tableau) montrent que les deux premières séquences du Corrego Contagem se situent respectivement, à la base, vers 7010 (Bondy 225 et 223) et 4400 ans B.P. (Bondy 123). La troisième, qui colmate des chenaux très encaissés, est datée de 2 430 à moins de 1300 ans B.P. (Bondy 221, 244, 219, 245, 246). Des alluvions comparables à celles du Corrego Contagem sont connues aux mêmes latitudes à l'intérieur du Brésil jusque dans la région Goiânia et sont datées des mêmes époques de l'Holocène moyen à récent [9].

III. INTERPRÉTATION. COMPARAISON AVEC D'AUTRES RÉGIONS. — Les intenses ravinements, qui ont alimenté les cônes de déjection du début de l'Holocène, n'ont pu se réaliser que dans un paysage dont la couverture végétale était très dégradée. Les écoulements des petites vallées n'ont pas eu alors la capacité d'entraîner, vers l'aval, les apports détritiques des versants, d'où un étalement des cônes de déjection dans les fonds de ces vallées. Il est donc évident que le climat du bassin du Rio Doce était sec ou aride à l'Holocène ancien.

La couverture végétale s'est reconstituée à partir de 7000 ans B.P, comme l'indiquent les bois et les débris végétaux abondamment présents dans les remblaiements alluviaux

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datés de 7000 à 1300 ans B.P. Toutefois, la végétation n'a pas alors été assez dense pour fixer totalement le paysage : l'érosion des versants a abondamment fourni des apports sableux à la sédimentation des fonds des vallées. Cela pourrait s'expliquer par le maintien d'un climat encore relativement sec dans le bassin du Rio Doce. Les incendies, dont témoignent les végétaux calcinés remaniés dans les dépôts alluviaux, confirment la relative sécheresse du climat car ces incendies, qu'ils soient d'origine naturelle ou anthropique, n'ont pas pu se développer dans un environnement aussi humide qu'actuellement. Toutefois, il est difficile de savoir s'ils ont été liés à des sécheresses épisodiques, à des saisons sèches exceptionnellement renforcées, ou à des climats durablement moins humides que de nos jours.

Les sécheresses holocènes que nous venons de mettre en évidence dans le bassin du Rio Doce se sont largement étendues en Amérique sud-équatoriale. Dans les Andes boliviennes, elles ont provoqué un abaissement du niveau du lac Titicaca dont les phases maximales sont datées de 7 500-7000 ans B.P., et d'un peu moins de 4400 ans B.P. [10]. Dans le bassin amazonien, des charbons de bois ont été signalés dans des sédiments ou des sols du piedmont des Andes [4] et du Matto Grosso (Z. Pacheco Do Amaral, communication orale) vers 18° de latitude sud, de même que dans le Centre [11] et le SE [5] de l'Amazonie, près de l'équateur. Les échantillons datés par le 14C indiquent que ces charbons se situent en majorité entre 7 000 et 3 500 ans B.P. Les incendies dont témoignent les végétaux calcinés se sont donc largement développés, durant l'Holocène moyen, aux latitudes tropicales sud. La destruction par le feu de la couverture végétale a été assez intense pour permettre localement d'importants remaniements éoliens. Cela est particulièrement net dans le Sud de l'Amazonie bolivienne où des champs de dunes, aujourd'hui colonisés par la forêt, sont datés de moins de 3 500 ans B.P. [4].

Les études faites dans le Nord de l'Amérique du Sud, notamment au Venezuela [12], montrent que les climats ont été périodiquement plus humides qu'actuellement pendant l'Holocène dans cette partie du continent, contrairement à ce que nous venons d'observer au Brésil et en Bolivie. Cela est également le cas dans d'autres régions nord-équatoriales, par exemple en Afrique, où d'importantes phases humides ont culminé vers 8 000 ans B.P, 6000 ans B.P. et, de manière plus atténuée, vers 3000 ans B.P. [13].

IV. IMPLICATIONS PALÊOMÉTÉOROLOGIQUES. — L'un des mécanismes les plus apparents du climat tropical réside dans un déplacement de la Zone de Convergence Intertropicale (ZCIT) et des pluies qui lui sont associées, vers le Nord pendant l'été boréal, vers le Sud pendant l'été austral. Cela a suggéré, dès les premières interprétations paléoclimatiques [14], que les phases humides holocènes des régions nord-équatoriales s'expliquent par une position plus septentrionale qu'aujourd'hui de la ZCIT pendant l'été boréal. Les sécheresses holocènes que nous venons d'identifier en Amérique sud-équatoriale montrent que le décalage de la ZCIT vers le Nord doit aussi être envisagé en Amérique du Sud pendant l'été austral. Par analogie avec les modifications saisonnières du climat actuel, on peut admettre que la position, en moyenne plus septentrionale que de nos jours, de la ZCIT était associée a un renforcement des anticyclones subtropicaux aux latitudes Sud [15]. Cela implique que la circulation atmosphérique méridienne (cellules de Hadley) était plus intense qu'actuellement dans l'hémisphère austral. Cette intensification de la circulation de Hadley a culminé vers 8 000 ans B.P., puisque c'est aux alentours de cette date que la sécheresse a été maximale dans les régions tropicales sud du Brésil.

IV. CONCLUSIONS. — 1. L'étude géomorphologique et les datations isotopiques indiquent qu'une forte sécheresse, ayant culminé vers 8 000 ans B.P, caractérise le climat

156 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 153-156, 1989

d'une grande partie de l'Holocène dans le Centre Sud-Est du Brésil (18-20° latitude Sud). 2. Par comparaison avec les observations faites dans d'autres régions, il apparaît que cette sécheresse holocène s'est largement étendue dans les régions tropicales de l'Amérique sud-équatoriale et qu'elle s'opposait à des conditions plus humides aux latitudes tropicales nord. 3. Le mécanisme majeur de ces modifications du climat réside, en Amérique du Sud, dans un décalage vers l'hémisphère boréal de la Zone de Convergence Intertropicale par rapport aux positions que celle-ci occupe actuellement aux différentes époques de l'année. Note remise le 10 mars 1989, acceptée le 17 avril 1989.

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M. S. et M. F. : Laboratoire des Formations superficielles,

O.R.S.T.O.M., 70-74, route d'Aulnay, 93143 Bondy;

F. S. : Antenne O.R.S.T.O.M., Laboratoire de Minéralogie,

Université Paul-Sabatier, 39, allée Jules-Gesde, 31400 Toulouse;

K. S. et B. T. : Instituto de Geociencias, U.S.P., C.P. 20899, 01498 São Paulo, Brésil.

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Préhistoire/Prehistory

Premières datations par thermoluminescence du Moustérien charentien du Velay (Massif Central, France)

Jean-Paul RAYNAL et Joan HUXTABLE

Résumé — Des silex manifestement chauffés provenant des niveaux moustériens de type charentien du gisement de Baume-Vallée (Abri Laborde à Solignac-sur-Loire, Haute-Loire) ont été datés par thermoluminescence. Les résultats obtenus (81 + 8,2, 75 + 7,5 et 80 + 8,0 ka) sont les plus anciens obtenus à ce jour pour un moustérien charentien et situent les occupations correspondantes du site à la fin du stade isotopique 5 (sous-stade 5 a), en accord avec les interprétations géologiques, palynologiques et paléontologiques; le climat autorise alors encore des installations humaines saisonnières à moyenne altitude (800 m).

First thermoluminescence dating of Charentian Mousterian in Velay

(Massif Central, France)

Abstract — Burned flints from Mousterian of charentian type layers at Baume-Vallée (Laborde Shelter, Solignac-sur-Loire, Haute-Loire) have been dated by thermoluminescence. The results (81 + 8.2, 75±7.5 and 80 + 8.0 ky) are the most ancient obtained for a Mousterian of charentian type. They place the dated layers at the end of isotopic stage 5 (substage 5 a), which agrees with previous. interpretations based on geology, palynology and palaeontology; at this time, seasonal human settlements are still possible at 800 m.

Abridged English Version — 1. THE SITE: LOCATION, STRATIGRAPHY, PREHISTORIC INDUSTRIES. — The Baume-Vallée rock-shelter is located in the Velay, near Solignac-sur-Loire (HauteLoire), at 800 m above sea level. Excavations were undertaken in 1966 (1) ([1], [2]). From the bottom to the top, the stratigraphy and palaeoclimatical interpretation are the following ([3], [4]) (2):

— bedded gravels (units 52 to 18) with Charentian Mousterian. Geology and palynology indicate fresh and very wet conditions, getting colder and dryer at the top of the sequence;

— cryoclastic deposits (units 17 to 7) with Charentian Mousterian deposited during Lower Würm pleniglacial;

— mashed deposits (units 6 to 2) with Charentian Mousterian. Geology and palynology reveal wetter and milder conditions, then dryer and colder climate for the top;

— complex 1 with a lower part that geology and palynology report to Upper Würm pleniglacial and an upper part with Late Magdalenian settlements.

Five main Mousterian settiements were discovered. They represent seasonal hunting camps. Artefacts studied [5] come from a 2 m wide trench. One can notice the use of Levallois technique which decreases at the top of the sequence. In Bordes' classification ([6], [7], [8]), these industries belong to Charentian Mousterian of Ferrassie type.

2. THERMOLUMINESCENCE DATING. — Eleven flints were tested for dating but only four had been heated sufficiently. If the other seven had ever been heated they had not been above 100-150°C. One of the flints which had been burned sufficiently had a very low TL sensitivity so that it could not be accurately measured. The three flints dated came from layers 29 to 32.

The TL measurements were done on acid washed grains in the size ranges 90-125 and 1-8 um, which were separated from the flint by crushing and sieving [9]. The total dose

Note présentée par Yves COPPENS. 0249-6305/89/03090157 $ 2.00 © Académie des Sciences

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received since the last time the material was heated (the archaeological dose) was evaluated by the additive dose method: the level of "natural TL" in the 375°C region of the glow curve is measured for a series of portions of sample and compared with the level of "natural+artifïcial TL" induced in another series of portions of sample. The artificial TL was induced by irradiation with a 90Sr-90Y beta source.

The samples of layers 29 b and 30 were analysed in the laboratory using a high resolution gamma spectrometer [10]. The samples and soils were also analysed using thick source alpha counting and flame photometry [11]. The amount of water contained in the soils dilutes the dose delivered to the flint. The saturation water content (as a percent of the dry weight) is measured in the laboratory and an estimate is made of the amount of water in the soil over the burial period. In this case the site was assumed to have been quite dry and a value of 2% was used for the soil wetness correction, corresponding to 0.25 of saturation value. The environmental dose used to evaluate the ages has been calculated from the gamma-spectrometer results [10]. The evaluated cosmic dose [12] was in agreement within 2% with those measured in the laboratory in May 1988 from calcium fluoride capsules buried in layers 29 b and 30 of the site in July 1987 (3).

The TL ages of the three flints are as follows:

J3 84 (1985), layer 29 b : 81.000 ± 8.200 years

K6 145 (1979), layer 30:75.000 ± 7.500 years

N5 490 (1969), layers 29-32:80.000 ± 8.000 years

and the average TL age for the site (based on the two flints in the secure environment) is 78.500 + 7.500 years (OXTL 248 e). The error limit quoted is the total error, both random and systematic at the 68% confidence level.

3. CONCLUSIONS. — The dates allow an attempt of correlation between climatic trends observed in the filling of the shelter and isotopic data: layers 32 to 18 were deposited at the end of isotopic stage 5 (5 a) and during the transition to isotopic stage 4; units 17 to 7 represent pleniglacial conditions correlated with isotopic stage 4; layers 6 to 2 which mark wetter and milder conditions were deposited during isotopic stage 3; deposits of complex 1 (lower part) express pleniglacial conditions during isotopic stage 2. The bottom of the Mousterian sequence (units 52 to 33) is older than the dated layers. The dates provide thus a minimum age for Charentian Mousterian of the Velay and are the most ancient yet known in France for this type of industry, the origin of which is still unprecise; several authors propounded a link with Mousterian industries older than last interglacial ([8], [13] to [17]). The upper part of the sequence is not yet dated: however, arguments exposed supra suggest a position within isotopic stage 3. These data agree with those from South-East and South-West of France ([18], [19]).

Avec sa puissante stratigraphie permettant une caractérisation climatochronologique pertinente et ses nombreux niveaux d'occupation moustériens — pour certains datés directement par thermoluminescence —, le gisement de Baume-Vallée (Abri Laborde), fouillé depuis 1966 ( 1) ([1], [2]), constitue un point privilégié pour l'étude du Paléolithique moyen du Massif Central dans son cadre paléoécologique.

1. PRÉSENTATION DU SITE. — 1.1. Localisation. — L'abri Laborde s'ouvre sur la rive gauche de l'Ourzie, affluent de rive gauche de la Loire, sur le territoire de la commune

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de Solignac-sur-Loire (Haute-Loire), à 800 m d'altitude. C'est un abri sous roche typique des régions basaltiques.

1.2. La stratigraphie et son interprétation paléoclimatique. — De la base au sommet, les nouvelles fouilles ont permis d'établir la succession suivante ([3], [4]) ( 2) :

— Un complexe de cailloutis lités (unités stratigraphiques 52 à 18) contenant des industries moustériennes charentiennes (occupations K à H). Ils expriment sans doute d'assez courts moments sous des conditions climatiques locales froides et très humides, entrecoupées de périodes d'adoucissement. L'étude pollinique révèle pour les couches 29 à 22 un boisement de Pin et Bouleau (PA = 35 à 20 %) qui s'éclaircit considérablement vers le sommet de la séquence (PA = 9 %) où s'observe le développement des espèces herbacées steppiques (Ephedra, Galium, Armeria); la faune contemporaine est composée de Renne, Boviné, Bouquetin, petit Bovidé, Cheval avec présence intermittente de Cerf.

— Un ensemble de cailloutis (unités stratigraphiques 17 à 7) contenant des industries moustériennes charentiennes (occupation F), déformés par cryergie exprimant des conditions rigoureuses aujourd'hui connues dans la zone boréale de notre hémisphère (pléniglaciaire). La faune est composée de Bovine et Cheval.

— Une succession de dépôts ruisselés (unités stratigraphiques 6 à 2) traduisant un recul des conditions pléniglaciaires et une ambiance climatique humide. Ils contiennent des industries moustériennes charentiennes. La faune est composée de Cheval et Bovine. L'analyse pollinique révèle alors une recrudescence du boisement (PA = 28 à 23 %) avec Pin, Bouleau, Noisetier, Aulne et Saule; un retour à des conditions plus sèches et froides se note au sommet (PA = 18 %).

— Un ensemble supérieur (complexe 1) subdivisé en deux. La partie inférieure est formée de cailloutis cryoclastiques géliflués exprimant un retour à des conditions pléniglaciaires; l'analyse pollinique indique alors un net recul du couvert de Pin et Bouleau (PA = 15 à 13 %) accompagné du retour des herbacés steppiques. La partie supérieure est formée d'éboulis cryoclastiques grossiers renfermant des industries du Magdalénien final (antérieures à 12 ka B.P. environ en années radiocarbone).

1.3. Les occupations moustériennes. — Cinq occupations moustériennes principales (F, H, I, J, K) se rencontrent dans le remplissage du Würm ancien et représentent des installations temporaires, de courte durée, vraisemblablement consacrées à des activités de chasse saisonnière. Les séries étudiées [5] constituent un échantillon du gisement, pris dans sa partie centrale sur une bande de 2 m de large, et n'échappent sans doute pas au biais d'une répartition différente des objets selon les niveaux considérés et d'un regroupement stratigraphique arbitraire. Nos conclusions seront sans doute nuancées à la lumière des fouilles récentes menées sur une plus grande superficie. Du point de vue technologique I.6.,7.I, on note l'utilisation fréquente du débitage Levallois (IL = 14,8 à 28,5) qui se réduit considérablement au sommet de la séquence (IL du niveau F=3,6), un indice de facettage particulièrement élevé (IF = 10,4 à 49,3) et la faible proportion du débitage laminaire (IL=0,9 à 1,7), cette dernière caractéristique étant sans doute liée directement

à la nature des blocs de matières premières locales disponibles, observation confortée par l'étude des modules de débitage qui induisent des dimensions particulièrement réduites pour la majorité des objets. La présence d'un éventail complet des produits de débitage atteste l'existence sur place d'activités de production et d'utilisation des objets lithiques. Sur le plan typologique I.6,7,8.I, les différentes occupations se rapportent toutes au Moustérien de type Charentien, variété Ferrassie, et certaines présentent d'indiscutables

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affinités avec la variété Ferrassie oriental (en décompte réel : IR = 25,2 à 42,3, IC=9,6 à 23,6, IQ=3,7 à 11,2, I = 5,5 à 21,4, II = 25,5 à 43,9, III = 1,3 à 2,8, IV = 5,5 à 10,2).

2. DATATION PAR THERMOLUMINESCENCE. — 2.1. Rappel de la méthode. — La thermoluminescence (TL) est une propriété de certains minéraux capables de stocker de l'énergie dans leur réseau cristallin et de la réémettre en partie lorsqu'on élève leur température. L'énergie stockée provient de la radioactivité propre du minéral et de celle de son environnement. Les principes de la datation TL sont les suivants : lorsqu'un échantillon géologique est porté à une température excédant 400°C, son signal TL est remis à zéro. L'échantillon commence alors à emmagasiner de l'énergie fournie par les radiations ionisantes de son environnement naturel. Une nouvelle élévation de température pratiquée en laboratoire permet de mesurer la dose accumulée depuis la remise à zéro (dose archéologique ou paléodose Q). Les mesures effectuées sur le sédiment environnant et sur les objets à dater permettent de calculer la dose annuelle d'irradiation (Da). Le rapport Q/Da donne l'âge de l'échantillon en années réelles.

2.2. Les échantillons datés. — Onze silex présentant des stigmates macroscopiques de chauffe ont été éprouvés : seuls quatre avaient été portés à une température suffisante, les autres n'ayant subi qu'une chauffe modérée de l'ordre de 100 à 150°C. Finalement, trois échantillons ont été retenus provenant des unités stratigraphiques 29 b et 30 (carrés J3 n° 84 et K6 n° 145, fouilles J. P. Raynal) et J (carré N5 n° 490, fouilles A. Laborde; équivalent des niveaux 29 à 32 des fouilles J. P. Raynal). Seul le sédiment des niveaux 29 b et 30 a été analysé.

2.3. Définition de la paléodose. — Les mesures de TL ont été réalisées sur des grains extraits du silex après broyage et tamisage dans les fractions 90-125 et 1-8 µm [9]. La dose totale reçue par chaque échantillon depuis la dernière élévation de température a été évaluée par la méthode classique des doses additionnelles, les doses artificielles étant délivrées par une source beta (90Sr-90Y) :

2.4. Dosimétrie. — 2.4.1. Irradiation gamma et cosmique. — La contribution de l'environnement à l'irradiation a été mesurée en laboratoire sur des échantillons de sédiment des niveaux 29 b et 30 à l'aide d'un spectromètre gamma à haute résolution [10]. La dose cosmique a été évaluée d'après la profondeur des échantillons dans le sol [12]. Des dosimètres de fluorine enfouis dans les niveaux 29 b et 30 du site en juillet 1987 (3) ont été lus en laboratoire en mai 1988. Les doses mesurées par les deux méthodes décrites cidessus sont comparables avec une marge de 2 %.

2.4.2. Irradiation interne à l'échantillon. — La contribution à la dose annuelle du potassium et des familles de l'uranium et du thorium a été mesurée par spectrométrie de flamme et comptage alpha [11].

2.4.3. Influence de l'humidité. — L'eau contenue dans le sédiment diminue la dose reçue par le silex. La saturation en eau (exprimée en pourcentage de poids sec) est mesurée en laboratoire et la teneur en eau du dépôt depuis l'enfouissement est alors estimée. Dans le cas présent, le site est supposé être resté bien drainé et relativement sec : une valeur de 2 % a été retenue pour la correction liée au taux d'humidité, qui correspond au quart de la saturation.

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2.4.4. Détermination de la dose annuelle. — La prise en compte de l'ensemble des contributions à l'irradiation [11] conduit aux résultats suivants :

2.5. Âges calculés. — Les âges calculés pour les trois silex retenus sont les suivants I.11.I :

L'âge TL moyen des niveaux considérés (fondé uniquement sur les deux échantillons dont l'environnement nous était précisément connu) est de 78 500+7 500 ans (OXTL 248 e). L'erreur portée ici correspond à l'incertitude sur les mesures augmentée quadratiquement d'éventuelles erreurs systématiques, avec un intervalle de confiance de 68 %.

3. CONCLUSIONS. — Les dates obtenues à Baume-Vallée permettent de proposer une corrélation entre les différentes phases climatiques identifiées dans le remplissage et la chronologie isotopique : les couches 32 à 18 se seraient déposées pendant la fin du stade isotopique 5 (5 a) et sa transition au stade isotopique 4; les unités 17 à 7 sont rapportés au pléniglaciaire du Würm ancien, soit le stade isotopique 4; les couches 6 à 2, traduisant une nette interruption des conditions pléniglaciaires, représenteraient des moments du stade isotopique 3; les dépôts de la partie inférieure du complexe 1, marquant le retour des conditions pléniglaciaires, trouvent place au sein du stade isotopique 2. La base de la séquence stratigraphique (unités 52 à 33) n'est pas datée. Les dates obtenues représentent par conséquent un âge minimal pour le Moustérien charentien du Velay et sont les plus anciennes actuellement connues en France pour ce faciès dont l'origine reste imprécise; plusieurs auteurs ont envisagé une filiation avec des industries moustériennes antérieures au dernier interglaciaire ([8], [13] à [17]). Le sommet de la séquence n'a pu être daté mais les arguments stratigraphiques développés supra montrent que le faciès charentien se développe dans le Massif Central jusqu'à une période d'instabilité climatique (stade isotopique 3). Ces données sont en accord avec les documents datés du Sud-Est [18] et certaines interprétations du Moustérien du Sud-Ouest [19].

(1) Fouilles menées de 1966 à 1972 par A. Laborde, puis à partir de 1974 par J. P. Raynal.

( 2) Étude palynologique par M. M. Paquereau, étude paléontologique par J. L. Guadelli.

( 3) Les dosimètres posés en septembre 1986 par M. J. Aitken et E. Rhodes avec l'aimable collaboration de J. P. Daugas avaient été retirés par des fouilleurs clandestins avant la campagne de fouilles 1987. Ils ont été reposés après remise à zéro par J. P. Raynal en juillet 1987, accompagnés d'un dosimètre témoin.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 20 avril 1989.

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J.-P. R. : Université de Bordeaux-I, Institut du Quaternaire, U.R.A. n° 133 C.N.R.S.,

avenue des Facultés, 33405 Talence Cedex;

J. H. : Research Laboratory for Archaeology and the History of Art,

Oxford University, 6, Keble Road, Oxford QXI 3QJ, England.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 163-168, 1989 163

Paléontologie/Paleontology

Update on hippo origins

Martin PICKFORD

Abstract — Re-assessment of Xenohyus from the lower Miocene of France and Spain indicates that the genus is a doliochoerine tayassuid rather than a suid as previously described. The discovery of Xenohyus greatly strengthens the hypothesis that hippopotamids originated from an Old World peccary stock. The cheekteeth of Xenohyus are closely reminiscent to those of Kenyapotamus of middle and upper Miocene strata of Africa. It is postulated that Xenohyus or a form morphologically close to it, colonised Africa at the close of the lower Miocene and gave rise to Kenyapotamus. This colonisation was part of a widespread event at the lower Miocene/middle Miocene boundary during which numerous mammalian lineages colonised Africa from Eurasia (Bovidae, Listriodontinae, Tetraconodontinae, etc.) and vice versa (Deinotheriidae, Gomphotheriidae, Hominoidea, etc.). The recent re-emergence of the anthracothere hypothesis of hippo origins is not soundly based, and the hypothesis is considered refuted.

Mise au point sur le problème de l'origine des hippopotames

Résumé — Le réexamen de Xenohyus du Miocène inférieur de France et d'Espagne indique que le genre doit être attribué aux Tayassuidés doliochoerinés plutôt qu'aux Suidés. La découverte de Xenohyus renforce fortement l'hypothèse que les hippopotamidés trouvent leur origine dans un stock de pécari de l'Ancien Monde. Les dents jugales de Xenohyus rappelle nettement celles de Kenyapotamus (Miocène moyen et supérieur d'Afrique). Il est proposé que Xenohyus, ou une forme morphologiquement proche, a colonisé l'Afrique à la fin du Miocène inférieur et a donné naissance à Kenyapotamus. Cette colonisation s'intègre à un événement de plus vaste ampleur qui se situe à la limite Miocène inférieur-moyen au cours de laquelle de nombreuses lignées ont pénétré en Afrique à partir de l'Eurasie (Bovidés, Listriodontinés, Tetraconodontinés, etc.) et vice versa (Deinotheriidés, Gomphotheriidés, Hominoidés, etc.). La récente réapparition de l'hypothèse anthracothérienne pour l'origine des hippopotames n'est pas sérieusement fondée, et cette hypothèse est considérée comme réfutée.

Version française abrégée — En 1983, j'ai postulé [8] que l'origine des Hippopotamidés se situait dans un stock de pécari de l'Ancien Monde, les Doliochoerinae. L'une des faiblesses de cette hypothèse était que toutes les espèces connues de doliochoerinés étaient plutôt de petite taille (Doliochoerus, Taucanamo, Pecarichoerus, Barberahyus) alors que les Schizochoerinés plus grand (Schizochoerus) avaient une dentition jugale qui était trop spécialisée pour donner naissance aux hippopotames sans invoquer une reversion évolutive.

J'ai revu les hypothèses sur l'origine des hippopotamidés. Celles-ci tombent dans quatre catégories :

(a) l'hypothèse anthracothere ([1], [2], [9]) qui est récemment réapparue ([3], [4], [5]);

(b) l'hypothèse cébochoeridé [7];

(c) l'hypothèse suidé [6];

(d) l'hypothèse doliochoeriné [8].

Il a été montré que les premières trois hypothèses ne pouvaient être soutenues sur la base d'évidences morphologiques, comme l'avait déjà montré Viret [11] : la plupart des similitudes résultent de la rétention de caractères plésiomorphes ([13], [14]), de convergence [15] ou d'allométrie [1]. Il apparaît également que les similitudes étymologiques des terminaisons des noms génériques Hippopotamus et Merycopotamus ont inconsciemment joué un rôle ([3], [4]).

Récemment, le réexamen du genre Xenohyus Ginsburg, par Pickford et Morales [17] a montré qu'il devait être rattaché à la sous-famille des Doliochoerinae, et non aux Suidae ainsi qu'il l'était auparavant [16]. Xenohyus est un grand tayassuidé, de la taille a peu près de Listriodon splendens. Tous les caractères « spécialisés » du genre, lorsqu'il était considéré

Note présentée par Yves COPPENS. 0249-6305/89/03090163 $ 2.00 © Académie des Sciences

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comme un suidé, sont caractéristiques des Doliochoerinae. Il est probable que Xenohyus soit un descendant direct de Doliochoerus [18], duquel il diffère essentiellement par sa taille plus grande. Doliochoerus est une forme Oligocène (niveaux stampiens supérieurs et Oligocène supérieur des Phosphorites du Quercy : MP 23 à MP 28) [19], tandis que Xenohyus est daté du Miocène inférieur à la base du Miocène moyen (MN 2 à MN 4) [16].

La dentition jugale de Xenohyus ressemble fortement à celle de Kenyapotamus d'âge miocène moyen et supérieur d'Afrique ([8], [12]). Il est ainsi vraisemblable que Xenohyus ou une forme similaire de doliochoeriné soit passée d'Europe en Afrique vers 17-16 M.a. et qu'elle soit à l'origine de la famille des Hippopotamidae (Kenyapotamus, Choeropsis, Hippopotamus).

Mon hypothèse originale concernant une origine parmi les tayassuidés des hippopotamidés [8] est ainsi confortée par les nouvelles interprétations de Xenohyus. L'étape 1 du scénario représente l'ancêtre des Doliochoerinae, qui reste à ce jour inconnu. L'hypothèse de Pearson [7] concernant une origine des hippopotames parmi les cébochoeridés, qui paraissait il y a quelques années improbable en raison de l'important intervalle de temps séparant les cébochoeridés des hippopotamidés [2] paraît désormais plus possible : à la lueur de cette hypothèse, les relations entre cébochoeridés et doliochoerinés devraient être réexaminées. L'étape 2 représente l'évolution de Doliochoerus (32-37 M.a.) [19]. L'étape 3 correspond à Xenohyus (20-17 M.a.) [16], suivie de la phase de dispersion vers l'Afrique vers 17-16 M.a. L'étape 4 est l'évolution de Kenyapotamus (16-8 M.a.) avec les fossiles connus du Kenya [8] et de Tunisie [12]. L'étape 5 est l'évolution de Hippopotamus suivi d'une dispersion vers l'Europe (Espagne, Italie), l'Arabie et le subcontinent Indien (7-5 M.a.). Enfin, l'étape 6 correspond à la radiation des hippopotamidés durant le Plio-pleistocène accompagnée par des fluctuations de la distribution liées au changement climatique à l'échelle du globe pendant les périodes de glaciation.

HISTORY OF IDEAS REGARDING HIPPO ORIGINS. — There have been four main hypothèses about hippopotamid origins. In order of appearance they are as follows:

(a) the anthracothere hypothesis ([1], [2], [9]);

(b) the cebochoerid hypothesis [7];

(c) the suid hypothesis [6];

(d) the doliochoerine hypothesis [8].

The investigation of hippopotamid origins began in the 1830's when medium sized suiform artiodactyls from upper Siwalik (Plio-Pleistocene) sediments of India were identified as Hippopotamus dissimilis by Falconer and Cautley [9] in the mistaken belief that the fossils represented peculiar hippos. They soon corrected this identification, and the species was placed in its own genus Merycopotamus within the family Anthracotheriidae. Although the initial error was soon corrected, the idea that Merycopotamus was closely related to hippos has kept re-appearing in the scientific literature ([2] to [5]), despite the fact that dentally and cranially the two genera are very divergent ([13], [17]). Indeed there is really only one derived character which supports the nesting of hippos with Merycopotamus, and that is the downturned angle of the jaw. This character is, however, unusual in anthracotheres, and it occurs more commonly in tayassuids [15]. In my opinion its evolution in Hippopotamus and Merycopotamus is due to convergence.

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Andrews [1] supported the view that hippos were derived from anthracotheres when he described specimens of Brachyodus from Egypt. He was impressed by the similarities of the pelves of Brachyodus and Hippopotamus, but these similarities are essentially due to plesiomorphy and allometry, the two genera being approximately the same size.

Pearson [7] suggested that the Eocene Cebochoeridae could represent the remote ancestors of hippos. This idea has found little support, mainly because of the vast time period (30 M. y.) which separates the last known cebochoerid from the oldest known hippo. However, the hypothesis bears re-examination in the light of more récent discoveries.

Pearson was also the first to demonstrate on the basis of sound anatomical evidence that the family "Suidae" as recognised up to 1927 comprised two divergent groups of mammals, the Old World pigs (true Suidae) and New World peccaries (Tayassuidae, Simpson [10]). She also showed that extinct peccaries occurred in European Oligocène and Miocene levels. Palaeontologists now recognise two subfamilies of Tayassuidae, Tayassuinae for New World forms and Doliochoerinae for Old World species.

Pearson's subdivision of the pig-like mammals into two groups was not formally recognised until 1945 [10]. Perhaps because of this delay, both Matthew [6] and Colbert [2] failed to make appropriate and full comparisons between hippos and other suiforms. Matthew [6] concluded that hippos were most closely related to pigs and peccaries, the three groups forming the Hyodonta. The evidence for this conclusion was a mixture of primitive (simple stomach, four-toed feet with separate metapodials) and derived characters (specialised cheek teeth, lower canine of triangular section). By failing to stress the difference between pigs and peccaries however, Matthew's hypothesis was subsequently misinterpreted [2], even though he showed that hippos were not closely related to the Ancodonta (Anthracotheriidae, Anoplotheriidae, Cainotheriidae and Merycoidodontidae).

Colbert [2] was the first to reconsider the evidence following Mathew's publication. His analysis is notable for the absence of any discussion regarding the place of peccaries relative to hippos. He discussed Pearson's cebochoerid hypothesis, rejecting it on the grounds of the vast period of time separating cebochoerids and hippopotamids. He compared hippos with a so-called "typical" suid (Conohyus, which being a tetraconodont, is actually rather a specialised suid) and with a "typical" anthracothere (Merycopotamus, which is if anything, rather a specialised anthracothere). He concluded that hippos were derived from anthracotheres, being especially influenced by the similarities between the downturned angles in the jaws of hippos and Merycopotamus.

Colbert's hypothesis was generally accepted, and has appeared in textbooks and various other publications for the past 50 years, despite some measure of dissatisfaction with it. Viret [11] for example, was not swayed by Colbert's evidence nor his line of reasoning, but was unable to offer an alternative explanation due to lack of fossil evidence. With this lack of fossil data, the connection between hippos and doliochoeres was easy to miss.

FILLING THE MIOCÈNE GAP. — The first genuinely pre-hippopotamid fossils of middle and upper Miocene age were found in Tunisia, but were initially misidentified as pigs (Dicoryphochoerus [12]). The second discoveries were made in 1974 in Kenya [8] and were eventually described as a new genus of hippopotamid (Kenyapotamus). The hippopotamid affinities of Kenyapotamus have been confirmed by additional discoveries in Kenya including complete lower jaws.

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On the basis of dental and post-cranial evidence afforted by Kenyapotamus, I [8] suggested that hippos may have originated from Old World peccaries, specifically the subfamily Doliochoerinae. The main weakness of this hypothesis was that all known doliochoeres were rather small mammals (Doliochoerus, Taucanamo, Pecarichoerus, Barberahyus) or possessed specialised dentition (Schizochoerus). Perhaps because of this, the hypothesis has not received universal support. Recently two papers have been published ([4], [5]) in support of anthracotherian affinities of hippos.

REAPPEARANCE OF THE ANTHRACOTHERE HYPOTHESIS. — Gaziry ([3], [4]) appears to have been impressed by the size and morphological similarities between fossils identified as Merycopotamus petrocchii (Bonarelli) [14] and Hexaprotodon sahabiensis Gaziry, so much so, that he suggested that the family Hippopotamidae should be subsumed into the Anthracotheriidae. The skull of the Sahabi anthracothere is so different from that of Merycopotamus however, that Pickford [13] recognises it as a separate genus, for which the rather inappropriate name Libycosaurus Bonarelli, has priority. Dentally, cranially and postcranially, Libycosaurus differs markedly from all known hippopotamids, [13] and I see no reason for retaining Gaziry's classification.

More recently, Gentry and Hooker [5] published two cladograms, one processed by computer, the other generated manually. In the manual cladogram, the hippopotamids were nested with the anthracotheres (the pigs and peccaries being an out group), but as was noted by the authors, this made the anthracotheres paraphyletic. Apart from this they noted other difficulties with this arragement, not least of which was that for hippos to be nested with anthracotheres, there would have to have been a reversai in the hippos of the unique character which supports the Anthracotheriidae as a clade (upper molars possessing paraconules extended disto-buccally). Other evidence for this nesting was provided, and these included the downturned angle in the lower jaw, but this is a character shared by peccaries [15] and not found in many anthracotheres (Merycopotamus

Cladogram showing relationships of Hippopotamidae

to Old World Tayassuidae, Suidae and other out groups.

Cladogramme montrant les relations des Hippopotamidae

avec les Tayassuidae de l'Ancien Monde, les Suidae et d'autres groupes externes.

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is the main exception). A further postulated link between anthracotheres and hippos (upper molar mesostylar development, even though variable in anthracotheres) does not in my view provide strong support for linking them. On the contrary, the morphology of this part of the upper molars links hippos with Old World peccaries and pigs, and saparates them from all known anthracotheres, even those that have lost the mesostylar loop and mesostyle (including Merycopotamus). The last character said by Gentry and Hooker to link anthracotheres and hippos is the obtuseness of the disto-buccal corner of the upper molars, but this character is also one which occurs in doliochoeres.

16 out of 20 characters cited by Gentry and Hooker as differentiating hippopotamids from peccaries are actually shared with doliochoeres. Of the remaining four characters, two do not in fact occur in hippos and two would represent "reversals" if the anthracothere-hippo nesting is good. If we add to this list of characters common to hippos and doliochoeres but not found in anthracotheres the features described by Pickford [8], including upper canine morphology and orientation, lack of dental dimorphism, palatal foramen morphology, shape and position of temporo-mandibular joint, early fusion of mandibular symphysis, rétention of lacrymal bullae and cheek tooth sirnilarities, then the anthracothere hypothesis can be considered untenable, even in its newest form.

In their computer generated cladogram, however, Gentry and Hooker linked hippos with pigs and peccaries, as well as with Entelodon and Achaenodon, while the anthracotheres formed an out group, much as Matthew suggested in 1929 [6]. This cladogram is more acceptable than the manually generated one, my only réservations with it being that I consider both Entelodon and Achaenodon to be so different from pigs, peccaries and hippos in their dental and cranial anatomy, that I would exclude them from the clade.

NEW ÉVIDENCE REGARDING HIPPO ORIGINS. — I now consider that the main difficulty with the doliochoere-hippo hypothesis can be resolved. The proximal part of the doliochoerine lineage which is considered to have given rise to hippos has now been recognised, although for a few years it masqueraded as a pig. In 1980, Ginsburg [16] described the remains of a medium sized pig-like mammal from France as the new genus Xenohyus. Re-examination of the fossils, as well as the study of new material from Spain [17] has led to a re-assessment of Xenohyus. All the characters which made it look "specialised" when viewed as a suid, are in reality features common to doliochoeres. Apart from its large size, Xenohyus is morphologically close to Doliochoerus itself.

The most interesting thing about Xenohyus however, is that its cheek teeth are closely reminiscent of those of Kenyapotamus [8], even down to details of cingulum height and disposition. On the other hand, the same cheek teeth are morphologically similar to those of Doliochoerus, and we postulate rather a narrow ancestor-descendent relationship between Doliochoerus, Xenohyus and Kenyapotamus.

Thus my 1983 hypothesis [8] can be filled out to the extent that the roots of hippopotamid origins can be traced back to the middle Oligocene of France, by way of Kenyapotamus (upper and middle Miocene of Africa), Xenohyus (lower Miocene of southern Europe) and Doliochoerus (Oligocene of France). Whether the lineage can be traced even further back in time to Eocene forms such as Cebochoerus as suggested by Pearson [7] in 1927, remains to be examined.

168 C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série n, p. 163-168, 1989

A scenario of Hippopotamus origins from their remotest known ancestor is as follows ( Fig.):

Stage 1: Eocene (40-35 M.a.): Unknown ancestor of Doliochoerus from lower Oligocene or upper Eocene strata, possibly European, although Asia cannot be ruled out. Role of Cebochoeridae needs to be investigated more thoroughly.

Stage 2: Late Oligocene (32-27 M.a.): Evolution of Doliochoerus. Fossils known from late Stampian and slightly younger strata (Phosphorites du Quercy) in Europe. No bunodont suiformes known from the Palaeogene of Africa, therefore Africa is unlikely to be the continent of remote hippopotamid origins.

Stage 3: Lower Miocene (20-17 M.a.): Evolution of Xenohyus, probably directly from Doliochoerus, mainly by an increase in size. Fossils known from southwest Europe (France, Spain).

Stage 4: Beginning of middle Miocene (17-16 M.a.): Colonisation of Africa by Doliochoerinae (Xenohyus or a similar form) as part of a more general interchange of mammals between Eurasia and Africa (Listriodontinae, Tetraconodontinae, Bovidae to Africa; Deinotheriidae, Gomphotheriidae, Hominoidea to Eurasia). Xenohyus gives rise to Kenyapotamus, which persists until 8 M.a.

Stage 5: Upper Miocène (8 M.a.): Evolution of Hippopotamus and extinction of Kenyapotamus, followed by dispersai of Hippopotamus to the Mediterranean parts of Europe (Spain, Italy) about 7 M.a. ago and Arabia and the Indian Subcontinent by about 5 M.a.

Stage 6: Plio-Pleistocene (5-0 M.a.): Many distributional and phylogenetic adjustments due to global climatic fluctuations, peripheral isolation (Madagascar, Mediterranean Islands) and successive colonisations and extinctions in Eurasia, and increases and decreases in diversity in tropical Africa (up to 4 contemporary species in East Africa about 2.4 M.a. ago).

Note remise le 10 avril 1989, acceptée le 24 avril 1989.

REFERENCES

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[3] W. GAZIRY, In Neogene Palaeontology and Geology of Sahabi, Alan Liss, New York, 1987, pp. 287-303. [4] W. GAZIRY, In Neogene Palaeontology and Geology of Sahabi, Alan Liss, New York, 1987, pp. 303-315. [5] A. W. GENTRY and J. J. HOOKER, In The phylogeny and classification of the tetrapods, 2, Mammals, Syst. Soc. Spec, 35B, 1988, pp. 235-272. [6] W. D. MATTHEW, Bull. Geol. Soc. Am., 40, 1929, pp. 403-408. [7] H. PEARSON, Philos. Trans. R. Soc. London, B215, 1927, pp. 399-460. [8] M. PICKFORD, Géobios, 16, 1983, pp. 193-217.

[9] H. FALCONER and P. T. CAUTLEY, Fauna Antiqua Sivalensis, VIII, 1847, pl. 69-71. [10] G. G. SIMPSON, Bull. Amer. Mus. Nat. Hist., 85, 1945, pp. 1-350.

[11] J. VIRET, In Traité de Paléontologie, 6, (1), 1961, pp. 877-1021. [12] J.-M. GOLPE-POSSE, Notes Serv. Géol. Tunis., 44, 1979, pp. 75-107.

[13] M. PICKFORD, The Neogene Anthracotheriidae of Africa: A revision, (sous presse).

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[16] L. GINSBURG, Géobios, 13, 1980, pp. 861-877.

[17] M. PICKFORD and J. MORALES, Estudios Geol, 1989 (sous presse).

[18] C. DECHASEAUX, Ann. Paléont., 45, 1959, pp. 1-16.

[19] J. A. REMY et al., In N. SCHMIDT-KITTLER Ed., Internat. Symp. Mamm. Biostrat. Paleoecol. Europ. Paleogene. Mainz. Münchener. Geowiss. Abh., 10, 1987, pp. 169-188.

Institut de Paléontologie, 8, rue Buffon, 75005 Paris and École pratique des Hautes Études, Université des Sciences et Techniques du Languedoc,

place Eugène-Bataillon, 34060 Montpellier Cedex.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 169-172, 1989 169

Paléontologie/Paleontology

Les critères discriminants à l'intérieur du triptyque Palaeophycus-Planolites-Macaronichnus. Essai de synthèse

d'un usage critique

Denis FILLION

Résumé — L'emploi du remplissage pour distinguer Palaeophycus de Planolites doit tenir compte des phénomènes taphonomiques et diagénétiques. Quelques exemples montrent comment distinguer les galeries évidées (Palaeophycus) des galeries de nutrition (Planolites). Macaronichnus concilie paroi construite et remplissage actif.

Critical use of criteria in discriminating between Palaeophycus, Planolites and

Macaronichnus; a synthesis

Abstract — Removal of taphonomic and diagenetic overprints is a requisite before burrow fill is used to distinguish Palaeophycus from Planolites. Some examples demonstrate how to distinguish burrows that remained open (Palaeophycus) from feeding burrows (Planolites). The contradiction between burrow lining and a fill different from the enclosing sediment is only apparent, as shown by Macaronichnus.

INTRODUCTION. — L'attribution taxinomique d'un ichnofossile est souvent lourde d'implications éthologiques et environnementales. Elle s'accompagne aussi d'impressions subjectives [1] et de considérations d'ordre utilitaire. Toute comparaison superficielle de listes ichnofauniques s'avère donc délicate dans la mesure où les ichnologistes sont partagés sur la portée taxinomique des critères morphologiques ainsi que sur l'effort nécessaire à déchiffrer ces derniers. Trop souvent, hélas, l'appellation de terrain constitue, par suite d'un usage simpliste, l'unique base d'une interprétation éthologique. Il semble donc opportun, à ce stade, de préciser comment le suivi de leur évolution taphonomique et diagénétique peut faciliter la circonscription des galeries horizontales simples du type Palaeophycus Hall, 1847, Planolites Nicholson, 1873 et Macaronichnus Clifton et Thompson, 1978.

La révision de Palaeophycus et de Planolites par Pemberton et Frey [2] constitue un modèle de rigueur. D'après eux, Palaeophycus se dénote par une paroi construite et un remplissage identique à l'encaissant. Par contre, chez Planolites, le remplissage contraste avec la gangue et le manchon fait défaut. Selon ces auteurs, ce contraste émane de l'ingestion et du rejet du sédiment par un animal vagile détritivore alors que le remplissage identique de Palaeophycus suggère une sédimentation dans le domicile plus ou moins durable d'un animal vagile prédateur ou suspensivore. Puisqu'une certaine confusion règne encore, précisons ici les avertissements épars de ces auteurs ([2], [3]) et d'autres ([4], [5]) sur l'embûche que constitue la nature actuelle du remplissage, en commentant aussi Macaronichnus qu'ils ont ignoré. Notons d'abord que les éléments facilitant la différenciation de ces galeries, au niveau de l'ichnogenre, sont plus nombreux au sein des carbonates. En revanche, une meilleure préservation toponomique de la sculpture au sein des séquences terrigènes favorise la discrimination des ichnoespèces ([4], [5], [6]).

I. REMPLISSAGE. — On insistera sur son origine passive (Palaeophycus) ou active (Macaronichnus, Planolites). Le remplissage présente divers aspects. Considérons d'abord

Note présentée par Yves COPPENS. 0249-6305/89/03090169 $2.00 © Académie des Sciences

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une galerie vide (fig, a). Le remplissage en est virtuel et donc passif. Cette galerie représente manifestement Palaeophycus et son attribution à Planolites en vertu d'un remplissage différent serait spécieuse. Un remplissage identique à l'encaissant est plus typique (fig., b). L'action sélective et/ou digestive d'un animal détritivore pourrait-elle ne laisser aucune trace, surtout au sein d'un sédiment sensible à la diagenèse (e. g. carbonate) ? Probablement pas. En principe, on conclut alors à une sédimentation dans une galerie durable et donc à Palaeophycus. Au sein des roches terrigènes, le contraste remplissage-encaissant peut n'être qu'un appauvrissement en micas, au quel cas l'usage du microscope s'avère nécessaire pour reconnaître Planolites. L'usage de colorants [7], rayons-X [8], microsonde électronique [9] et autres techniques analytiques peut révéler des différences encore plus minimes. L'âge aide parfois à distinguer des sédiments qu'on pourrait croire identiques et peut aussi documenter l'origine passive ou active d'un remplissage différent de l'encaissant. Un remplissage bien plus jeune que l'encaissant (fig., c), par exemple quaternaire vs. tertiaire [10], permet ainsi d'écarter Planolites. Étonnamment, cette idée semble n'avoir jamais été avancée. Un ciment sparitique ou géotrope (fig., d) démontre l'ouverture d'une galerie après le passage de l'auteur et la rattache à Palaeophycus [4]. On doit alors décider si la sparite représente un ciment ou

Schéma en coupe transverse des cas discutés. L'échelle n'est pas respectée, (a-g) Palaeophycus : (a) galerie vide; (b) remplissage identique à l'encaissant; (c) remplissage bien plus jeune que l'encaissant; (d) remplissage géotrope; (e) remplissage laminé; (f) contraste remplissage-encaissant excessif; (g) affaissement prononcé; (h) Macaronichnus; (i) terrier auréolé; (j-l) Planolites; (j) remplissage biogène massif; (k) remplissage recristallisé en sparite supportant des volutes d'allochèmes et des résidus micritiques; (l) affaissement infime de la voûte.

Schematic transverse cross-sections of the cases discussed. No scale is implied. (a-g) Palaeophycus: (a) empty burrow; (b) fill identical to host rock; (c) fill much younger than host rock; (d) geopetal fill ; (e) laminated fill ; (f) excessive contrast between fill and host rock ; (g) pronounced collapse ; (h) Macaronichnus ; (i) halo burrow ; (j-l) Planolites ; (j) massive biogenic fill ; (k) fill recrystallised into sparite bearing bioclastic swirls and relie micrite; (l) slight collapse.

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une micrite recristallisée. Bien que les critères à cet effet ne fassent pas l'unanimité, l'approche préconisée par Bathurst [11] et Flügel [12], en tenant compte de mises en garde plus récentes ([13]-[16]), permet d'y arriver dans plusieurs cas. Le comblement passif de Palaeophycus peut aussi se dénoter par des structures sédimentaires (laminations, granoclassement...) (fig., e) [2]. Méfions-nous des accumulations purement mécaniques de coquilles [17] et du moulage des galeries par un sédiment différent qui provient d'un niveau supérieur [2]. Ainsi s'explique un contraste extrême (e. g. galerie quartzitique dans un shale) (fig., f). La vase doit être ferme (renseignement anonyme) mais le laps de temps peut varier. Certains dépôts sont instantanés (e. g. tempestites) et la résistance des vases à l'érosion varie selon leur cohésion. L'ichnopoïète peut varier fortement (renseignement anonyme) et l'on doit se méfier des galeries retravaillées et des formes étagées. Un effondrement important de la voûte étaye de façon plus équivoque l'hypothèse d'une galerie ouverte (fig., g).

Dès que la preuve est faite de l'ouverture d'une galerie après le passage de l'ichnopoïète, la présence d'une paroi construite devient facultative. Elle est cependant typique chez Palaeophycus car l'habitant d'une galerie qui se veut un domicile, et donc durable, la consolidera souvent au moyen d'un mucus [3].

II. MANCHON. — Le second volet de cette Note concerne l'importance morphogénétique du manchon (gaine, fourreau...). On admet généralement que ce manchon résulte, soit d'une ségrégation des particules et du placage de certaines à même la galerie, soit d'un feutrage muqueux des parois lors du passage de l'animal [3] en quel cas il constitue un site privilégié pour les réactions d'oxydo-réduction à cause de la perméabilité diffusive de ses supports organiques (mucopolysaccharides) ([18], [19]). On reconnaît aussi généralement (quoique fautivement) dans la présence d'un manchon ou d'une paroi construite la preuve d'une galerie d'habitation [2]. Notons à ce propos que quelques polychètes détritivores sécrètent un mucus abondant ([20], [21]). Le manchon n'est donc pas l'antithèse du remplissage actif. Cette constatation consacre la légitimité éthologique de Macaronichnus [22] dont le matériel type possède une gaine constituée d'un placage de micas concentrés alors que le tube axial en est lessivé par suite de l'ingestion sélective d'un animal détritivore [23]. Il faut aussi rapporter à cet ichnogenre des échantillons attribués auparavant à Planolites ([5], [6]) ou Palaeophycus [24] et qui combinent remplissage actif et paroi construite (fig., h). Signalons que celle-ci peut ne s'exprimer que par un léger contraste de couleur [25] et que ce remplissage actif peut imiter un ciment sous la forme d'une sparite néoformée ([11], [12]), souvent plurigranulaire, nébuleuse et montrant des résidus micritiques, des débris épars qui semblent y flotter ou des volutes d'allochèmes représentant l'ébauche d'un remblaiement ([5], [6]). Bien qu'ils rappellent Macaronichnus et même rarement Palaeophycus en raison des aléas de conservation [26], une analyse des terriers auréolés [25] (fig., i) déborde le cadre de cette Note. Signalons enfin qu'une coupe transversale de terriers remblayés à ménisques peut aussi montrer des cercles concentriques d'origine biogène et non diagénétique, avec (Ancorichnus, Scoyenia [27]) ou sans manchon (Taenidium [28]).

III. Planolites. — Incluons ici les formes sans paroi construite ou auréole et possédant un remplissage non remblayé dont l'origine est manifestement active (fig., j). Je considère ces formes comme distinctes de Macaronichnus selon un usage restreint de Planolites qui se veut surtout conventionnel et qui favorise une meilleure stabilité de la nomenclature

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(R. W. Frey, communication orale 1988). L'absence de manchon tient à la minceur du film muqueux déposé par l'animal lors de son trajet. Ce film organique sert toutefois de vecteur aux solutés en diffusion et modifie la cohésion de la paroi qui sera préservée sous forme d'une simple discontinuité physique [3]. Le remplissage en est typiquement massif (fig., j) ou comporte une ébauche de tassement ou des volutes (swirls) de bioclastes manifestement biogènes (fig., k). Une différence géotechnique entre le remplissage et l'encaissant donne souvent des sections ovales (sauf si elles sont originelles) et explique un faible affaissement de la voûte (fig., I) sans exiger une ouverture de la galerie. Enfin, nous l'avons vu, il faut se méfier des contrastes trop marqués (fig., f) et des sparites néoformées (fig., k).

CONCLUSIONS. — La taphonomie et la diagenèse, caractères extrinsèques, influencent néanmoins la taxinomie des galeries simples horizontales. La distinction entre Palaeophycus, Planolites et Macaronichnus se fonde sur l'essence (et non l'allure prima fade) du remplissage ainsi que sur la présence ou l'absence d'une paroi construite. Un remplissage passif dénote Palaeophycus. Un remplissage actif sans manchon marque Planolites. Enfin, Macaronichnus jumelle remplissage actif et manchon. Faute d'un examen morphogénétique détaillé tout classement et toute déduction éthologique s'avèrent aléatoires. Cette Note ne traitant que des coupes transversales, citons enfin le besoin vital d'appréhender ces galeries dans leur intégralité, i. e. leurs trois dimensions, pour éviter toute confusion avec les galeries méandriformes (e. g. Helminthopsis) ou remblayées (e. g. Taenidium).

Je remercie vivement G. M. Narbonne et R. W. Frey dont les propos éclairés suscitèrent cette Note, Betty MacLure, Rose Northrup et David Pirie pour leur soutien technique, ainsi qu'un critique anonyme pour ses commentaires. Yves Chamerois a contribué à l'amélioration du texte.

Note remise le 19 décembre 1988, acceptée après révision le 12 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Mécanique des fluides/Mechanics of Fluids

Remarques concernant certains aspects du séchage en milieu poreux

Pierre CRAUSSE, Joseph PRAZAK et César ZARCONE

Résumé — Des observations du déplacement d'un front de séchage sont effectuées dans un milieu poreux à deux dimensions. L'influence des effets de gravité sur les phénomènes physiques mis en jeu et la cinétique de séchage est analysée.

Remarks concerning some aspects of drying phenomena in porous medium

Abstract — Visualizations of drying front displacement have been performed in a two dimensional porous meium. The influence of gravity on the development of the physical phenomena and on the drying kinetics is analyzed.

Abridged English Version — INTRODUCTION. — In order to study the physics of the phenomena which appear during the drying in porous media, many researchers worked out, either general approaches taking into account the influence of external conditions and the intrinsic properties of the materials diffusion ([1], [2], [3]) the determination of elementary laws of behavior in the pores scale and extending them in the sample's scale ([4], [5], [6]). The aim of this study is to permit a better comprehension of the transfer phenomena in elementary and macroscopic scales with the aid of visualization in a micromodel.

EXPERIMENTAL MEANS. — The micromodel (etched networks in a transparent resin) contains 10,000 randomly dispersed rectangular, channels of various sizes [7]. On its open face, a convective flux of air, is imposed. The wetting phase that initialy saturates the medium, is alcohol. When it is placed vertically (case A) the ratio of the gravity forces to the capillary forces is 2.5 and in horizontal position (case B) it is 2.5 x 10- 2.

RESULTS. — Evolution of the distribution of the wetting fluid. — In case A we observe in the medium (Fig. 1), a saturated zone of wetting fluid and an unsaturated zone that is easily distinguished, without liquid islets.

In case B (Fig. 2), the non-wetting fluid (air) flows towards the center of the micromodel (Fig. 2 b) by preferential channels, related to the local structure of the medium.

This phenomenon leads to a uniform transversal distribution of the liquid phase. We way consider that it is the same thing in classical drying, when the capillary forces are negligible. For example, the decrease in humidity of a quartz sand (Fig. 3), is accomplished uniformly during the first times, according to z.

Transfer kinetics. — In the two case above the kinetics of mass transfer are evidently different (Fig. 4).

In case A the influence of the gravity forces which exceed by far the capillary forces, delays the evacuation of the wetting phase towards the surface which is accomplished according to Stefan's diffusion model [8].

In case B the large superficial channels are empty by evaporation (step I) afterwards the drying process takes place uniformly inside the media (step II) and finally the residual liquid is placed with islets shape (step III) which is a situation of the capillary condensation

Note présentée par Michel COMBARNOUS. 0249-6305/89/03090173 $2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) série II _ 12

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 173-178, 1989

type [9]. These phenomena can be modelized with the aid of theoretical approach model of percolation invasion ([10], [11]).

The existence of each one of the above steps which is more or less observed, derives from the porometric structures of the materials, which being well distinct, impose the drying kinetics, which are very different (Fig. 5).

CONCLUSION. — The visualizations that has been presented show the existence of preferential channels for invasion of the non-wetting fluid. At the end of the drying, the wetting fluid takes the shape of islets which are joined together by a liquid film [14].

The assumption of the distribution's uniformity in the wetting phase, generally used in the macroscopical scale ([2], [13]), is not verified at the scale of a few pores.

INTRODUCTION. — La prévision des phénomènes de transfert en milieu poreux ne peut s'effectuer que par une connaissance approfondie des mécanismes physiques à l'échelle de quelques pores interconnectés, ou du volume élémentaire représentatif.

Lors d'opérations d'évaporation en surface ou de séchage interne le milieu se trouve en situation telle que sa teneur en fluide mouillant diminue. Afin d'étudier ce type de situation, de nombreux auteurs se sont attachés à préciser la physique des phénomènes à l'aide, soit d'approches globales prenant en compte simultanément l'influence des conditions externes et des propriétés internes de diffusion des matériaux ([1], [2], [3]), soit par la détermination de lois élémentaires de comportement à l'aide de quelques pores et en les étendant à l'échelle de l'échantillon ([4], [5], [6]).

Cette étude a pour but de contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes de transfert aux échelles élémentaire et macroscopique, à l'aide de méthodes d'observation de distribution du liquide résiduel, à travers des micromodèles.

MOYENS EXPÉRIMENTAUX. — Le micromodèle (de dimensions 65 x 100 mm) à mailles carrées (pas de 1 mm) est gravé dans de la résine transparente. Il contient 10000 canaux de section rectangulaire, d'épaisseur constante 1 mm, avec sept classes de largeur (de 0,2 à 0,8 mm), répartis par une loi de distribution aléatoire [7]. La face ouverte est soumise

(a) (b)

Fig. 1. — Situation A. Développement d'un front d'assèchement (face supérieure ouverte).

Fig. 1. — Situation A. Development of a drying front (top face opened).

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à un flux convectif forcé d'air à humidité relative de l'ordre de 60 %, et à la même température moyenne (20°C) que le milieu poreux. La pression statique en surface est négligeable. La phase mouillante saturant initialement le milieu est de l'alcool, son évaporation étant contrôlée par pesée.

Outre les facilités de visualisation, le micromodèle utilisé (2D) permet, par sa position verticale (situation A) ou horizontal (situation B), de rendre prépondérantes les forces de gravité par rapport aux forces capillaires, ou inversement. En effet, dans la situation A, ce rapport est de l'ordre de 2,5 et dans la situation B, de 2,5.10- 2.

D'autre part, des expériences complémentaires ont été développées avec d'autres matériaux, afin de dégager des lois de comportement comparatives avec celles des micromodèles.

RÉSULTATS. — Evolution des distributions en fluide mouillant. — Lorsque les forces de gravité sont prépondérantes (situation A), on observe (fig. 1 a, b) deux zones distinctes dans le milieu : une zone saturée en fluide mouillant et une zone sèche sans ilôts liquides, évoluant sous forme d'un front vers l'intérieur du milieu.

Fig. 2. — Situation B. Évolution de la répartition du fluide mouillant

en cours de séchage (face supérieure ouverte).

Fig. 2. — Situation B. Evolution of the spatial repartition

of a wetting fluid during a drying process (upper part opened).

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 173-178, 1989

— Quand le milieu est en situation B, les forces de gravité sont négligeables devant les forces capillaires. L'évolution typique de la distribution du fluide résiduel est représentée sur les visualisations 2 a, b, c, d. On remarque que dans les premiers instants du séchage (fig. 2 b), l'invasion du fluide non mouillant (air) se développe jusque dans le coeur du micromodèle. Ce phénomène a tendance à uniformiser la distribution transversale de la phase liquide, bien que l'évaporation s'effectue principalement en surface où les gradients de pression de vapeur sont les plus importants. D'autre part, ces visualisations mettent bien en évidence l'existence de chemins préférentiels d'assèchement, dépendants de la structure locale du milieu.

On peut penser qu'il en est de même dans des opérations de séchage classiques, dont un cas typique avec du sable quartzique est présenté sur la figure 3 (séchage thermique convectif unidirectionnel). L'état hydrique initial du milieu et tel que les effets de gravité sont négligeables devant les forces capillaires [2] (rapport de l'ordre de 5.10-2). Comme précédemment, la diminution d'humidité du milieu s'effectue dans les premiers instants, uniformément suivant z, lorsque la teneur en eau moyenne est élevée, puis les gradients de teneur en eau deviennent importants en surface lorsque l'on s'approche de l'assèchement complet du milieu. Dans ce cas, l'existence de chemins préférentiels ne peut être

Fig. 3. — Distribution spatiale de la teneur en humidité <o,

à différentes phases du séchage (sable quartzique).

Fig. 3. — Spatial distribution of the moisture rate <ù,

at different phases of drying (quartzical sand).

Fig. 4. — Comparaison des masses liquides évaporées. Fig. 4. — Comparison of evaporated liquid masses.

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mise en évidence, l'évaluation de la teneur en humidité étant effectuée par prise d'une valeur moyenne dans chaque section transversale, par destruction du milieu.

Cinétique des transferts. — La cinétique des transferts de masse est nettement différente dans les deux situations précédemment décrites, comme le montrent les évolutions des masses liquides évaporées (fig. 4).

Dans le cas A, l'évolution de la masse d'eau s'effectue selon une loi sensiblement en racine carrée du temps, correspondant à un mode de diffusion du front d'assèchement de type Stefan [8]. Les effets de gravité prépondérants par rapport aux forces capillaires, ralentissent le processus d'évacuation de la phase mouillante vers la surface, qui est favorisée par les gradients de pression de vapeur à l'interface zone humide-zone sèche.

Dans le cas B, cette cinétique peut être décrite de manière classique selon trois phases :

— une étape préliminaire (I) dans laquelle les canaux superficiels de grandes sections sont vidés par évaporation et rappel capillaire dans ceux de plus faibles dimensions. Ces derniers étant réalimentés, ils ne se vident pas immédiatement;

— une phase intermédiaire (II) dans laquelle le processus prend un caractère global du fait du séchage de l'amas de capillaires encore saturés existant au coeur du milieu (fig. 2 c, d), et qui se déroule à vitesse relativement constante;

Fig. 5. — Évolution relative des masses liquides évaporées m, et des vitesses V de séchage, rapportées

aux conditions initiales (m0 et V0), pour divers milieux : (a) billes de verre, (b) terre cuite, (c) micromodèle.

Fig. 5. — Relative evolution of evaporated liquid masses m, and drying velocities V, as afunction

of initial conditions (m0 et V0), for several média: (a) glass beads, (b) brick, (c) micromodel.

178 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 173-178, 1989

— une étape ultime (III) où le liquide résiduel est placé sous forme d'ilôts. On observe une situation du type condensation capillaire [9]. La pression de vapeur tend à s'uniformiser dans le milieu et la vitesse d'évaporation est ralentie.

Ces phénomènes se développent selon un mécanisme analogue à celui d'un drainage lorsque les forces capillaires sont prépondérantes, lequel est modélisé par la théorie de la percolation d'invasion ([10], [11]).

Il existe des matériaux poreux dont les courbes de cinétique de séchage décrivent bien les trois phases précédentes (fig. 5 a pour des billes de verre), mais pour d'autres, la vitesse d'évaporation varie au cours de la phase II (fig. 5 b, pour de la terre cuite) [12], ou bien l'une des phases est absente (fig. 5 c), pour le micromodèle de réseau carré étudié).

La structure porométrique bien distincte de chacun de ces matériaux apparaît comme un des facteurs prépondérants expliquant ces différences. En effet, cette structure impose d'une part l'importance des gradients de pression capillaire dans le milieu (possibilité de réalimentation de la surface libre au cours de la phase II), et d'autre part, la nature même du transfert de masse (prépondérance de la migration en phase vapeur ou en phase liquide selon la teneur moyenne en fluide mouillant, au cours de la phase III).

CONCLUSION. — Les visualisations présentées ont permis de mettre en évidence :

— l'existence de chemins préférentiels de déplacement du fluide mouillant dans les milieux poreux, dépendant de leurs structures porométriques propres, et qui vont, entre autres, conditionner les cinétiques de séchage lorsque les effets de gravité sont négligeables;

— la présence, en phase ultime de séchage, d'ilôts de fluide résiduel, reliés entre eux par un film liquide tapissant la structure du milieu poreux [14]. La fin de cette phase correspond à la mise en équilibre final du milieu avec les conditions externes. Nous pensons que ce type de comportement pourra nous amener à expliquer les écarts constatés par certains auteurs ([2], [13]), concernant la phase mouillante résiduelle uniformément répartie), et expérimentales.

Note remise le 16 mars 1989, acceptée le 3 mai 1989.

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P. C. et C Z. : Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse,

avenue du Professeur-Camille-Soula, 31400 Toulouse;

J. P. : Katedra Fysiky, 16629 Praha 6, Thakurova 7, Tchécoslovaquie.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 179-182, 1989 179

Physique des semi-conducteurs/Physics of Semi-Conductors

Mesures de temps de vie du positon dans un composé II-VI : CdTe dopé indium

Cécile GÉLY, Catherine CORBEL et Robert TRIBOULET

Résumé —Des mesures de temps de vie du positon dans des cristaux bruts de croissance de tellurure de cadmium dopés par l'indium ont mis en évidence la présence d'une monolacune piégeant le positon à des températures supérieures à 80 K. Il s'agit très probablement d'une lacune de cadmium.

Positron lifetime measurements in a II-VI compound: indium doped CdTe

Abstract — Positron lifetime measurements in as-grown cadmium telluride crystals doped with 1017 cm- 3 of indium give direct evidence of the presence of monovacancies which are likely to be Cd vacancies. The average positron lifetime is measured as a function of temperature from 5 to 300 K. Two different behaviours appear, depending on temperature: in the 5 to 80 K range, one single lifetime of 283 +1 ps is measured, in the 80 to 300 K range, two lifetimes are detected. Positrons are trapped in a defect, the characteristic lifetime of which is 330 + 5 ps. This lifetime may be attributed to a Cd monovacancy.

1. INTRODUCTION. — Quand on dope le semi-conducteur II-VI CdTe avec de l'indium, on obtient des cristaux soit semi-isolants, soit de type n avec une concentration de porteurs à 300 K beaucoup plus faible que la concentration d'indium introduite. On attribue ce déficit à une compensation de l'indium par des défauts natifs ([1], [2]), et il a été proposé [3] que ces défauts soient de type lacunaire. Une méthode bien adaptée à la mise en évidence directe des lacunes est la mesure du temps de vie du positon dans la matière [4]. En effet, piégé dans une lacune, région appauvrie en électrons, le positon a un temps de vie qui augmente. Utilisée depuis une vingtaine d'années dans les métaux, cette méthode peut aussi être appliquée aux semi-conducteurs [5] : elle permet notamment de détecter la présence de lacunes natives comme cela a été fait récemment dans GaAs ([5], [6]) et CdHgTe ([7], [10]).

Nous montrons ici que des mesures de temps de vie du positon mettent directement en évidence la présence de lacunes dans des cristaux CdTe dopés par l'indium et bruts de croissance. Pour la première fois dans ces cristaux, nous avons mesuré le temps de vie en fonction de la température et nous avons observé qu'un signal attribuable à des lacunes apparaît à des températures supérieures à 80 K.

2. DESCRIPTION DE L'EXPÉRIENCE. — Les matériaux étudiés ont été fabriqués suivant la méthode THM (Travelling Heater Method) [8] à 700°C en bain de tellure, le dopage à l'indium étant réalisé « dans le bain ». Pour effectuer les mesures de temps de vie, nous avons prélevé deux monocristaux d'un même lingot de CdTe dopé, la concentration d'indium étant de 1017 cm- 3. On obtient ainsi des cristaux qui, à 300 K, sont faiblement de type n. Des mesures d'effet Hall sur ces échantillons ont permis de tracer la courbe de concentration de porteurs en fonction de la température (fig. 1). L'ionisation totale des donneurs et des accepteurs a lieu à partir de 100 K et correspond, sur la figure 1, au palier où la concentration de porteurs libres vaut 2.1014 cm- 3.

Note présentée par Yves QUÉRÉ. 0249-6305/89/03090179 $ 2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 13.

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Injecté dans la matière, le positon, antiparticule de l'électron, a une durée de vie limitée par son annihilation avec un électron du milieu. L'annihilation du positon avec un électron du cristal a lieu avec émission de deux photons d'énergie moyenne 511 keV. L'expérience de mesure du temps de vie du positon consiste à placer une source P+ de sodium radioactif, 22Na, en sandwich entre les deux monocristaux de CdTe (In) d'épaisseur environ 1 mm. Lors de sa désintégration, le noyau 22Na émet en cascade un positon et un photon de 1,28 MeV. En mesurant, par coïncidence, le temps écoulé entre l'émission du photon de naissance et celle d'un photon d'annihilation, on détermine le temps de vie du positon. Pour faire nos mesures, nous avons utilisé un spectromètre de temps de vie fondé sur un système de coïncidence rapide-rapide et dont la fonction de résolution est de 265 ps. Ce spectromètre de temps de vie permet d'enregistrer in situ les spectres de temps de vie du positon entre 4 et 450 K.

Au cours d'une expérience, on mesure dn(t)/dt, probabilité que le positon s'annihile au bout du temps t. Le spectre de temps de vie du positon, n(t), est en général bien décrit par une somme d'exponentielles [91 :

où I, est l'intensité de la composante de temps x;, avec £ I, = 1.

i

Cette expression se réduit généralement à un ou deux termes (x1; temps court, x2, temps long). Le temps de vie moyen du positon dans l'échantillon est alors donné par :

3. RÉSULTATS ET DISCUSSION. — Nous avons analysé les spectres expérimentaux par un programme d'ajustement qui permet de déterminer le nombre de composantes expérimentales (une, deux ou plus), leur intensité I, et leur constante de temps x;. Dans nos

Fig. 1. — Variation de la concentration de porteurs en fonction de la température dans CdTe(In).

Fig. 1. — Variation of carrier concentration as a function of temperature in CdTe (In).

Fig. 2. — Variation du temps de vie moyen du positon en fonction de la température dans CdTe (In).

Fig. 2. — Variation of positron average lifetime as a function of temperature in CdTe (In).

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expériences sur CdTe (In), les spectres expérimentaux s'analysent comme suit (fig. 2) : (i) entre 5 et 80 K, il apparaît un seul temps de vie (I2=0) égal à 283 + 1 ps.

(ii) Au-delà de 80 K, l'analyse des spectres fait apparaître deux temps de vie. Il leur correspond un temps de vie moyen qui augmente d'abord fortement (de 15 ps) entre 80 et 100 K, puis plus lentement pour tendre vers une valeur égale à 305 ps. Le temps de vie le plus long a une valeur de 330+5 ps et, à partir de 200 K, son intensité reste constante et voisine de 85 %.

La durée de vie du positon dans un état donné est inversement proportionnelle à la densité électronique p vue par le positon dans cet état. Dans un cristal tel que CdTe, le positon peut s'annihiler à partir d'un état délocalisé caractérisé par un temps de vie xfc correspondant au cristal « parfait », ou à partir d'un état localisé, piégé par un défaut (par exemple lacunaire) et caractérisé par un temps de vie xd (b comme « bulk » et d comme « defect »). Quand le piégeage du positon a lieu sur des défauts de type lacunaire, le temps de vie observé est plus long que le temps de vie du positon délocalisé : xb<xd parce que le défaut lacunaire correspond à un déficit d'électrons.

La valeur du temps de vie trouvée à basse température x=283 ps est proche de la valeur du temps de vie du positon délocalisé telle qu'elle a été estimée dans CdTe [10]. Dans l'hypothèse où nous acceptons cette estimation de X;,, nous pouvons proposer que le positon ne voit pas de défaut lacunaire entre 0 et 80 K. Le défaut détecté à 80 K est caractérisé par un temps de vie de 330 + 5 ps, valeur raisonnable pour une monolacune ([10], [12]). Sa charge est neutre ou négative puisque le positon n'est en général pas piégé par les défauts lacunaires positifs [6]. Les défauts monolacunaires les plus probablement neutres ou négatifs sont dans CdTe les lacunes de cadmium qui peuvent être chargées

— ou ([1], [3]). Dans CdTe (In), ces lacunes peuvent être isolées ou complexées avec

l'indium, donnant lieu à des défauts neutres ou négatifs ([1], [2], [3]). Nous pouvons donc proposer que le défaut lacunaire détecté à partir de 80 K soit une monolacune de cadmium, complexée ou non avec l'indium. La transition de piégeage du positon reste à interpréter.

4. CONCLUSION. — L'annihilation de positons met en évidence la présence de monolacunes dans CdTe(In) brut de croissance et dopé à 1017 cm- 3. Il s'agit très probablement de lacunes de cadmium. Le comportement du positon dans ces cristaux est compatible avec les modèles de compensation de l'indium dans CdTe prenant en compte les lacunes de cadmium. D'autres expériences sont en cours sur des cristaux dopés à différentes concentrations d'indium pour étudier plus précisément la relation entre nombre de porteurs et concentration de lacunes mesurée par les positons et comprendre l'origine de la dépendance du piégeage du positon dans les lacunes de cadmium en fonction de la température.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 3 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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C. G. et C C : Laboratoire Positons, C.E.N.-Saclay, I.N.S.T.N., 91191 Gif-sur-Yvette Cedex; R. T. : Laboratoire de Physique des Solides, C.N.R.S.-Bellevue, 1, place A.-Briand, 92195 Meudon Cedex.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 183-189, 1989 183

Chimie de l'état solide/Solid State Chemistry

Influence des défauts de réseau sur la dureté du protoxyde

de manganèse mesurée dans les conditions d'équilibre

thermodynamique. Proposition d'un modèle pour un

protoxyde à transition p <->■ n

Jacki Couzm, Jean-Jacques OEHLIG et Alain DUQUESNOY

Résumé — Cette étude sur des échantillons polycristallins à l'aide d'un duromètre à chaud complète une communication précédente montrant la corrélation entre la dureté et l'évolution de la nature et de la concentration des défauts de stoechiométrie. Nous présentons nos résultats expérimentaux sur le protoxyde de manganèse et proposons une interprétation phénoménologique basée sur l'existence des défauts les plus probables pour un protoxyde à transition /><-»«.

Lattice defects influence on hardness of manganous protoxide measured under

thermodynamic equilibrium conditions. A model is set up for a p<-+n transition

protoxide

Abstract — This study of polycristalline samples with a hof hardness test equipment completes a previous communication showing correlation between hardness and fluctuation in nature and concentration of stoechiometric defects. We present our experimental results on manganous protoxide and propose a phenomenologic interpretation based on the influence of more likely defects; interstitial cations M , oxygen vacancies V0 and metal vacancies V'M, V"M.

Abridged English Version — The plasticity of manganous protoxide polycristalline samples is measured with a hot hardness test equipment. The technique and appartus perfect in laboratory have the advantage, in comparison with traditional methods, to take into account hardness under thermodynamic equilibrium conditions. This secure us from geométrie evolution of indentation. Adjonction of thermocouple and gauges to po2 calibration gives information about thermodynamic variables.

Our samples are obtained by isostatic compression at 2,000 bar and reach 70% of theoretical density. The appartus is used with a sapphire Vickers indenter and form the subject of a previous communication [2]. Figures 1 a and 1 b shows variations of the deformation by indentation versus oxygen partial pressure on sintered manganous sample for two temperatures.

Comparison of hardness evolution with nature and point defects concentration, generally accepted in literature [3] to [11], leads us to propose a model in accordance with experimental curves. For this we propose to express indentation in material as a sum of two effects:

— a contribution to indentation in material due to "matrix" according with sintering phenomena and their irreversible character. Which is expressed as À(m), essentially dépendent of time;

— a contribution to indentation due to stoichiometry of oxide in relation with effects of point defects, réversible. Which is noted A(x).

Thus global indentation A = A(m)+A(x) is quasi reversible and eventually not monotonous. We can observe extrema in relation with defects sequence even discontinuity on phase transition.

As we can see on our experimental curves 1 a and 1 b for 1,120°C there is a maximum of plasticity around —14,5 in po2 scale when 1,020°C seems a monotonous variation.

Note présentée par Paul LACOMBE. 0249-6305/89/03090183 S 2.00 © Académie des Sciences

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More likely defects quoted in literature [3] to [11] and according with electric and thermogravimetric properties for manganous protoxide are:

— metallic vacancies V"Mn and V'Mn for high partial pressure;

— interstitial cations Mn, and oxygen vacancies V0 for low partial pressure. Assuming ideal solutions these defects lead to ^fO^in) and Po21/6(Mni, Vö) correlation. Figure 2 a (PL I) shows theoretical variations of a[Vö], (3 [Mï], and Y[V"M] versus

log/>o2 assuming a[Vö]<P[M"],V/>02.

Figure 2 b shows theoretical variations of the deformation by indentation deduced from:

we obtain a curve with a maximum comparable to 1,120°C experimental study.

Figure 3 a shows theoretical variations assuming a[Vö]>P[Mï], Vpo2 We can observe monotonous variations comparable to 1,020°C experimental study.

From that and with introduction of metal vacancies V'M we can build up schematic representation of isothermal variations of plasticity A*MO ([ ]) versus log p02 However if our model is convenient for phenomenologie interpretation of experimental curves and gives satisfaction in the wide part of phase diagram, a problem remains on quantitative point of view.

The main reasons are:

— "matrix" évolution is not really independent of stoichiometry;

— equilibrium constants and thermogravimetric results compiled in literature are dependent of division state of material.

Nous avons interprété [1] les courbes de pénétration obtenues sur le rutile grâce au dispositif expérimental mis au point au laboratoire [2] sur la base de la loi phénoménologique

dans laquelle A désigne la pénétration mesurée, Am la contribution due à la « matrice », grandeur dépendant essentiellement du temps, A [x] contribution relative aux défauts de stoechiométrie (réversible) et pour le cas du TiO2 de la forme :

Les signes apparaissant dans l'expression ci-dessus nous avaient été alors imposés par l'allure de l'ensemble des courbes expérimentales.

Nous avons entrepris une étude similaire sur le protoxyde de manganèse à deux températures. Le protocole expérimental consiste essentiellement en une mesure de la pénétration in situ en deux étapes :

— 30 s de précharge pour s'affranchir de l'état de surface,

— 30 s de charge d'essai,

le temps ayant en effet une importance déterminante pour la signification de ce test de dureté-fluage.

Nos échantillons sont constitués de poudre d'oxyde compacté à la presse isostatique à 2000 bars et atteignent en moyenne une densité de 70% par rapport à la. densité théorique. La taille de l'empreinte montre qu'un nombre important de cristallites sont concernés et la distance entre deux empreintes consécutives est grande. On peut dans ces conditions admettre que l'effet générateur de défauts dû à l'indentation, avec des interactions possibles lacunes-dislocations, doit être relativement masqué par la structure discontinue de notre « éponge ». Des images obtenues par microscopie à balayage sur

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 183-189, 1989 185

fond d'empreinte montrent que l'endommagement du matériau concerne essentiellement la rupture des liaisons intergranules ou « cous » au sens des phénomènes traditionnels de frittage. Les granules brisés dans la masse ne se rencontrent pratiquement que sur les arêtes pyramidales où la contrainte peut être très supérieure à la résistance de rupture du matériau. La tenue mécanique de notre agglomérat est donc en liaison directe avec la composition stoechiométrique de la zone proche de l'interface entre deux granules, qui s'apparente plus à une « solution » plus ou moins ordonnée sur quelques couches atomiques plutôt qu'à un cristal. Les figures 1 a et 1 b représentent nos résultats dans un diagramme (A—Log po2)T. La figure 1 a présente un maximum de pénétration alors que 1 b reste monotone dans tout l'intervalle de po2 explorées. Les défauts habituellement retenus pour rendre compte de l'ensemble des propriétés dues à la non stoechiométrie de MnO ([3] à [11]) sont :

— les lacunes métalliques à divers stades d'ionisation V"Mn et V'Mn et des cations interstitiels Mn". Sur la base de l'équation (A) nous avons expliqué la courbe 1 b en posant

la contribution négative de l'interstitiel découlant de l'étude du TiO2 [1] celle des lacunes métalliques de l'aspect de la courbe expérimentale qui montre que plus la concentration lacunaire croît, plus la pénétration est faible. Ce modèle ne peut s'utiliser pour l'interprétation de la courbe (1 a). Pour cette raison nous avons envisagé l'existence simultanée à M" de Vö, nous proposons donc de substituer à (B) la loi :

les lacunes en oxygène ayant pour effet d'augmenter la plasticité en analogie avec l'étude du rutile.

Les équilibres de Kroger et Vink dans l'hypothèse de l'idéalité des solutions conduisent à des lois de variation des [Vö], [V"M*] et [M"i] respectivement enpo2-1/ 6, po21/6 et po2-1/ 6 Elles nous ont permis de construire les courbes de variations théoriques de A [x]MO en fonction de la p02.

La figure 2a (pl. I) représente les variations schématiques de [Vö], [Mï] et [V"M] en fonction de Logpo2 dans l'hypothèse où [Vö]<[Mï] quelle que soit la Po2. La figure 2b montre les variations de la pénétration ÀMO théorique définie à partir de la relation (C).

Nous pouvons observer un maximum sur la courbe de pénétration théorique AMO [x] et un décalage vers les faibles Po2 par rapport au minimum de la courbe de conductivité. Ces deux particularités sont conformes aux courbes expérimentales à 1120°C. Par contre nous constatons une divergence vers les fortes Po2, nous reviendrons sur ce point.

La figure 3 a (pl. II) construite sur l'hypothèse où [Vö]>[Mï] quelle que soit la Po2 nous permet de tracer comme précédemment la pénétration théorique (fig. 3 b) et montre une croissance continue permettant de retrouver la courbe expérimentale à 1020°C.

On peut interpréter ces diverses possibilités en considérant que l'influence de la température sur les constantes d'équilibre et les coefficients a, P, y et 5 soit telle qu'il y ait inversion des positions relatives des produits OC[Vö] et P[Mï], sans que nous puissions toutefois quantifier de manière indépendante son influence sur les coefficients et les concentrations. Vers les fortes Po2 nous avons signalé une divergence entre la courbe théorique et l'expérimentale, dans cette zone nous nous trouvons dans la partie où l'écart stoechiométrique est le plus grand au voisinage de l'oxyde supérieur Mn3O4 et il est

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probable que la notion de défauts ponctuels doit être abandonnée et qu'il faille envisager l'association de défauts.

Hors de cette zone on peut remarquer sur la courbe à 1120°C une décroissance de la pénétration vers les fortes pressions partielles d'oxygène, plus rapide que sur la courbe

Fig. 1. — (a) Variations isothermes de la pénétration et de la résistance électrique sur des éprouvettes de

protoxyde de manganèse en fonction de la pression partielle d'oxygène [diagramme ÀMnO10- 2 mm,

log Po2] : 1020°C, sous 2 kg de charge, (b) Idem à 1120°C. Fig. 1. — (a) Isotherm variations of the deformation by indentation and electical resistance versus oxygen partial

pressure on sintered manganous protoxide sample [AMno 10- 2 mm, log Po2 diagram]: 1,020°C, load: 2 kg.

(b)Idem at 1,120°C.

PLANCHE I/PLATE I JACKI COUZIN

Fig. 2. — Représentation schématique des variations isothermes de a [Vo]? P[Mï] , y[V"M] et ([h] + [e']) en fonction de log Po2 (échelle arbitraire) dans l'hypothèse a[V0]<p[M,], VPo2 (b) Variation théorique de la pénétration AMO([ ]) déduite de la relation AMO([ ]) = a[Vo] — P[Mi]; —y[V"M] dans l'hypothèse at[Vö]<P[Mï ],VPo2 (échelle arbitraire).

Fig. 2. — (a) Schematic representation of isotherm variations of a.[Vö], P[Mï], y[V"M] and ([h ] + [e']) versus logPo2, with assumption: a[Vo]<|3[Mï ],VP02 (arbitrary scale). (b) Théorie variations of the deformation by identation AMo([ ]) deduced from AMo[( ]) = a[Vo] — P[Mï ]—Y[V"M] with assumption: cc[Vo]<P[Mï ],VPo2 (arbitrary scale).

PLANCHE II/PLATE II

Fig. 3. — (a) Idem 2 a dans l'hypothèse a[Vo]>P[M; ], VPo2.

(b) Idem 2 b dans l'hypothèse ar[Vo]>P[Mï ], VPo2. Fig. 3. — (a) Idem 2 a with assumption: a[Vo]>P[Mï ], VPo2

(b) Idem 2 b with assumption: a[Kö]>p[Mï ], VPo2.

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théorique, on peut retrouver cette particularité en envisageant la présence de lacunes métalliques une fois ionisée V'M. Ceci a permis de rendre compte des variations de la conductivité électrique de nombreux protoxydes métalliques de type p [8]. En s'appuyant sur l'allure des courbes expérimentales nous proposons pour A [x] :

Les lois de variations isothermes des fractions molaires Vö et Mï restent identiques au modèle précédent. Par contre il y a interdépendance sur les lacunes métalliques. La figure 4 montre l'incidence de l'introduction de lacune V'M sur la décroissance de la courbe théorique A[X]MO. Elle a été construite moyennant quelques hypothèses simplificatrices

Fig. 4. — Dans les hypothèses suivantes : a = p = y=5 = 1, [Vo]<[M], k'1 = l<^(l/202*±O^ + V'M + h), k[' = 5.10~3<-+(V'M?± V„ + /J)- Représentation des variations isothermes en fonction des Po2 : des fractions molaires en défauts : Mf , V0, V„ et V„, de la concentration totale en porteurs [e] + [fc], de la pénétration Aj50([ ])>AMO<[ D (échelle arbitraire), en traits pleins: avec pour défauts les plus probables : V0, M". V„, V'M, en traits pointillés : avec pour défauts les plus probables : V0, Mï, , V"M.

Fig. 4. - With assumption: oc=p=y = S = 1, [Vö]<[Mï], k'1 = lt^(1/2O2^±Oxo+V'M + h), k"1 = 5x 10-3<-^(V'M V'û h). Schematic representation of isotherm variations versus log Po2 : of molar fraction in defects; Mï, Vö. V'M and V"M, of total molar fraction in carriers [e] + [h], of deformation by indentation A*MO ([ ]), AM0 ([ ]), full line: with more likely defects: Vö, Mï , V"M and V'M, dotted line: with more likely defects: Vö, Mï, V"M.

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concernant les coefficients a, p, y, § et dans le cas où [Vö]<Mï] pour un couple de constantes d'équilibre de formation des lacunes plausibles [11].

En conclusion, comme pour le rutile, la présence simultanée de lacunes et d'interstitiels permet de rendre compte de l'allure des courbes expérimentales de pénétration du protoxyde de manganèse à 1010 et à 1120°C. Toutefois l'aspect quantitatif ne peut être abordé dans le cadre de notre étude car nous ne connaissons pas la relation A (m) avec la composition chimique pour les états de frittage intermédiaires. Par ailleurs, les valeurs des constantes thermodynamiques sont relatives à un solide massif beaucoup plus proche de la densité théorique. Note remise le 20 mars 1989, acceptée le 26 avril 1989.

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Chimie de l'état solide/Solid State Chemistry

Nouveaux verres thiohalogénés à base de sulfure, de bromure et d'iodure de plomb

Brigitte TSOBGNY, Jean-Jacques VIDEAU, Bernard TANGUY et Josik PORTIER

Résumé — Des verres issus du système PbS-PbBr2-PbI2 ont été préparés par hypertrempe. Le domaine vitreux a été déterminé. Les matériaux obtenus ont été étudiés par spectroscopie infrarouge.

New thiohalide glasses based on lead sulfide, bromide and iodide

Abstract — New glasses have been prepared in the system PbS-PbBr2-PbI2 by a twin roller splat cooling technique. The vitreous domain has been determined. The structure of the glasses has been investigated by IR absorption spectroscopy.

La mise en oeuvre de matériaux vitreux transparents dans le moyen infrarouge fait l'objet de nombreuses recherches en raison, en particulier, de l'intérêt pratique que présenteraient de tels matériaux (microchirurgie utilisant le laser à C02 par exemple). Trois conditions doivent être réunies :

(1) pertes optiques réduites permettant de transmettre des puissances suffisantes;

(2) vitrification aisée autorisant la préparation de préformes de taille importante pour la préparation de fibres;

(3) durabilité chimique notamment vis-à-vis des solutions aqueuses afin d'éviter les pertes par absorption entraînées par les vibrations O-H.

Les verres chalcogénés ont fait l'objet d'études nombreuses. S'ils répondent aux conditions 2 et 3, ils possèdent en revanche des atténuations importantes dues probablement à des transitions électroniques [1].

Les verres halogènes ont des caractéristiques intéressantes. Les verres fluorés, par exemple, possèdent une transparence supérieure à celle des verres silicates [2]. Leur utilisation est cependant limitée à 3 µm en raison de la masse trop faible de l'ion halogène qui entraîne des absorptions dues à des vibrations cation-fluor situées à des fréquences relativement élevées. Les verriers ont donc envisagé des verres chlorés, bromes ou iodés. On peut citer les verres à base de chlorure de zinc [3] ou de chlorure de bismuth [4]. Ces matériaux répondent aux critères 1 et 2 mais malheureusement pas au critère 3. En raison de leur hygroscopicité ils n'ont pas connu de développement industriel.

CHOIX DES MATÉRIAUX. — Des verres formés de bromures ou d'iodures d'éléments lourds constitueraient des matériaux de choix. Ceux de degré d'oxydation égal ou supérieur à trois sont pratiquement tous hygroscopiques et doivent donc être éliminés. Nous avons choisi parmi les autres le bromure et l'iodure de plomb. Dans une publication précédente nous avons proposé un critère de prévision de la formation vitreuse [5]. Son application au cas du bromure, de l'iodure ou des bromo-iodures de plomb montre que leur vitesse critique de trempe est élevée. Nos recherches se sont donc dirigées vers des thiohalogénures. Il est bien connu en effet que des verres contenant à la fois des ions halogène et chalcogène possèdent une bonne stabilité [6]. Ces choix nous ont amenés ainsi à préparer des verres à base de sulfure d'antimoine, de bromure et d'iodure de plomb à la fois transparents dans le visible et l'infrarouge [7]. Il était tentant de remplacer

Note présentée par Paul HAGENMULLER. 0249-6305/89/03090191 $2.00 © Académie des Sciences

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le sulfure d'antimoine par le sulfure de plomb. En effet, l'abaissement du degré d'oxydation de trois à deux, en renforçant le caractère ionique de la liaison, devait repousser la coupure infrarouge vers les longueurs d'onde élevées, d'autant que le plomb est plus lourd que l'antimoine.

PRÉPARATION DES VERRES. — Le sulfure et le bromure de plomb étaient des produits commerciaux (respectivement « Alpha Ventron » 99,9% et « Aldrich » 99%). L'iodure de plomb a été précipité d'une solution de nitrate additionnée d'iodure de potassium, puis séché. Après dégazage, les mélanges ont été portés à fusion sous atmosphère d'argon dans un creuset de graphite, puis trempés à des vitesses comprises entre 10- 2 à 10- 6 s- 1.

DOMAINE VITREUX. — Celui-ci apparaît sur la figure 1 sur laquelle sont également représentés les diagrammes d'équilibre des binaires correspondants ([8], [9]).

Les verres ont été obtenus pour des mélanges riches en iodure de plomb. Ils se présentent sous forme de lamelles transparentes de 20 µm d'épaisseur de couleur rouge sombre. Leurs températures de recristallisation sont situées entre 95 et 108°C. Les températures de transition vitreuse n'ont été détectées que pour des verres thiohalogénés mixtes (T9 = 98°C, Tf = 108°C).

L'obtention de vitro céramiques dans le système PbI2-PbBr2 montre que la vitesse critique de trempe de tels verres est supérieure à 106 s- 1.

Fig. 1. — Domaine vitreux dans le diagramme PbS-PbBr2-PbI2. Les cercles clairs correspondent à des verres, les noirs à des cristaux et les mixtes à des vitrocéramiques. Diagrammes d'équilibres PbI2-PbBr2 [8], PbSPbI2 [9] et PbS-PbBr2 [9].

Fig. 1. — Vitreous domain in the PbS-PbI2 diagram. Empty circles correspond to glasses, black circles to crystals and mixed circles to vitrocerams. Phase diagrams PbI2-PbBr2 [8], PbS-PbI2 [9] and PbS-PbBr2 [9].

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 191-194, 1989

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Il peut paraître étonnant que des verres se forment entre le sulfure de plomb dont la température de fusion est élevée (Tf=1 114°C) et les mélanges d'halogénures correspondants dont le liquidus évolue entre 238 et 402°C au maximum.

Ce comportement trouve son explication dans les diagrammes d'équilibres PbS-PbX2 (X = Br, I). Dans les deux systèmes on observe en effet des eutectiques profonds (à 350 et 374°C respectivement). C'est pour des compositions voisines de l'eutectique relatives à l'iodure que se forment généralement les verres. Pour les mélanges riches en bromure, nous n'avons obtenu que des vitrocéramiques en raison de la diminution de la viscosité des fontes quand on passe de l'iodure au bromure.

ÉTUDE PAR SPECTROSCOPIE INFRAROUGE. — Elle a été menée entre 50 et 500 cm- 1 à l'aide d'un spectrophotomètre infrarouge équipé d'un interféromètre à transformée de Fourier (« Bruker FTIR 113 V ») sur des pastilles contenant 95% en masse de polyéthylène et 5 % de verre.

Les spectres de quelques verres sont reproduits à la figure 2. La comparaison avec les spectres de PbS, PbI2, PbBr2 et Pb5S2I6 cristallisés (fig. 3) permet d'attribuer le massif de basse fréquence aux vibrations Pb-I, celui de haute fréquence aux vibrations Pb-S.

La comparaison des spectres des verres thioiodés et du thioiodure de plomb semble impliquer une analogie structurale. On remarque, cependant, que la bande de basse fréquence est plus proche de celle de PbI2 que de celle du thioiodure. En outre une

Fig. 2. — Spectres d'absorption infrarouge de verres de compositions 2 PbS-8 PbI2 (a), 0,3PbS-0,7PbI2(b), 0,2PbS-0,2PbBr2-0,6PbI2 (c) et 0,2PbS-0,1PbBr2-0,7PbI2 (d).

Fig. 2. — Infrared absorption spectra of the glasses 0,2 PbS-8PbI2 (a), 0,3PbS-0,7PbI2 (b), 0,2PbS-0,2PbBr2-0,6PbI2 (c) and 0,2 PbS-0,1 PbBr2-0,7 PbI2 (d).

Fig. 3. — Spectres d'absorption infrarouge des trois composants des verres et de Pb5S2I6 cristallisé. Fig. 3. — Infrared absorption spectra of the three glass components and of crystalline Pb5S2I6.

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bande à 160 cm- 1 dont l'intensité croît avec la teneur en PbS apparaît à une fréquence proche de celle du sulfure. En conséquence, bien que les spectres de diffraction X ne laissent apparaître aucune raie fine caractéristique de phases cristallisées, nous sommes tentés de penser que ces matériaux soient en fait des vitrocéramiques contenant des modules de très faible diamètre de sulfure et d'iodure ou du moins d'une composition très proche au sein d'une matrice vitreuse.

En revanche l'analogie des spectres des verres thiobromoiodés avec celui du thioiodure cristallisé est très marquée. Nous sommes donc amenés à penser que le réseau vitreux est proche de celui du composé cristallisé. Dans ce dernier le plomb possède trois types d'environnement : octaédrique (61), prismatique trigonal monocapé (61 + 1 S) ou bicapé (51 + 3 S) [9]. Cette diversité de coordinence pour le plomb explique d'ailleurs la formation du verre. On remarque cependant que la bande correspondant aux vibrations Pb-I est déplacée vers les hautes fréquences dans le verre, indiquant une covalence plus marquée de la liaison. Ce phénomène a déjà été observé dans les verres d'oxydes [10].

CONCLUSION. — La découverte de verres chalcogénés à base de bromure et d'iodure de plomb constitue une voie de recherche intéressante pour la découverte de matériaux transparents dans le moyen infrarouge. Pour le sulfure de plomb qui fond à température élevée, les vitesses critiques de trempe sont trop élevées pour qu'on puisse obtenir des pièces de verre massives, mais nous cherchons à améliorer ses propriétés thermiques par des substitutions appropriées. Note remise le 6 avril 1989, acceptée le 16 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Laboratoire de Chimie du Solide du C.N.R.S., 351, cours de la Libération, 33405 Talence Cedex.

C R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 195-198, 1989

195

Chimie organique biologique/Bioorganic Chemistry

Plantes de Nouvelle-Calédonie CXXIX [1] :

Nouveaux dimères à base de cabucraline isolés

de deux Alstonia de Nouvelle-Calédonie

Jean-Marc NUZILLARD, Thérèse Marie PINCHON, Catherine CARON, Georges MASSIOT

et Louisette LE MEN-OLIVIER

Résumé — L'undulatine et la desformoundulatine sont deux dimères isolés d'Alstonia undulata et A. sphaerocapitata. Us résultent de la formation de liaisons entre le C-10 de la cabucraline et le C-6 d'alcaloïdes de type N-méthylpéricyclivine.

Plants from New Caledonia CXXIX: New dimers containing cabucraline isolated

from two Alstonia species

Abstract — Undulatine and deformoundulatine are two dimeric indole alkaloids isolated from Alstonia undalata and A. sphaerocapitata. They result from bond formation between C-10 of cabucraline and C-6 of N-methyl pericyclivine type alkaloids.

Dans le mémoire précédent, un nouveau mode naturel d'activation du C-6 des alcaloïdes du type de la péricyclicine 1 a été mis en évidence [1]. Commaissant la très grande nucléophilie du C-10 de la cabucraline 2 [2], il était a priori prévisible que des dimères contenant pericyclivine et cabucraline liés par leurs C-6 et C-10 respectifs soient isolés dans des plantes renfermant ces deux alcaloïdes et l'équipement enzymatique suffisant. Le présent mémoire décrit l'isolement et la caractérisation spectrale de deux dimères de ce type, l'undulatine 3 isolée des écorces de tronc d'Alstonia sphaerocapitata et des racines d'A. undulata et la desformoundulatine 4 isolée des feuilles et des racines d'A. undulata, deux Apocynacées récoltées en Nouvelle-Calédonie (a).

Les composés 3 et 4 sont amorphes et se colorent rapidement à l'air et dans les solvants chlorés; ils donnent une coloration violette en CCM après pulvérisation de réactif cérique. Leurs spectres ultraviolets sont semblables et présentent des maximums à 220, 258 et 290 nm ainsi qu'un point d'inflexion à 306 nm; ils peuvent être considérés comme la superposition de chromophores indolique et dihydro-indolique. Les composés 3 et 4 ont été décrits sommairement lors de travaux précédents sous les noms d'alcaloïde 20 [3] et A [4] respectivement. Leurs structures n'avaient pu alors être établies faute de moyens spectroscopiques suffisants.

Le spectre de masse de 4 est dominé par deux ions à m/z : 702 (100%) et 335 (95%); le premier de ces ions est accompagné de fragments à m/z : 687 (M-15, 20 %) et 643

Note présentée par Pierre POTIER.

0249-6305/89/03090195 $2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2° Semestre (T. 309)

Série II - 14

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 195-198, 1989

(M-59, 10%). Dans la région des faibles masses apparaissent les fragments à m/z : 122, 139 et 194 caractéristiques de la partie iridoïde de la cabucraline [5] et les pics à m/z : 182 et 183 des N(1)-méthyl carbolines. Le spectre de RMN du carbone-13 de 4 permet de dénombrer 43 carbones identifiés à 7 méthyles, 6 méthylènes, 17 méthines et 13 carbones quaternaires d'après une acquisition modulée selon J et des expériences COSY C-H et COLOC. En l'absence de protons échangeables, on peut attribuer à 4 la formule brute C43H50N4O5, ce qui correspond à la somme des formules brutes de la cabucraline (C22H28N203, 368) et de la N-méthyl pericyclivine (C21H24N2O2, 336), diminuée des deux unités de masse nécessaires à la formation d'une simple liaison. On notera ici que le second ion le plus intense du spectre de masse (335) correspond à l'ion moléculaire de la N(1)-méthyl pericyclivine [6] diminué d'une unité de masse.

Le tableau donne l'attribution des spectres de RMN 13C de 4, de la cabucraline 2 [7] et de la méthoxy-10, N(1)-méthyl pericyclivine 5 également isolée des feuilles d'A. undulata. Les déplacements chimiques des carbones de la partie basse fréquence du spectre de la cabucraline sont très proches de ceux de 4; d'après une expérience COSY C-H, menée sur le dimère, ils sont liés à des protons ayant même déplacement chimique et même multiplicité que dans le monomère. La perturbation des déplacements chimiques des carbones aromatiques montre que le C-10 est le lieu de la substitution; ceci est également apparent sur le spectre de RMN du proton où les deux seuls protons aromatiques de cette moitié apparaissent comme deux fins singulets résonant à 6,23 et 6,4 ppm (H-12 et H-9).

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 195-198, 1989 197

TABLEAU Spectres de RMN 13C des alcaloïdes 2, 3, 4, 5, 6 (75 MHz, CDC13). 13C NMR spectra of alkaloids 2, 3, 4, 5, 6 (75 MHz, CDCl3). 2 4 3 5 4 3 6

C-2 78,2 75,3 79,7 C-2' - 140,3 140,7 137,5

C-3 47,6 47,6 47,5 C-3' 49,5 48,9 49,0 47,8

C-5 50,2 50,4 50,4 C-5' 53,6 58,8 63,3 53,8

C-6 29,9 30,2 29,6 C-6' 23,9 33,3 33,8 23,0

C-7 . 42,1 42,2 42,2 C-7' 103,1 106,2 106,2 104,7

C-8. 132,4 131,1 131,3 C-8' 127,0 126,6 126,6 126,3

C-9 121,3 122,8 122,7 C-9' 100,4 108,2 108,2 118,3

C-10 103,6 123,5 - C-10' 153,7 120,5 119,0 119,2

C-11 159,9 156,3 156,0 C-11' 110,4 118,6 118,6 121,3

C-12 97,4 93,3 93,4 C-12' 109,4 118,5 118,6 108,9

C-13 154,1 152,1 152,3 C-13' 133,0 137,7 138,4 138,3

C-14 32,3 33,4 33,6 C-14' 26,7 26,1 28,2 28,6

C-15 33,8 33,7 33,8 C-15' 26,9 29,4 29,9 31,3

C-16 52,6 52,2 52,3 C-16' 43,5 44,6 52,7 52,0

C-17 - C-17' - - 68,5 65,4

C-18 13,1 12,9 12,9 C-18' 12,8 12,8 12,8 12,8

C-19 121,8 120,0 120,6 C-19' 115,1 113,7 115,8 116,7

C-20 135,1 142,6 137,7 C-20' - 131,1 - 136,1

C-21 54,3 54,5 54,5 C-21 56,1 56,2 55,8 55,8

ArOMe. 55,3 55,8 55,4 ArOMe 55,9 - - -

CO2Me 51,6 50,7 51,2 CO2Me 50,9 50,5 50,4 52,0

CO 172,5 172,4 171,8 CO 172,4 173,4 173,9 174,8

NMe 33,2 34,3 34,3 NMe.. ..... 29,4 29,4 29,4 29,2

L'autre moitié du dimère est caractérisée par un nombre inhabituellement bas de méthylènes (deux) et par un enchaînement CH-CH2-CH-CH-CH-CH détecté sur les spectres COSY H-H et C-H. On note également sur le spectre de RMN 1H des signaux pour un méthylène isolé couplé à longue distance avec les protons d'une chaîne éthylidène. Ces données ainsi que le spectre de RMN 13C amènent à proposer une moitié N-méthyl pericyclivine substituée sur le carbone C-6' (cf. tableau) dont un des hydrogènes est manquant. La substitution de cet hydrogène est une éventualité raisonnable comme cela été démontré précédemment. Le proton H-6' restant apparaît en RMN protonique comme un fin singulet à 4,77 ppm (largeur à mi-hauteur=2 Hz); dans les spectres COSY H-H il donne une corrélation de couplage avec un proton résonnant à 3,62 ppm.

La présence d'une liaison C-10 (cabucraline)-C-6' (pericyclivine) est finalement mise en évidence par deux types d'expériences de RMN bidimensionnelle : la COSY à acquisition retardée (retard de 125 ms) qui montre un couplage entre H-9 et H-6' et l'expérience de Kessler (dite COLOC) qui permet de détecter des couplages C-6' -» H-9 et H-6' -» C-10 [8].

Les derniers points restant à élucider concernent les configurations du centre asymétrique formé (C-6') et du C-16' de la pericyclivine. Ce dernier point est résolu par l'observation d'un blindage important en RMN 1H du signal de l'ester méthylique de cette moitié (S=3,1 ppm) dû à la proximité du noyau aromatique. La configuration du C-6' est déduite de la mesure du couplage H-5', H-6' (1 Hz) comparée aux 8,3 Hz liant les mêmes protons dans les hydroxy-17 déhydrovoachalotines précédemment décrites [1]. Ceci indique que les protons H-5' et H-6' sont disposés en trans avec un angle dièdre voisin de 90°.

198 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 195-198, 1989

Le composé 3 possède des propriétés physiques et spectrales très voisines de celle de 4. Au niveau du spectre de masse, il s'en distingue par un ion moléculaire à m/z 732 (C44H52N4O6); les trente unités de masse supplémentaire se trouvent sur la partie pericyclivine (pic de base à m/z 365 au lieu de 335). L'examen du spectre de RMN du carbone de 3 confirme la parenté entre 3 et 4 (tableau); elle montre aussi que la partie cabucraline est intacte et que dans la partie pericyclivine H-16' est « remplacé » par un CH2OH. Ceci apparaît plus clairement quand l'on compare les spectres de la partie pericyclivine de 3 avec ceux de Pacétylvoachalotine 6 [9]. La configuration proposée pour le C-16' est déduite de l'observation d'un blindage important du signal du méthyle de l'ester de cette moitié (5 = 3,0 ppm) et la configuration du C-6' dérive de la valeur du couplage liant H-5' et H-6' (1 Hz, trans).

Les composés 3 et 4 proviennent à l'évidence du couplage de la cabucraline avec des formes oxydées de dérivés de pericyclivine. L'approche de la cabucraline se fait exclusivement par la face arrière la plus dégagée. Des travaux d'hémisynthèse sont actuellement en cours au laboratoire pour préparer 3, 4 et des analogues.

Nous remercions le Dr T. Sévenet pour la fourniture du matériel végétal. Note remise le 27 février 1989, acceptée après révision le 26 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Publication précédente dans la série : A. M. MORFAUX, D. GUILLAUME, G. MASSIOT et L. LE MENOLIVIER, C. R. Acad. Sci. Paris, 309, série II, 1989, p. 33-36.

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Faculté de Pharmacie, 51, rue Cognacq-Jay, 51100 Reims.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 199-203, 1989 199

Cristallochimie/Crystal Chemistry

Structure cristalline de l'orthophosphate LiZnPO4-a

Ammy ELFAKIR, Jean-Paul SOURON, Francis ROBERT et Michel QUARTON

Résumé — L'obtention de monocristaux de LiZnPO4-a (forme BT) a permis de caractériser ce composé par diffraction X : système monoclinique, groupe d'espace Cc, a= 17,266 (2), b = 9,738 (1), c=17,092 (3) Â, (3 = 111,03 (1)°, Dexp = 3,29, Z = 32. La structure a été déterminée à partir de 5 198 réflexions conduisant à un facteur R =0,0349. Chaque cation est situé au centre d'un tétraèdre oxygéné qui partage ses quatre sommets avec d'autres tétraèdres comme dans la phénacite Be2SiO4. La non-centrosymétrie est la conséquence de la distribution ordonnée des atomes Li et Zn. Les cristaux sont, pour la plupart, maclés par mériédrie.

Crystal structure of the orthophosphate a-LiZnPO4

Abstract — Single crystals of the compound a-LiZnPO 4 (LTform) were synthesized and characterized by X-ray diffraction: monoclinic, space group Cc, a —17.266 (2), fc = 9.738 (1), c= 17.092 (3) Â, P=111.03 (1)°, Dexp = 3.29, Z = 32. The crystal structure was determined from 5,198 independent reflexions and refined to an R factor of 0.0349. All the cations are tetrahedrally coordinated to oxygen atoms. Each tetrahedron shares its four vertices with other tetrahedra as in the phenacite Be2SiOA. The non-centrosymmetry is the consequence of the ordered distribution of Li and Zn atoms. Most of the crystals were twinned by merohedry.

Abridged English Version — Lithium zinc orthophosphate has previously been synthesized [4] and its X-ray powder diffractogram appeared more complex than those of homologous compounds (LiZnAs04, LiZnV04) which have a phenacite structuretype [2]. Nevertheless, from infrared data, the structure of the title compound was described as a pseudo-phenacite [3].

The crystal structure of LiZnPO4 is not known because no suitable single crystal has been obtained but the parameters of the monoclinic cell were determined by electron-diffraction [5].

Single crystals of the title compound were grown from a Li3PO4 —2ZnCl2 mixture by a slow cooling flux method. A transparent single crystal was selected to record Weissenberg and precession photographs which showed monoclinic symmetry with space group Cc or C 2/c. A positive test of second harmonie generation signal favored the non centrosymmetric space group Cc. The lattice parameters were found to be a =17.266 (2), b = 9.738 (1), c= 17.092 (3) Â and P= 111.03 (1)°. The measured density (3.29) is in fair agreement with the calculated value (3.314) for Z = 32.

The single crystal, used for three dimensional collection of intensity data, was elongated along b axis and its shape was limited by {100}, {001}, {102} and {111} faces. Data collection détails, on an Enraf-Nonius CAD-4 automated X-ray diffractometer, are listed in Table I.

The Patterson function revealed the positions of the 8 independent Zn atoms; they occupy approximately the points of a C-type pseudo-lattice with the parameters a/2, b/2 and c. The others atoms were localized after several calculations of difference-Fourier maps with the SHELX program [7]. The R value was then 0.064 and the most important electronic residues appeared exactly located at distance b/2 from all atoms. At this stage, twinning in the crystal was suspected and confirmed by observation under a polarized microscope. The final refïnement, including correction for secondary extinction and merohedral twinning, was carried out with the CRYSTALS program [8] and converged to R = 0.034 9. The positionnai parameters and temperature factors are reported in Table II.

Note présentée par Erwin-Félix BERTAUT. 0249-6305/89/03090199 $2.00 © Académie des Sciences

200 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 199-203, 1989

All cations are coordinated tetrahedrally by oxygen atoms. Each tetrahedron shares its four corners with other tetrahedra. The PO4 tetrahedra are the most regular (1.477<P-0<1.592Â and 106.1 <0-P-0<113.3°) while the LiO4 and ZnO4 polyhedra are signifïcantly distorted (1.86<Li-0<2.05 Â and 99.4<0-Li-0< 132.5°, 1.907<Zn-0< 1.987 Â and 99.1 <0-Zn-0<(128.9°). Every 0 atom is coordinated with three different cations lying roughly in the same [0Li Zn P] plane.

Each cation type is located in (001) planes, separated, with c/4 approximately:

In the same manner the cations are approximately located in (010) planes, separated with b/4. The main characteristic of this structure is its pseudo-centrosymmetry if Li and Zn are considered indiscernible:

This structure can be regarded as a distorted phenacite structure. The centrosymmetric space group of the phenacite structure is R3 [9]. It is to be noted that the monoclinic lattice of 0C-LiZnPO4 can be represented by a pseudo-rhombohedral unit-cell with ar = br= 16.867, cr= 17.092 Â, ar = (3r = 33.92 and yr = 33.56°. It is the refore possible that one of the HT forms of the orthophosphate LiZnPO4 has a centrosymmetric rhombohedral structure resulting from a Li/Zn cationic disorder.

INTRODUCTION. — Les composés de formule-type A2XO4 ou ABXO4 sont pour la plupart isostructuraux de la phénacite Be2Si04 lorsque leurs cations sont suffisamment petits pour adopter la coordinence tétraédrique [1]. Parmi les composés LiZnXvO4, certains sont effectivement isotypes de la phénacite (X=V, As) [2] tandis que pour X = P l'isotypie n'a pas été démontrée. L'orthophosphate LiZnPO4-a (forme BT) présente un diffractogramme X beaucoup plus complexe que celui de ses deux homologues; toutefois, sur la base de son spectre d'absorption infrarouge, sa structure semble être de type phénacite déformée [3]. En l'absence de monocristaux de taille suffisante, sa structure cristalline n'a pas été déterminée [4], mais les paramètres de la maille monoclinique ont été mesurés par diffraction électronique [5]. L'obtention de monocristaux convenables de LiZnPO4-a nous a permis d'entreprendre sa détermination structurale.

ETUDE CRISTALLOGRAPHIQUE. — Des monocristaux transparents ont été isolés après refroidissement lent (5°. h- 1) d'un mélange de composition Li3PO4 + 2 ZnCl2 fondu vers 360°C. Après broyage, leur diffractogramme X est identique à celui de LiZnPO4-a [5]. Les techniques classiques de la diffraction X (Weissenberg, précession) ont permis de mettre en évidence leur système cristallin monoclinique, groupe C c ou C 2/c, et de préciser les valeurs des paramètres de la maille : a= 17,266 (2), 6 = 9,738 (1), c= 17,092 (3) Â et p= 111,03 (1)° en accord avec les valeurs publiées récemment [5].

La densité pycnométrique de la poudre (3,29) traduit la présence de 32 groupements formulaires dans la maille (dth = 3,314) et un test positif de génération du second harmonique permet de retenir le groupe spatial non centrosymétrique Cc.

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TABLEAU I

Conditions de mesure des intensités diffractées et résultats de raffinement

Data collection and refinement conditions

Mesures des intensités

Dimensions du cristal (µm)

Radiation (monochromateur graphite)

Technique utilisée

Vitesse de balayage (°/mn)

Domaine de mesure

Contrôle de stabilité

Réflexions mesurées

Réflexions indépendantes

Correction d'absorption [6]

Résultats de raffinement

Fonction minimisée

R(Rw)

Macle

Extinction secondaire

Résidu maximal

DÉTERMINATION STRUCTURALE. — Le cristal monté sur un diffractomètre automatique « Enraf-Nonius CAD4 » était allongé selon l'axe b et limité par les formes { 100}, { 001}, {102} et { 111}. Le tableau I rassemble les conditions de mesure.

La déconvolution de la fonction de Patterson a permis de placer les huit atomes indépendants de zinc; ils occupent approximativement les noeuds d'un pseudo-réseau C ayant pour paramètres a/2, b/2 et c conformément aux valeurs élevées des intensités diffractées pour h et k pairs. Les autres atomes ont été localisés par l'analyse de sériesdifférences de Fourier. L'affinement des positions atomiques et des facteurs d'agitation thermique a été réalisé à l'aide du programme SHELX [7]; il conduit à un facteur R = 6,41 %. Il apparaît alors, sur les cartes-différences de la densité électronique, des résidus situés exactement à b/2 des atomes placés précédemment, l'importance de chaque résidu (7e-/Â 3 au maximum) étant proportionnelle au numéro atomique de l'atome situé en b/2. L'hypothèse d'une macle par mériédrie a alors été confirmée par l'examen du cristal en lumière polarisée. L'affinement final, tenant compte de la macle et de l'extinction secondaire, a été réalisé à l'aide du programme CRYSTALS [8]. Les résultats figurent dans le tableau I. Les positions atomiques et les facteurs d'agitation thermique (isotrope pour les atomes de lithium) sont rassemblés dans le tableau II.

DESCRIPTION DE LA STRUCTURE. — L'origine de la maille et la numérotation des atomes ont été choisies pour faire apparaître sur les coordonnées atomiques un certain nombre de caractéristiques. Ainsi chaque type de cation appartient à un plan (001), ces plans étant espacés de c/4 :

Dans chacun de ces plans les cations constituent des rangées [110] de pseudo-période /a 2 + b2/4 = 4,96 Â décalées entre elles de a/2 (et de b/2 également puisque le mode de réseau est C).

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TABLEAU II

Coordonnées atomiques et facteurs d'agitation thermique (Â 2) Atoms coordinates and temperature factors (A 2)

Atome x/a y/b z/c U (éq.) U (iso)

LI (1) 0,065 1 (6) 0,060 (2) 0,188 2 (6) - 0,012(2)

LI (2) 0,026 5 (6) 0,285 (1) 0,438 7 (7) - 0,010 (2)

LI (3) 0,347 3 (6) 0,285 (1) 0,187 9 (7) - 0,008 (2)

LI (4) 0,309 0 (6) 0,071 (1) 0,439 5 (7) - 0,009 (2)

LI(5) 0,094 4 (7) 0,531 (1) 0,187 1 (8) - 0,014(2)

LI (6) 0,058 8 (7) 0,819 (1) 0,440 7 (7) - 0,011 (2)

LI (7) 0,310 6 (8) 0,809 (1) 0,193 3 (8) - 0,010 (2)

LI (8) 0,278 7 (7) 0,540 (1) 0,438 8 (7) - 0,013 (2)

ZN (1) -0,067 11 (7) -0,062 5 (1) -0,189 15 (7) 0,008 7

ZN (2) -0,027 73 (6) -0,286 4 (1) -0,440 10 (7) 0,008 8

ZN (3) -0,345 76 (6) -0,285 1 (1) -0,189 44 (7) 0,007 0

ZN (4) -0,309 17 (6) -0,069 7 (1) -0,440 51 (7) 0,008 0

ZN (5) -0,092 61 (7) -0,534 4 (1) -0,188 54 (8) 0,008 9

ZN (6) -0,059 97 (7) -0,817 2 (1) -0,440 02 (7) 0,007 7

ZN (7) -0,314 36 (7) -0,810 7 (1) -0,188 84 (8) 0,008 6

ZN (8) -0,278 19 (6) -0,536 0 (1) -0,439 55 (7) 0,007 7

P (1) 0,156 8 (1) 0,283 0 (2) 0,124 9 (1) 0,006 1

P(2) 0,123 1 (1) 0,062 4 (2) 0,375 0 (1) 0,006 1

P (3) 0,404 9 (1) 0,030 7 (2) 0,124 5 (1) 0,005 5

P(4) 0,373 9 (1) 0,311 3 (2) 0,374 8 (1) 0,005 4

P(5). -0,156 0 (1) -0,283 6 (2) -0,126 8 (1) 0,005 6

P (6) -0,123 26 (9) -0,063 3 (2) -0,377 0 (1) 0,005 3

P(7) -0,404 4 (1) -0,031 3 (2) -0,126 5 (1) 0,005 4

P (8) -0,374 2 (1) -0,312 0 (2) -0,377 5 (1) 0,005 5

O (11) 0,169 2 (3) 0,438 8 (4) 0,137 6 (3) 0,007 8

O (12) 0,141 4 (4) 0,226 (1) 0,198 7 (6) 0,009 4

O (13) 0,233 4 (2) 0,219 5 (4) 0,112 4 (3) 0,008 6

O (14) 0,079 1 (2) 0,250 5 (5) 0,048 4 (3) 0,007 7

O (21) 0,044 1 (3) 0,148 0 (4) 0,359 2 (3) 0,010 5

0(22) 0,138 3 (2) -0,034 6(5) 0,450 1 (3) 0,007 1

O (23) 0,197 7 (2) 0,159 5 (5) 0,391 8 (3) 0,008 2

0(24) 0,111 9 (3) -0,024 (1) 0,298 7 (5) 0,003 5

O (31) 0,420 0 (3) 0,185 9 (4) 0,137 8 (3) 0,008 9

O (32) 0,389 3 (4) -0,033 (1) 0,202 3 (6) 0,010 0

O (33) 0,480 8 (2) -0,032 2 (4) 0,112 9 (3) 0,008 9

O (34) 0,327 5 (2) 0,000 9 (5) 0,046 1 (3) 0,008 9

O (41) 0,295 1 (2) 0,397 0 (4) 0,357 8 (3) 0,008 4

O (42) 0,389 7 (3) 0,214 9 (5) 0,450 1 (3) 0,010 3

O (43) 0,448 0 (2) 0,410 1 (4) 0,391 5 (3) 0,008 4

O(44) O,363 0 (4) 0,217 (1) 0,296 2 (6) 0,004 6

O(51) -0,166 7 (3) -0,439 3 (4) -0,140 4 (3) 0,009 2

O(52) -0,143 9 (4) -0,217 (1) -0,205 1 (6) 0,009 5

O (53) -0,233 6 (2) -0,225 7 (5) -0,114 5 (3) 0,009 1

O(54) -0,078 3 (2) -0,249 7 (5) -0,050 2 (3) 0,010 3

O (61) -0,045 7 (3) -0,151 1 (5) -0,362 7 (3) 0,010 4

O (62) -0,140 7 (3) 0,035 0 (5) -0,452 4 (3) 0,007 6

O (63) -0,199 0 (2) -0,155 1 (5) -0,392 5 (3) 0,008 7

0(64) -0,105 7 (3) 0,028 (1) -0,295 2 (5) 0,010 0

O (71) -0,417 0 (2) -0,186 9 (4) -0,140 0 (3) 0,008 2

O(72) -0,387 7 (3) 0,027 (1) -0,200 9 (5) 0,007 9

O (73) -0,482 4 (2) 0,029 1 (4) -0,115 7 (3) 0,008 1

O(74) -0,326 3 (2) 0,000 3 (5) -0,049 8 (3) 0,008 8

O (81) -0,296 6 (2) -0,399 8 (5) -0,362 0 (3) 0,008 7

O (82) -0,389 1 (3) -0,217 4 (5) -0,453.1 (3) 0,007 7

O (83) -0,450 4 (2) -0,404 3 (4) -0,392 7 (3) 0,005 7

O(84) -0,3617 (3) -0,223 (1) -0,304 1 (5) 0,008 6

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De même, à de faibles écarts près (environ ±0,02 sur la coordonnée réduite y, soit ±0,2 Â), tous les cations appartiennent à des plans (010) espacés de b/4. Enfin cette structure présente une pseudo-centrosymétrie si on ne distingue pas les atomes de lithium des atomes de zinc :

La non centrosymétrie est donc uniquement la conséquence de la distribution ordonnée des atomes Li et Zn. Dès lors l'existence d'une macle par mériédrie s'explique aisément puisque, du fait des caractéristiques précédentes, elle perturbe peu la distribution atomique. Certains sous-réseaux sont même parfaitement continus à l'interface : ceux des atomes O12, O24, O32 et O44 sont en coïncidence avec ceux de O84, O72, O64 et O52 respectivement.

Tous les cations sont situés à l'intérieur de tétraèdres oxygénés qui n'échangent entre eux que des sommets. Les tétraèdres PO4 sont les plus réguliers avec 1,477 gP-Og; 1,592 Â et 106,1^0-P-0^113,3° tandis que pour les tétraèdres LiO4 on note 1,86^Li-0^2,05 Â et 99,4^0-Li-0^ 132,5°; pour les tétraèdres Zn04 nous avons l,907^Zn-0^ 1,987 Â et 99,10^0-Zn-0^128,9°. Chaque oxygène est ainsi lié à trois cations d'espèces différentes constituant un ensemble [O Li Zn P] pratiquement

Cet arrangement atomique est semblable à celui de la phénacite Be2SiO4 qui admet le groupe d'espace centrosymétrique R 3 [9]. On doit alors noter que la maille monoclinique de LiZnPO4-a admet une pseudo-symétrie rhomboédrique correspondant à une maille de volume moitié: ar = a/2 —b/2 + c, br = a/2 + b/2 + c, cr = c avec ar = br= 16,867, cr= 17,092 Â, ar=Pr = 33,92 et yr=33,56°. Il est donc possible qu'une des formes H.T. de LiZnP04 présente une structure rhomboédrique centrosymétrique résultant d'un désordre cationique Li/Zn.

Les auteurs remercient le Docteur D. Watkin (Laboratoire de Cristallochimie de l'Université d'Oxford, Angleterre) pour ses remarques constructives et l'intérêt qu'il a porté à ce travail.

Note remise le 16 mars 1989, acceptée le 18 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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A. E., J.-P. S. et M. Q. : Laboratoire de Cristallochimie du Solide, C.N.R.S. n° 1388;

F. R. : Laboratoire de Chimie des Métaux de Transition, C.N.R.S. n° 608,

Université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05.

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Géophysique/Geophysics

Extension crustale dans le détroit de la Sonde (Indonésie). Données de la sismique réflexion (campagne KRAKATAU)

Omar LASSAL, Philippe HUCHON et Hery HARJONO

Résumé — Six séquences sismiques ont été identifiées sur les profils de sismique réflexion obtenus en 1985 dans le détroit de la Sonde lors de la campagne océanographique franco-indonésienne KRAKATAU. Leur analyse structurale et straligraphique et les estimations de la subsidence tectonique mettent en évidence une zone fragilisée par une fracturation ancienne bien marquée dans la direction Nord-Sud, et soumise depuis le Pliocène (5 M.a.) à une forte extension. Cette extension serait liée au jeu dextre de la faille de Sumatra et explique l'ouverture du détroit depuis 5 M.a.

Crustal stretching in Sunda strait (Indonesia) from seismic reflection data

(KRAKATAU cruise)

Abstract — Six seismic sequences have been identified on the seismic reflection profiles recorded in 1985 in the Sunda Strait during the French-lndonesian cruise KRAKATAU. Their structural and stratigraphie analysis and tectonic subsidence estimations outline an area weakened by a pre-existing N-S trending fracture system, which has been subjected to a strong extension since the Pliocene (5 M.a.). This extension could be related to the Sumatra right lateral strike-slip fault and could explain the opening of the strait since the last 5 M.a.

Abridged English Version — INTRODUCTION. — Single channel seismic reflection profiles as well as Seabeam bathymetric data, magnetics and gravity data were recorded off Sunda Strait during the KRAKATAU cruise of the R/V Jean-Charcot in 1985. The main target of this survey was to test the model proposed by Huchon and Le Pichon [5] for the formation of the Sunda strait in relation with the Central Sumatra Fault.

GEOLOGICAL FRAMEWORK. — The Sunda Strait marks the boundary between Java trench frontal subduction and Sumatra trench oblique subduction (Fig. 1). The Central Sumatra Fault is a right lateral strike-slip fault that accomodates the oblique subduction [7]. This fault appears to end within Sunda strait in a complex pattern of normal and possibly strikeslip faults associated with subsidence, seismicity and volcanism (the famous Krakatau volcano is located right in the middle of the strait). In addition, the fore-arc area as well as the accretionary prism are concave toward the strait, suggesting that the influence of the Central Sumatra Fault still exists there. In order to explain the formation of the strait, several authors ([3], [8], [9], [10]) have invoked a possible clockwise rotation of Sumatra with respect to Java. Another explanation [5] is that the extension in the strait is a consequence of the northwestward motion of the southwestern Sumatra block along the Central Sumatra Fault since the middle Miocene.

STRUCTURAL AND STRATIGRAPHIC ANALYSIS. — Six sedimentary sequences have been identifïel [11] on the seismic profiles (Figs. 2 and 4) located in the strait and in the adjacent fore-arc basin and correlated with sequences described off Sumatra [12], off Java [13] and in the eastern part of the strait [15]. From top to bottom, the sequences are: A, Pleistocene to recent infïll; B, Pliocène infill onlapping; C, upper Miocene transparent faciès; D, middle Miocene infill onlapping; E, lower Miocene transparent facies; F, Eocene-Oligocene fore-arc basin sediments. Three unconformities have been recognized: the regional OligoceneMiocene unconformity on top of sequence F, an erosional surface between sequences C and D

Note présentée par Xavier LE PICHON. 0249-6305/89/03090205 $2.00 © Académie des Sciences

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and a hiatus in sedimentation between sequences B and C. The basement isochron map (Fig. 3) shows dominant N-S trending structures in the northern part (the N-S graben in the middle of the strait) changing to NW-SE in the southern part. These main features are confïrmed by the interpretation of the Seabeam bathymetric map (Fig. 2). Sequence B shows a clear onlap at its base and a toplap at its top (Fig. 2). Sequence B shows a clear onlap at its base and a toplap at its top (Fig. 4 a) which characterize a sedimentation in preexisting subsiding basins. This subsidence is confïrmed by the occurrence of reefs in sequence C (Fig. 4 a).

SUBSIDENCE AND EXTENSION IN THE SUNDA STRAIT. — The subsidence since 5 M.a. has been estimated assuming an uppermost Miocene age for the reefs. After removing the effect of sediments, the computed tectonic subsidence on profiles 5 and 34 is 1.9 and 2.1 km respectively, which corresponds to a stretching factor [16] of 2.1 and 2.4 respectively. The same analysis has been performed for the time intervais separated by the major unconformities at 13 and 28 M.a. It demonstrates a rapid increase in subsidence 5 M.a. ago. Since the stretching factor has been estimated on N-S and E-W profiles, it results in a total stretching factor of about 3.4 along a NW-SE direction. This figure, which is however a maximum obtained in the central graben, probably explains the opening of the strait since 5 M.a. ago, with a maximum displacement of 50 to 70 km along the Central Sumatra Fault.

CONCLUSIONS. — The structural and stratigraphic analysis of the seismic profiles obtained in The Sunda Strait and in the adjacent fore-arc area demonstrates that this area has undergone a large NW-SE trending extension since 5 M.a. ago. The main N-S graben appears to be a pull-appart basin Connecting the Central Sumatra Fault to several, other although less important, parallel right lateral faults in the fore-arc area (Fig. 2). This study thus confirms in great part the model proposed by Huchon and Le Pichon [5]. The extension evidenced before 5 M.a. ago can probably be related to the initiation of this geodynamic system, linked to the begining of the oceanic accretion in the Andaman sea [17].

CONTEXTE GÉOLOGIQUE DU DÉTROIT DE LA SONDE. — Le détroit de la Sonde sépare Java et Sumatra, deux îles importantes de l'archipel indonésien, dont la forme est certainement liée à la collision du continent indien avec la plaque Eurasie [1]. Son importance géodynamique découle de la variation ou de l'interruption au niveau du détroit des traits majeurs (fig. 1) liés à la subduction de la plaque océanique Australienne sous la plaque Eurasie : (1) la convergence est subnormale à Java et oblique à Sumatra; (2) le pendage de la zone de Benioff est de 30° à Sumatra et de 60° à Java ([2], [3]). Ceci est expliqué par la différence d'âge de la croûte océanique plongeant sous Sumatra (40-70 M.a.) et sous Java (140 M.a.) [4]; (3) face au détroit, l'axe de la fosse a une configuration concave par rapport à l'océan Indien sur environ 500 km [5]; la ride d'accrétion et le bassin avant-arc y ont une morphologie beaucoup moins exprimée; (4) dans le détroit, on note une concentration de l'activité sismique superficielle [6] et volcanique avec notamment la présence du volcan Krakatau.

Le trait tectonique majeur de la région est certainement la grande faille décrochante dextre de Semangko, longue de 1 650 km et disposée parallèlement à l'axe longitudinal de Sumatra. Cette faille se poursuit au nord par les failles transformantes du bassin d'Andaman et aboutit au sud dans le détroit de la Sonde. Cette faille active, dite aussi Faille centrale de Sumatra, est interprétée comme due à l'obliquité de la convergence

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([5], [7]). Au sud, la faille semble disparaître dans le détroit où elle se termine probablement selon un dispositif en extension associé à une zone sismique et volcanique approximativement nord-sud [5].

L'origine du détroit de la Sonde est dû pour certains auteurs ([8], [9], [3], [10]) à la rotation dans le sens horaire de Sumatra par rapport à Java, et pour d'autres [5] à l'extension liée au jeu de la faille de Semangko. Cette dernière hypothèse repose sur un déplacement horizontal d'environ 20 à 100 km du compartiment sud-ouest de la faille qui fonctionnerait depuis le Miocène moyen et aurait provoqué l'ouverture du détroit (lui-même large de 100 km).

Des profils sismiques monotrace ont été enregistrés à bord du N/O Jean-Charcot au large et dans le détroit de la Sonde lors de la campagne KRAKATAU en 1985. Le présent travail vise à mieux comprendre la structuration du détroit en relation avec ce contexte.

ANALYSE STRUCTURALE ET STRATIGRAPHIQUE DES SÉQUENCES. — Les profils sismiques interprétés (fig. 2) sont situés dans la partie sud du détroit et dans le bassin avant-arc. Les séquences sismo-stratigraphiques observées sur les sections ont été identifiées et corrélées avec celles précédemment décrites dans la région ([12], [13], [15]). Elles sont au nombre de six [11] : A, Pléistocène à Récent; B, Pliocène : terminaison en biseau stratigraphique (onlap); C, Miocène reconnaissable à son faciès transparent; D, Miocène moyen : terminaison en biseau stratigraphique (onlap); E, Miocène inférieur à faciès transparent; F, Oligocène-Éocène.

Au large de Sumatra, Beaudry et Moore [12] ont corrélé un profil de sismique réflexion avec les résultats d'un forage (Pandjang). La datation de la séquence F a été obtenue par la présence de Nummulites d'âge Éocène. En raison de l'absence de sédiments d'âge Pliocène inférieur et Miocène supérieur, il a été attribué un âge Miocène inférieur aux séquences C et D. Les travaux de Bolliger et Ruiter [13], basés sur des données pétrolières et notamment une corrélation stratigraphique entre deux forages (ALV.1 et BOR.1) obtenue grâce à des zonations par foraminifères, ont mis en évidence, outre les deux séquences plioquaternaires, trois séquences d'âges Miocène supérieur, Miocène moyen et Miocène inférieur reposant en forte discordance angulaire sur des tuffs et des argiles oligocène. Les deux forages se terminent dans du basalte et des brèches volcaniques non datés. Plus récemment Mulhadiono et Asikin [15] ont présenté une corrélation

Fig. 1. — Localisation de la zone d'étude et son contexte géodynamique (d'après Huchon et Le Pichon [5], modifiée). 1 : déchochement; 2 : centre d'accrétion; 3 : fosse de subduction; 4 : axe de la ride d'accrétion; 5 : axe du bassin avantarc; 6 : direction du mouvement relatif; 7 : volcan actif; 8 : zone d'étude.

Fig. 1. — Location of study area ant its geodynamic setting (modified from Huchon and Le Pichon [5]). 1: strike-slip fault; 2: spreading centers; 3: subduction trench; A: outer ridge axis; 5: fore-arc basin axis; 6: relative motion direction; 1: active volcano; 8: study area.

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stratigraphique de neuf puits pétroliers dont trois sont situés dans la partie est du détroit de la Sonde. La datation des six séquences sédimentaires est en accord avec celle de Bolliger et Ruiter.

Entre ces séquences, trois surfaces de discordance ont été définies : au toit de la séquence F, la discordance Oligo-Miocène est corrélée dans la région à une surrection et une érosion de l'arc volcanique [14]; entre la séquence C et la séquence D, une surface d'érosion est probablement d'âge Miocène moyen; entre les séquences C et B, une discontinuité représente un hiatus dans la base du Pliocène.

Les isochrones de la base des sédiments (fig. 3) montrent des structures de direction N-S dans la partie nord qui semblent tourner vers le sud à une direction NW-SE. Le socle acoustique paraît affecté par de nombreuses failles normales. Le grand graben allongé N-S semble être recoupé vers le sud-est par une série d'accidents NW-SE. Le rejet des failles normales qui le bordent diminue vers le sud. Son flanc Est est segmenté par des failles normales NE-SW. La plus importante d'entre elles semble se prolonger vers le volcan Krakatau.

Dans la zone du bassin avant-arc, les structures gardent globalement une orientation NW-SE, sous la forme de bassins allongés et probablement recoupés par des accidents d'orientation NE-SW de moindre ampleur et difficiles à corréler sur les sections.

Du point de vue stratigraphique, la séquence A-Pléistocène à Récent correspond à une sédimentation de type pélagique. La séquence B-Pliocène est identifiée par un puissant « onlap » à la base et un « toplap » au sommet (fig. 4 a). Elle caractérise un dépôt par piégeage dans des cuvettes subsidentes de structuration antérieure. La séquence C-Miocène supérieur est marquée généralement par un léger « downlap » à la base et une troncature par érosion au sommet. La configuration des réflecteurs (parallèles, en éventail, divergents) indique des milieux variés de dépôt. L'existence de récifs identifiables par des « pull-up » de vitesse sur les profils 5, 32 et 34 dénoterait la nature carbonatée de cette série et la faible profondeur du dépôt (fig. 4 a et b). Dans le grand graben N-S, la séquence C semble être la dernière à avoir subi de manière évidente les mouvements tectoniques verticaux. Il est vraisemblable que le jeu (ou le rejeu) de ces accidents tectoniques majeurs du détroit soit synsédimentaire de cette séquence et ait permis du fait des mouvements verticaux le dépôt de faciès variés.

Le flanc ouest du graben N-S est cacheté par la séquence A qui n'est donc pas affectée par les mouvements tectoniques (fig. 4 b). Par contre, vers l'est, et en particulier au niveau des failles orientées NE-SW et NW-SE, la séquence A est affectée par le rejeu de

EXPLICATIONS DES PLANCHES

Planche I

Fig. 2. — Schéma bathymétrique et structural de la zone d'étude. Pointillés ; profils de la campagne KRAKATAU. a, b, c : position des profils sismiques 5, 34 et 38 (fig. A). K : volcan Krakatoa.

Fig. 2. — Bathymétrie and structural sketch of the studied area. Dotted lines: tracks during the KRAKATAU cruise. a, b, c: location of seismic lines 5, 34 and 38 (Fig. 4). K: Krakatoa volcano.

Fig. 3. — Isochrones du socle en temps double. 1: 1 à 2 s ;2:2 à 3s ; 3 : 3 à 4 s ;4: 4 à 5 s; 5: 5s et plus. Fig. 3. — Basement isochrons map in two-way travel time; 1: 1 to 2 sec; 2: 2 to 3 sec; 3: 3 to 4 sec; A: A to 5 sec; 5: more than 5 sec.

PLANCHE I/PLATE I

OMAR LASSAL

PLANCHE II/ PLATE II

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 205-212, 1989 211

Planche II

Fig. 4. — Exemples de coupes sismiques (voir figure 2 pour localisation). Les lettres A à F désignent les séquences sismiques décrites dans le texte. Vitesse du bateau : 10 noeuds. Exagération verticale : 10. a : profil 5 : récif et graben; b : profil 34 : flanc ouest du grand graben; c : profil 38 : failles actives en surface.

Fig. 4. — Examples of seismic sections (see Figure 2 for location). A to F correspond to the seismic sequences as described in the text. Ship's speed: 10 knots. Vertical exaggeration: 10. a: profile 5: reef and graben. b: profile 34: west side of the main graben. c: profile 38: active faults on the surface.

ces failles (fig. 4 c). Ceci est le témoin de leur activité tectonique récente dans le détroit où des mécanismes au foyer récemment déterminés [6] sont en faille normale parfois à composante décrochante. La limite entre les séquences A et B pourrait être plus profonde dans les grabens que celle qui a été adoptée. Dans ce cas, ce qui semble être des biseaux internes de B serait une terminaison en « onlap » de A sur B. Les deux séquences pourraient alors être interprêtées comme deux épisodes successifs de subsidence. Un seul ensemble plio-quaternaire a été considéré dans les calculs de subsidence.

SUBSIDENCE ET EXTENSION DANS LE DÉTROIT DE LA SONDE. — La subsidence tectonique a été estimée d'après l'enfoncement des récifs supposés d'âge Miocène supérieur. Avec des vitesses sismiques dans l'eau, dans les sédiments pho-pléistocènes et dans les sédiments miocènes de 1,5, 2 et 2,5 km s- 1 respectivement et des densités correspondantes de 1, 2,2 et 2,5 g cm- 3, la subsidence tectonique calculée sur les profils 5 et 34 est comprise entre 1,9 et 2,1 km; ce qui donne un taux d'enfoncement moyen de 400m M.a.- 1, en supposant la mort des récifs il y a 5 M.a. Cela correspond, selon la formulation de Le Pichon et coll. [15] à un taux d'extension compris entre 2,1 et 2,4. En considérant la profondeur des surfaces d'érosion déjà définies (base de B, base de C, toit de F), avec l'hypothèse qu'elles étaient au niveau 0 il y a 5, 13 et 28 M.a., les résultats des calculs indiquent un régime en extension faible et sans variation notable de l'Oligocène jusqu'au Miocène supérieur et une forte et rapide extension Pliocène. Le facteur d'extension Pliocène p est compris entre 2 et 2,4 dans les zones de graben et tend à croître vers le Sud. Les facteurs d'extension déterminés sur des profils N-S et E-W (5 et 34), permettent d'estimer le facteur d'extension résultant, voisin de 3,4, avec deux directions possibles soit NW-SE soit NE-SW. Cependant, la direction NE-SE paraît plus probable car le profil 4, globalement orienté NE-SW, ne montre pas de grande subsidence pliocène. Il s'agit de plus de la direction de la faille de Semangko. Un tel dispositif conduit donc à interpréter le graben N-S comme un fossé extensif en terminaison ou en relai de décrochement.

Un tel ordre de grandeur du facteur d'extension dans la direction NW-SE explique vraisemblablement la formation du détroit depuis 5 M.a. Cependant, ce taux est déterminé au niveau du graben central, là où l'extension est la plus forte. Cette valeur est une limite supérieure du taux d'extension totale pour l'ensemble du détroit. On pourrait donc estimer à un maximum de 50 à 70 km environ le déplacement le long de la faille de Semangko.

CONCLUSIONS. — L'analyse structurale et stratigraphique a révélé l'existence d'une fracturation Oligo-Miocene où vient se transformer en forte extension, à partir du Pliocène, le grand décrochement dextre de Semangko (fig. 2). Cette extension globalement NW-SE s'accompagne de plusieurs effets : forte et rapide subsidence, formation d'un bassin en « pull-apart » (le graben N-S), segmentation et rotation de blocs sur le flanc est du graben, expression déprimée du bassin avant-arc et de la ride d'accrétion.

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 15

212 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 205-212, 1989

Par ailleurs l'extension est telle qu'elle pourrait expliquer pratiquement l'ouverture du détroit à partir du Pliocène, et avoir provoqué par « effet d'aspiration » la translation du prisme d'accrétion vers la zone fragile, donc le rentrant de la fosse. L'étude confirme donc l'hypothèse de Huchon et Le Pichon [5] de l'ouverture du détroit par extension liée au fonctionnement de la faille de Semangko. Cette ouverture serait d'abord guidée par une légère extension anté-pliocène qui a suivi l'initiation des failles N-S et probablement de la faille de Semangko. Ce régime tectonique serait contemporain du « rifting » de la mer d'Andaman il y a 13 M.a. ([5], [17]) et compatible avec les hypothèses cinématiques d'une extention E-W du Sud-Est Asiatique suite à la collision Inde-Eurasie ([1], [18]). Provoquée par le jeu dextre de la faille de Semangko qui accompagne l'océanisation de la mer d'Andaman il y a 6 M.a. [17], une forte extension Pliocène orientée NW-SE assure la quasi-totalité de l'ouverture du détroit. Cet épisode est à mettre en relation avec la déformation intra-plaque de la plaque Indo-Australienne ([19], [20]) qui correspondrait à la fin de la surrection de l'Himalaya, et avec la rotation vers l'Est de la direction de convergence Inde-Eurasie il y a 7 M.a. [21].

Ce travail entre dans le cadre du projet franco-indonésien KRAKATAU qui a bénéficié du support financier de l'A.T.P./G.G.O. du C.N.R.S. et d'IFREMER. Nous remercions le commandant et l'équipage du NjO JeanCharcot, V. Renard et les scientifiques à bord, en particulier Derk Jongsma qui a effectué l'interprétation préliminaire des profils. Nous avons bénéficié de l'aide et des conseils de J. Dubois, C. Deplus, M. Diament et de S. Pramumijoyo. Qu'ils en soient vivement remerciés, ainsi qu'un rapporteur anonyme. Note remise le 6 mars 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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Université de Paris-Sud, Bât. n° 509, 91405 Orsay Cedex

et ENAGEO, B.P. n° 140, Hassi-Messaoud, Algérie;

P. H. : Laboratoire de Géologie (U.R.A. n° 1316 du C.N.R.S.),

École normale supérieure, 24, rue Lhomond, 75231 Paris Cedex 05;

H. H. : Laboratoire de Géophysique (U.A. n° 730 du C.N.R.S.),

Université de Paris-Sud, Bât. n° 509, 91405 Orsay Cedex

et Puslitbang Geoteknologi, L.I.P.I., J1.Cisitu 21/154D, Bandung 40135, Indonesia.

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Sismologie/Seismology

Étude d'un essaim de séismes dans le Sud du Vanuatu (SO-Pacifique) par un réseau de stations sismologiques

sous-marines (OBS)

Rémy LOUAT, Cliff FROHLICH, Philippe CHARVIS, Yann HELLO, Paul MCPHERSON +, Yosio NAKAMURA et Bernard PONTOISE

Résumé — La sismicité superficielle du Sud du Vanuatu se caractérise par un essaim permanent de séismes entouré de zones calmes. Deux réseaux de stations sismologiques mouillées sur cet essaim montrent que le milieu au-dessus de la plaque plongeante est asismique et que les séismes sont localisés dans une couche de 3 km d'épaisseur au sommet de cette plaque. L'essaim de séismes résulte d'abord de la perturbation du mouvement de convergence apporté par un ensemble de failles normales affectant le sommet de la plaque plongeante, et ensuite, du jeu de ces failles.

Seismological study of a seimic cluster in Southern Vanuatu (SW Pacific) by an

OBS network

Abstract — The shallow seismicity in Southern Vanuatu consists of a permanent swarm of earthquakes surrounded by quiet zones. Two OBS networks operated above the swarm show that the domain above the downgoing plate is aseismic and that nearly all the foci lie within a 3 km thick layer in the uppermost part of the subducted plate. This peculiar seismicity is caused primarily by the subduction of scarps and secondarily by relative motion along those scarps.

Abridged English Version — I. INTRODUCTION. — The shallow earthquakes resulting from thrusting motion recorded during a 20 year window are unevenly distributed along the lenght of the New Hebrides subduction zone (Fig. 1). Quiet zones (dashed area) alternate with permanent clusters of foci. The understanding of these irregularities is important for the study of the shallow earthquakes with large magnitude ([1], [2]). This paper deals with a seismic cluster marked at 20°S in Figure 1 by a rectangle. Focal mechanisms on the area ([3] to [9]) show that the thrusting motion is perpendicular to the trench at the level of the cluster. In order to get more information, two OBS networks were dropped on the cluster during the EVA 13 cruise. The OBS location of the second network gave better results which are given in Figure 2. The OBS used for EVA 13 were designed by the University of Texas at Austin [10]. Two types of OBS operated: one records the three components of the ground motion on a digital cartridge and the other the Z component analogically. The second type of OBS was designed 15 years ago. A seismic swarm (numbered 1 and 2) located below each network has been recorded.

II. RESULTS. — As all S minus P time measured from both swarms of events are greater than two seconds, no earthquake is shallower than 10 km below any OBS. The domain above the plunging plate is therefore considered as aseismic.

Swarm number 1. — Fourty earthquakes located around 20.05°S-168.70°E have been recorded (Fig. 3-1). Except for the foci localized by numbers giving the depth, events are within the dashed area. The locations have to be considered as statistical ones. The depth of the epicenters located near OBS 03 is well established (16 km) because it derives directly from the S minus P and the velocity model [11].

Swarm number 2. — The sixty events recorded from this swarm (Fig. 3-2) are accurately localized because four OBS have recorded part of the séquence. The S-P time measured

Note présentée par Xavier LE PICHON.

0249-6305/89/03090213 $2.00 © Académie des Sciences

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on the OBS 25, which was the only digital one, was the parameter with the greatest weight. Epicenters are roughly distributed along a N50°E trending line. The depths increase slightly eastwards from 19 to 24 km. This pattern and the first motions recorded on the OBS 24 and 25 are compatible with the nearvertical nodal plane of focal mechanism solution 8 in Figure 2.

III. INTERPRÉTATION. — On a cross-section (Fig. 4) we have plotted the ISC seismic foci, the events localized by the OBS and the top of the downgoing lithosphère. The foci localized by the OBS are in a 3 km-thick band on the top of the lithosphère.

Considering focal mechanism 8, a normal fault transverse to the arc with an oblique component is associated to swarm 2. In the Figure 5, we have mapped the normal faults of the downgoing plate [12] and the active surfaces associated with the two largest events reported in the area (Nov. 1972, Ms = 7.0; Aug. 1976, Ms = 6.9). Swarm 2 coincides with the boundary between the two active zones. The fault associated with the second swarm separates two compartments on the top of the downgoing lithosphere, the southern one subsides by a loading effect of the arc which is, in the south, morphologically closer to the trench.

IV. CONCLUDING REMARKS. — The earthquakes associated with the cluster at 20°S are concentrated in a thin layer in the upper part of the downgoing lithosphère. The permanent seismicity is interpreted as the resuit of the subduction of normal-fault induced scarps. The slope of the interplate boundary is steeper at the place where the scarps plunge, thus the strength which opposes the interplate motion creates localized accumulation of stresses translated by permanent seismicity. The main contribution of the two OBS networks was to show that the seismicity is related to the upper part of the plunging plate and to evidence a transverse fault. The seismicity of this fault was ignored by the regional seismic network.

I. INTRODUCTION. — La subduction de la plaque australienne sous l'arc insulaire des Nouvelles-Hébrides s'accompagne d'une forte sismicité superficielle (fig. 1). Sur une fenêtre de 20 années, la distribution longitudinale des séismes superficiels donnée par l'I.S.C. entre la fosse et l'arc est loin d'être uniforme. Des zones dites calmes (hachurées) et des zones où la sismicité est plus intense alternent le long de la fosse. La compréhension des mécanismes à l'origine de ces zones calmes et actives est reconnue comme fondamentale pour l'étude des forts séismes superficiels ([1], [2]). Cette Note a pour objet l'essaim de séismes à 20°S marqué par un rectangle sur la figure 1.

II. L'ESSAIM A 20° SUD. — Nous pouvons voir, sur la figure 2, les mécanismes focaux provenant de l'essaim ([3] à [9]). Si, dans le Sud les mécanismes 1 et 8 sont liés à des mouvements différentiels le long de l'arc, au niveau de l'essaim, nous trouvons une faille normale en avant de la fosse (mécanisme 6) et entre la fosse et l'arc des mécanismes de chevauchement. L'essaim de séismes à 20°S n'est donc pas le résultat d'une perturbation majeure du mouvement de subduction. Pour avoir plus de précision sur cet essaim de séismes, nous avons déployé durant la campagne EVA 13 (août-septembre 1986) deux réseaux de stations sous-marines (OBS). La configuration du second réseau est indiquée par les cercles noirs sur la figure 2.

III. LES RÉSEAUX D'OBS EVA 13. — Les OBS utilisés ont été développés par l'Université du Texas [10]. Deux types d'OBS ont été utilisés lors de la campagne EVA 13. Le premier enregistre la composante verticale sur bande magnétique analogique, le second, utilisé

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pour la première fois en sismologie, enregistre sur cartouche numérique les trois composantes échantillonnées à 40 Hz du mouvement du sol. Le premier réseau (OBS 1 à 13) n'a pas fonctionné correctement. Le second réseau (OBS 14 à 25) a donné des résultats plus satisfaisants après modification des paramètres programmables. Une crise sismique (essaim 1 et 2) localisée sous chaque réseau d'OBS a pu être enregistrée.

IV. RÉSULTATS OBTENUS. — Aucun enregistrement de microséisme très proche d'un OBS, n'a montré une différence de temps séparant l'arrivée de l'onde P et S (S-P) inférieure à 2 s. Les foyers sismiques détectés sont donc à une profondeur supérieure à 10 km sous les OBS. On peut donc conclure que le prisme d'accrétion est asismique.

L'essaim numéro 1. — Un essaim de 40 séismes a été mis en évidence autour du point 20,05°S-168,70°E. Excepté pour les foyers localisés par des chiffres qui indiquent la profondeur des foyers, les résultats de la figure 3-1 sont à prendre dans un sens statistique. Les foyers sont dans la zone grisée et leur profondeur est comprise entre 16 et 19 km. La profondeur des foyers près de l'OBS 3 est le résultat le mieux établi : 16 km. Cette valeur est déduite de la mesure de l'intervalle de temps S-P,sur l'OBS 3 et du modèle de vitesse [11]. L'incertitude sur la profondeur est proche de 1 km puisque l'erreur de mesure sur le temps S-P est inférieure à 0,1 s sur les OBS numériques.

L'essaim numéro 2. — Les 60 séismes constituant ce second essaim sont mieux localisés (fig. 3-2) puisque 4 OBS (21, 22, 24 et 25) ont enregistré une partie des événements sismiques. Sur ces 4 OBS, seul l'OBS 25 est numérique, le temps S-P sur cet OBS a été le paramètre auquel on a donné le plus de poids. Sur la figure 3-2, on voit les épicentres grossièrement s'aligner sur une droite de direction N50°E et la profondeur augmenter près de l'OBS 25. Toutes les ondes P provenant de l'essaim sont impulsives et polarisées

Fig. 1. — Sismicité superficielle du Sud Vanuatu vue par au moins 20 stations (Bulletin du Centre séismologique international, I.S.C., 1964-1982). La fosse est indiquée par le trait à gauche de la zone hachurée. Les zones calmes sont soulignées par des hachures. N.C. : NouvelleCalédonie; L.I.R. : Ride des Loyauté; V.I. : Iles du Vanuatu. Le rectangle délimite la zone étudiée par les OBS.

Fig. 1. — Map showing shallow seismicity of the Southern Vanuatu. Epicenters (circles) occurred between 1964 and 1982, and were located by l.S.C. using 20 or more stations. The thick line on the left is the trench. The lighter lines between active areas delineate quiet zones. N.C: NewCaledonia; L.I.R.: Loyalty lslands Ridge; V.I.: Vanuatu lslands. The rectangle marks the area studied by OBS networks.

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négativement sur l'OBS 25, alors que les signaux sur l'OBS 24 sont émergents comme si les directions foyers-OBS étaient dans un plan de faille. Le second essaim est compatible avec une faille similaire à celle que montre le mécanisme focal numéro 8 au bas de la figure 2.

V. INTERPRÉTATION. — Nous avons reporté sur une coupe perpendiculaire à l'arc les séismes de la figure 2 sur l'essaim à 20°S (fig. 4). Tenant compte de toutes les données disponibles, nous avons tracé le sommet de la plaque plongeante, cette courbe est reportée dans l'encadré avec les séismes bien localisés par les OBS. Les séismes sont à l'intérieur d'une couche de 3 km d'épaisseur au sommet de la plaque plongeante. En bas de l'encadré un séisme se distingue des autres, il est à 15 km à l'intérieur de la plaque qui plonge. L'épaisseur de la croûte de la plaque plongeante pouvant être estimée à 16 km [11], ce foyer est associé à une rupture au bas de la croûte.

Au vu du mécanisme numéro 8 (fig. 2), nous interprétons les séismes du second essaim par la présence d'une faille normale et décrochante transverse à l'arc. Une approche régionale nous permet de la situer dans le contexte tectonique du Sud des NouvellesHébrides. Sur la figure 5, on a dessiné sur l'essaim à 20°S les zones actives des deux principaux séismes qui ont affecté la zone : celui du 2 novembre 1972 (Ms = 7,0) et celui du 2 août 1976 (Ms = 6,9). La zone active du premier séisme est bien délimitée par la séquence des précurseurs (zone hachurée) qui s'est développée en septembre et octobre 1972. Les épicentres de l'essaim 2 coïncident avec la limite séparant les zones actives des séismes de 1972 et 1976. La faille associée à l'essaim 2 pourrait donc séparer deux compartiments ayant chacun leur sismicité propre. Le compartiment sud s'enfoncerait sous l'effet de charge de l'arc qui morphologiquement semble plus proche de la fosse dans la partie méridionale de l'arc des Nouvelles-Hébrides.

Pour tenir compte de la forme concave des courbes de niveau du mur interne de l'arc, on a tracé, sur la figure 5, parallèlement à ces courbes, une ligne de failles normales appartenant à la plaque plongeante. Dans le haut de la figure, cette ligne (F.L.) est dans

Fig. 2. — Carte de l'essaim à 20° Sud. La profondeur des contours est en kilomètres. Les séismes sont ceux de

la figure 1. Les mécanismes focaux sont référencés par des chiffres (1 [3]; 2 [4] et [9]; 3 [5] et [9]; 4 [4]; 5 [6];

6, 7 [7]; 8 [8]). Les cercles pleins donnent la position des OBS du second réseau. Fig. 2. — Map showing the seismicity of the cluster at 20°S. Depth contours are in kilometers. Seismicity is

as in Figure 1. Focal mechanisms are referenced by numbers (1 [3]; 2 [4] et [9]; 3: [5] et [9]; 4 [4]; 5 [6]; 6, 7

[7]; 8 [8]). Black circles are station locations of the second OBS network.

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le prolongement d'une faille bordière de la ride des Loyauté qui coupe la fosse à 20°S [12]. Plus bas, elle devient N-S, nous l'associons aux précurseurs du séisme de 1972 qui sont à l'Ouest de la zone active qui lui est liée. L'essaim de séismes numéro 1 est localisé au point d'intersection des failles normales N-S et de la faille F.L.

VI. CONCLUSION. — L'essaim à 20°S apparaît donc comme :

1. une zone où le prisme d'accrétion est asismique;

2. une zone où le sommet de la plaque plongeante est perturbé par des failles normales. Le mouvement de subduction n'est pas modifié mais les irrégularités du contact plaquearc, introduisent un supplément de contraintes qui se traduit par une sismicité spécifique.

Fig. 3. — Carte des épicentres des essaims 1 et 2. La zone grise représente l'aire dans laquelle l'essaim 1 s'est produit. Les chiffres indiquent la position et la profondeur des séismes localisés. Les points noirs représentent les OBS utilisés pour l'étude des essaims 1 et 2. Les cercles indiquent la position des autres OBS. Les numéros de ces OBS sont soulignés.

Fig. 3. — Map of epicenters from swarm 1 and 2. Shaded area shows the geographie extent of the swarm 1. Numbers without underlines indicate the location and depth computed for some events.. Filled circles are OBS stations operating at the time of the swarms, open circles are others OBS. Underlined numbers are OBS stations numbers.

Fig. 4. — Coupe transversale de la sismicité donnée par l'ISC et les OBS sur l'essaim à 20°S. Les cercles pleins et les droites sont les foyers et les plans de failles donnés par les mécanismes focaux. Le sommet de la lithosphère plongeante est indiqué par le trait plein. La position des OBS est donnée par leur numéro, l'axe de la fosse est indiqué par A.F.

Fig. A. — Cross section on the cluster showing seismicity located by the OBS network (inset) and the ISC. Filled circles and line segments display foci and fault dips as given by focal mechanisms. The thick line shows the inferred top of subducted plate. OBS station locations are indicated by their number and A.F. is the location of the trench axis.

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L'apport principal des OBS à l'étude tectonique d'une zone sismiquement active séparant deux zones calmes a été de mettre en évidence à cet endroit une faille transverse à l'arc (essaim 2).

Nous remercions l'équipage du N/O Coriolis pour sa coopération et Roger Foy, Alain Grzesczyk, François Jamet et Patrick Rigolot pour leur participation à la campagne EVA 13. P. M. est décédé en février 1989.

Note remise le 30 janvier 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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R. L. : Centre ORSTOM, B.P. n° A5, Nouméa Cedex, Nouvelle-Calédonie; P. C, Y. H. et B. P. : ORSTOM, C.E.R.O.V., Laboratoire de Géodynamique sous-marine,

B.P. n° 48, 06230 Villefranche-sur-Mer;

C. F., P. M. et Y. N. : Institute for Geophysics, The University of Texas at Austin,

8701 Mopac Boulevard, Austin, Tx, 78759-8345, U.S.A.

Fig. 5. — Interprétation structurale de l'essaim à 20°S. Les lignes épaisses sont les failles normales. Les zones grisées correspondent aux essaims 1 et 2. La zone hachurée recouvre les précurseurs du séisme de novembre 1972. Les zones actives des séismes de novembre 1972 et août 1976 sont indiquées par 11-1972 et 08-1976.

Fig. 5. — Structural map of the cluster near 20°S. Thick lines are normal faults. Shaded areas are swarms 1 and 2. Hashed areas are locations of the November 1972 Ms = 7.0 foreshocks. The numbers 11-1972 and 08-1976 show the active zones of the November 1972 and August 1976 events, respectively.

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Océanographie physique/Physical Oceanography

Sur l'usage des phases des variations de la « constante

solaire » dues à l'excentricité de l'orbite terrestre pour la

datation de séries sédimentaires océaniques

Maxence REVAULT DALLONNES et Micheline DENIS-CLOCCHIATTI

Résumé — Il est classique — depuis les travaux de Milankovitch — de comparer les variations du contenu en tel ou tel constituant le long de séries sédimentaires aux fluctuations de l'insolation de la Terre dans le passé. Pour ce faire, une relation linéaire de la cote à l'âge (vitesse « moyenne » de sédimentation), déduite des données biostratigraphiques, isotopiques ou paléomagnétiques, est, en général, utilisée.

On propose ici, après détermination des dates des extrémités d'une carotte sédimentaire, d'utiliser les phases des composantes harmoniques des séries de Frourier des signaux « source » astronomique et «signature» sédimentaire pour définir et calculer une vitesse « instantanée » d'accumulation. Son emploi permet alors de reconstituer selon le temps les données mêmes du sondage considéré et conduit à une copie presque conforme des variations de l'insolation associées à celles de la distance Terre-Soleil.

La comparaison des résultats obtenus pour un sondage du secteur antarctique de l'Océan Indien à ceux que fournit l'analyse d'une carotte du Pacifique equatorial suggère l'existence d'un lien universel et simple du paléoclimat planétaire aux variations des paramètres de l'orbite terrestre de très basses fréquences.

Using the phases of variations in the "solar constant" resulting from the eccentricity of Earth's orbit to date oceanic sedimentary séquences

Abstract — It is usual, since Milankovitch's studies, to compare the amounts of a definite component along marine sedimentary sequences and the low frequency variations of the Earth's insolation. To do so, a "mean sedimentation rate" is generally used. Such a "mean" value is obtained from biostratigraphic, isotopic or paleomagnetic data.

The aim of this paper is to propose, after the age determinations of the two ends of a sediment core, to use the phases of the "source" astronomical signal and of the "signature" sedimentary signal to determine an "instantaneous" accumulation rate. Such a transformation allows a time reconstitution of sedimentary data and leads to a nearly identical copy of the insolation variations due to those of the mean Earth-Sun distance.

Comparison of the results obtained for an Antarctic Ocean core and an equatorial Pacific Ocean core suggests a simple and universal relationship between planetary paleoclimate and very low frequency variations of the Earth's orbit.

Abridged English Version — DETERMINATION OF THE "INSTANTANEOUS" ACCUMULATION RATE BY THE PHASE METHOD. — The method developed in the French version leads to assigning to the variations z (t) of the accumulation rate Vm the dephasing of the Fourier series of the measured core's densities upon those of a well-selected astronomical signal

SEDIMENTARY "SIGNATURE" AND ASTRONOMICAL SOURCE. — Sedimentary data were analyzed on core MD 75072 (water depth 4,260 m) collected in the Indian Ocean at 37°56'S, 67°59'E [1]. 468 values of in situ densities (water, calcareous and non-calcareous fractions) were studied, about every 3.5 cm of core.

The sequence of densities obtained (normalized-as all the signals treated here-by the half sum of the squared moduli, following the Bessel-Parseval theorem) shows, at first glance (Pl. I, A and D), dominant frequencies very near those associated with long period parameters of the Earth's orbit, for a reasonable order of Vm = L/T (i. e. Vm = core's length/corresponding time), given in fact by biostratigraphy.

Note présentée par Henri LACOMBE. 0249-6305/89/03090219 $ 2.00 © Académie des Sciences

220 C R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 219-226, 1989

The determination of the "source" function is based on recent work [2] which allows easy separation, in the Earth's insolation variations of the relative contributions of the eccentricity of the Earth's orbit, the obliquity and precession. 90% of the insolation variance is included in the 21 first harmonies for periods greater than or equal to 47 kiloyears (ky), so that the variation of the Sun-Earth distance has been taken here as the only astronomical source of insolation variations.

MEAN SEDIMENTATION RATE. — The rate has been determined by using two extreme biostratigraphic dates corresponding to that part of the 75072 core between 171 and 1,311 cm, levels for which biostratigraphy (calcareous nanofossils) gives the respective ages of — 200 + 80 and —1,160 + 540 ky [1], One would think that such great uncertainties in the dates should preclude any analysis. However we have determined, by variable double entry and three successive refinements of the grid scale, the values of the dates of these two points for which the correlation coefficient of the insolation fluctuations and core densities is maximal. The best value of the coefficient (0.45) is obtained for the extreme dates of — 237 and — 1,227 ky, with the five major terms of the astronomie series proposed by Bretagnon in [2]. These dates lead to a mean sedimentation rate of 1.15 cm/ky.

COMPARISON IN FOURIER SPACE : APPLICATION OF THE PHASE METHOD. — The results are summarized in Plate I using Bretagnon terms (in [2]).

Plate I (D and E) presents the "spectra" (moduli and phases of the 30 first harmonies) of the "source" (solar constant) and "signature" (density in situ), using the method of maximal correlation. These spectra are practically identical, since the reconstitution of a signal, associating the moduli of the 21 first harmonies of the "signature" to the corresponding phases of the "source", leads to the source itself (Pl. I, C). The correlation of the "source" and of the signal built up this way equals 0.85.

It is then easy, by the method described at the beginning, to calculate the "instantaneous" accumulation rate (Pl. I, B).

BIBLIOGRAPHIC DISCUSSION. — Others authors have studied detailed dating of oceanic cores. For instance, isotopic analysis (<3180/ 160) of core V28-239 [3] from the Pacific Ocean (3°15'N-159C11'E) provides a universal reference for Quaternary dating. It thus appeared logical to us to apply the above method to this reference core and compare the "instantaneous" deposition rates obtained in the two cases (Pl. II). Hère, the isotopic signal is used not only as a density marker, but as a means to obtain the time variations of the calculated "instantaneous" déposition rate.

CONCLUSIONS. — (1) Computing the frequency spectra of the "source" signal (insolation) and its "signature" in the sedimentary sequence uses only the squared signais, which deletes any information regarding signal phases and requires recourse to an external hypothesis on the mean sedimentation rate. Choosing a linear dating method excludes any phase modification. The method proposed here, based on using the signal phases, leads to the "instantaneous" accumulation rate.

(2) Excluding the phases hides the quasi-identity of energy spectra of the "source" (EarthSun distance) and the "signature" (sédiment density). The quasi-identity appears nicely from the reconstitution of the "signature" obtained by associating its own moduli to the phases of the astronomie "source".

(3) The main difficulty in validating the geological results presented here depends on the exactness of the length of time associated with the core's length. A simple correlation study, however, leads to a nice adjustment of sedimentary data to the astronomie "source".

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 219-226, 1989 221

(4) While the two approximations (i. e. the mean deposition rate and the disregard of phases) may have suggested some form of non-linear coupling between insolation and sediment density, the deterministic approach used here suggests, on the contrary, the existence of an apparendy universal climatic curve (Pl. II).

CALCUL DE LA VITESSE « INSTANTANÉE » D'ACCUMULATION PAR LA MÉTHODE DES PHASES. — Soient, à la cote z dans la carotte, p (z) la masse volumique du matériau (eau, fractions calcaire et non calcaire) et Vm la vitesse moyenne de sédimentation qui, à la longueur L de la carotte, associe sa durée T par la relation Vm = L/T. Si Y(t) = dz/di est la vitesse « instantanée » d'accumulation, c'est-à-dire la vitesse à laquelle est accumulé le sédiment à travers une surface s, la masse totale m du dépôt s'écrit à chaque instant, à compter de la cote (z0) ou de l'instant de référence (t0) correspondant :

Si l'on prend comme vitesse de sédimentation, non la vitesse instantanée V(t) = dz/dt, mais la vitesse moyenne Vm, on a pour cette masse totale, la relation :

Égalant ces deux masses, on obtient V(t;)=d£,/dx=Ym. p(Vm.t)/p[Ç(x)] (1), où T est le temps astronomique.

Comme la masse volumique p est fournie selon la cote ^ par les mesures mêmes, il reste à déterminer l'expression selon la date de la fonction pfé(x)]. On verra plus loin qu'il est parfaitement justifié d'admettre que la fonction t, (T) a pour effet principal de déphaser la série de Fourier de la masse volumique p(^) = p(Vm.x) du sondage par rapport à celle de la « source » astronomique de ses fluctuations, soit A (T) linéairement associé à

Ptë(T)].

Si donc A„ et a„ sont respectivement les modules et les phases de l'harmonique n de la série de Fourier de A calculée sur le laps fondamental T, p„ et 8„ les modules et les phases de l'harmonique n de la série de Fourier de la masse volumique calculée sur la longueur fondamentale L=V_.T. soit

Il vient alors, d'après (1) :

Il reste bien entendu à identifier la « source » astronomique même A (T) à laquelle est relié p [^ (i)] et à dater exactement les extrémités du sondage considéré, ce qui revient à déterminer avec une extrême précision la vitesse moyenne de sédimentation Vm.

222 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 219-226, 1989

« SIGNATURE » SÉDIMENTAIRE ET « SOURCE » ASTRONOMIQUE. — Les données sédimentaires analysées proviennent de la carotte MD 75072 prélevée dans l'Océan Indien (37°56'S-67°59'E) par 4260 m de profondeur [1]. Elles comportent essentiellement 468 valeurs de la densité in situ, des fractions calcaire et non calcaire aux mêmes niveaux. Irrégulièrement réparties tous les 3,5 cm environ, ces mesures sont rapportées au peigne de Dirac centimétrique par interpolation linéaire et filtrées en passe-bas sur 7 points par une fenêtre de Hanning.

La série des densités (normée, selon le théorème de Bessel-Parseval, par la somme des carrés des coefficients de Fourier comme tous les signaux ici traités) présente, à l'évidence d'un simple regard (pl. I, A et D), des fréquences dominantes extrêmement proches de celles des mécanismes associés aux variations de la distance Terre-Soleil induites par celles de l'excentricité, pour un ordre de grandeur raisonnable de Vm = L/T, fourni, en l'espèce, par la biostratigraphie.

La détermination d'une fonction astronomique « source » susceptible de régir le processus du dépôt relève évidemment d'une analyse exhaustive des mécanismes physiques ou d'une modélisation complète du climat planétaire, dont la source énergétique originelle demeure l'insolation. Celle-ci dépend de la latitude considérée et présente un spectre de puissance permettant de dissocier facilement les contributions relatives, par domaines de fréquences croissantes, de l'excentricité de l'orbite terrestre, de son obliquité et de la précession totale. C'est ainsi que les 21 premières harmoniques de la densité p(Vm.x) renferment près de 90 % de la variance, pour des périodes supérieures ou égales à 47 mA (milliers d'années).

On a donc pris pour « source », compte tenu des gammes de fréquences concernées, les variations de la « constante solaire » induites par l'évolution de la distance Terre-Soleil. Il s'agit là d'un paramètre d'insolation indépendant de la latitude, dont seules les phases interviennent dans la méthode proposée, les techniques de corrélation n'étant évidemment pas susceptibles d'étayer un éventuel lien de causalité physique direct.

Le calcul de la distance Terre-Soleil est effectué — par l'intermédiaire de l'excentricité de l'orbite terrestre — à partir des ondes d'interactions planétaires déduites de l'intégration des équations de Lagrange d'un système de 8 planètes principales (Pluton exclue) sous les conditions « initiales » de 1950 (cf. [2] pour les 4 références les plus récentes).

EXPLICATIONS DE LA PLANCHE I

Traitement dans l'espace physique et dans l'espace de Fourier de la « constante » solaire et de la carotte MD 75072. (A) Séries temporelles brutes des fluctuations (%) de la « constante » solaire (trait fin) et de la densité (trait gras). (B) Vitesse « instantanée » d'accumulation (cm/mA) calculée sur les 21 premières harmoniques des signaux. (C) Séries temporelles des fluctuations (%) de la « constante » solaire (trait fin) et de la densité rephasée sur celle-ci (trait gras) pour les 21 premières harmoniques. (D) Modules (%) des 30 premières harmoniques de la « constante » solaire (trait fin) et de la densité (trait gras). (E) Phases (°) des 30 premières harmoniques de la « constante » solaire (trait fin) et de la densité (trait gras).

Data processing of the solar "constant" and MD 75072 core. (A) Rough time series in per cent of fluctuations of the solar "constant" (thin line) and of the density (heavy line). (B) "Instantaneous" accumulation rate (cm/ky) computed from the 21 first harmonies of the signals. (C) Time series in per cent of fluctuations of the solar "constant" (thin line) and of the density (heavy line) computed with the phases of the solar "constant" for the 21 first harmonies. (D) Plots of the moduli (%) of the 30 first harmonies of the solar "constant" (thin line) and of the density (heavy line). (E) Plots of the phases (%) of the 30 first harmonies of the solar "constant" (thin line) and of the density (heavy line).

PLANCHE I/PLATE I MAXENCE REVAULT D'ALLONNES

Comparaison des vitesses « instantanées » d'accumulation des carottes MD 75072 et V 28-239 (21 harmoniques). Comparison between the "instantaneous" accumulation rates in cores MD 75072 and V28-239 (21 harmonics).

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DATATION GLOBALE PRÉLIMINAIRE : VITESSE MOYENNE DE SÉDIMENTATION. — Le choix du laps de temps associé à la longueur considérée du carottage est évidemment le point crucial de la méthode proposée, puisqu'à une incertitude donnée sur cette durée correspond précisément une indétermination complète — c'est-à-dire de 360° — de la phase de l'harmonique dont la période est égale à cette incertitude.

Plutôt que d'effectuer d'emblée une recherche sur la longueur totale de la carotte, on a choisi, pour la clarté de l'exposé, de se limiter dans un premier temps aux intervalles de longueur et de temps qui séparent les deux datations biostratigrapbiques extrêmes. Les résultats présentés portent donc sur la seule partie du sondage 75072 située entre 171 et 1311 cm, cotes extrêmes auxquelles la biostratigraphie selon les nanofossiles calcaires assigne les âges respectifs de —200 + 80 et —1160+540 mA [1].

De telles marges d'incertitude absolue rendant inutilisable de prime abord la méthode des phases telle qu'elle est exposée plus haut, nous avons déterminé, par double entrée variable et par trois affinements successifs du pas des calculs, les valeurs des dates de ces deux points pour lesquelles le coefficient de corrélation des fluctuations de la constante solaire et des densités du sondage est maximal. La meilleure valeur de ce coefficient (0,45) est obtenue pour une datation des extrêmes —237 à —1227 mA, avec les cinq principaux termes de la série astronomique trigonométrique proposée par Bretagnon in [2].

Les termes de Bretagnon (1984, [2]) conduisent à une vitesse moyenne de sédimentation Vm égale à 1,15 cm/mA.

COMPARAISON DANS L'ESPACE DE FOURIER : APPLICATION DE LA MÉTHODE DES PHASES. — Les résultats de la décomposition en séries de Fourier de l'évolution de la « constante solaire » A(x) et de la densité p(Vm.x) sont résumés par la planche I, pour la datation obtenue par les termes de Bretagnon (1984, in [2]).

La planche I (D et E) présente les « spectres » (modules et phases des 30 premières harmoniques) du signal « source » (« constante » solaire) et de la « signature » (densité in situ) calée en date par la méthode de la corrélation maximale. Il est remarquable de constater, comme indiqué précédemment, que ceux-ci sont pratiquement identiques, puisque la reconstitution d'un signal associant les modules des 21 premières harmoniques de la « signature » aux phases correspondantes de la « source », conduit à la source ellemême (pl. I, C). Le coefficient de corrélation de la « source » et du signal ainsi reconstitué atteint alors 0,85. Les 21 harmoniques considérées renferment 90% de l'amplitude quadratique moyenne des fluctuations de densité.

Il est dès lors aisé, par la méthode exposée plus haut, de calculer la vitesse « instantanée » d'accumulation (pl. I, B) dont la simple intégration fournit, selon la « date astronomique », la cote dans la carotte à compter de son origine. La représentation inverse des densités selon la cote ainsi calculée ramène évidemment à la planche I A.

DISCUSSION BIBLIOGRAPHIQUE. — D'autres auteurs ont conduit des recherches détaillées sur la datation fine de carottes océaniques. Ainsi une étude basée sur l'analyse isotopique (dlsO/16O) de la carotte V28-239 [3], prélevée dans l'Océan Pacifique (3°15'N-159011'E), fournit, de fait, une référence universelle de datation pour le Quaternaire. Aussi nous a-t-il semblé logique de rapporter la méthode ici proposée au contexte bibliographique en l'appliquant à ces données et en comparant entre elles les « vitesses instantanées de création du sédiment » obtenues dans les deux cas (pl. II). Il va de soi que le signal isotopique n'est utilisé ici que comme un marqueur de la densité, en ce sens qu'il respecte ses phases et non sa valeur moyenne ni l'amplitude de ses fluctuations et que donc seules

226 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 219-226, 1989

les variations relatives par rapport au temps de la vitesse « instantanée » ainsi calculée sont à prendre en considération.

CONCLUSIONS. — (1) La comparaison des spectres de fréquence traditionnels de la « source » (insolation) à sa « signature » (série sédimentaire) opère de manière statistique dans l'espace des carrés des signaux. Elle implique de ce fait même la perte de l'information contenue dans les phases qui se trouve alors remplacée par des hypothèses extérieures portant sur la vitesse moyenne de sédimentation, hypothèses qui pourraient d'ailleurs s'écrire en termes de relation de phases. Le choix d'une datation linéaire interdit ainsi toute modification des phases. La méthode proposée, fondée au contraire sur l'utilisation même de ces phases, conduit d'une manière relativement simple au concept de vitesse « instantanée » d'accumulation et à son expression mathématique.

(2) Un arbitraire abandon des phases lors de la mise en oeuvre des méthodes spectrales dissimule en outre l'identité quasiment parfaite des spectres d'énergie de la « source » (distance Terre-Soleil) et de la « signature » (densité du sondage). Cette équivalence est attestée par l'excellence de la reconstitution de la « signature » que l'on obtient en associant ses propres modules aux phases du spectre de la « source », à la précision des calculs astronomiques près.

(3) La difficulté principale d'une validation géologique des résultats présentés réside alors dans la détermination exacte de la durée associée à la longueur d'un sondage. Leur précision peut, en effet, être considérée comme « trop » grande vis-à-vis des données stratigraphiques couramment utilisées. Une simple méthode de corrélation permet toutefois d'obtenir un ajustement systématique et cohérent d'un lieu à un autre des données sédimentaires sur la « source » astronomique.

(4) Si les deux approximations ainsi couramment admises conduisent à attribuer à quelque « couplage non linéaire » la difficulté des approches statistiques de ce genre de problèmes, le traitement déterministe ici proposé dans l'espace de Fourier suggère au contraire l'existence d'une courbe climatique apparemment universelle (pl. II).

Les auteurs tiennent à manifester une gratitude toute particulière au professeur J. Gonella, Directeur du Laboratoire d'Océanographie physique (M.N.H.N.), pour l'excellence de ses conseils et la permanence de sa confiance. La carotte 75072, prélevée lors de la campagne MD 06-NOSICAA (1975) par le N/O MarionDufresne (navire affrété par le Territoire des T.A.A.F.), est conservée dans la lithothèque du Laboratoire de Géologie (M.N.H.N.) Les données sédimentaires ont été aimablement communiquées par le Professeur L. Leclaire.

Note remise le 6 avril 1989, acceptée le 12 mai 1989.

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Laboratoire d'Océanographie physique du M.N.H.N., 43, rue Cuvier, 75231 Paris Cedex 05.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 227-232, 1989 227

Hydrologie/Hydrology

Variabilité isotopique d'une pluie à l'échelle de l'hectare

Philippe MEROT, Chantal GASCUEL-ODOUX, Odile QUIDU et Albertine SIMON

Résumé — La variabilité isotopique d'une pluie a été étudiée à l'échelle de l'hectare dans les conditions climatiques de la Bretagne. Les résultats montrent que deux échantillons sont suffisants pour caractériser à 5 % près la teneur isotopique d'une pluie à cette échelle spatiale.

Isotopic variability of rain on a one hectare plot

Abstract — The isotopic variability of a shower is studied on a one hectare plot, in the climatic conditions of Brittany. Results show that two samples seem sufficient to characterize the isotopic content of precipitation on this scale.

Abridged English Version — Water movement in environmental conditions can be studied by means of environmental tracers such as isotopes of water (18O, D) on different scales of space and time. Many papers describe the laws of isotope variation in precipitation ([1], [2], [6]). These variations are mainly due to the temperature of precipitation. On a Worldwide scale, isotope content depends on latitude; on a continental scale, it depends on the distance from the sea; on the scale of a mountain range, it dépends on altitude.

At a régional level, the variations are smaller and it is rather difficult to find a determining factor. On a scale of 100 km, variations of isotope content are explained by the morphology of the catchment and by cloud movements [2].

On the scale of an elementary catchment, the assumption is that spatial variations are weak and randomly distributed.

The use of isotopes in précipitation to follow water movement in soils on a local scale (1 to 100 ha) ([4], [5]) leads us to study the spatial variations of isotopic content in precipitation on the same scale in order to verify random distribution and to determine sampling conditions.

The goal of this report is to estimate the spatial variability of isotope content in precipitation on a scale of one hectare.

MATERIAL AND METHODS. — 39 samples were taken from a square grid on a plane natural meadow of about one hectare (Fig. 1). The precipitation is collected in small vessels placed on the soil during a shower. Samples are kept in a fridge. The analyses were performed at two periods (December 85 and May 87). Oxygen-18 analyses were made by a standard method, using a double collecting mass spectrometer [7]. Statistical processing of the data was performed. Then the spatial correlation of the data was computed using geostatistics, and a map of the estimated values was built using kriging.

RESULTS. — The raw results are shown (Fig. 1), following the sampling pattern. The oxygen-18 contents are expressed by their relative isotopic abundances with respect to a standard value. This relative difference is called the 5 °/00 value and is defined according to the classical notation:

The standard is the Standard Mean Ocean Water (S.M.O.W.).

The mean results of the two blocks of samples show the proper conservation of the samples (Table I). The two populations are the same according to the Student test (t = 0.990).

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090227 $ 2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 16

228 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 227-232, 1989

The rain depths show a normal distribution (mean = 8.93 mm, standard déviation = 0.24); the oxygen-18 contents also show a normal distribution (mean= — 6.95 5 °/00, standard déviation = 0.10). The two variables are independent (corrélation = 0.075).

A linear model fit the standardized variogram (y/o" 2) of the rain depths with a gentle slope (0.0094) and a nugget effect of 0.65 (Table II, Fig. 3). Thus there is a slight spatial correlation between the rain depths as depicted by Figure 4. Similarly, a linear model fits the standardized variogram of the isotope content in precipitation. It is nearly randomly distributed (slope = 0.006 5, nugget effect = 0.83).

DISCUSSION. — As depicted by Figure 4, the kriged isotope content is almost randomly distributed, the values range from — 6.86 to — 7.02 8 °/00; this variation corresponds to analytical precision.

Furthermore, the number of samples may be retrieved according to the distribution of the data [3]: if the distribution is normal and the data independent, the number of samples to be collected may be determined according to the equation:

where N is the number of samples, ^f_a/2 is the variable of Student for a degree of confidence 1 — a, V is the coefficient of variation and dr is the maximal relative error. For V = 95% and dr < 5%, it appears that two samples give a proper estimation of the isotopic content of the precipitation.

According to the results obtained for a single shower, on a one hectare plot and with an oceanic climate, two samples seem sufficient to characterize the isotopic content of precipitation.

Le transfert de l'eau en milieu naturel peut être suivi à différentes échelles de temps et d'espace au moyen de traceurs naturels comme les isotopes de l'eau (18O, D) ([1], [2], [6]). De nombreux travaux ont présenté les lois de variation de la teneur en isotope stable des pluies : variations dans l'espace, variations dans le temps à l'échelle inter-mensuelle, interannuelle ou à celle de l'averse; ces variations sont liées à la température des précipitations; à l'échelle du globe (effet de latitude); à l'échelle des continents (effet de continentalité); à l'échelle d'un massif montagneux (effet d'altitude).

A une échelle plus grande les variations deviennent plus faibles et leur déterminisme plus obscur; à l'échelle de 100 km 2, les variations des teneurs en isotopes des pluies, sur le bassin d'Orgeval ont ainsi été liées à la morphologie des bassins et au déplacement des masses nuageuses [2].

A l'échelle du bassin versant élémentaire ou de la parcelle, on peut penser que les variations sont faibles et a priori aléatoires.

L'utilisation des isotopes naturels pour suivre le mouvement de l'eau du sol, à une échelle spatiale allant de 1 à 100 ha ([4], [5]) nous conduit à étudier les variations spatiales des teneurs en isotope de pluies à cette même échelle pour en vérifier le caractère aléatoire et définir l'échantillonnage minimal nécessaire.

L'expérience rapportée ici a pour but d'estimer la variabilité spatiale des teneurs en isotopes d'une averse à l'échelle de 1 ha.

MATÉRIEL ET MÉTHODES. — La parcelle d'étude est située à Rennes, sur le domaine de l'E.N.S.A. C'est une prairie naturelle plane d'un demi-hectare environ. Le plan

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d'échantillonnage est à maille régulière, carrée, de 10 m de côté. Les 39 prélèvements effectués sont situés dans un secteur de 100m sur 40m (fig. 1).

Les précipitations sont recueillies dans des boîtes en aluminium de forme cylindrique de 7,3 cm de diamètre et de 8 cm de haut, posées à même le sol. Ce dispositif mis en place le 27 mars 1984 a été récupéré le lendemain après une averse d'une durée de 6h30mn, entre 1h30mn et 8 h du matin. Les conditions météorologiques à cette date, relevées à la station météo située à une centaine de mètres sont les suivantes :

— température à 8 h : 9,1 °C (minimum nocturne 6,4 °C);

— ciel nuageux;

— vent de sud-est assez fort.

Dans ces conditions le fractionnement isotopique lié à l'évaporation est négligeable.

Fig. 2 Fig. 1. — Plan d'échantillonnage; sampling plan :

— 6,09 =teneur en oxygène-18 en 8(°/00); value of oxygen-18 in 8(°/00); + = emplacement du pluviomètre; place of the rain gauge; 8,84 =hauteur de la pluie en millimètres; rain depth in millimètres. Fig. 2. — Histogrammes des hauteurs et des teneurs en isotope des pluies. Fig. 2. — Histograms of rain depth and oxygen-18 content in precipitation.

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(Video) DIRECT - Radioactivité : la physique de l’atome - NUCLÉAIRE : LES FONDAMENTAUX

Les échantillons sont conservés dans des flacons ambrés, bouchés hermétiquement, au réfrigérateur.

Les analyses ont lieu en décembre 1985 : 25 mesures et en mai 1987 : 18 mesures.

Dans chaque série d'analyse les échantillons sont choisis aléatoirement. En mai 1987 nous avons terminé les analyses et repris certains échantillons de 1985 pour confirmation des résultats.

La préparation des échantillons a été effectuée au laboratoire de Science du Sol de l'I.N.R.A. de Rennes, selon la méthode classique [7] : équilibration de 3 ml d'eau avec du C02, après dégazage. L'analyse du gaz carbonique déshydraté est faite au Laboratoire de biogéochimie des isotopes stables (I.N.R.A., Université Pierre-et-Marie-Curie) sur un spectromètre de masse à double entrée et double collecteur.

On a ensuite effectué sur les données un traitement statistique classique, puis l'étude de la corrélation spatiale des données a été faite par une analyse géostatistique. Enfin une carte des valeurs estimées représentant la variation spatiale des variables étudiées a été réalisée par krigeage [8].

RÉSULTATS. — Les résultats bruts sont présentés (fig. 1) selon le plan d'échantillonnage. Les teneurs en oxygène-18 sont exprimées en 5°/00 (teneur relative exprimée par rapport à un étalon) :

1. Contrôle des valeurs. — Les échantillons ont été analysés en deux lots à 24 mois d'intervalle. Pour vérifier la bonne conservation des échantillons, on a calculé les paramètres statistiques sur les valeurs mesurées de chaque lot (tableau I).

Le test de Student nous permet d'affirmer que les deux populations sont identiques (t = 0,990) pour un risque de 0,02.

2. Paramètres statistiques. — Pour les pluies, on constate une distribution normale centrée sur la valeur 8,93 mm avec un écart-type de 0,24. Les teneurs en oxygène-18 sont également distribuées normalement avec une moyenne de — 6,95 5°/00 et un écart-type de 0,10 pour les 39 valeurs (fig. 2).

Le coefficient de corrélation entre la hauteur de pluies et la teneur en oxygène-18 est de 0,075. Les deux variables sont indépendantes.

3. Paramètres géostatistiques (tableau II, fig. 3). — Les paramètres ont été calculés sur le demi-variogramme normalisé (y/u 2) pour les deux variables. Au variogramme expérimental des pluies, on peut ajuster un modèle linéaire avec une pente faible de 0,094

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et un effet de pépite de 0,65. Il y a donc une légère corrélation entre les précipitations dues à un gradient de l'Ouest à l'Est (cf. carte krigée, fig. 4).

Au variogramme expérimental des teneurs en isotope, on peut également ajuster un modèle linéaire avec une pente de 0,0065 et un effet de pépite de 0,83. La carte krigée montre bien ce caractère quasi aléatoire des teneurs en 18O.

DISCUSSION. — Il apparaît donc une faible structuration des hauteurs de pluies et des teneurs en isotopes à cette échelle. Pour cette dernière variable, la carte des teneurs en isotopes obtenue par krigeage présente un aspect aléatoire, les valeurs allant de —6,86 à — 7,02ô°/00, gamme de variation qui correspond à la précision analytique.

Dans le cas étudié (échelle de 1 ha), on confirme que le signal isotopique présente de faibles variations qui sont quasi aléatoires. On peut ainsi calculer à partir de la distribution des données, le nombre d'échantillons nécessaire pour obtenir une valeur représentative de la teneur en isotope des pluies.

Fig. 4. — Cartes des hauteurs et des teneurs en isotope des pluies. Fig. 4. — Maps of rain depth and oxygen-18 content in precipitation.

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TABLEAU I

Moyenne et écart-type des données.

Mean values and standard deviation of the data.

Année 1985 1987

8°/00 moyenne -6,95 -6,99

Écart-type 0,14 0,10

TABLEAU II Valeurs des demi-variogrammes normalisés. Values of the standardized semi-variograms.

Nombre y de y des

N° de Distance 18O pluies

du pas paires (m) réduit réduit

1 110 11,9 0,97 0,887

2 126 21,5 0,99 0,807

3 130 30,4 0,88 0,865

4 166 40,3 1,12 1,045

5 79 51,1 1,22 0,951

6 61 60,5 1,10 1,246

7 33 70,2 1,32 1,387

8 16 79,2 1,38 1,422

9 15 90,6 0,79 2,343

10 5 101,0 0,91 2,326

En effet, si la distribution est normale ou asymptotiquement normale et si les données sont indépendantes, on détermine le nombre d'échantillons à collecter pour obtenir une valeur moyenne, en connaissant le coefficient de variation V, avec une erreur relative maximale donnée dr, et un degré de confiance donné de 1 — a [3]. Ce nombre est donné nar la formule :

où N est le nombre d'échantillons, r2_o/2 est la variable de Student correspondant à un degré de confiance de 1 — a, V est le coefficient de variation, dr est l'erreur relative maximale. Un calcul simple montre que pour un degré de confiance de 95%, et une erreur relative maximale inférieure à 5 %, deux échantillons sont suffisants.

Ces résultats, obtenus pour une seule averse, indiquent que, sous climat océanique, deux échantillons semblent suffisants pour caractériser correctement le signal isotopique naturel des précipitations à l'échelle de l'hectare. Ce travail demanderait à être poursuivi à d'autres échelles spatiales.

Note remise le 30 janvier 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Minéralogie/Mineralogy ( Géochimie/ Geochemistry)

Étude expérimentale préliminaire de l'équilibre : bikitaïte = spodumène+eau

Olivier VIDAL et Bruno GOFFÉ

Résumé — La bikitaïte est une zéolite du système LASH (Li2O-Al2O3-SiO2-H2O), apparaissant comme un produit d'altération des pegmatites riches en lithium. Une étude expérimentale entre 250450°C et 1000-3000 bars a permis d'encadrer l'équilibre bikitaïte = spodumène + H2O: la courbe univariante à pente négative passe par les valeurs 275 + 15°C, 3000±100 bars et 310+25°C, 1000 + 130 bars. La bikitaïte est stable vers les basses températures. L'encadrement expérimental permet l'extraction des paramètres thermodynamiques de la bikitaïte: H°f= — 3368656 J/mol, S0 = 170,8 J/mol*K.

Preliminary study of bikitaite = spodumene + water equilibrium

Abstract — Bikitaïte is a zeolite in the LASH (Li2O-Al2O3-SiO2-H2O) system, which appears as an alteration product of lithium-rich pegmatites. The univariant reaction bik = spd+H2O was reversely bracketed at temperatures between 250-450°C with PH2O from 500 to 3,000 bars. The curve (with a steep negative slope) was located at 275+15°C, 3,000 +100 bars and 310 + 25°C, 1,000+130 bars, and bounds the stability field of bikitaite toward low P and low T. These expérimental results allowed extracting the entropy and enthalpy of bikitaite: H°f= —3,368,656 J/mol, S° = 170.8 J/mol*K

Abridged English Version — The zeolite bikitaite LiAlSi2O6. (H2O) is typically a pegmatitic mineral which occurs as a late alteration product in both the Bikita [1] and King's Mountain [2] pegmatites. Despite its rarity, this mineral must be taken into account in a complete analysis of the LASH System. Unfortunately, this is still hampered by the lack of thermodynamic data concerning this phase. Previous authors ([3], [4], [5]) demonstrated that the stability field of bikitaite was located below 350°C for a pressure less than 2,500 bars, but the uncertainty of the results precluded thermodynamic analysis. For these reasons, we decided to perform an experimental study, aimed at determining the thermodynamic properties of bikitaite.

Our experiments, involving pure natural bikitaite and spodumene, were performed in a cold-seal Tuttle type [8] hydrothermal apparatus, at P-T conditions listed in Table I. The univariant dehydratation curve bikitaite = spodumene+H2O was reversed between 275±15°C at 3,000±100 bars and 310±25°C at 1,000±130 bars (Fig. 1).

These accurate results, coupled with earlier results [6], allow extraction of thermodynamic data through a simple thermodynamic analysis:

Considering equilibrium effected along the bikitaite = sodumene+water curve (Fig. 1), we can write: AGr = AGp'T5+G^ = O(a).

"s" refers to solid phases;

Gj'20 = Gi260T+RTlnfH20 (pure aqueous fluid);

AGP'TS=AHP'T*-TASP-Ti+(P-1)AVP'T5.

The variation of the heat capacity, thermal expansivity and compressibility parameters for the solids are assumed equal to 0, and the fluid phase considered as pure H2O, thus: AVP,Ts = AV1b,298Ks = AV°s, AHP,Ts = AH°s and ASP-Ts = AS°s

Note présentée par Xavier LE PICHON. 0249-6305/89/03090233 $ 2.00 © Académie des Sciences

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Equation (a) may be expressed as: AH°s-TAS°s + (P-l) AV°s + Gj^ = 0.

Combining these results with data listed in Table II and G^Q data from Halbach et Chatterjee [12], it is possible to extract the 1 bar, 298 K thermodynamic properties of bikitaite:

H°f(bik)=H°f(spd) — AH°s = standard enthalpy of formation of bikitaite from its oxides;

S°f(bik) = S°f(spd)— AS° s = standard entropy of formation of bikitaite from its oxides;

S° (bik) = standard entropy of bikitaite.

It is of note that the H°f(bik) vs. S°f(bik) solution space ([9], [10]) is delineated according our critical experiments (Fig. 3). This space is not closed toward lower values of H°f(bik) and S°f(bik); it implies a steep negative slope for the equilibrium curve bik = spd+water, close to those plotted in Figures 1 and 2.

Nevertheless, even though the brackets obtained are rather tight, the equilibrium curve has such a steep slope that the precision of the thermodynamic parameters extracted is not as good as could be expected. However, it seems very difficult to obtain more accurate results: indeed, it would mean obtaining even tighter brackets, but the low kinetics of the reaction will be a major obstacle. Nevertheless, this study yields the first accurate results on an equilibrium curve involving bikitaite, and confirms that this zeolite is a low-temperature, low-pressure phase.

INTRODUCTION. — La bikitaïte est une zeolite de formule LiAlSi2O6. H20 qui apparaît exclusivement en contexte pegmatitique. Elle est connue en deux localités: Bikita (Zimbabwe) et les King's mountains (Caroline du nord). Elle est dans le premier cas associée au quartz et à l'eucryptite [1]. Dans le deuxième cas, toujours en présence d'eucryptite et de quartz, elle est associée à l'albite, l'apatite et la fairnieldite [2]. La bikitaïte est une phase constitutive du système LASH (Li2O-Al2O3-SiO2-H2O) qui doit être prise en compte pour la construction de la topologie du système. On ne dispose pourtant d'aucune donnée thermodynamique sur ce minéral et les données expérimentales sont rares ou partielles ([3], [4], [5]). La présente étude a pour but:

— de présenter les premiers résultats expérimentaux de l'étude d'une courbe univariante impliquant la bikitaïte : bikitaïte = spodumene + H2O;

— de proposer, à partir de ces résultats, une première estimation de l'enthalpie et de l'entropie.

1. ETUDE EXPÉRIMENTALE. — a. Travaux antérieurs. — Une compilation des travaux antérieurs est présentée figure 2. La bikitaïte apparaît comme une phase de basse température probablement stable à des températures inférieures à 300°C.

b. Procédure expérimentale. — Un mélange intime (25 mg + 25 mg) de cristaux broyés de bikitaïte et de spodumène naturels purs, provenant de Bikita ( 1) est scellé dans une capsule en or avec 20 µl d'eau désionisée. Il est soumis dans des autoclaves à joint froid [8], aux différentes conditions de pression et température présentées tableau I.

c. Résultats expérimentaux. — Ils sont présentés figure 1. Le sens de déplacement de l'équilibre est apprécié par comparaison des diffractogrammes de poudre réalisés avant

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et après expérience (raies B100/S110; B111/S021, B211/S021; B113/S130; B101/S111; B002/S310). On peut ainsi mettre en évidence pour chaque condition P-T une augmentation ou une diminution de la quantité relative de chaque espèce minérale. Malgré des durées d'expériences doubles ou triples de celles de Goffé et Gouédard [6], le taux de réaction est resté très faible. Néanmoins, la mesure des hauteurs de pic permet de noter que la croissance du spodumene est favorisée dans les expériences BS2-1, BS2-2 et BS2-3 effectuées à 300°C ou plus, tandis qu'aux températures plus basses c'est la bikitaïte qui croît.

Ces résultats expérimentaux apparaissent cohérents avec les données antérieures qu'ils complètent (fig. 1 et 2), et notamment celles de Goffé et Gouédard [6], qui adoptèrent une procédure expérimentale identique. Ils permettent de situer le champ de stabilité de la bikitaïte à température plus basse que celui du spodumene et de le limiter par une courbe à très forte pente négative, dont l'encadrement se révèle assez précis (fig. 1 et 2). Cette courbe passe entre les points BS1-2 et BS2-1 à 2 kbar, BS1-3 et BS2-3 à 1 kbar. Elle peut être précisée par les données de Goffé et Gouédard [6] en considérant que les expériences non réactives situées à 310°C-1 kbar et 275°C-3 kbar se situent sur cette courbe. La courbe univariante proposée ici pour l'équilibre bik=spd+H2O apparaît en conclusion être assez bien contrainte pour permettre l'extraction de l'enthalpie et de l'entropie de la bikitaïte.

2. EXTRACTION DES PARAMÈTRES THERMODYNAMIQUES DE LA BIKITAÏTE. — a. Calculs. — Les valeurs thermodynamiques de la bikitaïte ont été extraites à partir de la courbe d'équilibre moyenne BSmoy reportée figure 1.

En considérant l'équilibre réalisé tout au long de cette courbe, on peut écrire :

(l'indice «s» fait référence aux phases solides). AGr=variation d'énergie libre de réaction.

Fig. 1. — Résultats expérimentaux: (a) Spd+H20-+Bik, (b) Bik->Spd + H20. L'incertitude expérimentale est portée autour de chaque point par une «boîte d'incertitude» correspondant aux valeurs indiquées tableau I. BS + et BS— sont les droites à pente maximum autorisées par les seuls points expérimentaux. GG: données de Goffé et Gouédard [6] (fig. 2).

Fig. 1. — Expérimental results obtained in the present study: (a) Spd+H2O^Bik, (b) Bik^>Spd+H20. Considering the values Table I, an "incertainty box" was drawn around each experimental point. BS + and BS — are the curves corresponding to extreme slope, according with expérimental points. GG data from Goffé and Gouédard [6] (Fig. 2).

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Fig. 2. — Compilation des données expérimentales disponibles pour la bikitaïte. Synthèses: bikitaïte (a), spodumene (b). Équilibre Bik^±Spd + H2O: sens bikitaïte (c) ou spodumene (d), apparition de la pétalite dans les expériences en présence de quartz (e), destruction irréversible de la bikitaïte (/). 1, Drysdale [5]; 2, Hoss et Roy [3]; 3, Goffé et Gouédard [6]; 4, ce travail; 5, Phinney et Stewart [4].

Fig. 2. — Compilation of the available experimental data for bikitaite. Synthesis: bikitaite (a), spodumene (b). Equilibrium Bik^±Spd+H2O: removing toward bikitaite (c) or spodumene (d), co-crystallisation of petalite in the runs involving also quartz as starting material (e), irreversible destruction of bikitaite (f). 1, Drysdale [5] ; 2, Hoss and Roy [31; 3, Goffé and Gouédard [61; 4, this work; 5, Phinney and Stewart (A).

POLYGONE DE VALEURS COMPATIBLES

Fig. 3. — Champ des valeurs compatibles (H°f bik, S°f bik). Seuls les paramètres extraits de BS— limitent

ce champ (vers les basses valeurs de H°/et S°f). Encadré: position des valeurs extraites à partir de BSmoy.

Fig. 3. — Field of the compatible values (H° fbik), S°fbik). The only values extracted from BS— bound

the field (toward the low values ofH°f S°f). Framed: Position of the values extracted from BSmoy

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TABLEAU I

Conditions P-T des expériences. Sens de réaction: 1 Bik->Spd + H2O, 2 Spd+H2O->Bik. Les fluctuations de T correspondent à des oscillations irrégulières de quelques heures consécutives à la mise sous tension des régulateurs. La pression varie corrélativement de 10 bars par degré.

P-T conditions of experimentation. Sense of the reaction: 1 Bik-^Spd+H2O, 2 Spd+H2O^>Bik. "Fluctuation T" corresponds to irregular oscillation of T during the first few hours of an experiment. They are due to the initial electric instability in the T controller. Correlative pressure variations are 10 bars per degree.

Sens T P Fluctuation Incertitude Incertitude Durée

Exp. réaction (°C) (bar) T(°C) T(°C) P(bar) (jours)

BS1-1 2 270 2000 10,0 3,70 0,03 42

BS1-3 2 286 1000 0,3 3,83 0,02 42

BS2-1 1 292 2000 4,0 3,86 0,03 75

BS2-2 1 327 2000 7,0 4,27 0,03 75

BS2-3 1 322 1000 13,0 4,20 0,02 75

TABLEAU II

Propriétés thermodynamiques standard des phases considérées. * [7], ** Calculé en utilisant les oxydes [11], *** calculé d'après un paramètre de maille obtenu par diffraction des rayons X sur une poudre de bikitaïte [12 raies, calibration par du quartz et du silicium, a = 8,61 (7) Â, b = 4,958 (5) Â, C = 7,600(6) Â, p = 114,47 (5)°, V = 295(4)Â3].

Standard thermodynamic properties of considered phases. * [7], ** calculated using oxides [11], *** calculated using lattice parameters obtained from X-ray powder diffractogram of bikitaite [12 lines, calibrated against silicium and quartz, a = 8.61(7)Â, 6=4.958(5)Â, C=7.600(6)À, 0 = 114.47(5)°, V=295(4)Â3].

V°s H0f S° S0f

(J/b) (J/mol) (J/mol * K) J/mol * K)

Spodumène 5.837* -3053 500* 131.2* -565.8**

(0.005) (2790) (0.9)

Bikitaïte 8.90***

GPI'2r3=Gè2rjT + RT lnf H20 (fluide purement aqueux).

AGP-T s=AHP-T s - T ASP-T s+(P-1) AVP-T s.

Nous considérerons que :

_ vP-Ts ïf(P, T) donc AVP-T s = AV 1 b, 298K s = AV° s.

- Cps=0 donc AHP,Ts=AH°s et ASP,Ts=AS°s.

L'équation (a) devient donc: AH°s-T AS°s+(P-1) AV0s+GH,2o = 0.

Considérant alors les conditions P, T définies par BSmoy (fig. 2), les valeurs de G^b tabulées par Halbach et Chatterjee [12] en utilisant les équations de type RedlichKwong, et les données reportées tableau II, il est possible de calculer AH° s et AS 0 s, puis

H°f(bik) = 3 368656 J/mol et

S°f(bik) = - 773 J/mol * K, soit S° (bik) = 170,8 J/mol * K avec:

H°f(bik) = H°f(spd) — AH°s = Enthalpie standard de formation de la bikitaïte à partir des oxydes la constituant.

S°f(bik) = S°f(spd)—AS 0 s = Entropie standard de formation de la bikitaïte à partir des oxydes la constituant.

S0 (bik) = Entropie standard de la bikitaïte.

b. Discussion: Précision des valeurs H°f(bik) et S°f(bik). — La forte pente de la courbe d'équilibre encadrée entraîne une toute aussi importante imprécision sur les valeurs

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H°fbik et S°fbik extraites pour la bikitaïte. Bien que l'encadrement expérimental soit assez précis, il autorise néanmoins le tracé de deux familles de courbes, les unes à pente négative et les autres à pente positive (BS— et BS+, fig. 1). Le tracé (fig. 3) du champ des valeurs compatibles ([9], [10]) avec nos résultats expérimentaux démontre que les courbes à pente positives sont irréalistes : le champ des valeurs compatibles n'est pas fini, il n'est limité que vers les faibles valeurs des couples H°f(bik), S°f(bik), par les données extraites de la courbe BS —. Les valeurs extraites à partir de la courbe BS+ sont elles en dehors de ce champ, ce qui est une conséquence des propriétés physiques de l'eau et des variations de volume des phases solides au cours de la réaction. Seules les courbes à pente négative (cas envisagé figures 1 et 2), qui sont comprises entre BS— (fig. 3) et une verticale (H0fbik et S°f bik tendant vers — oo) sont cohérentes.

CONCLUSION. — Les résultats expérimentaux préliminaires obtenus au cours de cette étude situent le champ de stabilité de la bikitaïte à moins de 300°C. Ils sont en bon accord avec les données pétrologiques et les quelques résultats antérieurs.

La méthode d'extraction utilisée ici permet un premier calcul des propriétés thermodynamiques de la bikitaïte. Il subsiste une assez forte imprécision sur ces valeurs, car la pente de la courbe d'équilibre Bik;=±Spd + H20 est très forte. La solution pour améliorer cette précision ne peut être que l'étude d'une autre courbe expérimentale. Il semble en effet impossible d'affiner l'encadrement pour la courbe étudiée ici, en raison de la faible réactivité du système pour des températures avoisinant 300°C.

( 1) Nous remercions le professeur David Bowen de l'Université du Zimbabwe à Harare, qui nous a aimablement fourni les échantillons.

Ce travail est soutenu par le projet D.B.T. (I.N.S.N.) « Fluides Cristaux ». Note remise le 26 janvier 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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[11] R. A. ROBIES, B. S. HEMINGWAY et J. R. FISHER, U.S. Geological Survey Bulletin, 1452, 1978. [12] H. HALBACH et N. D. CHATTERJEE, Contrib. Miner. Petrol, 79, 1982, p. 337-345.

E.N.S., Département de Géologie, 24, rue Lhomond, 75005 Paris.

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Géochimie/Geochemistry

Choix des composantes et spéciation d'une solution

Anne COUDRAIN-RIBSTEIN et Philippe JAMET

Résumé — Une méthode de calcul de spéciation d'une solution en milieu fermé ou à l'équilibre thermodynamique avec des phases minérales ou gazeuses est présentée. Chaque espèce est exprimée en fonction d'une base de composantes. Le choix optimal des composantes en fonction des conditions de spéciation permet de poser de façon claire les inconnues et les équations, et de réduire l'importance des calculs et des problèmes numériques.

Chemical components and spéciation of a solution

Abstract — A method for computing a solution speciation in a closed system or at equilibrium with respect to mineral or gas phases is presented. Each species is expressed as a function of a basis of components. An optimum choice of these components in relation to the prescribed conditions makes it possible on one hand, to clearly pose the unknowns and the equations, and on the other hand, to reduce computer time and numerical problems.

Abridged English Version — Spéciation is the distribution of chemical elements (Na, H, Cl, O, etc.) among the species [H2O, HCO3, CaCO3(s), CO2(g)] of the system under consideration. The speciation is computed in order to verify the coherence of a solution analysis and to determine its saturation state with respect to different phases, or to simulate the dissolution or precipitation of minerals (gases) under prescribed assumptions.

Like many other geochemical codes (WATEQ[1], EQUIL [2], MINEQL [3]), the method presented here is based on the use of an equilibrium relation for each reaction in the aqueous phase. In these codes, the set of equations is established for a fixed set of unknowns. Our purpose is to demonstrate why it is important to choose the unknowns as a function of the prescribed conditions of the speciation and how to do it. The geochemical code CHIMERE [4] uses this method.

Assuming a system defined by Ne species and Nr independent equations (order of the reaction matrix [vN Ne [equation (1)] equals Nr), the dimension of the set of species is Nc [équation (2)]. So, each species may be expressed as a linear combination of the components from a basis (3) of this set [equations (4) and (5)].

A thermodynamic relation (6) is attributed to each secondary (i. e. not chosen as a component) species. Assuming that the reactions in the aqueous phase are at thermodynamic equilibrium, the activity of the secondary species may be expressed as a function of the components. The number of unknowns is then reduced from Ne to Nc. Moreover, including in the basis the species for which the activity is prescribed (known pH, equilibrium with respect to gas or mineral phase), one reduces the number of unknowns and the number of equations to be solved. Furthermore, the inclusion in the basis of the species with large concentrations may reduce numerical problems. For example, one chooses H2O, and, for solutions near neutral conditions, HCO3 instead of CO3.

Finally, there remain N'c unknowns: the activity of the components for which the prescribed condition is total concentration. A balance équation (7) in the aqueous phase is established for each of them.

The set of N' équations is nonlinear. This is caused by (i) the form of the équations, (ii) the processing of activity coefficients, or by (iii) the case of some minerais which might

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090239 $ 2.00 © Académie des Sciences

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exclusively precipitate or be dissolved. It is preferable to use the Newton-Raphson method for the first case (i) and iterations of a superior order for the other two cases (ii) and (iii).

When a basis is modified, the new set is still a basis if the order of the matrix [P] (8) of the new basis coordinates, as a function of the old one, is Nc. The equations (9)-(12) give the matrix of stoechiometric coefficients, the thermodynamic constants and the total concentrations from to the new basis.

Let us illustrate the method with the simple case of a calco-carbonic system. If one knows the pH and the total concentrations of calcium and carbonates, the following basis can be used:

Then, two activities are prescribed: |H20| =1 et [H+ | =10-pH, and two equations have to be solved (13). Once this first speciation is computed, one may compute the speciation of the solution at equilibrium for calcite and a prescribed partial pressure P° of CO2 (g). In this case, the best basis is:

There are three prescribed activities: |H2OJ = 1, |CaCO3(s)| =1, PCO2=P°. Only one equation remains, the one in H+. The value of the total concentration TOT(H+), from the new basis, is computed by equation (14). The equation to be solved is equation (15).

Note that the equation of neutrality does not have to be solved. The electric load of the system is included in the set of prescribed conditions (total concentrations or activities). A neutral system verifies equation (16).

The rule of phases may be expressed as follows: (i) the number of components with prescribed activities is less than the number of components; (ii) a basis includes only independent species (i. e. no reactions may exist between components).

The activity | m | of a mineral is equal to the common saturation index. When it is respectively less than, equal to or more than one, the solution is under-saturated, at equilibrium, or over-saturated with respect to this mineral.

In conclusion, the equations of speciation are modified as a function of the prescribed conditions. This makes it possible, on one hand, to clearly pose the equations and the results of computations and, on the other, to reduce computer time and numerical problems. Thus, one can use geochemical codes in micro-computers. Moreover, using this method, one can build coupled models [4], taking into account the transport of a solution and geochemical reactions, without overly excessive computer time.

La spéciation est la répartition des éléments chimiques (Na, H, Cl, O, etc.) entre les différentes espèces [H20, HCO3, CaCO3(s), CO2(g)] de la solution et des phases minérales et gazeuses du système étudié. Son calcul permet soit de vérifier la cohérence de résultats d'une analyse chimique et de donner l'état de saturation de la solution vis-àvis de différentes phases, soit de mener des simulations pour déterminer la composition de la solution et les quantités dissoutes ou précipitées correspondant à telles ou telles contraintes.

La spéciation peut être calculée sur la base des lois de la thermodynamique d'équilibre et des bilans de masse. Elle ne peut cependant être aisément calculée (à la main) que pour des systèmes très restreints. Aussi, depuis une vingtaine d'années, de nombreux modèles de calcul d'équilibre chimique ont été élaborés.

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Il existe deux méthodes de calcul basées sur ces mêmes concepts. La première repose sur la recherche du minimum de l'énergie libre de Gibbs. La seconde conduit à établir une relation d'équilibre pour chaque réaction. Cette dernière, d'un formalisme plus concret et couramment utilisée dans les modèles géochimiques (WATEQ [1], EQUIL [2], MINEQL [3]) est la seule envisagée ici.

De façon classique dans les modèles géochimiques, l'ensemble des équations est posé pour un ensemble fixe de variables, qui est constitué par les activités de toutes les espèces chimiques, ou mieux, par les activités d'un sous-ensemble fixe d'espèces, appelé ici base de composantes. Notre propos est de présenter une méthode de calcul, utilisée pour élaborer le modèle CHIMERE [4], qui est basée sur le choix optimal des variables en fonction du problème posé. Ceci permet de poser le problème et les équations avec une grande clarté, et de plus, permet de minimiser les temps de calcul.

1. MÉTHODE DE CALCUL DE SPÉCIATION. — Soit Ne le nombre d'espèces chimiques et Nr le nombre de réactions du système envisagé. Chaque réaction peut s'écrire selon la formulation suivante où vrj est le coefficient stoechiométrique de l'espèce E, dans la réaction r.

Si les réactions sont indépendantes, c'est-à-dire que l'ordre de la matrice [vNj,Ne] est égal à Nr, on peut considérer que l'ensemble des espèces est un espace vectoriel dont la dimension est Nc :

Une base de cet ensemble comprend Nc éléments, appelés ici composantes ([5], [6], [7]). Par exemple, les deux ensembles suivants sont des bases différentes d'un même système calco-carbonique :

Toute espèce Ej du système peut être exprimée comme une relation linéaire des Nc composantes dont les coefficients sont les coefficients stoechiométriques aij de la réaction de formation de cette espèce.

Par exemple, selon la base B', Ca++ s'exprime par : (5) Ca+ + = -H20+2H+ + CaCO3(s)-CO2(g)

A un système donné on peut faire correspondre une matrice [ocNc Ne] (Nc lignes, Ne colonnes) des coefficients stoechiométriques de chaque composante de la base choisie dans chacune des Ne espèces. A chaque espèce secondaire, non retenue comme composante, on associe une constante thermodynamique Kj qui dépend des activités des composantes | Bi | et de celle de cette espèce \Ej |.

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En supposant que les réactions dans la phase aqueuse ont atteint l'équilibre, on peut exprimer les activités des espèces secondaires comme une fonction de celles des composantes. Le problème est alors restreint au calcul de l'activité des Nc composantes et non plus des Ne espèces. Le nombre de contraintes chimiques, telles qu'activités ou concentrations totales imposées, doit être de Nc.

En choisissant comme composantes les espèces pour lesquelles l'activité est imposée (pH connu, équilibre vis-à-vis d'une phase gazeuse ou minérale), on diminue d'autant le nombre d'inconnues et d'équations à résoudre. De plus, pour diminuer les problèmes numériques, il est intéressant de retenir comme composantes les espèces dont les concentrations sont dominantes. Ainsi, par exemple on retiendra H20, et, dans des domaines de pH proche de la neutralité, HCO3" plutôt que CO3.

Il reste finalement N'c inconnues (N'c<Nc), les activités des composantes pour lesquelles on impose une concentration totale. Pour chacune d'elles, on établit une équation de bilan qui exprime que la concentration totale connue dans la phase aqueuse [TOT(Bi)] est égale à la somme des concentrations (Ej) des Na espèces aqueuses affectées du coefficient stoechiométrique de la composante dans chacune de ces espèces.

Pour résoudre ce système de N'c équations, on remplace les concentrations des espèces secondaires par leur expression en fonction des activités des composantes et de la constante thermodynamique (6). Ce système a trois niveaux de non-linéarité.

Le premier est hé à la forme même des équations. La méthode d'itérations couramment employée dans les modèles géochimiques, et préconisée ici, est celle de Newton-Raphson (cf. par ex. [8]). Le deuxième est dû aux coefficients d'activités qui dépendent de la spéciation. Pour cela, on ajoute un niveau d'itération supérieur à celui de NewtonRaphson où l'on calcule les coefficients d'activité selon les formules empiriques, par exemple, de Davies (cf. par ex. [6]) pour des forces ioniques jusqu'à 0,5 ou de Bromley [9] pour des forces ioniques de 0,5 à 6. Le troisième est lié au traitement de certains solides qui pourraient être précipités de la solution mais, absents initialement du système, ne pourraient pas être dissous; ou inversement de minéraux pouvant être dissous mais ne pouvant pas, pour des raisons de cinétique, précipiter. A l'issue d'un calcul de spéciation, en fonction de la valeur des indices de saturation de ces minéraux, on fait progresser la précipitation ou la dissolution. Il est intéressant [10] de suivre l'algorithme suivant : à chaque itération on précipite le minéral dont l'indice de saturation est le plus fort, puis lorsque il n'y a plus de sur-saturation on dissout le minéral dont l'indice de saturation est le plus faible et on teste à nouveau s'il y a des sur-saturations.

2. LE CHANGEMENT DE BASE. — Lorsque l'on modifie une base B, on obtient une nouvelle base B', si l'ordre de la matrice de passage [|3] est de Nc. Dans cette matrice, pki est le coefficient stoechiométrique de la composante Bk de l'ancienne base dans la composante B'i de la nouvelle base.

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Un changement de base affecte la matrice des coefficients stoechiométriques, les constantes thermodynamiques, et les concentrations totales des composantes. La nouvelle matrice des coefficients stoechiométriques [oNc Nc] est obtenue par l'opération matricielle suivante.

On peut montrer [4] que les constantes thermodynamiques Kj selon la nouvelle base peuvent être calculées explicitement en fonction de celles (Kj, Kf) de l'ancienne base, selon la formule suivante où f est l'indice sur les composantes de la nouvelle base :

Les concentrations totales selon la nouvelle base sont calculées par :

où Pik est le coefficient stoechiométrique de la composante B'i de la nouvelle base dans la composante Bk de l'ancienne base. Sous forme d'opération matricielle, le vecteur des Nc nouvelles concentrations totales est obtenu selon l'équation :

Illustrons ceci par un exemple. Si l'on connaît le pH et les concentrations totales en calcium et en carbonates d'une solution, on retiendra la base B précédente (3). Deux activités sont imposées : | H2O1 = 1 et | H+ | = 10-pH. Il y a deux équations à résoudre :

Après ce premier calcul, pour calculer la spéciation de cette eau qui serait portée à l'équilibre vis-à-vis de la calcite et d'une pression partielle P° de C02 (g), on utiliserait la base B' (3). La valeur de la concentration totale de H+ peut être calculée à partir des concentrations totales de la base précédente par :

La seule équation à résoudre est, dans ce cas, celle en H+ :

3. QUELQUES REMARQUES. — On peut remarquer que l'équation de neutralité électrique n'a pas à être posée pour le calcul de spéciation. La charge, nulle ou non, du système est en fait incluse dans les contraintes imposées (concentrations totales ou activités). Le calcul de la spéciation conserve nécessairement cette charge. Un système neutre vérifie l'équation suivante :

où Zi est la charge de la composante Bi.

On peut aussi noter que la règle des phases s'exprime en utilisant la notion de composantes de la façon suivante : (i) le nombre de composantes à activités fixées est au plus égal au nombre de composantes diminué de un; (ii) une base est nécessairement

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constituée d'espèces indépendantes. Il ne peut pas y avoir de réactions mettant en jeu uniquement des composantes.

On peut enfin noter que, dans le développement précédent, l'activité \m\ d'un minéral est équivalente à l'indice de saturation communément utilisé. Si elle est respectivement inférieure, égale ou supérieure à un, la solution est sous-saturée, à l'équilibre ou sursaturée vis-à-vis de ce minéral.

4. CONCLUSION. — Le système d'équations à résoudre est modifié en fonction du problème posé. C'est-à-dire que les contraintes du système numérique à résoudre sont identiques aux contraintes conceptuelles (activités ou concentrations totales imposées). L'intérêt est, d'une part, de permettre une analyse claire du problème et des résultats de calculs de spéciation, et d'autre part, de permettre des économies substantielles de temps de calcul et d'espace mémoire. Ainsi, on peut implanter sur des micro-ordinateurs des modèles simulant l'évolution géochimique d'un système lors de la variation de certaines contraintes (par exemple la température ou l'altération d'une roche) bien qu'une simulation corresponde à un grand nombre de calculs de spéciation. De plus, on peut construire, selon la méthode présentée ici, des modèles couplés [4] simulant le transport d'une solution tout en tenant compte de réactions géochimiques, sans que les résultats ne soient inextricables ou ne nécessitent des temps de calcul rédhibitoires. Note remise le 16 mars 1989, acceptée le 2 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[10] F. M. MOREL et J. MORGAN, Env. Sci. Tech., 6, (1), 1972, p. 58-67.

A. C.-R. : Laboratoire de Géologie appliquée, Université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, Tour n° 26, 75252 Paris Cedex 05;

Ph. J. : Centre d'Informatique géologique, École nationale supérieure des Mines de Paris, 35, rue Saint-Honoré, 77305 Fontainebleau.

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Géochimie et géochronologie isotopiques/Isotopic Geochemistry and Geochronology

Mise en évidence de l'âge éocène moyen du métamorphisme

de haute-pression dans la nappe ophiolitique du Monviso

(Alpes Occidentales) par la méthode 39Ar-40Ar

Patrick MONIÉ et Pascal PHILIPPOT

Résumé — Les phengites des métagabbros éclogitiques du massif ophiolitique du Monviso (nappe des schistes lustrés inférieure, Alpes occidentales) fournissent des âges-plateau concordants de 48 à 51 M.a. Cet âge éocène moyen du métamorphisme de haute-pression dans le Monviso s'oppose à l'âge crétacé moyen du métamorphisme de haute-pression dans les massifs cristallins internes et suggère une évolution contrastée des chemins P-T-t des nappes penniques.

39Ar-40Ar évidence for mid-Eocene high-pressure metamorphism in the Monviso

ophiolitic massif (Western Alps)

Abstract — Phengites from eclogitic metagabbros in the Monviso ophiolitic massif (internal schistes lustrés nappe, Western Alps) provide concordant 39Ar-40Ar plateau ages of 48-51 M.a. This midEocene age of the high-pressure metamorphism in the Monviso is at variance with the mid-Cretaceous age of high-pressure metamorphism in the internal crystalline massifs and suggests contrasting P-T-t paths in the continental- and oceanic-derived crustal nappes of the penninic domain.

Abridged English Version — Alpine eclogites are exposed in several continental and oceanic crustal units of the internai penninic zone of the Western Alps. Petrological studies showed that these units underwent similar P-T paths ([1] to [9]), from which it is assumed that all eclogites were formed during a unique subduction-obduction process related to the Cretaceous closure of the Neotethys basin ([9], [10]). Classical tectonic models suggest that both continental and oceanic units were superposed during a westward or northwestward overthrusting event ([11] to [16]). The present study of the Monviso meta-ophiolitic massif reveals structural and geochronological features which are at variance with this interpretation.

GEOLOGICAII SETTING. — The Monviso meta-ophiolitic complex (internal nappe of the schistes lustrés) is found sandwiched between the Dora Maira crystalline massif and the external nappe of the schistes lustrés (Fig. a, b and f). In the Monviso, all classical lithologies of an ophiolitic sequence are represented and contain evidence of eclogitic metamorphism and subsequent overprinting under blueschist and greenschist facies conditions ([17], [30]). Structural analysis of syn-kinematic recrystallizations allows three types of LS tectonite fabric to be associated with each metamorphic event [17], but no evidence of a westward emplacement of the Monviso over the Dora Maira massif was found. This raises the problem of the origin of the internai nappe of the schistes lustrés. Moreover, the problem of the exact relationships between the high-pressure metamorphism in the Monviso meta-ophiolitic complex and the mid-Cretaceous high-pressure metamorphism in the internai crystalline massifs ([2], [12] to [21]) still awaits clarification. 80 to 100 M.a. — old glaucophanes in the Zermatt zone ([22], [23]) and 90-135 M.a. fission track zircon ages in thé Monviso and Rocciavre massifs [26] have been used to assume a synchronous evolution of the high-pressure metamorphism throughout the inner penninic units. The usual presence of excess argon in Na-amphiboles [24], the 50-75 M.a. ages of associated high-pressure micas [25] and the upper

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090245 $2.00 © Académie des Sciences

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Cretaceous age of the schistes lustrés sediments [29] lead us to consider the former midCretaceous ages as ambiguous. Later retrogression in the greenschist facies is recorded by several mica ages falling in a close range of 37-40 M.a. ([23], [27], [28]).

GEOCHRONOLOGICAL RESULTS. — 39Ar-40Ar studies have been performed on Si-rich highpressure phengites from Fe-Ti and euphotide metagabbros of the Lago Superiore unit ([17], [31]). These rocks bear a typical high-pressure assemblage with omphacite, garnet, rutile, zoisite, glaucophane and Si 3.65 phengite associated with a westward dipping blastomylonitic foliation that contains a N-S stretching mineral lineation. Three phengites display concordant plateau ages of 48.5 + 0.5 (Fig. c), 51.4+1.2 (Fig. d) and 48.6 + 2.7 M.a. (Fig. e). The fïrst low-temperature gas increments do not yield evidence of a distinct event, but the incorporation of some excess argon ([2], [32]) during retrogression. The criteria used for sampling and the agreement between plateau ages lead us to consider these midEocene ages as geologically meaningful.

REGIONAL IMPLICATIONS. — A mid-Eocene age in the Monviso conforms with the biostratigraphically constrained Eocene age of HP-LT metamorphism in the inner, structurally overlying Briançonnais zone [33]. On the other hand, this age differs markedly from the mid-Cretaceous age of high-pressure metamorphism in the underlying Dora Maira massif. Consequently, these two eclogitic metamorphisms do not appear to be related to the same geodynamic framework. On the basis of kinematic criteria [17], it is suggested that the Monviso ophiolites were initially deep-rooted to the west of the Dora Maira massif, in the same position as the Antrona ophiolites [34]. During the mid-Cretaceous, a portion of this basin was not subducted and sediments of the schistes lustrés nappe and Helminthoïds flysch accumulated. Eclogites in the Monviso massif and HP-LT metamorphics in the internai Briançonnais zone were produced during the mid-Eocene closure of the Neotethys basin. Final closure was followed by continental collision during the upper Eocene, resulting in the imbrication of units that underwent contrasting P-T-t paths.

INTRODUCTION. — Dans les Alpes Occidentales, les roches éclogitiques apparaissent dans les nappes de croûte continentale des massifs cristallins internes et dans la nappe des schistes lustrés inférieure ([8], [9] ; fig. a). Dans ces différents domaines, la similitude des chemins P-T a abouti aux interprétations géodynamiques suivantes : (1) les roches éclogitiques ont toutes été engendrées dans un même contexte de subduction auquel est associée la fermeture de l'océan liguro-piémontais ([9], [10]); (2) les différentes nappes issues des domaines continentaux et océaniques ont été superposées au Crétacé moyensupérieur à la faveur d'une phase tectonique tangentielle à vergence W ou NW synthétique à la subduction ([11] à [16]).

Cependant, les observations suivantes nous amènent à rediscuter ce scénario :

(1) Des études pétro-structurales de l'un d'entre nous [17] effectuées dans le complexe méta-ophiolitique du Monviso et les unités adjacentes permettent de reconstituer les directions et les sens de déplacement des nappes durant les épisodes métamorphiques successifs (éclogite, schiste bleu et schiste vert). Il en ressort qu'aucune phase tectonique à vergence W ou NW contemporaine du métamorphisme HP-BT n'est exprimée, ce qui soulève le problème de l'origine des nappes des schistes lustrés et des modalités de leur mise en place.

(2) Dans les massifs cristallins internes, de récentes études géochronologiques ont révélé une gamme d'âges de 100 à 125 M.a. qui compte tenu de la diversité des systèmes

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isotopiques utilisés peuvent être corrélés avec la période d'éclogitisation de ces massifs au Crétacé moyen ([2], [18] à [21]). Dans la nappe des schistes lustrés inférieure à eclogites, seuls les âges apparents K-Ar des glaucophanes à 80-100 M.a. ([22], [23]) pourraient justifier le synchronisme du métamorphisme éclogitique dans les différentes unités de la zone pennique interne. En raison de la présence quasi-systématique d'argon en excès dans les glaucophanes [24], ces âges ne peuvent être retenus comme un argument décisif, d'autant que les âges des micas associés se situent entre 50 et 75 M.a. [25]. Dans les unités de Rocciavre et du Monviso, des âges de 90 à 135 M.a. par traces de fission sont attribués à l'exhumation finale des eclogites [26], ce qui s'oppose à la fois aux âges à 3540 M.a. relatifs à cet épisode dans les unités adjacentes ([23], [27], [28]) ainsi qu'aux contraintes biostratigraphiques [29]. Le problème de l'âge du métamorphisme de hautepression dans la nappe des schistes lustrés inférieure reste donc posé.

SECTEUR ÉTUDIÉ. — Le travail de datation 39Ar-40Ar présenté ici concerne le massif méta-ophiolitique du Monviso (fig. a) qui forme une structure monoclinale à pendage de 30°W en moyenne, enchassée entre le massif de Dora Maira et la nappe des schistes lustrés supérieure (fig. b et f). Les études pétro-structurales antérieures montrent que les différentes unités du Monviso ont subi une même évolution tectono-métamorphique successivement dans les conditions éclogitiques, schistes bleus puis schistes verts ([17], [30]). Parmi les différentes lithologies, les métagabbros et particulièrement les métagabbros ferro-titanés présentent les paragenèses éclogitiques les plus typiques à pyroxène sodique, grenat, zoïsite, clinozoïsite, + rutile+ apatite±Mg chlorite+phengite + glaucophane +quartz. Ces roches, bien représentées dans l'unité du Lago Superiore ont été étudiées en détail ([17], [31]) et utilisées pour la datation.

ÉCHANTILLONS ET RÉSULTATS. — Vi 34 est un métagabbro ferro-titané caractérisé par une intense foliation S1 blastomylonitique syn-éclogitique contenant une linéation minérale et d'étirement orientée N-S. La paragenèse comprend essentiellement omphacite, grenat, rutile et + zoïsite sous forme d'agrégats polycristallins préférentiellement orientés dans S1. La glaucophane et la phengite apparaissent sous forme de blastes statiques sur S1, suggérant une cristallisation tardi à post-cinématique. Les micas présentent une composition très homogène caractérisée par un taux de substitution phengitique de 3,65. Ces phengites fournissent un âge plateau de 48,5 + 1,4 M.a. défini pour plus de 99% du dégazage de l'argon (fig. c). Les données reportées dans un diagramme de corrélation isotopique (40Ar/36Ar), (39Ar/36Ar) conduisent à un âge isochrone identique de 48,5+0,5 M.a. et un rapport initial de 292 + 60. Les premières fractions d'argon libéré fournissent des âges discordants relatifs au dégazage de la surface des minéraux.

Vi 200 et 221 sont deux métagabbros euphotides à pyroxène sodique, rutile, zoïsite, glaucophane, phengite+ Mg chlorite +grenat avec peu d'indices de rétromorphose (chlorite verte). On observe les mêmes caractéristiques microstructurales que précédemment, excepté le fait que la glaucophane et la phengite apparaissent ici orientées parallèlement à leur long axe [001] dans S1, suggérant un continuum de déformation dans les conditions éclogitiques puis schistes bleus. La population de phengites est essentiellement constituée d'individus à forte teneur en Si (3,55 à 3,7). L'échantillon Vi 200 présente un spectre d'âges apparents homogènes de 550 à 1160°C et un âge-plateau de 51 ±1,7 M.a. (fig. d) pour 98% de l'argon libéré, corrélable avec un âge isochrone de 51,4 + 1,2 M.a. Comme précédemment, les autres fractions du dégazage n'apportent pas d'informations significatives sur un épisode distinct. Le spectre d'âges de l'échantillon Vi 221 est en partie oblitéré par la présence d'une composante d'argon en excès libérée en basse température de 400

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à 855°C. Un âge plateau de 48,6 ±2,7 M.a. (fig. e) est obtenu pour le restant du dégazage, en conformité avec un âge isochrone de 48,9 ±1 M.a. La présence d'excès d'argon sur les sites les moins rétentifs de la structure cristalline résulte d'un processus d'incorporation depuis le milieu intergranulaire, postérieurement à la fermeture initiale du minéral ([2], [32]).

SIGNIFICATION DES ÂGES. — Les phengites des eclogites du Monviso fournissent des âges 39Ar-40Ar bien groupés autour de 48-51 M.a. sans souvenir d'événements plus anciens. Les critères de sélection des échantillons que nous avons appliqués (paragenèse typiquement de haute pression, déformations syn-éclogitique à syn-schiste bleu (D1), forte substitution phengitique des micas, absence de rétromorphose secondaire) nous laissent penser que ces âges sont corrélables avec l'âge du métamorphisme de haute-pression dans ce massif et qu'il ne s'agit pas d'âges mixtes. Rappelons que sur la base de critères identiques, les phengites de haute-pression du massif de Dora Maira enregistrent des âges 39Ar-40Ar de 100 à 105 M.a. ([20], [28]), corroborés par des déterminations d'âges Rb-Sr et U-Pb [21]. Cette concordance des âges pour des systèmes dont les températures de fermeture isotopique varient entre 600 et 350°C, plaident en faveur d'un refroidissement rapide des roches éclogitisées. Ainsi, même en admettant que les phengites du Monviso enregistrent un stade ultime de l'évolution à haute-pression, il est peu probable que les roches se soient maintenues en conditions éclogitiques pendant une période de 50-60 M.a. avant leur exhumation. En conséquence, nous proposons un âge éocène moyen pour le métamorphisme de haute-pression dans le Monviso. Il serait contemporain du métamorphisme de haute-pression des unités plus externes des schistes lustrés ([25], [27]) et de la zone briançonnaise interne où l'âge éocène moyen du métamorphisme HP/BT est établi sur des bases stratigraphiques [33].

CONCLUSION. — Ces premières données géochronologiques obtenues par la méthode 39Ar-40Ar dans la nappe des schistes lustrés inférieure témoignent du diachronisme du métamorphisme éclogitique sur une même transversale des Alpes Occidentales (fig. f). A l'Est, la croûte continentale de Dora Maira est éclogitisée au Crétacé moyen alors que la nappe ophiolitique située à l'Ouest ne l'est qu'à l'Eocène moyen. Il n'existe à priori aucun lien génétique entre ces deux métamorphismes, comme cela était suggéré jusqu'à présent par les modèles géodynamiques. En outre, l'absence de critères cinématiques en faveur d'un transport vers l'Ouest de la nappe du Monviso a conduit l'un de nous à proposer un enracinement de cette nappe à l'Ouest du massif de Dora Maira [17]. Rappelons qu'un tel dispositif est également envisagé pour une partie des roches ophiolitiques situées entre les nappes du Mont Rose et du Grand-Saint-Bernard [34], révélant ainsi la complexité du bassin constituant la Néotéthys. Des portions de ce bassin ont pu être épargnées par les stades précoces d'éclogitisation au Crétacé moyen et recevoir ainsi les sédiments de la nappe piémontaise et du flysch à Helminthoïdes. La fermeture complète du bassin liguro-piémontais a engendré les éclogites du Monviso et le métamorphisme HP/BT dans le Briançonnais à l'Éocène moyen. A l'Éocène supérieur, la collision entre les marges européennes et sud-alpine conduit à l'imbrication d'unités métamorphiques ayant suivi des chemins P-T-t tout à fait contrastés, bien représentés dans la région étudiée. Le problème qui se pose désormais concerne la répartition des eclogites d'âge éocène moyen au sein de la nappe des schistes lustrés.

Ce travail a été financé par l'Action d'accompagnement ECORS 88 de l'I.N.S.U. Note remise le 20 février 1989, acceptée le 12 mai 1989.

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EXPLICATIONS DE LA PLANCHE

(a) Schéma structural des Alpes Occidentales. Croix: socle cristallin; hachuré: domaine Sud-alpin (SA); pointillé: domaines à affinité océanique, ophiolites (noir). AM : Argentera-Mercantour; Br : zone briançonnaise; DB : klippe de la Dent-Blanche; DM: Dora Maira; FH : flysch à Helminthoïdes ; GP : Grand Paradis; MR : Mont Rose; P : Pelvoux; Se : zone de Sesia; V : Voltri. (b) Coupe synthétique du Monviso. 1. Calcschistes ; 2. Quartzomicaschistes ; 3. Métabasaltes rubanés et prasinites; 4. métabasaltes en coussins; 5. Métagabbros ferro-titanés; 6. Métagabbros euphotides; 7. Troctolites; 8. Serpentinites. D1 : déformation syn-éclogitique et/ou schiste bleu; D2 : déformation syn-schiste vert; D3 : faille normale, (c), (d) et (e) Spectres d'âges 39Ar-40Ar des phengites de l'unité du Lago Superiore. (f) Coupe synthétique des Alpes Cottiennes. 1. Schistes lustrés (Crétacé supérieur); 2. Ophiolites; 3. Couverture sédimentaire mésozoïque ; 4. Séries permo-carbonifères ; 5. Houiller s. 1. ; 6. Socle cristallin. DS : ensemble de DroneroSampeire ; H : zone houillère du Briançonnais ; MCE : massifs cristallins externes ; P : ensemble graphitique de Pinerolo ; SP : socle polymétamorphique.

(a) Sketch map of the Western Alps. Crosses: European crystalline basement ; hatched: South-Alpine domain (SA) ; dotted: oceanic domain sequences with ophiolites in black. (b) Synthetic cross-section of the Monviso massif. 1. Calcschists; 2. Quartzomicaschists; 3. Banded metabasalts; 4. pillow-lavas; 5. Fe-Ti métagabbros; 6. Euphotide métagabbros; 1. Troctolites and wherlites; 8. Serpentinites. D1: eclogite and/or blueschist facies deformational event; D2: greenschist facies deformational event; D3: normal faults. (c), (d) and (e) -39Ar40Ar age spectra of phengites from the Lago Superiore unit, (f) Synthetic cross-section of the Cottian Alps. 1. Schistes lustrés (upper Cretaceous); 2. Ophiolites; 3. Mesozoïc sedimentary cover; 4. PermoCarboniferous sequences; 5. Coal-bearing units; 6. Crystalline basement. DS: Dronero-Sampeire unit; H: zone houillère of the Briançonnais domain; MCE: external crystalline massifs; P: Pinerolo graphitic unit; SP: polymetamorphic basement.

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Pétrologie/Petrology

L'alimentation de la Bocca Nuova à l'Etna en septembre

1988. Quelques considérations à partir de la composition

chimique du magma piégé par un phénocristal de

clinopyroxène

Roberto CLOCCHIATTI et Jacqueline WEISZ

Résumé — Les variations de composition salite-diopside, dans le temps et dans l'espace, corrélées aux compositions des liquides silicates piégés, indiquent la présence dans le système d'alimentation de l'Etna d'au moins deux magmas. Le premier de nature hawaiite-mugéarite, partiellement dégazé (S = 1200-300 ppm; Cl=4 000-1500 ppm; H2O<3%), est analogue aux liquides silicates piégés dans les minéraux des éruptions qui se sont succédées depuis 1983 ([1], [2], [3]). Le second de nature basalte alcalin-hawaiite, récemment introduit dans le système d'alimentation, est caractérisé par une teneur élevée en éléments volatils (S = 3000-2500 ppm; Cl=2500-2000 ppm; H2O>3%), analogue à celle mesurée dans les inclusions vitreuses de certains minéraux des éruptions de 1669, 1763 et 1892 ([4], [5]). Le comportement du soufre et du chlore dans les deux magmas est discuté.

Bocca Nuova (Mt Etna) magma supply in September 1988. Some considerations

from the chemical composition of magma trapped during a salite-diopside crystal

growth

Abstract — Changes with time in salite-diopside composition of a single crystal, related to trapped melt compositions point out the presence, in Mt Etna input, of at least two magmas. The first one, of hawaiite-mugéarite, partially degassed composition (S = 1,200-300 ppm; Cl=4,000-1,500 ppm ; H2O<3%) is similar to melts trapped in minerals from eruptions subsequent to 1983 ([1], [2], [3]). The second one, of alkali basalt hawaiite composition, recently intruded in the volcano supply, is characterized by a high content in volatiles elements (S = 3,000-2,500 ppm ; Cl=2,500-2,000 ppm ; H3O>3%), similar to that measured in glass inclusions of some minerals from 1669, 1763 and 1892 eruptions ([4], [5]). Sulphur and chlorine contents in both magmas are discussed.

Abridged English Version — INTRODUCTION. — Petrogenetic studies were made on melt inclusions from pyroclastic material which, because as it was quenched, has preserved its previous equilibrium conditions ([5], [6]).

CLINOPYROXÈNE CRYSTAL. — The clinopyroxene crystal (15 mm) studied here cornes from the strombohan activity which took place at Bocca Nuova from the 23rd till the 30th of September 1988. It is made of, first, a salitic composition core, then a diopsidic zone, and ends with a rim of salitic composition again.

SILICA MELTS. — The different areas contain primary [7] or pseudosecondary [8] melt inclusions. In the salitic area, inclusions are vitreous and sometimes contain oxides and mecanically trapped plagioclase microcrysts. In the diopsidic zone, they are filled only with glass and a gas bubble, without any trapped murerais (Fig. 1). We have analysed twenty two inclusions and the host mineral beside them by Microprobe according to a predefined methodology [4]. In Figure 2 several oxides contents versus a differentiation index [9] are pointed out. Volatile éléments (Cl, S) are plotted versus K2O content [10]. Analytical deficit is imputed to water content [11]. These results characterize two different liquids: one in equilibrium with the salitic composition area, the other with the diopsidic one.

DIOPSIDE-HAWAIITE BASIC RICH FLUID MELT SYSTEM. — The bulk rock DI is about 36.9 ( Fig. 2). Inclusions of the diopsidic zone have a DI value between 37 and 44 (basic hawaiite

Note présentée par Jean WYART. 0249-6305/89/03090253 $2.00 © Académie des Sciences

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field), with a high MgO content (MgO = 5%) and a K20/Na2O ratio from 0.35 to 0.44 (Fig. 3d). Sulphur content decreases from 3,000 to 1,500 ppm, while the chlorine one varies from 2,500 to 1,500 ppm (Fig. 3 a, b). The Cl/S ratio is radier constant (0.7 to 1.2) marking similar behaviour of both elements in that pristine liquid ( Fig. 3 d). Highest sulphur contents correspond to highest water contents (H2O 3%) (Fig. 3c). High fluid content suggests that the diopsidic phase has crystallized under a total fluid pressure higher than 100 MPa [2].

SALITE-HAWAIITE ACID-POOR FLUID MELT SYSTEM. — Trapped liquids DI of salitic composition zone is between 47 and 53 which puts them in the hawaiite-mugéarite field (Fig. 2). MgO content is about 3.5% K2O/Na20 ratio is relatively constant (0.680.72). Except for volatiles content, these liquids are close to the groundmass composition (Figs. 3a, b). Volatiles content is lower than that in the diopsidic zone basic liquid; sulphur content varies from 1,200 to 300 ppm, but chlorine content is generally higher than in the basic liquids. The Cl/S ratio varies considerably (from 2 to 9) (Fig. 3d). H2O is less than 3% (Fig. 3c). These results suggest crystallization conditions under a total fluid pressure lower than that in basic liquid, in a partially fractionned and degassed magma, with a noticeable differential behaviour of S and Cl (Fig. 3d).

CONCLUSIONS. — Melt inclusions and mineral composition changes point out the historic growth of the crystal. First, it developed in an evolved liquid similar to those erupted during the last Mt Etna eruptions ([10], [12]). Next, it came into a more basic, rich fluid magma, recently intruded in the volcano supply System, similar to the melt trapped in the minerais coming from previous eruptions ([3], [4]). Because of the fractional crystallization [13], these liquids scarcely corne to the surface [14]. High fluid content could explain both summit craters permanent high outgassing and the high sulphur content of the plume ([15], [16]). Lasdy, the crystal ended its growth in a differentiated magma. These studies suggest a deep, radier pristine magma coming into the volcano supply System. It proves the model of double crystallization, in connection with outgassing, recently proposed for present Mt Etna lavas.

INTRODUCTION. — Les études pétrogénétiques basées sur les données obtenues à partir des inclusions vitreuses sont particulièrement favorisées par les matériaux ayant subi au moment de leur mise en place un refroidissement extrêmement brusque. En effet, dans ce cas, les liquides silicates inclus sont préservés dans des conditions d'équilibre proches de celles qui existaient dans le magma juste avant l'éruption [5]. La cristallisation du minéral hôte, aux dépens du liquide inclus, inévitable lors du refroidissement d'une coulée, se trouve ainsi minimisée. A l'Etna, durant les 10 dernières années, les émissions de pyroclastites ont été relativement rares [6] par rapport à celles des produits laviques de l'activité latérale fissurale.

Dans la semaine du 23 au 30 septembre, le fond de la Bocca a été le siège d'une forte activité explosive. Dans un premier temps, elle a consisté en un dégazage sous forte pression avec émission de brindilles de lave fortement vésiculée (cheveux de Pelé, ponces étirées) de dimensions millimétriques. Ces matériaux ont saupoudré de manière uniforme la bordure occidentale du cratère jusqu'à quelques dizaines de mètres de son bord. A partir du 24, cette activité s'est progressivement estompée pour laisser place à une activité de type strombolien qui est devenue prépondérante dans les jours suivants. A plusieurs

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reprises des projections de lave ont franchi les bords du cratère et sont retombées à proximité du monument de 1979.

I. LE CRISTAL DE CLINOPYROXÈNE. — Le phénocristal idiomorphe de pyroxène (15 mm), ici étudié, provient de ces matériaux. Une lame épaisse de 200 µm, taillée parallèlement à (100) et passant par le centre du cristal a été confectionnée et polie sur les deux faces. Il apparaît ainsi que le cristal est constitué par une partie centrale, volumétriquement dominante, présentant une teinte légèrement verte en lumière polarisée non analysée et une composition salitique assez homogène (Wo, 47,9-46,1; Fs, 11,2-13,1; En, 40,9-40,8).

A 400 µm de la bordure du cristal cette zone est résorbée et cède la place à la cristallisation d'une bande de couleur blanche en lumière polarisée et non analysée, de composition diopsidique (En, 42,5-41,4; Fs, 9,7-10,1; Wo, 47,8-48,5). La croissance du minéral se termine par une nouvelle zone de nature salitique (En, 39,1; Fs, 13,1; Wo, 47,8) d'environ 100 µm de largeur (fig. 1).

II. LES LIQUIDES SILICATES OU INCLUSIONS VITREUSES. — Les liquides silicates sont présents dans les deux zones sous forme d'inclusions primaires ou syngénétiques [7] ou encore sous forme d'inclusions pseudo-secondaires [8] résultant de la cicatrisation de fractures d'origine thermique. Dans la zone salitique, les inclusions montrent un remplissage vitreux et contiennent occasionnellement des oxydes (USp 40-35) et des microcristaux de plagioclase (An 77-60) piégés mécaniquement. Dans la bande de nature diopsidique les minéraux sont absents et le remplissage des inclusions est constitué par un verre auquel s'associe, de manière systématique, une bulle de gaz (fig. 1).

Vingt deux inclusions, disposées dans les zones ci-dessus décrites, ainsi que le minéral hôte à leur proximité, ont été analysées à la microsonde électronique, selon une méthodologie définie précédemment [4]. Les points représentatifs des résultats ont été reportés pour les éléments majeurs dans des diagrammes (fig. 2) où les différents oxydes sont opposés à un indice de différenciation [9]. Les éléments volatils (S, Cl) ont été reportés en fonction de K2O, le potassium étant, en raison de son caractère hygromagmaphile [10], considéré comme un bon indicateur de la différenciation. L'eau a été estimée par déficit à la somme des autres éléments [11]. On constate que l'on a deux liquides distincts : l'un en équilibre avec la zone de nature diopsidique, l'autre avec celle de nature salitique.

II. 1. Le système diopside-hawaiite basique riche en fluides. — Les liquides silicates contenus dans la zone diopsidique ont un DI compris entre 37 et 44 qui les situe dans le champ des hawaiites basiques. Le DI des inclusions les plus précoces est assez proches de celui de la roche totale (DI = 36,9) (fig. 2). Les verres sont caractérisés par une teneur en magnésium élevée (MgO=5%) et un rapport K2O/Na2O qui varie de 0,35 à 0,48. La teneur en soufre décroît brutalement de 3 000 à 1500 ppm, tandis que celle en chlore varie de 2500 à 1 500 ppm (fig. 3 a et b). Le rapport Cl/S varie assez peu, il reste assez proche de l'unité (0,7 à 1,2), soulignant ainsi le comportement à peu près similaire de ces deux éléments, à ce stade précoce de l'évolution des liquides (fig. 3d). Aux teneurs les plus élevées en soufre correspondent aussi les plus forts déficits analytiques (fig. 3 c), attribués à la quantité d'eau dissoute dans le magma (H2O>3%). Les teneurs élevées en fluides suggèrent des conditions de cristallisation de la phase diopsidique sous des pressions totales de fluides supérieures à 100 MPa [2].

II. 2. Le système salite hawaiite acide pauvre en fluides. — Le DI des inclusions contenues dans la zone salitique centrale et dans la zone périphérique est compris entre 47 et 53, il classe ces liquides dans un domaine situé à la limite des hawaiites évoluées et

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des mugéarites (fig. 2). Leur teneur en MgO est proche de 3,5 % et le rapport K2O/Na2O assez constant (0,68 <K2O/Na2O<0,72). L'ensemble de ces caractères, si l'on fait exception de leur teneur en volatils, est assez proche de ceux de la mésostase (fig. 3 a et b). La teneur en éléments volatils est plus faible que dans le cas des liquides contenus dans la zone diopsidique. Le contenu en soufre varie de 1200 à 300 ppm, les teneurs en chlore sont en moyenne plus élevées que dans le cas des liquides basiques et leur distribution

Fig. 1. — Représentation schématique du cristal de pyroxène. En pointillé : zones de composition salitique ; en blanc : zones de composition diopsidique avec leurs inclusions respectives ; fs : teneur en ferrosilite du minéral hôte à 5 µm de l'inclusion ; mg : teneur en MgO de l'inclusion exprimée en pour cent pondéral ; k : rapport K2O/Na2O; S et Cl : teneurs en soufre et en chlore exprimées en ppm. Toutes les analyses ont été effectuées au Centre de Microanalyses électroniques Camparis, Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris. Conditions analytiques : 15 kV, 10 nA, sonde défocalisée 20 µm.

Fig. 1. — Schematic drawing of the pyroxene crystal. Stippled zone: salitic area; white zone: diopsidic area both with their own inclusions, fs: host mineral ferrosilite content, 5 µm from the inclusion rim ; mg: inclusion MgO content, in weight per cent; k: K2O/Na2O ratio; S and Cl: sulphur and chlorine content, in ppm. All the analysis were made at the Centre de Microanalyses electroniques Camparis, Université Pierre-et-MarieCurie, Paris. Analytical conditions: 15 kV, 10 nA, unfocalised beam 20 µm.

Fig. 2. — Diagrammes opposant certains oxydes exprimés en pour cent pondéraux à l'indice de différenciation DI [9] montrant les différents degrés d'évolution des deux liquides et leurs liens de parenté. Carrés évidés : inclusions vitreuses de la zone diopsidique; carrés pleins : de la zone salitique; étoile évidée : roche totale; étoile pleine : mésostase.

Fig. 2. — Graphs showing some oxides, in weight per cent, versus DI differentiation index showing in both liquids several development degrees and their affinities. Empty squares: glass inclusions from the diopsidic area ; full squares: from the salitic area; empty star: bulk rock; full star: groundmass.

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est hétérogène ce qui se traduit par une grande variabilité du rapport C1/S (2 < C1/S < 9) (fig. 3d). La teneur en eau est largement inférieure à 3% (fig. 3c). L'ensemble de ces données suggère des conditions de cristallisation sous des pressions totales de fluides plus faibles que dans le cas des liquides basiques dans un magma déjà partiellement dégazé et ayant subi un fractionnement cristallin. Au cours du dégazage superficiel, il convient de remarquer le comportement différentiel du soufre et du chlore (fig. 3 d).

Fig. 3. — Évolution de la teneur en éléments volatils dans les inclusions vitreuses des zones diopsidiques et salitiques. a, b : soufre et chlore exprimés en ppm en fonction de K2O exprimé en pour cent pondéraux; c : déficits analytiques supposés résulter essentiellement de la teneur en H2O opposés à la teneur en soufre; d : diagramme montrant la différence de comportement des fluides dans les deux groupes de liquides silicates.

Fig. 3. — Volatils elements content changes, in melt inclusions from diopsidic and salitic areas. a, b: sulphur and chlorine in ppm, versus K2O in weight per cent; c: analytical lacks assumed to be essentially resulting from H2O content, versus sulphur content; d: diagram pointing out differences in fluid content of both melts.

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III. CONCLUSIONS. — Les variations dans l'espace et le temps de la composition du minéral et des liquides silicates qu'il contient, indiquent que celui-ci a évolué initialement dans un liquide différencié analogue à celui émis dans les dernières éruptions de l'Etna ([10], [12]). Le cristal est ensuite venu au contact d'un magma plus basique, nouvellement injecté dans le système d'alimentation, riche en fluides et jusqu'ici jamais rencontré dans les minéraux des éruptions qui se sont succédées depuis 1983. Toutefois des liquides assez semblables ont été étudiés en inclusion dans les minéraux des éruptions plus anciennes comme 1669, 1763 et 1892 ([3], [4]). Par suite de leur fractionnement cristallin dans les parties hautes du système d'alimentation [13], les liquides basiques ne parviennent que rarement à la surface [14]. Leur richesse en éléments volatils pourrait expliquer le dégazage quasi permanent qui intéresse les cratères sommitaux et apporter un élément d'explication à la teneur anormalement élevée en soufre du panache ([15], [16]). Enfin, le cristal a terminé sa croissance dans un magma évolué et partiellement dégazé. Cette étude, bien que limitée aux inclusions d'un seul cristal, laisse supposer l'injection récente de magma profond et peu évolué dans le système d'alimentation. Elle confirme aussi le modèle de cristallisation en deux temps, étroitement lié aux modalités de dégazage proposées récemment pour les laves actuelles de l'Etna [4]. Note remise le 20 mars 1989, acceptée le 2 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Laboratoire Pierre-Süe, Groupe des Sciences de la Terre, C.E.N.-Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette.

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Stratigraphie/Strarigrapphy

Frasnian-Famennian extinction events in the Devonian at Coumiac, southern France

R. Thomas BECKER, Raimund FEIST, Gerd FLAJS, Michael R. HOUSE and Gilbert KLAPPER

Abstract — Details are given of the succession of conodonts, goniatites and trilobites across the Frasnian-Famennian boundary, documenting extinction and appearance levels of the Kellwasser Events at Coumiac, north of Cessenon (Hérault). The sequence may be considered as a potentially global stratotype boundary section for the definition of this boundary.

Evénements d'extinction au passage Frasnien-Famennien, Dévonien de Coumiac,

France méridionale

Résumé — Des investigations détaillées de la succession de conodontes, goniatites et trilobites à la limite Frasnien-Famennien révèlent les niveaux d'extinctions et d'apparitions caractérisant les événements « Kellwasser » à Coumiac près de Cessenon (Hérault). La coupe étudiée peut être considérée comme coupe de référence pour la définition du stratotype de cette limite.

Version française abrégée — Le Dévonien de la Montagne Noire, bien connu depuis plus d'un siècle [1], est particulièrement important pour la définition de la limite Frasnien-Famennien. La coupe la mieux documentée est celle de Coumiac (fig. 1-3) dont les goniatites ([2], [3], [4]) et les conodontes ([5], [6]) ont révélé l'importance. Cette Note apporte des informations précises sur l'extinction massive des faunes près de cette limite. Les calcilutites pélagiques de la Formation de Coumiac [7] contiennent vers le sommet deux niveaux réducteurs de type « Kellwasserkalk » bien connus dans le Massif rhénan et dans le Harz [8]. La limite Frasnien-Famennien coïncide avec le sommet du banc supérieur, où une croûte ferrugineuse à bioturbations témoigne, plutôt que d'un épisode subaérien [9], d'un ralentissement de la sédimentation sous-marine. La zonation basée sur les goniatites ([1], [10], [11], [13], [14]) peut être appliquée à Coumiac. Le déclin du groupe étant sensible à partir du Frasnien moyen, le taux d'extinctions culmine, dans la Zone à holzapfeli, au sommet du niveau supérieur de Kellwasser, où s'éteignent tous les Gephuroceratidae et Beloceratidae. Au-dessus, l'expansion opportuniste de « Tornoceras » frechi caractérise la base du Famennien [15] alors que les premiers Cheiloceras, accompagnés de Falcitornoceras, n'apparaissent que dans la Zone supérieure à triangularis ([16], [4]).

La fin du Frasnien représente une période d'extinction majeure pour les trilobites [17]. Parmi les huit familles représentées à Coumiac, les Soutelluidae, Odontopleuridae et Tropidocoryphidae ne dépassent pas le niveau inférieur, alors que les Aulacopleuridae, Harpidae et Dalmanitidae s'éteignent au-dessous de la base du niveau supérieur de Kellwasser. Seuls quelques représentants des Phacopidae et Cyrtosymbolidae traversent la limite FrasnienFamennien, après avoir subi une réduction de leurs organes visuels. Le Famennien inférieur comporte des Phacopidae aveugles tels que Nephranops et Trimerocephalus. La Zone 13, la dernière du Frasnien [6], est caractérisée par Palmatolepis bogartensis et cinq autres espèces de conodontes, dont seul Icriodus alternatus traverse la limite Frasnien-Famennien. La limite supérieure de la Zone 13 peut être corrélée avec la zonation standard basée sur Palmatolepis linguiformis [9], bien que cette espèce ne figure pas à Coumiac. Des réserves sont d'ailleurs

Note présentée par Michel DURAND-DELGA. 0249-6305/89/03090259 $2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 18

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émises quant à l'utilisation pratique de la Zone à linguiformis, basée sur des éléments aussi rares et à répartition aussi restreinte que P. linguiformis ou l'espèce associée Ag. ubiquitus. La base du Famennien est datée par les formes index Pa. triangularis et Pa. delicatula delicatula [18]. Ces nouvelles données confirment la similitude des calcaires à céphalopodes de Coumiac et de ceux, contemporains, du Massif rhénan ([18], [19]), du Harz [20] et de Thuringe ([21], [22]) et précisent les changements évolutifs et écologiques associés aux événements Kellwasser : la diversification des trilobites et goniatites diminue dès la base du niveau inférieur. Les trilobites typiquement frasniens s'éteignent juste au-dessous du niveau supérieur, alors que des goniatites et conodontes, également frasniens, s'éteignent au sommet de celui-ci, en même temps que les Icriodus, indicateurs de faible profondeur, augmentent en nombre [9]. La coupe de Coumiac est actuellement celle qui fournit la documentation la plus précise sur ces événements et devrait être de ce fait choisie comme stratotype de la limite Frasnien-Famennien.

I. INTRODUCTION. — The Montagne Noire has been celebrated for a century as showing some of the finest Devonian séquences in Europe [1]. Already it has provided the recommended Global Stratotype Section and Point (GSSP) for the Middle — Upper Devonian and Devonian-Carboniferous boundaries. The sections are also important for the definition of the Frasnian-Famennian boundary. From the Coumiac Quarry near Cessenon, de Rouville [2] illustrated the Frasnian Beloceras sagittarium. Ceratitic beloceratids have been described [3] and there is an account of the goniatite sequence [4]. Conodont work established the importance of the sections [5] and it has formed the basis for a new approach to Frasnian zonation [6]. There has been much debate on alleged mass extinctions at the Frasnian-Famennian boundary but little recent precise documentation of evidence. This Note records the current documentation at Coumiac bearing on extinctions near the Frasnian-Famennian boundary mainly for conodonts, goniatites and trilobites. The quarries at Coumiac lie some 1.5 km north of Cessenon (1/25,000 sheet, St Chinian, Nos. 7-8). and form the type section of the Coumiac Formation (53 m) which crosses the Frasnian-Famennian boundary [7], The locality and succession is illustrated here ( Figs. 1-3).

II. THE SECTION IN THE UPPER QUARRY AT COUMIAC. — At Coumiac, above alternating shales and lydites, the middle and upper Frasnian is composed of rather uniform wellbedded red and pink calcilutites with rich pelagic, nektonic and benthonic faunas mainly of cephalopods, dacryoconarids, conodonts, small bivalves, ostracods, trilobites, foraminiferans and fish remains. Crinoid ossicles, smooth and other brachiopods and rugose corals occur in places. The upper part of the succession contains two distinct carbonrich, grey coarse-grained dolomitic limestone horizons (Beds 24 a and 31g) which are thought to correspond to the Lower and Upper Kellwasserkalk horizons respectively which are well known from the eastern Rhenish Slate and Harz Mountains [8].

The Frasnian-Famennian boundary is drawn at the top of the Upper Kellwasser horizon (between Beds 31g and 32 a). Spécial attention is drawn to the microfacies development across the boundary beds and especially to the beds below and above the Upper Kellwasserkalk in the Coumiac section. Bed 31 f(Fig. 3) consists of reddish and grey bioturbated pelagic biomicrites containing entomozoid ecotype ostracods, sponge spicules, small shell fragments, well-preserved goniatites and rare echinoderm ossicles. Several crypto-hardgrounds showing in part micro-reliefs and basal reworking are recognisable. Graded bedding above these discontinuities is indicated by filament accumulations within the micritic matrix. The uppermost centimetre consists of red micrite with abundent current orientated dacryoconarids.

The Upper Kellwasser level (Bed 31g) is a coarse dark-grey dolomitic recrystallised limestone which carries a rich fauna of pteriomorph bivalves showing no evidence of

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abrasion and it also has unbroken goniatite shells ; this indicates minimal current activity although the fine-scale matrix shows current lamination. Apart from bivalves, the faunal association is similar to other levels be low and above and there is no evidence of allochthonous elements.

The iron-oxide crust (2 cm) developed between Beds 31g and 32a (Fig. 3) shows stromatolitic limonite structures of uncertain origin. Although traces are not clear from the main section, marine ostracods are known from this level in the Lower Quarry where borings at the base and truncations are also recognisable. In Bed 32 a, immediately above the limonitic crust, the sddimentation is of the pelagic type of micrite as below and similarly has ostracods, sponge spicules, cephalopods and shows the effects of bioturbation. This uniformity of pelagic micritic sedimentation as well as the presence of numerous crypto-hardground discontinuities in Bed 31 f suggests that the crust at the base of Bed 32 a represents submarine hardground formation in a pelagic environment. In our thin sections there is no evidence for subaerial exposure [9].

III. FAUNAL SUCCESSION. — The base of Bed 32 a. defines the Frasnian-Famennian boundary. The goniatite sequence established over the past century ([1],[10], [11], [13], [14]) is recognisable at Coumiac. In former goniatite terms the Manticoceras-Cheiloceras Stufen boundary would be taken at the entry of Cheiloceras. Convenience makes it appropriately redefined at the extinction of the Gephuroceratacea. Decline in goniatites already started in the mid Frasnian. A culmination of extinctions occurred in the holzapfeli Zone (Beds 28-31 g) when the Gephuroceratidae and Beloceratidae become extinct. The genera Manticoceras, Sphaeromanticoceras, Crickites and Beloceras were lost in the uppermost part of Zone 13 [6] or the linguiformis Zone [9] of the conodont terminology. Subzonal subdivision of the holzapfeli Zone will be possible. Elsewhere there is evidence that all genera survived into the Upper Kellwasserkalk level.

This extinction, represented by Bed 31g at Coumiac is followed by a lull in goniatite evolution and the opportunistic spreading of "Tornoceras" frechi which now defines the base of the Famennian in goniatite terms [15]. The entry of Falcitornoceras and the Cheiloceratidae represents a new radiation. The first Cheiloceras occurs in the Upper triangularis Zone [16] in Morocco and this is supported by the questionable find in Bed 35 c and the record in Bed 36. Falcitornoceras is known from Bed 36 but is better known from equivalents in the succession at Col du Puech de la Suque, north of Coumiac [4]. The higher sequence can be followed in the ridge above and a Paratornoceras Bed (high II alpha, Lower marginifera Zone) is recognisable as in other areas.

The end of the Frasnian has long been known to be one of the most important extinction periods for trilobites [17]. Biostratigraphical studies, however, have so far not given sufficient documentation of extinction levels in terms of the conodont zonation and in relation to the Kellwasser events. The Coumiac records provide some precision in this regard.

Eight families are presently recorded in the higher Frasnian section at Coumiac: three (Scutelluidae, Odontopleuridae and Tropidocoryphidae) have not been found higher than in Zone 12 of Klapper and may not cross the Lower Kellwasser horizon (Bed 24). One questionable aulacopleurid fragment has been found between the Lower and Upper Kellwasser horizons in the Coumiac section. In a section at La Serre, near Cabrières, Cyphaspis stigmatophthalmus is associated with a conodont fauna of Zone 13 and may have a position equivalent to Bed 31 c at Coumiac. Of special importance is the youngest documented occurrence of the Harpidae (in an adjacent level equivalent to the top of

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Bed 31 f). Thus, the Upper Kellwasser event is most probably responsible for the extinction of the Harpes neogracilis Group which is the last surviving representative of the long-ranging Harpina, known from the basai Ordovician. One dalmanitid pygidium belonging to Bradocryphaeus occurs in Bed 31e, testifying for the first time to the persistence of this family into Zone 13 and near to the base of the Upper Kellwasser horizon. Furthermore, this first recorded occurrence in a cephalopod limestone facies should be useful for correlation with brachiopod and coral facies as well as detrital sandy environments where this group is usually found. Of the remaining two families, Cyrtosymbolidae and Phacopidae, both cross the Upper Kellwasser event into the Famennian and persist to the Devonian-Carboniferous boundary. However, some of their representatives become affected by the Kellwasser events. Palpebralia and Cryphops are characterised by the phenomenon of eye reduction. Within the Cryphops Group, species with more than 15 eye-lenses are present in Zone 12. Cryph. acuticeps with 6-10 lenses extends into Zone 13 where it is joined by a new species which possesses only three lenses on the ocular field (Bed 31e); both species do not extend above the Upper Kellwasser bed. Trimerocephalus, the blind Famennian descendant of Cryphops, has not been found earlier than in the "griotte" limestone (Beds 36-37) where it is associated with cheiloceratids. In general the lowermost Famennian triangularis Zone is poor in trilobites, except for the blind Nephranops incisus, which is quite abundant in Beds 32 c, d. Frasnian ancestors of Nephranops have not been found so far at Coumiac, whereas an oculated form occurs in Zone 13 at La Serre.

The highest Frasnian conodont zone in the Montagne Noire, Zone 13, is developed from the base of Bed 24a to the top of Bed 31g (Fig. 3). The base of Zone 13 is defined on the first occurrence of Palmatolepis bogartensis and it and five other species, Palmatolepis winchelli, Ancyrognathus asymmetricus, Polygnathus webbi, Ancyrodella curvata (late form), and Icriodus alternatus range into the highest level of the zone at Coumiac. Of these, only J. alternatus crosses into the Lower triangularis Zone, the lowest Famennian zone, which is present in Klapper's collections from Beds 32 a, b ( Fig. 3). This is exactly the situation at other Montagne Noire sections (La Serre trench C, Causses-et-Veyran, and the Lower Coumiac Quarry), where the Frasnian-Famennian boundary has been sampled in detail for conodonts. Thus, a number of different Frasnian lineages, of which the listed species are the last representatives, terminate at the end of the stage in the Montagne Noire as they do elsewhere in Devonian tropical areas.

Palmatolepis linguiformis, the defining species of the Uppermost gigas Zone of the standard zonation (renamed as linguiformis Zone [9]) has not been found as yet in any Montagne Noire section. Its absence, however, does not necessarily mean that the équivalents of the zone are missing in this area. Graphic correlation (Shaw's method) of the Montagne Noire sections with the upper Frasnian sequence at Sweetland Creek, Iowa (unpublished collections of G.K.), demonstrates the equivalency of part of Zone 13 at the Upper Coumiac Quarry (Beds 31 f-g, Fig. 3) with the highest Frasnian collection at Sweetland Creek, which contains Pa. linguiformis.

Pa. linguiformis is also absent in the Belgian sequence [9], where the lowest occurrence of Ag. ubiquitus is used as an aid to the identification of the linguiformis Zone. Not only is Pa. linguiformis a rare species in sections where it is present ([9], Tables I and III), Sweetland Creek and collections made by students of J. G. Johnson from the Antelope Range, Nevada), but the second species is also rare in its occurrence. Sandberg

PLANCHE I/PLATE I

R. THOMAS BECKER

Fig. 3 (on PLATE II).- Diagram showing the succession and ranges of the most significant taxa in the Upper Coumiac Quarry. Conodont sample numbers [6] are shown in a separate column. Old goniatite sample numbers [4] are given corrected bed numbers in this text where appropriate. Records from beds as follows (subdivisions of units are shown in brackets after the taxon name):

Fig. 3 (sur PLANCHE II).- Diagramme montrant la succession et la répartition des taxa les plus significatifs dans la coupe de la carrière supérieure de Coumiac. Les numéros d'échantillons à conodontes [6] figurent dans une colonne séparée. Quand il y a lieu, des anciens numéros d'échantillons à goniatites sont remplacés, dans le texte, par les numéros des couches correspondantes. Récolte des couches comme suit (les subdivisions d'unités de couches sont portées en parenthèses à la suite du nom du taxon):

23: Manticoceras sp. (a-c (657)), Harpes neogracilis, Cyphaspis stigmatophthalmus, Scutellum costatum, Cryphops cf. acuticeps, Palpebralia palpebralis, Pteroparia coumiacensis. Ancyrodella curvata late form (c,d), Ad.nodosa (c,d), Ancyrognathus triangularis (c), Icriodus alternatus (c,d), I. symmetricus (c), Mehlina sp. (c), Palmatolepis winchelli (c,d), Polygnatus cf. brevis (c), Po. webbi (c,d), Po. sp. (d). 24: Mant.sp., Mant.cf. intumescens (a), orthocones (a), Cryphops sp. I. asymmetricus (a), I. alternatus (a,e), Pa. sp.indet. (a), Po. decorosus (e), Po. pacificus (a), Po. webbi (a), P. kireevae ? (a), Ad. curvata late form (a,e), Ag. asymmetricus (a,e), Ag. triangularis (a). Buchiola sp: (a), Prosochasma sp. (a), large ribbed bivalves (a). Lower Kellwasserkalk level (Bed 24a). 25: Beloceras sagittarium (b), Mant. cf. intumescens (b), Archoceras sp. (b (906)), Aulatornoceras sp. (b), Tornoceras sp. (b (888)), ? Gen. nov. (b (906)), orthocones (b),. Palp. palpebralis (b). Pa. hassi form 4 (a,b), Pa. bogartensis (a,b), Po. decorosus (a,b), Po. cf. brevis (b), Ag. asymmetricus (a,b), Ag. triangularis (b), Ad. nodosa (a), Ad. curvata late form (a,b), I. alternatus (a,b), Buchiola sp., pleurotomariid gastropods and brachiopods. 26: Mant. cf.intumescens (a), Mant. sp. cf. intumescens convexum, Bel. sagittarium (common) (a,d), Crassotomoceras sp.(d). Palp. brecciae, Cryphops acuticeps, Cryphops sp. Ag. asymmetricus (a), Ag. triangularis (a), Ag. amana (c), Ag. sp. indet. (c), Ad. curvata late form (a,c), I. alternatus (a,c), Pa. winchelli (a,c), Pa. bogartensis (a,c), Pa. hassi form 4 (a), Pa. rhenana (c), Po. decorosus (a,c), Po. webbi (a,c). Small rugose coral, bivalves, homoctenids, crinoid stem. 27: Mant. cf. intumescens, Arch. sp., tornoceratids, orthocones. Ad. curvata late form, Ag. asymmetricus, Ag. amana, Ag. tsiensi, I. alternatus, Pa. bogartensis, Pa. winchelli, Po. decorosus, Po. webbi. Buchiola sp., trilobites, homoctenids, crinoid ossicles. 28: Mant. cf. intumescens convexum (a-b), Sphaeromanticoceras sp., ? Crickites holzapfeli, Bel. sagittarium, Palp.palpebralis, Cryph. cf. acuticeps. Ad. curvata late form (a-c), Ag. amana (a-b), Ag. asymmetricus (a-c), I. alternatus (a-c), Pa. winchelli (a-c), Pa. bogartensis (a-c), Pa hassi form 4 (a-b), Po. decorosus (a-c), Po. webbi (a-c). 29: ? Crick. sp. (a-b), Palp. palpebralis, Cryph. sp. Ad. curvata late form, Ag. asymmetricus (a-b), Ag. sp. indet. (a-b), I. alternatus (a-b), Mehl. sp. (a-b), Pa. winchelli (a-b), Pa. bogartensis (a-b), Po. decorosus (a-b), Po. webbi (a-b). 30: Mant. sp. (b), Arch. sp. (b), Sphaero. sp. (b), Ceratobel. schulzi (b), Bel. sagittarium (à,b), Linguatornoceras clausum (b), Aulat. cf. auris (b), breviconic cephalopod. Cryph. cf. acuticeps, Palp. sp. Crinoid fragments. Ad. curvata late form (a,b), Ag. asymmetricus (b), I. alternatus (b), Pa. bogartensis (a,b), Pa. rhenana (b), Pa. winchelli (a,b), Po. decorosus (a,b), Po. webbi (a,b),. 31a-d: Bel. sagittarium (a). Mant. or Crick. sp. indet.(a,c1, a-d (911)), Torn. sp. juv. (c), Aulatorn. cf. auris (a-c (911)), Arch. angulatum (c2), Arch. sp. (c), orthoconic cephalopods (c). Cryph. sp. (a,b), Cryph. acuticeps (b, c1, c2), Cryph. n.sp. (c2), Harpes neogracilis (cl), Palp. brecciae (b,c1), Palp. sp. (c2). Ag. asymmetricus (a), Ag. sp. indet.(a), Ad. curvat a late form (a), Pa. bogartensis (a), Pa. rhenana (a), Pa. winchelli (a), Po. decorosus (a), Po. webbi (a), I. alternatus (a). Buchiola sp. (a,c). Large crinoid stems (a). Lingulids (a), ? cyrtinids (a), rhynchonellids (c) and homoctenids (c,d). 31e: Crick. holzapfeli (e1), Mant. sp. indet, Torn. sp., Aulat. sp., Crassot. sp. Palp. brecciae, Palp.palpebralis (e1,2), Palp. sp. (e1,2), Cryph. acuticeps (e1), Cryph. cf. acuticeps (e2), Cryph. n.sp. (e1-3), Bradocryphaeus sp.(e1), Harpes neogracilis (e1). Ad. curvata late form (e1,2), Ag. amana (e1), Ag. asymmetricus (e1,2), I. alternatus (e1,2),Mehl. sp. (e1,2), Pa. bogartensis (e1,2), Pa. rhenana (e1,2), Pa. winchelli (e1,2), Po. aff. decorosus (e1,2), Po. webbi (el,2). Prosochasma sp. (e1). Crinoid fragments, homoctenids, Lingulipora sp. 31f: Bel. sagittarium (3017?), Mant. or Crick. sp. (from iron level at top). Palp. brecciae, Cryph. cf. acuticeps. Ad. curvata late form, Ag. asymmetricus, I. alternatus, Pa. winchelli, Pa. bogartensis, Po. webbi. Buchiola sp. 31g: Crick. holzapfeli, orthoconic cephalopods. Ag. asymmetricus, Ag. ubiquitus, Ad. curvata late form, Pa. bogartensis, Pa. winchelli, Po. webbi, Mehl. sp., I. alternatus. Cardiola sp., Buchiola (very common), Guerichia venusta. Pelecypoda div. sp., Homoctenus. Spores but no acritarch identified by J.E.A. Marshall. Upper Kellwasserkalk level. 32a: "Torn." frechi (from base of bed). I. alternatus, Pa. triangularis, Po. brevilaminus, Po. n.sp. 32b: Ag. n.sp., Branmehla sp., I. alternatus, Pa. triangularis, Po. brevilaminus, Po. n.sp. 32c: goniatites indet. Nephranops incisus. Pa. triangularis, Pa. delicatula delicatula sensu Ziegler [18], Pa. delicatula clarki, Po. brevilaminus, Po. sp., I. alternatus. 32d: "Torn." frechi, Torn. sp., orthocones. Neph. incisus. Buchiola sp., large bivalves. 33: goniatite indet. I. alternatus (c), Pa. triangularis (c), Pa. delicatula delicatula sensu Ziegler (c), Pa. delicatula clarki (c),Po. brevilaminus (c). 34: "Torn." frechi (c), Torn, cf. typum (c), Aulat. sp. (a-b),

Fig. 1.- Map of the Coumiac Quarry area.

Fig. 1.- Situation topographique des carrières de Coumiac

Fig. 2.- Map of the Upper Quarry at Coumiac

Fig. 2.- Carte de la carrière supérieure de Coumiac.

PLANCHE II/PLATE II

orthoconic cephalopods (a). Ag. sinelaminus (a), I. alternatus (a), Pa. delicatula delicatula sensu Ziegler (a), Pa. delicatula clarki (a), Pa. minuta minuta (a). Pa. quadrantinodosalobata (a), Pa. tenuipunctata (a), Po. sp. (a). Smooth brachiopods (b). 35: ? Cheiloceras sp. (c,d), Torn. cf. typum (c), ribbed orthoconic cephalopods (? Bactrites anellus) (a), orthocones (d). Ag. sinelaminus (a,c), I. alternatus (a,c), Pa. minuta minuta (a), Pa. quadrantinodosalobata (a,c), Pa. cf. regularis (a), Pa. tenuipunctata (a,c), Pa. crepida ? (a), Po. sp. (a,c). Large bivalves. Rhynchonellids (d), lingulids and crinoid ossicles (c). 36: Cheil. sp.,"Torn" frechi, "Torn" n.sp., ? Falcitornoceras constrictum, tomoceratid indet., Lobobacirites termierorum. (In a lateral gallery section, Neph. incisus). Ag. sinelaminus, I. alternatus, Pa. quadrantinodosalobata, Pa. tenuipunctata, Pelekysgnathus planus, Po. glaber glaber. Perrarisinurostrum sp.,Sphaerothoceras sp., Naticopsis dannenbergi. 37b: goniatite cross-sections. Pa. minuta minuta, Pa. quadrantinodosalobata, Pa. crepida, Pa. tenuipunctata, Pa. termini ?, Pelek. planus. Crinoid stem. 38: cross-sections of Cheil. sp., Ag. sinelaminus, I. alternatus, Pa. minuta minuta, Pa. crepida, Pa. quadrantinodosalobata, Pa. tenuipunctata, Pa. termini, Pelek. planus, Po. glaber glaber. 39: Cheil. sp. (a,c). I. alternatus (b-c), Pa. minuta minuta (b-c), Pa. crepida (b-c), Pa. quadrantinodosalobata, (b-c), Pa. tenuipunctata (b-c), Pa. termini (b-c), Po. sp. (b-c). Crinoid ossicles (b-c). Hyperammina supergracilis (b-c), H. nitida (b-c), 7 H. kahlleitensis (b-c), Ammodiscus priscus (b-c).

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and others [9] reported the rare occurrence of Ag. ubiquitus in the dark grey limestone bed in an auxiliary profile 2 m north of our main sampled sequence at Upper Coumiac ( Fig. 3) and use this occurrence to identify the linguiformis Zone. In contrast they use the absence of this Ancyrognathus in the same dark grey limestone bed (31g) in the main profile to assign the bed to the underlying Upper gigas Zone of the standard zonation. Our collections from Bed 31g in the main profile, however, have yielded one specimen of Ag. ubiquitus, but it is absent in our two collections from Bed 31g 2 m north. In contrast, one specimen is present in a large conodont collection from the equivalent bed in the Lower Coumiac Quarry.

Serious question must be raised about the practicality of basing the identification of a zone on two species as rare as Pa. linguiformis and Ag. ubiquitus. Both are of restricted occurrence within their own biofacies, and have not been found in other associations in which Palmatolepis is well represented at localities in the Montagne Noire, the Rhenish Slate Mountains, Saxothuringia, and the Alberta Rockies of Western Canada, among others. Thus, one should exercise extreme caution in inferring that the time equivalents of the latest Frasnian are missing solely on the evidence of the absence of these two species.

The Lower triangularis Zone is present in Beds 32 a, b and in collections 2 m to the north (GK UCN 10-12). Pa. triangularis is the only species of the genus present in these collections. Pa. delicatula clarki and Pa. delicatula delicatula sensu Ziegler [18] are present in Beds 32 c and 33 c ( Fig. 3), indicating the Middle triangularis Zone. Unfortunately there is a taxonomic problem with the lectotype of the latter, causing its identity to be uncertain. The Upper triangularis Zone is identified from Beds 34-36, although one questionable Pa. crepida is noted in Bed 35 a.

IV. CONCLUSIONS. — The precision given by the Coumiac section clarifies the general features of the faunal sequence around the Frasnian-Famennian boundary in cephalopod limestones and shows similarities to sections of the Rhenish Slate Mountains ([18], [19], Harz [20] and Thuringia ([21], [22]). The following significant evolutionary and ecological steps illustrate the changes associated with the Kellwasser events in Europe:

1. Diverse trilobite and goniatite faunas exist below the Lower Kellwasser level (Coumiac Bed 23 and earlier). There is a restriction in diversity at the base of the Lower Kellwasserkalk level.

2. The Lower Kellwasserkalk Bed (Bed 24 a), high in organic carbon, shows the spreading of shallow marine organisms.

3. Succeeding this there is an opportunistic bloom in archoceratids (Bed 25), an entry of the Crickites holzapfeli group (Bed 28) and an elaboration of beloceratids (Bed 30). There is a spread of Cryphops acuticeps and Palpebralia brecciae groups (Beds 25-31).

4. Just below the Upper Kellwasserkalk level typical Frasnian trilobites become extinct (Event alpha [23]) (Bed 31 f).

5. In the Upper Kellwasserkalk level (also high in organic carbon) (Bed 31g) there is an incoming of large bivalves, cladochonids, and other shallow water organisms such as arthrodires and coelacanthids (Event beta [23]). Icriodid species, typically found as minor elements in the palmatolepid biofacies, increase [9].

6. At the top of the Upper Kellwasserkalk level (Bed 31g) there is an extinction of the last gephuroceratids, beloceratids and several conodont lineages. The homoctenids may continue elsewhere in very reduced abundance (Event gamma [23]).

7. Opportunistic spreading of "Tornoceras" frechi (Bed 32 a) which becomes abundant in Europe and North Africa and also of the blind trilobite Nephranops incisus (Bed 32 c) and of icriodids in the Pa. triangularis Zone.

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8. The early Famennian radiation of cheiloceratid and falcitornoceratid goniatites and trilobites such as Trimerocephalus (Beds 35-45).

Since the Coumiac section is the most precisely known for documenting these events it should be considered as a possible stratotype section for defining the FrasnianFamennian boundary. It will be apparent that the staged palaeogeographic and ecological changes over a long period of time described here do not seem consistent with hypotheses invoking a single bolide or meteorite impact to explain events at the FrasnianFamennian boundary.

Contribution Projet 89. DBT II-4, I.N.S.U. Note remise le 24 avril 1989, acceptée le 10 mai 1989.

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R. T. B. and M. R. H. : Department of Geology, The University, Southampton S09 5NH, U.K. ;

R. F. : Laboratoire de Paléontologie,

Université des Sciences et Techniques du Languedoc,

place Eugène-Bataillon, 34060 Montpellier Cedex ;

G. F. : Lehr- und Forschungsgebiet für Geologie und Palaeontologie,

R.W.T.H. Aachen, Lochnerstrasse 4-20, D-5100 Aachen, R.F.A.;

G. K. : Department of Geology, Trowbridge Hall, University of Iowa,

Iowa City, Iowa 52242, U.S.A.

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Géologie marine/Marine Geology

Apports des images du sonar latéral SAR à la cartographie d'une zone hydrothermale de la ride Est Pacifique

Nathalie VASLET, Yves FOUQUET, Michel VOISSET et Henri BOUGAULT

Résumé — Lors de la campagne HYDROFAST réalisée en décembre 1986, l'utilisation du sonar latéral SAR a permis d'obtenir, pour la première fois avec une résolution de l'ordre de quelques mètres, une image en continu du domaine axial de la ride Est Pacifique compris entre 11°50'N et 13°20'N. Les analyses des images SAR que nous présentons ici proviennent du segement de ride compris entre les deux petits « O.S.C's » de 12°37'N et 12°54'N, où est concentrée l'activité hydrothermale actuellement connue dans ce secteur. Le SAR a permis de cartographier en continu les structures du domaine axial (murs du graben, fissuration axiale...), et de distinguer dans certains cas les différents types de laves constituant le sommet des murs ou le plancher interne du graben. La validité des premières interprétations est éprouvée grâce aux données antérieures (Seabeam, plongées en submersible). La bonne corrélation entre les différentes données nous permet de poursuivre par analogie l'analyse des 60 milles (167 km 2) couverts par le SAR lors d'HYDROFAST. Grâce aux informations fournies par le SAR, nous avons pu identifier au niveau de Taxe plusieurs épisodes volcaniques séparés par des phases de fissuration axiale. Ces observations peuvent traduire l'existence de micropulsations volcaniques liées à la reprise de l'activité volcanique dans la partie Nord du segment.

Contribution of side scan sonar SAR for mapping an hydrothermal zone of the

East Pacific rise

Abstract — The deep towed side scan sonar System SAR (Système Acoustique Remorqué) is capable of continuous mapping with a metric resolution. SAR images of the axial zone of the East Pacific Rise, between 11°50'N and 13°20'N, were obtained during the HYDROFAST cruise (R/V J.-Charcot, Dec. 1986). The SAR pictures analysed here come from the ridge segment bounded by two small Overlapping Spreading Centers (O.S.C's) at 12°37 N and 12°54'N, where hydrothermal activity had been previously detected. Tectonic features (graben walls, axial fissuring...), sometimes volcanic flow morphology and sediment coverage can be mapped from SAR images. Previous data, bathymetry and direct submersible observations are used to interpret SAR records. The good correlation between the different data sets allows us to pursue, by analogy, the analysis of the 60 miles along the strike that were imaged by the SAR during HYDROFAST (167 km2). Using the SAR data of the axial zone, several volcanic episodes interrupted by axial fissuring periods have been identified. These observations may correspond to volcanic micropulsations related to the resumption of volcanic activity in the northern part of the segment.

Abridged English Version — The East Pacific Rise (E.P.R.) near 13°N, where numerous French océanographic cruises have been conducted is espacially known for its hydrothermal activity. During the HYDROFAST cruise (R/V J.-Charcot, Dec. 1986), the deep towed side scan sonar SAR "imaged" the axial zone of the ridge between 11°50'N and 13°20'N. With respect to previous data (Sea Marc I [1]), SAR investigations, with a 1.5 km total swath width and a metric resolution, give the first precise image of the ridge crest which can be directly compared to submersible observations.

I. GEOLOGICAL SETTING. — Near 13°N, the axial continuity of the E.P.R. is interrupted by two small O.S.C's at 12°37'N and 12°54'N ([3] et [4]). The HYDROFAST cruise has shown that the intense hydrothermal activity is concentrated along the median segment bounded by these two O.S.C's. The axial zone of this segment has a domed cross-sectional shape and an axial summit graben varying between 200 to 600 m in width and 20 to 50 m in depth. The opening rate is 12 cm/year [4]. Most of the hydrothermal vents are located in the axial part of the graben where fluid lava flows associated to axial fissuring are present.

Note présentée par Xavier LE PICHON. 0249-6305/89/03090267 $ 2.00 © Académie des Sciences

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II. SAR INTERPRÉTATIONS (Figs. 2 and 3). — SAR images presented here show the axial graben between 12°50'N and 12°51'N, and the northern flank of a seamount located 6 km east off the axis. The SAR provides an acoustic image which depends on sea floor nature and morphology. The strongest is the echo, the blackest is the record. For example, a high reflective nearvertical fault plan illuminated by the SAR beam will produce a black line on the image. On the contrary, a lack of echo will resuit in a white record. For example, a shadowed area on the sea floor, because the SAR beam has been interrupted by a natural screen (i. e. a horst) will be represented on the SAR image by a white area. The SAR records are in essence the combination of the morphology and the reflexivity of the seafllor and also of the relative geometry of the SAR location with respect to the sea floor structures. For this reason the occurrences where the nature of the substratum can be deduced from acoustic facies (SAR records) are necessarily limited. The SAR is also equipped with a mud penetrator (3 to 4 khz), but this tool only provided topographie profiles during HYDROFAST due to the lack of sediment coverage in the studied area.

Along the ridge axis between 12°50'N and 12°51'N (Fig. 3), the image of the graben shows the orientation, length and shape of the normal faults constituting the graben walls. All the inner floor is covered by lobated lavas except four small surfaces of pillow lavas which also constitute the top of the walls. In the southern part of this ridge section, active fissuring (consisting of fissures with small vertical offsets) is present in the axial part of the inner floor. In the medium part of the area, two small horsts (15 m high) take the place of the fissures. In the northern part, axial fissuring reappears and is suddenly covered by a recent lobated lava flow. Because of the complexity of the geological environment, hydrothermal chimneys are not visible on the SAR image.

On the northeast seamount, on its northern flank, fissuring and three volcanic episodes can be identified. The first episode corresponds to the pillow lavas substratum covered with sediment. The second consists of lava flows covered with a fine dust of sediment and the third represents recent lava flows erupted from small parasitic cones sometimes showing a caldera. Other flows are clearly related to old fissures of the substratum. In this off axis area all fractures are oblique with respect to the axial trend.

III. CONCLUSION. — The SAR information shows that volcanism and tectonics are not randomly distributed along the ridge segment between 12°37'N and 12°54'N. Volcanic activity is especially located in the northern part of the segment. In the axial zone of this northern part several volcanic episodes are interrupted by axial fissuring. These observations can be related to volcanic micropulsations associated to the resumption of the volcanic activity of the northern part of die segment. We notice that the high temperature hydrothermal fields are closely related to this area where the recent volcanic activity is present both at the axis and on the off axis northern seamount.

INTRODUCTION. — La ride Est Pacifique au voisinage de 13°N est connue pour son activité hydrothermale. Elle a fait l'objet de nombreuses campagnes océanographiques françaises qui ont permis la réalisation d'un relevé cartographique effectué par le sondeur multifaisceaux Seabeam (SEARISE I et II en 1980, CLIPPERTON en 1981, HYDROFAST en 1986). Des études détaillées menées depuis la surface (photographies du fond avec le système RAIE, dragages, prélèvements d'eau...) durant la campagne CLIPPERTON ont révélé l'importance de l'activité hydrothermale aux alentours de 12°50'N. En 1983 une couverture acoustique a été réalisée à l'aide du sonar latéral américain Sea

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Marc I [1]. Enfin des campagnes d'exploration et de prélèvements des sites hydrothermaux ont été menées avec les submersibles Cyana et Nautile (CYATHERM en 1982, CYARISE II et III en 1984 et HYDRONAUTE fin 1987). En décembre 1986, lors de la campagne HYDROFAST, l'utilisation du sonar latéral SAR (Système Acoustique Remorqué de l'IFREMER) a permis d'obtenir une image continue du domaine axial compris entre 11°50'N et 13°20'N. Le SAR a une portée totale de 1 500 m et une résolution de 1 à 5 m alors que le Sea Marc I a une portée totale de 2 à 5 km pour une résolution de l'ordre de la dizaine de mètres. Grâce au SAR, pour la première fois, des images de l'axe d'une dorsale ont été obtenues à une échelle proche de celle des édifices hydrothermaux, et avec une précision permettant de les confronter directement aux observations plus ponctuelles faites à partir de submersibles [2].

L'étude qui suit est une comparaison des premiers résultats de l'analyse des images SAR avec des données morphologiques et structurales, préexistantes.

I. CADRE GÉOLOGIQUE RÉGIONAL. — Vers la latitude de 13°N, l'axe de la ride EstPacifique est divisé en plusieurs segments limités par deux petits centres d'accrétion en recouvrement ou « Overlapping Spreading Centers » (O.S.C's) situés à 12°37'N et 12°54'N ([3] et [4]). On a pu démontrer au cours de la campagne HYDROFAST que l'activité hydrothermale paroxysmale se localise sur le segment médian compris entre ces deux O.S.C's. La coupe perpendiculaire à l'axe de ce segment a une forme générale en dôme et présente à son sommet un graben de 200 à 600 m de large pour une profondeur de 20 m à 50 m. Le taux d'accrétion est élevé et estimé à environ 12 cm/an [5]. Sur le flanc Ouest de l'axe se trouve une série de petits horsts et grabens alors que, sur le flanc Est, la structure est masquée par la présence de deux volcans sous-marins (fig. 1).

D'après la carte Seabeam et les observations effectuées lors des plongées ([5], [6], [7] et [8]) la largeur du graben axial entre 12°50'N et 12°51'N (zone axiale correspondant à l'une des images SAR présentée, fig. 3) est de 250 m et la profondeur maximale de 50 m. Les murs du graben sont constitués de deux ou trois gradins limités par des failles normales dont le rejet augmente avec la distance à l'axe. La fissuration active se localise dans la partie centrale du graben, sur une centaine de mètres de large. C'est dans ce domaine que se trouvent les lacs de lave et les épanchements de laves lobées. En bordure des laves fluides se trouvent des laves en coussin qui constituent l'essentiel des murs. Des laves récentes recouvrent parfois les franges d'éboulis provenant du démantèlement des murs.

La plupart des sites hydrothermaux actifs sont présents au centre du graben et sont étroitement liés aux laves fluides, elles-mêmes associées à la fissuration axiale. Certains sites inactifs se trouvent également au centre du graben; d'autres forment une ligne de dépôts fossiles le long des murs [9].

II. INTERPRÉTATION DES IMAGES SAR. — Les images SAR que nous présentons ici correspondent au graben axial entre 12°50'N et 12°51' et au flanc Nord du volcan sousmarin NE (fig. 1). Une image sonar correspond à la transcription des signaux acoustiques de haute fréquence réfléchis par le fond. L'énergie réfléchie est fonction de la nature et de la morphologie du fond océanique. Cette énergie est traduite sur l'image par une palette de gris (en théorie 256 niveaux de gris). Les zones à très fort pouvoir de réflexion (par exemple un plan de faille subvertical insonifié par le SAR) sont en noir sur l'image, alors que les zones d'ombre pour le sonar, marquant l'absence d'énergie réfléchie (par exemple une ombre due à un horst), sont en blanc. Aux informations concernant la microtopographie du fond, s'ajoutent celles concernant la nature du substratum (types

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de laves, présence ou non de sédiments...) ainsi que celles résultant de la position du SAR par rapport aux structures. Pour ces raisons, la corrélation entre le faciès acoustique et la nature du fond n'est pas toujours facile. Le SAR est par ailleurs équipé d'un sondeur de sédiment (3 à 4 khz). La surface « éclairée » à chaque tir est de l'ordre de 100 m de rayon pour une altitude de l'engin de 100 m. Au voisinage de l'axe de la dorsale, la très forte énergie renvoyée par le fond basaltique tourmenté ne permet pas de discerner une couche sédimentaire discontinue et de faible épaisseur.

Au niveau de l'axe. — Sur l'image SAR de la zone axiale comprise entre 12°50'N et 12°51'N (fig. 3), on distingue le graben limité à l'ouest par des failles normales; les plus externes mesurent de 100 à 300 m de longueur et ont une direction moyenne N165. Le passage au niveau du plancher interne se fait grâce à une série de 2 ou 3 failles normales de même direction que les précédentes mais de longueurs moins importantes. La structure du mur Est est identique; sur le sommet de ce mur se situent des fissures (ouvertures mises en évidence par la présence d'un fin liséré d'ombre situé devant le réflecteur principal) de quelques centaines de mètres de longueur qui peuvent évoluer vers l'intérieur du graben en failles normales. On observe des pans de murs effondrés le long de ces failles. Le SAR étant passé à l'aplomb de la partie sud du mur Est, cette zone n'est pas interprétable sur l'image.

Dans le graben :

— Dans la partie sud, une série de réflecteurs étroits parallèles aux murs occupent le fond du graben sur environ 60 m de large. A l'aide des observations effectuées depuis les submersibles cette série de réflecteurs est interprétée en termes de fissures à faible rejet vertical.

Fig. 1. — Carte bathymétrique simplifiée de la ride Est Pacifique entre 12°35'N et 12°56'N.

Localisation des images SAR étudiées.

Fig. 1. — Schematized bathymetric map of the East Pacific Rise between 12°35'N and 12°56'N,

showing the location of studied SAR images.

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— Dans la partie médiane, vers 12°50,5'N, la fissuration fait place à une série de petits horsts d'une quinzaine de mètres de hauteur (cette valeur a été calculée en tenant compte de la position du SAR et de la longueur de l'ombre — en blanc sur l'image — ). La direction de ces petits horsts est N —S c'est-à-dire légèrement oblique par rapport à celle des murs du graben.

— Dans la partie nord, la fissuration axiale réapparaît. Elle est ensuite brutalement masquée par une surface de faciès acoustique « gris homogène » de 450 m de long pour une centaine de mètres de large.

D'après les observations effectuées depuis les submersibles, le faciès « gris homogène » correspond à un épanchement récent de laves fluides ayant recouvert la fissuration axiale. Le même faciès, caractérisant les laves fluides, est présent sur l'ensemble du centre du graben. Par contre, sur le sommet des murs, un faciès différent à grains grossiers traduit la présence des laves en coussins. Quatre surfaces de ces laves en coussins sont visibles sur le plancher interne du graben en bordure des laves fluides. Enfin, une bande d'un faciès plus sombre bordant l'escarpement Ouest matérialise la présence d'éboulis au pied du mur (fig. 3).

Fig. 2. — Image SAR du flanc nord du volcan sous-marin nord-est. Interprétation de l'image : 1, coulée de lave récente; 2, coulée de lave avec un fin dépôt de sédiments; 3, laves en coussins couvertes de sédiments; 4, faille normale; 5, fissure; 6, caldeira; 7, petit dôme volcanique; 8, position d'un cône adventif à l'origine des ombres — en blanc sur l'image SAR —. A-B : Passage du SAR.

Fig. 2. — SAR image of the northern flank of the north east off axis seamount. SAR interpretation: 1, recent lava flow; 2, lava flow with a fine dust of sediment; 3, pillow lavas covered by sediments; 4, normal fault; 5, fissure; 6, caldera; 1, small volcanic dome; 8, location of a parasitic cone creator of shadows (in white on the SAR image). A-B: SAR track.

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Sur les images SAR, les édifices hydrothermaux repérés lors des plongées ne sont pas visibles, du fait de leurs tailles relativement réduites et de leur localisation dans un environnement complexe qui limite le pouvoir de résolution du sonar. Ces premiers résultats, obtenus en partie grâce aux observations effectuées lors des plongées en submersibles, montrent la précision des images SAR et permettent de poursuivre par analogie l'interprétation des 60 milles couverts par le SAR le long de la dorsale EstPacifique au cours de la mission HYDROFAST.

Sur le flanc Nord du volcan sous-marin N.E. — Sur l'image SAR (fig. 2) réalisée sur le flanc Nord du volcan sous-marin N.E. situé à 6 km de l'axe, nous avons pu identifier :

— Une série de failles ou fissures de direction N140-150, obliques par rapport aux directions axiales.

— Trois faciès acoustiques différents. Le premier, clair et à grains grossiers, correspond au substratum formé de laves en coussins recouvertes par une pellicule sédimentaire (la présence des sédiments se traduit sur l'image SAR par la faiblesse de la rétrodiffusion — faciès clair —, mais elle n'est pas décelable sur le profil du sondeur de sédiments). Le second, gris homogène, traduit des coulées de laves récentes émises soit au niveau de petits cônes adventifs pouvant posséder une caldeira, soit au niveau de fissures le long desquelles se forment parfois des rides d'une centaine de mètres de longueur pour quelques mètres de hauteur. Le troisième correspond à des coulées présentant un début de recouvrement par les sédiments (fig. 2). L'analyse des seules images SAR nous permet donc de mettre en évidence l'existence d'une activité volcanique récente hors axe.

III. CONCLUSION. — Dans les études antérieures, l'ensemble du segment de ride compris entre les deux « O.S.C's » de 12°37'N et 12°54'N était considéré comme se trouvant à la transition entre la fin d'un stade tectonique (graben bien individualisé) et le début d'un stade volcanique ([6] et [10]). L'analyse de la couverture SAR de ce segment montre l'alternance des phénomènes volcaniques et tectoniques à l'échelle du mille. Certaines zones du fond du graben sont entièrement fissurées et faillées alors que d'autres correspondent à des épanchements récents de laves fluides émis par certaines fissures qu'ils recouvrent en partie (fig. 3).

Dans la partie Nord du segment, les épanchements de laves prédominent sur l'activité tectonique. C'est à cette latitude, où une activité volcanique hors axe a également été décelée, que l'activité hydrothermale axiale est paroxismale. Note remise le 16 février 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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N. V. : G.I.S. Océanologie et Géodynamique, 6, avenue Le Gorgeu, 29287 Brest Cedex; Y. F., M. V. et H. B. : IFREMER, Centre de Brest, B.P. n° 70, 29263 Plouzane.

PLANCHE I/PLATE I

NATHALIE VASLET

Fig. 3. — Image SAR du graben axial entre 12°50'N et 12°51'N. Interprétation de l'image : 1, coulée récente

de laves fluides; 2, laves fluides; 3, éboulis; 4, laves en coussins; 5, surfaces non interprétables; 6, faille

normale; 7, fissure. A-B : Passage du SAR. Fig. 3. — SAR image of the axial graben between 12°50'N and 12°51'. SAR interpretation: 1, recent fluid lava

ftow; 2, fluid lava; 3, rubbles; 4, pillow lava; 5, non interpretable zone; 6, normal fault; 7, fissure. A-B: SAR

track.

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Géologie/Geology

Paléogéographie jurassique des « Plattenkalk » ioniens dans le Péloponnèse oriental (Parnon), Grèce

Yannis BASSIAS

Résumé — La partie jurassique de la série ionienne la plus orientale du Péloponnèse est caractérisée par des formations bréchiques faisant la transition entre les Calcaires du Pantokrator et les Schistes à Posidonies Supérieurs. Ces formations, bien que modifiées par un métamorphisme tertiaire,

témoignent des-environnements sédimentaires jurassiques influencés par une activité tectonique

régionale et locale. Ces indices paléogéographiques de la série ionienne orientale du Péloponnèse font partie de l'héritage de la phase distensive fini-liasique, de blocs basculés et émergés bien connus dans la série équivalente en Grèce continentale.

Jurassic paleogeography of the Ionian Plattenkalk from Eastern Peloponnesus

(Parnon), Greece

Abstract — The easternmost Jurassic Ionian Series of Peloponnesus are characterized by breccia formations: These formations build the transition between the Pantokrator Limestones and the Upper Posidonia Schists. Although modified by Tertiary metamorphism, these rocks reveal sedimentary environments influenced by regional and local tectonic activity. These paleogeography features are consistent with those known in the equivalent series of continental Greece, inherited from the Late Lias distension phase tilted blocs and emersion.

Abridged English Version — During the Early Jurassic a portion of the carbonate platform of the External Hellenides at the southern edge of Tethys[1] evolves to the Ionian basin. Since the Late Jurassic this basin has supported a generalized pelagic sedimentation (Vigla limestones) ([2], [3]). This differentiation is a consequence of the Late Lias distension phase which, by tilting and emersion, affected the Pantokrator limestones and resulted in the creation of shallow plateaus and sinking basins. In continental Greece, few sections allow distinguishing complete successions of sedimentary formation between the neritic Pantokrator limestones and the pelagic sedimentation of Vigla limestones. These successions begin with the Siniais limestones or their lateral transition of Louros limestones ([2], [3]) which are covered either by marly limestones and breccia (ammonitico rosso) or by deeper clayey deposits (Lower Posidonia Schists) ([3], [4]). These clastic intervais are followed by pelagic limestones or by their lateral and deeper transition of limestones with chert beds [3]. The top of these limestones was covered by the Upper Posidonia Schists prior to the Vigla limestones, since the Tithonian [5].

Although affected by Tertiary tectonics and metamorphism, the equivalent series of Peloponnesus show a similar Jurassic evolution ([6], [7] and [15]). On the western flank of the top of the Parnon Mountains, a complete succession of transitional formations between the Platenkalk and the Vigla limestones is exposed (Fig. 1). This succession is characterized by alternating holocarbonate and microbreccia marble beds which, upwards, become enriched in white mica, chlorite, paragonite or biotite, Ca-amphibole, quartz and pyrite. Their top is locally covered by polygenic breccia ressembling the ammonitico rosso. The breccias are composed of angular yellow-greenish meta-marly elements, rounded marble elements rich in oxides, small fragments of white quartzite beds and concretions of hematite with quartz and phosphates (Fig. 2). The groundmass and meta-marly éléments are composed of calcite, Fedolomite, quartz, biotite, tremolite and late lawsonite. These breccias are covered by 30 to

Note présentée par Jean DERCOURT. 0249-6305/89/03090275 $2.00 © Académie des Sciences

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35 m of alternating thin beds of quartzite and grey microbreccia marble beds with white mica, chlorite, quartz and chloritoid. These beds enclose thin laminae of black schists (organic matter?). This sequence is followed by 30 m of quartzites alternating with thin phyllite layers composed of white mica, chlorite, biotite, oxides and rare tremolite. These beds are comparable to the Upper Posidonia schists. The profile studied reveals, upwards, an enrichment in quartz and phyllosilicates (essentially muscovite and chlorite) as well as a decrease in thickness of the microbreccia beds. These minerais crystallized during the Tertiary orogenic phase under peak metamorphic conditions situated at 2-5 kb and 450480°C [9]. However, their associations and frequency are suggestive of the clayey composition of the sediments. A set of mineral reactions (see French version) controls the appearence of the metamorphic assemblages and suggests a pristine mineral composition set up by illite and illite-smectite, 14 Â mixed-layer clays, quartz, oxides and scarce kaolinite and albite.

CONCLUSIONS. — The easternmost Ionian Series of Peloponnesus is a characteristic example where, due to structural and metamorphic modifications induced during the Tertiary orogeny, the Jurassic paleogeographic reconstruction faced difficulties. However, field and mineralogical evidence allows proposing an evolutionary scheme. As the former carbonate platform is affected by faulting and tilting a marked submarine topography and differential subsidence appear. The amounts of the insoluble fraction from the transitional formations between the Pantokrator and Vigla limestones increase upwards. This increase may be monitored, either by a terrigenous influx, or by a limited dissolution of the insoluble fraction due to a decrease in the carbonate or silica productivity. However, microbreccia beds and polygenic breccias suggest local tectonic activity and erosion. These features are well known in continental Greece where they are interpreted as the signs of the Mesozoic Mesogean extension ([17], [18]). They especially proceeded in two major zones of tilted blocs and emersion which built up the morphostructural limits between the external-middle and middle-internal Ionian Series [6]. The Jurassic Ionian Series of Parnon seems to have occupied a comparable position. Similarly, the Upper Cretaceous and Eocene sediments, commonly composed of microbreccia, were already correlated with the middle-internal parts of the Ionian Series of continental Greece [7]. This constant paleogeographic polarity on the Parnon suggests that the easternmost Ionian outcorps of Peloponnesus have been located since the Jurassic in a position of morphostructural boundary between the middle and internai portions of the Ionian Series.

INTRODUCTION. — Durant le Jurassique, la partie ionienne de la plate-forme carbonatée des Hellenides externes située au bord sud-téthysien [1], évolue en un bassin à sédimentation pélagique généralisée [2]. Cette différentiation se manifeste par une phase de fracturation de la plate-forme néritique du Lias inférieur-moyen (calcaires du Pantokrator) et par l'apparition de hauts fonds et de dépressions [3]. En Grèce continentale, dans les coupes les plus complètes, les premiers sédiments reposant sur les Calcaires du Pantokrator sont les Calcaires de Siniais [3] ou leur équivalent latéral, les Calcaires de Louros ([2], [3]). Ces formations sont recouvertes par des faciès marno-calcaires et bréchiques (ammonitica-rosso) qui évoluent latéralement vers des Schistes à Posidonies Inférieurs ([3], [4]). Au-dessus, reposent des calcaires à filaments [3] qui évoluent latéralement (au moins pour leur partie basale) vers des calcaires en plaquettes à silex [2]. Ces calcaires portent, à leur sommet, des Schistes à Posidonies Supérieurs [3] auxquels succèdent des sédiments pélagiques (calcaires de Vigla [2]) à partir du Tithonique [5].

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Les séries équivalentes du Péloponnèse ont été soumises à des variations de sédimentation jurassique comparables [6]. Dans le Parnon ([7], [8]), chaîne montagneuse située dans la partie orientale du Péloponnèse et affectée par un métamorphisme tertiaire [9], des méta-brèches polygéniques ont été mises en évidence au sommet d'une alternance de marbres blancs et de marbres jaunâtres à texture microbréchique. Elles sont suivies par des marbres à lits de quartzites (fig. 1). L'ensemble de ces formations est plissé. Le style tectonique de déformation des roches sus et sous-jacentes est identique, et la possibilité d'une mise en place de ces brèches ultérieurement par un jeu de tectonique tangentielle est à écarter. Il sera démontré, à l'aide de l'étude minéralogique, que les formations jurassiques du Parnon ont été soumises à des variations de sédimentation régionales et à une alimentation clastique locale lors de la phase distensive fini-liasique [6].

STRATIGRAPHIE ET MINÉRALOGIE. — Le profil jurassique du sommet du Parnon ([7], [10]) décrit sous ses aspects lithologiques et minéralogiques peut être subdivisé en cinq unités (a à e, fig. 1), de bas en haut comme indiqué ci-dessous :

— 200 m environ de marbres dolomitiques gris-blancs en bancs épais avec de rares éléments à quartz et muscovite et de rares lentilles de quartzites. Ces marbres sont homologues des calcaires du Pantokrator;

— 40 m d'une alternance de bancs centimétriques de marbres blancs holocarbonatés et de marbres à texture microbréchique. A la base, les bancs bréchiques sont grisâtres, peu dolomitiques, riches en mica blanc et oxydes et leur épaisseur varie autour de 5 cm. Vers le sommet, ces bancs deviennent fins (1cm), de texture plutôt graveleuse jaunâtre et verdâtre, riches en mica blanc, chlorite, paragonite ou biotite, trémolite, quartz monocristallin anguleux et pyrite. Ces formations sont comparables aux calcaires de Siniais ou aux calcaires de Louros;

— Affleurements métriques de brèches polygéniques homologues des faciès de type ammonitico rosso : (1) éléments anguleux centimétriques jaunâtres-rougeâtres formés originellement de calcaires argileux; (2) éléments arrondis de marbres; (3) clastes carbonatés à calcite microcristalline et riches en oxydes; (4) petits fragments de lits de quartzite blanc, et; (5) concrétions d'hématite à quartz et phosphates. Ces éléments sont cimentés dans une mésostase (matrice initiale) de calcaire argileux verdâtre et rougeâtre. Les éléments d'origine marneuse contiennent de la biotite, dolomite-Fe et calcite. De rares amphiboles calco-sodiques sont orientées parallèlement à la stratification, elle-même parallèle à la schistosité. De la lawsonite a cristallisé, sans orientation préférentielle. La mésostase métamorphique (originellement la phase de liaison de ces brèches), est caractérisée par le même assemblage minéralogique que les éléments marneux;

— 30 à 35 m d'une alternance de bancs fins de marbres gris finement lités à texture microbréchique, riches en mica blanc, chlorite, quartz microcristallin et rarement chloritoïde, et de bancs de quartzites blancs. Les bancs de marbres renferment des niveaux noirs schisteux (matière organique?) à calcite microcristalline. Ces alternances sont comparables à celles des calcaires en plaquettes à lits de silex;

— 30 m environ de schistes quartzitiques verdâtres à rares éléments calcaires limités par des surfaces phylliteuses verdâtres riches en mica blanc, chlorite, biotite, oxydes et de rares épidotes et reliques de trémolite. Ces schistes sont homologues des schistes à Posidonies Supérieurs.

LES VARIATIONS MINÉRALOGIQUES ANTÉ-MÉTAMORPHIQUES. — L'étude du profil lithostratigraphique fait apparaître, de la base vers le sommet, un enrichissement considérable en

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quartz, muscovite et chlorite, culminant dans les schistes quartzitiques (Schistes à Posidonies Supérieurs). Dans le même sens, une corrélation positive existe entre la diminution de l'épaisseur des bancs marmoréens à texture bréchique et leur richesse en minéraux métamorphiques. Ces minéraux sont issus de conditions de pression entre 2 et 5 kb pour des températures inférieures à 450-480°C acquises pendant la phase orogénique tertiaire [9]. Dans le but de faire apparaître la minéralogie de la période sédimentaire, les réactions entre minéraux qui ont géré ce métamorphisme seront décomposées.

L'incompatibilité entre paragonite et biotite dans ces marbres permet de suggérer un chimisme pauvre en Al ainsi que des conditions métamorphiques situées dans les faciès « schistes verts ». La muscovite est le résultat de réactions successives entre minéraux argileux (Mite ou interstratifiés illite-smectite) susceptibles de fournir principalement K et accessoirement Fe et Mg déjà présents dans les dolomites. L'apparition de chlorite et biotite est conforme à des réactions de type dolomite ou ankerite + muscovite + quartz+H20 = calcite+chlorite + biotite + CO2[11]. Ces réactions caractéristiques des calcaires avec de fortes teneurs en impuretés (Fe et Mg) correspondraient aux niveaux bréchiques. L'amphibole calcique pourrait provenir des réactions métamorphiques de type : dolomite + quartz + H2O = trémolite+calcite + C02. La présence de reliques de dolomite, remplacée par la calcite dans la série du Parnon [8], supporte la forte dédolomitisation indiquée par les réactions chimiques précitées. En outre, les séries ioniennes du jurassique sont connues ailleurs comme très dolomitiques ([3], [6]). La paragonite, dans des intervalles bréchiques relativement enrichis en plagioclase, serait le résultat, soit de réactions de type kaolinite ± muscovite+ albite = paragonite + quartz + H20 [12] par une étape intermédiaire d'interstratifiés paragonite/muscovite [13], soit de Na — montmorilonite + albite = paragonite + quartz [14]. La chloritoïde, bien que peu fréquente, indiquerait la présence (initiale) de kaolinite transformée suivant les réactions : kaolinite + quartz =pyrophyllite + H20, et ensuite pyrophyllite + chlorite = chloritoïde + quartz + H20. La kaolinite est en général abondante et associée avec de la chlorite dans les calcaires du Pantokrator non métamorphiques de Grèce continentale [6]. Cette même kaolinite a été détectée avec des teneurs quantifiables dans les Schistes à Posidonies Supérieurs du Taygète métamorphisés dans l'anchizone [15]. La lawsonite serait le résultat de réactions faisant intervenir la sudoite (variété de chlorite s.l. magnésienne) ou la kaolinite [16]. Les observations précédentes et leurs interprétations de minéralogie « rétrospective » évoquent la présence de smectite, illite, chlorite et de leurs interstratifiés dans la composition initiale des formations bréchiques. L'abondance de minéraux dérivés métamorphiques augmente vers le sommet du profil jurassique étudié. Ceci évoque une augmentation de la fraction argileuse (période sédimentaire) dans le même sens. Cette augmentation peut être due soit à une augmentation des apports terrigènes, soit à une moindre dilution par le composant biogène carbonate ou siliceux. L'éventuelle présence de kaolinite dans les calcaires en plaquettes à lits de silex, sus-jacents aux brèches polygéniques, serait un indice d'érosion proximale, mais aucune trace de chloritoïde n'a été mise en évidence dans les marbres sous-jacents homologues des Calcaires du Pantokrator.

DISCUSSION. — Sur le flanc est du sommet du Parnon (fig. 1), le passage des calcaires du Pantokrator vers les calcaires en plaquettes à lits de silex est généralement franc [10]. L'absence de formations intermédiaires de type Siniais et ammonitico rosso indique, pour cet intervalle, soit une sédimentation réduite ou absente, soit des conditions de sédimentation invariable. Au contraire, sur le flanc sud-ouest du sommet du Parnon, des formations intermédiaires à intervalles bréchiques et brèches polygéniques sont amplement présentes.

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Ces brèches polygéniques situées au sommet des formations holocarbonatèes et bréchiques indiquent de plus, une érosion au niveau des calcaires du Pantokrator sous-jacents gérée par une tectonique locale. De même, le passage vers les Schistes à Posidonies Supérieurs, qui s'effectue par des alternances de calcaires à lits de silex, n'est pas toujours franc et une sédimentation calcaire se manifeste à la base des schistes [10]. Ces variations de sédimentation sont reconnues et interprétées dans la zone ionienne de Grèce continentale comme les signes de l'extension du domaine mésogéen mésozoïque ([17], [18]). Elles sont repérées dans les deux zones (à blocs basculés et émergés) caractérisées par des discordances majeures et des lacunes, à la limite entre sous-zones externes-moyennes et moyennesinternes [6]. Les formations jurassiques du massif du Parnon pourraient témoigner de l'origine d'une telle zone avec discordance et lacunes. Ceci est renforcé par l'absence de dépôts profonds (Schistes à Posidonies Inférieurs) et par l'analogie avec la zone ionienne moyenne-interne de Grèce continentale où la discordance avec lacune apparaît au niveau du flanc Est. En outre, les formations ioniennes du Crétacé Supérieur et de l'Éocène du Parnon, elles aussi fortement bréchiques, sont corrélables avec celles des parties moyennes à internes de la série ionienne de Grèce continentale [7]. Cette polarité zonéographique constante du Parnon, décelée du Jurassique à l'Éocène, permet de proposer pour la zone ionienne la plus orientale du Péloponnèse une position paléogéographique de limite morphostructrale dans la partie moyenne à interne de cette zone, depuis le Jurassique.

CONCLUSION. — Des traces de la phase distensive jurassique, connue dans la zone ionienne de Grèce continentale, ont été mises en évidence dans la série ionienne métamorphique du Péloponnèse, entre les calcaires du Pantokrator et les Schistes à Posidonies Supérieurs. Bien que modifiées par un métamorphisme et une tectonique tertiaire, ces formations préservent les indices d'une tectonique et d'une érosion d'âge jurassique. Cette étude, complémentaire d'autres réalisées antérieurement sur la même région, démontre que le domaine ionien du Parnon constituait, depuis la phase distensive fini-liasique, une limite morphostructurale dans la partie moyenne-interne de la zone ionienne.

Le présent travail résulte d'une compilation de données de terrain récoltées par l'auteur dans le massif du Parnon au cours de la réalisation d'une thèse de spécialité en Stratigraphie (Laboratoire de Stratigraphie, Paris-VI) et d'un séjour à l'Institut fur Geologie (FU Berlin, R.F.A.) financé par la fondation AvHumboldt.

Note remise le 30 janvier 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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Laboratoire de Géologie du Muséum national d'Histoire naturelle, 43, rue Buffon, 75005 Paris.

EXPLICATIONS DE LA PLANCHE

Fig. 1. — Carte géologique simplifiée du Parnon d'après [7] et profil lithostratigraphique du flanc sud-ouest du Parnon. 1 : Calcaires du « Pantokrator » (blanc), formations bréchiques (gris) et brèches polygéniques (triangles); 2: Série ionienne post-jurassique; 3: Phyllades et quartzites; 4: Série de Tripolitza; 5: Formations néogènes; 6 : Faille et charriage.

Fig. 1. — Simplified geological sketch map of the Parnon after [7] and lithostratigraphic profile of the southeast flank of Parnon. 1: "Pantokrator" limestones (white), breccia formations (grey) and polygenic breccias (triangles); 2: post-Jurassic Ionian Series; 3: Phyllites and quartzites; 4; Tripolitza Series; 5: Neogene formations; 6: Fault and thrust.

Fig. 2. — Brèches polygéniques avec fragments d'origine calcaire (c), marneuse (m), et concrétions d'hématite (h), dans une matrice marneuse. Des fragments de chert stratifiés (ch) indiquent une lithification avant la bréchification.

Fig. 2. — Polygenic breccias originally composed of carbonate (c), marly (m) and hematite (h) fragments in a marly matrix. Stratified chert fragments (ch) indicate lithification prior to brecciation.

PLANCHE I/PLATE I YANNIS BASSIAS

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 283-290, 1989 283

Tectonique/ Tectonics

Poinçonnement, rétrocharriages et chevauchements postbasculement dans les Alpes occidentales : évolution intracontinentale d'une chaîne de collision

François ROURE, Riccardo POLINO et Rinaldo NICOLICH

Résumé — L'analyse détaillée du profil sismique réflexion ECORS-CROP sous la plaine du Pô souligne l'importance des chevauchements crustaux de vergence apulienne à l'Oligo-Aquitanien. L'existence à cette époque de deux fronts chevauchants divergents dans les Alpes occidentales, qui se traduit par le développement de deux bassins flexuraux contemporains au NW (bassin molassique) et au SE (bassin éo-Padan à Gonfolites), peut s'expliquer par le poinçonnement et la délamination progressive de la croûte européenne par le manteau apulien.

A partir du Burdigalien, les rétrocharriages à vergence sud cessent de fonctionner dans la partie occidentale de la plaine du Pô. Le poinçonnement, toujours actif en profondeur, est alors équilibré en surface par des chevauchements post-basculement (out-of-sequence) à l'Est des massifs cristallins externes, contemporains de la mise en place du Jura.

Dans le modèle présenté ici, le corps d'Ivrée appartient au manteau infracontinental apulien. L'essentiel de la chaîne métamorphique fini-crétacée-éocène, ainsi que la suture ophiolitique, se trouvent aujourd'hui incorporés au poinçon. Quelques lambeaux HP/BT de la chaîne initiale ont été néanmoins rapidement portés en surface de façon précoce, et ont ainsi échappé à la remontée des isothermes.

Wedging, backthrusting and out-of-sequence thrusting in the Western Alps: intracratonic evolution of a collision belt

Abstract — The ECORS-CROP seismic profile clearly illustrates south-verging Oligocène-Aquitanian thrusts involving the Apulian basement beneath the Po plain. Two diverging thrust fronts were active by Late Paleogene-Early Neogene times in the Western Alps, as witnessed by the development of two synchronous flexural basins, either to the NW (Molassic basin) or the SE (Gonfolitic trough). This V shaped geometry of the Oligocene-Aquitanian belt is explained well by the progressive delamination of parts of the European crust due to a wedge made of Apulian upper mantle.

In the western part of the Po Plain, south directed backthrusts stopped by Burdigalian time. Despite this, wedging was probably still active at depth until the Messinian, and was then balanced at the surface level, in the western Alps, by out-of-sequence thrusts developed east of the external Crystalline Massifs, and by the emplacement of the Jura belt farther to the west.

In our model, the Ivrea body derives from the infracontinental Apulian mantle. Most of the Late Cretaceous to Eocene metamorphic belt, as well as the ophiolitic suture, are now parts of the wedge. Isolated HP/LT fragments of the Eocene-alpine orogenic belt were none the less uplifted early, and have thus been preserved from later heating.

Abridged English Version — The Alps resuit from the Europe-Africa convergence, and from the Middle to Upper Cretaceous closure of the Neotethys Ocean [1]. During the Cenozoic, the evolution of the belt was thus intracratonic. The ECORS-CROP seismic profile recorded in 1986 [4] crosses the western Alps from the External Crystalline Massifs to the Po Plain (Fig. 1), and helps to constrain the timing and the geometrie evolution of post-Eocene structures. As south-verging Oligocene alpine structures are well illustrated beneath the Po Plain, we propose here a model of wedging similar to the Pyrenees [5] to account for the Recent (post-Eocene) evolution of the Alps.

TIMING AND STRUCTURES OF THE DEFORMATION OF THE Po PLAIN. — The Po Plain is an elongated Cenozoic basin. Its length reaches 500 km from west to east. It is bordered to the north by the south-verging south alpine thrust front, which was active in Paleogene times to the west [7], and until the Pliocene ([8], [9]), to the east. To the south, the Po Plain is bordered by north-verging Neogene (Messinian to Pliocène) Apenninic thrusts [10].

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090283 $2.00 © Académie des Sciences

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The ECORS-CROP profile outlines three main events recorded beneath the Po Plain (Fig. 2): La south alpine fore-deep basin, filled by Oligocene-Aquitanian gonfolitic facies; 2. a major Burdigalian unconformity, which postdates the main alpine deformations; 3. the Neogene Apenninic fore-deep. The south alpine thrust front is now buried beneath the northernmost Apenninic allochthonous units (e. i. Monferrato) (Fig. 3).

THE V SHAPED OLIGOCENE ALPINE BELT. — The south verging deformations observed beneath the Po Plain were synchronous with the Oligocene-Aquitanian north-verging thrusts evinced in the External Crystalline Massifs (eastern Belledonne) or farther west (Bornes) (Fig. 1). By comparing these data with the structural framework of the eastern Alps [14] or the Pyrenees [5], we propose here to interpret this V-shape of the Oligocene Alps with two diverging thrust fronts as the resuit of wedging at depth. The Apulian upper mande is thus thought to have acted as a wedge which progressively induced a decoupling in the European crust toward the foreland and backthrusting in the hinterland (Figs. 3 and 4) (Fig. 4).

NEOGENE EVOLUTION OF THE WEDGE. — Despite south verging backthrusting stopped in the western Alps by Burdigalian time, wedging was still active at depth during the Neogene. The relative backmotion along the roof-thrust of the wedge was then balanced by out-of-sequence west-verging thrusts at the east of the External Crystalline Massifs, synchronous with the emplacement of the Jura mountains. The present Penninic thrust front, as shown by ECORS, is probably one of the best exposed out-of-sequence thrusts required to balance the wedging.

CONCLUSION. — Wedging is probably one of the main mountain building processes during intracratonic evolution. The Alpine wedge described here consists mainly of Apulian infracontinental mande and reworked fragments of the Eocene-alpine metamorphic belt. Due to the continuous accretion of deep duplexes of the European lower crust, it has progressed to the west. None the less, the occurrence of slices made of European mande in the wedge is not questioned. The main levels of decollement lain within the European crust, and most probably, all the European mantle involved in the collision chain hâve been subducted. In early stages of wedging (Pyrenees, Oligocene western Alps), back-shear along the roof-thrust of the wedge is balanced at the surface level by regional backthrusts. In later stages (Neogene western Alps), the back-motion at the top of the wedge induced out-of-sequence thrusting in the upper plate, synchronous with the frontal accretion of the belt. Due to a complete uncoupling along the Neogene Penninic thrust, the upper-most nappes (Penninic nappes) have been recently rotated, part of their transport direction being out of the plane of our section.

INTRODUCTION. — Les Alpes résultent de la convergence des plaques lithosphériques européennes et africaines, qui a progressivement induit la fermeture de l'océan piémontais au Crétacé [1]. La suture océanique achevée, la collision Europe-Afrique s'est poursuivie en régime intracontinental, avec progression vers le Nord du bloc apulien, déformant des portions de plus en plus externes de la marge européenne ([2], [3]). Le profil ECORSCROP, réalisé en 1986, recoupe d'Ouest en Est les Alpes occidentales depuis les Massifs cristallins externes (Belledonne) jusqu'à la plaine du Pô (Montferrat) [4] (fig. 1). Les données nouvelles ainsi obtenues sous la partie occidentale de la plaine du Pô ont permis de préciser les relations spatio-temporelles entre les Alpes méridionales et l'Apennin,

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masquées ici en surface par les dépôts quaternaires, et de confirmer la géométrie à double déversement de la chaîne alpine à l'Oligocène. Nous proposons ici un modèle de poinçonnement identique à celui des Pyrénées ([5], [6]) pour expliquer cette architecture transitoire des Alpes occidentales. Nous montrons aussi que, bien que tous les rétrochevauchements soient ici scellés par le Burdigalien, notre modèle de poinçon permet également de rendre compte de l'évolution néogène de la chaîne.

AGE ET VERGENCE DES STRUCTURES PADANES. — La plaine du Pô constitue un bassin EW de 500 km de long développé depuis le Cénozoïque entre deux orogènes diachrones, les Alpes et l'Apennin septentrional (fig. 1). Au Nord, les Alpes méridionales constituent une chaîne chevauchante vers le Sud, mise en place dès le Paléogène à l'Ouest [7], mais encore active au Pliocène plus à l'Est ([8], [9]). Au Sud, l'Apennin représente une chaîne à vergence Nord mise en place au Neogène (Messinien-Pliocène pour l'essentiel) ([10]- [11]). Dans les deux cas, le substratum de l'avant-pays, sous la plaine du Pô, est constitué par de la croûte insubrienne, et possède une couverture sédimentaire mésozoïque qui a enregistré l'évolution téthysienne [12]. Les séries sédimentaires tertiaires de la plaine du Pô ont subi une succession complexe d'événements géodynamiques, parmi lesquels : 1. le développement d'un bassin flexural sud alpin précoce, rempli par des flyschs paléogènes (faciès gonfolitiques) ([13], [14]); 2. la genèse d'une surface d'érosion datée du Burdigalien qui scelle les déformations alpines majeures, bien calée sur la ligne ECORS-CROP (fig. 2) grâce au forage pétrolier de Sali Vercellese [15]; 3. la formation du bassin flexural mio-pliocène de l'Apennin [10].

L'écartement entre les deux fronts Sud-alpins et apenniniques varie d'Est en Ouest. En raison de l'épaisse série plio-quaternaire de la plaine du Pô qui masque les chevauchements, la géométrie des structures compressives ne peut y être étudiée qu'avec des données de subsurface, lignes sismiques et forages. Le profil ECORS-CROP donne ainsi des informations nouvelles sur les relations spatiales entre les deux orogènes à l'extrémité occidentale de la plaine du Pô, et démontre l'importance des chevauchements Sud-alpins dans ce secteur.

Dans la portion sud-orientale du profil, la succession sédimentaire semble complète. Du haut vers le bas, la section sismique migrée montre (fig. 2) : — entre 0 et 2,5 s.T.d., les séquences du bassin flexural apenninique, qui débutent avec le Burdigalien. Ces séries néogènes s'amincissent vers le NW, et transgressent sur des unités alpines de plus en plus érodées (fig. 3). A 1,8-2 s.T.d., un réflecteur énergique peut être attribué à la base du Messinien. Entre 2,5 et 5,6 s.T.d., les réflecteurs observés correspondent probablement à une épaisse série de flyschs crétacés ou tertiaires, sans doute redoublés par des chevauchements — à 6 s.T.d., un faisceau de réflecteurs énergiques est attribué à la série mésozoïque (fig. 2), profondément enfouie ici sous les dépôts synorogéniques alpins.

— Au centre du profil, entre 2,8 et 3,6 s.T.d., un réflecteur sub-horizontal sépare un domaine transparent attribuable au socle insubrien d'un domaine plus réfléchissant dont le sommet, calé par forage, correspond à l'Oligo-Aquitanien (faciès gonfolitiques). Il s'agit donc d'un chevauchement alpin à vergence Sud d'âge anté-Burdigalien, dont le pendage initial (avant la flexuration apenninique) était nord. D'autres réflecteurs du même type se retrouvent à des profondeurs plus importantes (7 s.T.d.), attestant de l'importance des rétrocharriages alpins dans ce secteur.

Le Moho et la croûte inférieure ne sont pas identifiables sur la ligne ECORS-CROP à ce niveau. Seules les données de sismique grand-angle [16] permettent ici de compléter la géométrie de la croûte, telle que nous l'avons schématisées (fig. 3). En l'absence de

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données profondes plus au Sud, nous ne pouvons pas positionner avec précision le front Sud alpin, dans la mesure où il est aujourd'hui largement masqué sous les débordements néogènes de l'Apennin. On retrouve d'ailleurs à l'affleurement dans le Montferrat la même discordance du Burdigalien, dans des unités tectoniques apenniniques qui remobilisent l'avant-pays Sud alpin [7].

LA CHAÎNE OLIGOCÈNE ALPINE A DOUBLE DÉVERSEMENT. — Les chevauchements Sud-alpins oligo-aquitaniens mis en évidence par le profil ECORS-CROP sous la plaine du Pô sont contemporains de la déformation des zones externes alpines (Belledonne, Bornes) [18], et du dépôt de la molasse dans le bassin franco-suisse. A cette époque, les Alpes occidentales présentaient donc une géométrie à double déversement, avec deux fronts chevauchants divergents et deux bassins flexuraux (fig. 4), l'un au nord avec des dépôts continentaux

EXPLICATIONS DES PLANCHES

Planche I

Fig. 2. — Le profil ECORS-CROP sous la plaine du Pô. A : ligne sismique migrée. B : coupe temps pointée. Nous avons distingué : (1) le bassin flexural apenninique, rempli par des dépôts Plio-Quaternaires (PQ), Messiniens (M), et Burdigaliens à Tortoniens; (2) le bassin flexural sud-alpin, rempli par des dépôts oligoaquitaniens (faciès gonfolitiques (G); (3) la couverture sédimentaire mésozoïque apulienne (M7); le socle insubrien (P7). Les chevauchements sud-alpins à vergence sud sont soulignés.

Fig. 2. — The ECORS-CROP profile across the Po Plain. A: migrated seismic line . B: interpreted time section. We distinguished: (1) the Apenninic fore-deep, filled with Plio-Quaternary (PQ), Messinan (M), and Tortonian to Burdigalian (B) sediments; (2) the South Alpine fore-deep, filled with Oligo-Aquitanian Gonfolitic faciès (G); (3) the Mesozoic Apulian cover (M7), the Insubrian basement (P7). The south-verging alpine thrusts are outlined.

Fig. 1. — Carte structurale des Alpes occidentales. Fig. 1. — Structural map of the western Alps.

PLANCHE 1/PLATE I FRANÇOIS ROURE

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Planche II

Fig. 3. — Coupe profondeur des Alpes à l'époque actuelle. Fig. 3. — Depth section of the Western Alps at the Present time. Fig. 4. — Reconstitution de la coupe à l'Oligocène. Fig. 4. — Restoration of the section at Oligocene times.

(molasse d'eau douce), l'autre au Sud avec des dépôts turbiditiques profonds (gonfolites). Cette architecture en V, effacée ici à partir du Burdigalien par suite de l'arrêt des rétrocharriages Sud alpins, est demeurée valide dans les Alpes orientales pendant tout le Néogène [8].

Bien que le profil ECORS-CROP ne nous donne pas directement la géométrie du Moho oligocène des Alpes occidentales, les données actuellement disponibles sur les Alpes orientales montrent que le double déversement alpin s'y accompagne d'un décalage remarquable entre la base de la croûte européenne qui plonge très rapidement vers le Sud, et celle de l'Apulie, qui se maintient à des profondeurs normales ([19], [20]). Cette architecture est tout à fait comparable à celle des Pyrénées, autre chaîne intracontinentale où deux plaques lithosphériques s'affrontent [6]; on peut l'attribuer, dans l'une et l'autre région, au poinçonnement de la plaque plongeante (Europe dans les Alpes, Iberie dans les Pyrénées) [5] par le manteau supérieur de l'autre plaque (Apulie dans les Alpes, Europe dans les Pyrénées).

L'ÉVOLUTION NÉOGÈNE DU POINÇON. — La poursuite du poinçonnement au Néogène est attestée dans les Alpes orientales par la permanence des rétrocharriages Sud-alpins. Dans les Alpes occidentales, les données du profil ECORS-CROP [4] permettent d'affirmer que le poinçonnement y est également encore actif, et induit progressivement le décollement et le charriage vers l'Ouest du socle des massifs cristallins externes et de la couverture sédimentaire mésozoïque du Jura (fig. 3), même s'il n'est plus souligné en surface par des chevauchements à vergence sud. L'extrémité occidentale du poinçon est en effet marquée, à l'aplomb du front pennique, par toute une série de réflecteurs à pendages Ouest entre 7 et 9 s.T.d., qui viennent buter contre les réflecteurs de la croûte inférieure européenne qui plonge vers l'Est (fig. 3).

En l'absence de rétrocharriage, les mouvements relatifs à vergence Est (Sud) au toit du poinçon ont alors été accomodés par une réactivation d'anciens fronts qui recoupent donc à l'emporte pièce dans des cisaillements post-basculement à vergence Ouest les structures mises en place antérieurement. Le front pennique actuel, clairement imagé par le profil ECORS-CROP [4], représente l'un de ces chevauchements tardifs, contemporains de la mise en place du Jura (fig. 1 et 3). Très rectiligne, il recoupe cartographiquement et transporte des unités très variées, qu'il met en place sur les Massifs cristallins externes déformés antérieurement.

CONCLUSIONS. — L'analyse comparée des données ECORS et CROP sur les Alpes et les Pyrénées permet d'éclairer d'un jour nouveau les mécanismes de la déformation intracontinentale, en montrant la prépondérance des phénomènes de poinçonnement dans le découplage et la mise en place des unités crustales. Dans les stades initiaux du poinçonnement (Alpes occidentales à l'Oligocène, Pyrénées), les mouvements relatifs au toit du poinçon sont accomodés par des rétrochevauchements qui confèrent à de nombreuses chaînes de collision leur caractère de chaîne à double déversement. Dans les stades plus évolués (Alpes occidentales), le découplage au toit du poinçon peut être compensé par le développement de chevauchements post-basculement de même vergence

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que le poinçonnement; synchrones de l'avancée du front de la chaîne, ils recoupent à l'emporte pièce les structures antérieures.

L'importance de la déformation oligocène et néogène dans les Alpes est ici soulignée. La chaîne doit son architecture actuelle à son évolution intracontinentale, ce qui tend à masquer les effets de la subduction océanique et de la collision crétacée-éocène dans la chaîne. Le front pennique actuel transporte un fragment modeste de la chaîne métamorphique, dont une partie plus importante a pu être érodée au cours du Tertiaire. Quelques fragments HP/BT de la chaîne éo-alpine ont d'ailleurs été remontés très précocement à la surface protégés ainsi de la remontée des isothermes [21]. Le reste de la chaîne crétacééocène doit cependant être cherché ailleurs, sous le chevauchement pennique ou dans le poinçon lui-même. Par analogie avec les Pyrénées, on peut affirmer que le poinçon initial (à l'Oligocène) était essentiellement constitué par du manteau infra-continental apulien, aujourd'hui préservé dans le corps d'Ivrée (fig. 3 et 4). Le poinçon s'est progressivement épaissi par incorporation d'une partie de la chaîne métamorphique, et probablement aussi par addition de duplex profonds de croûte inférieure européenne. L'écaillage du manteau européen à la base du poinçon n'est pas démontrée, celui-ci n'affectant probablement que la croûte, et le manteau européen sous-jacent étant entièrement subducté.

Prenant à partir du Burdigalien le relai des chevauchements à vergence sud des Alpes méridionales, le front pennique « néoformé » et les accidents post-basculement associés ont eu sans doute une composante de déplacement vers le sud non négligeable, responsable de la translation hors du plan du profil ECORS des unités situées au-dessus du poinçon. La vergence Ouest qu'on peut leur attribuer à partir de nos coupes (fig. 1 et 3), ne représente donc que l'une des composantes du mouvement. Note remise le 20 mars 1989, acceptée le 7 avril 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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F. R. : Institut français du Pétrole, B.P. n° 311, 92506 Rueil-Malmaison;

R. P. : C.N.R.S.-C.S. orogeno Alpi occidentali,

Via Accademia delle Scienze 5, 10123 Torino, Italia;

R. N. : Istituto di Miniere e geofisica Applicata,

Via Valerio 10, 34127 Trieste, Italia.

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Tectonique/Tectonics

Les plutons granitiques tardi carbonifères marqueurs

de la déformation crustale. L'exemple des granitoïdes

de la méseta marocaine

Jean-Louis LAGARDE, Nourredine AIT AYAD, Saad AIT OMAR, Abdellatif CHEMSSEDDOHA

et Ali SAQUAQUE

Résumé — La déformation tardi carbonifère de la méseta marocaine est enregistrée par des plutons granitiques syntectoniques mis en place le long de fractures crustales. Les relations plutons/déformation sont examinées et le contexte tectonique de mise en place est reconstitué. Le champ de déformation tardi carbonifère est caractérisé par un raccourcissement NW-SE avec une extension subhorizontale NE-SW accommodée par des décrochements ductiles essentiellement ENE dextres. Un tel champ de déformation caractérise les domaines crustaux déformés le long de décrochements lithosphériques. Il est compatible avec un coulissage de l'Afrique vers l'Ouest, à l'époque considérée.

Late carboniferous plutons as régional strain markers. Meseta belt, Morocco

Abstract — Late carboniferous plutons of the moroccan meseta belt display characteristics of syntectonic emplacement. They are placed along pre-existing crustal fractures and record: the regional deformation. The late Carboniferous strain field is characterized by a NW-SE shortening and an horizontal NE-SW stretching direction related to strike-slip motion along dominant ENE dextral wrench faults. Such a strain field is consistent with a westward displacement of Africa during late Carboniferous tectonic events.

Abridged English Version — INTRODUCTION. — This paper supports the statement that epizonal syntectonic plutons may be used as regional strain markers. They give rise to thermal softening in the surrounding rocks, induce rheological heterogeneities in the crust and then localize the regional deformation. Strain patterns around these plutons reflect both diapirism and regional deformation [1]. The regional strain field and the tectonic setting of pluton emplacement are established from strain pattern analystis.

PLUTONS AND REGIONAL DEFORMATION. — The contribution of syntectonic plutons to the record of the regional deformation is exemplified by recent studies concerning late Carboniferous plutons in Morocco ([2], [3]), (Fig. 1).

These plutons were emplaced in low pressure regions of the intracontinental Hercynian belt [4]. Emplacement occurred during the late Hercynian tectonic event (330270 M.a.) [5]. Plutons involve three basic petrographie groups ([5], [6]): I type and mixed I —S type biotite granodiorites [7], S type two-micas monzogranites [8] and alkaline monzogranites [9] emplaced during the late Hercynian (270 M.a.).

Late Carboniferous granitic plutons of Morocco display various characteristics indicative of syntectonic emplacement in shallow crustal levels (Fig. 2):

(1) Plutons are distributed along ridges parallel to reactived, pre-existing faults and ductile deformation is mainly located in the thermally softened area surrounding the plutons.

These two points suggest that deep Proterozoic faults focus melts at depth and locate, in higher levels, both plutons and regional deformation ([2], [10]).

(2) Plutons present a dominant elliptical shape with local asymmetrical teardrop shapes. Long axes of plutons are oriented with respect to the regional strain field.

(3) The microstructural evolution around plutons is characterized by the tightening of aureole folds and by the progressive development of superimposed small-scale

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6305/89/03090291 S 2.00 © Académie des Sciences

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structures. The weak and monophase regional deformation observed at a distance from plutons becomes progressively polyphase near pluton boundaries [11].

(4) A syntectonic growth of HT-BP contact metamorphism is observed in the aureoles. Contact metamorphism increases towards plutons ([3], [12]).-

(5) Perturbations of the regional strain field are related to pluton emplacement:

— Finite strain trajectories exhibit perturbations around plutons (virgations of the regional flattening plane, development of structures conformable or slightly oblique to pluton boundaries, schistosity triple points). Internai structures and regional structures are contemporaneous and continuous [13].

— Finite strain increases towards plutons as superimposed microstructures evolve and as contact metamorphism increases. Finite strain gradients are detected both in country rocks and in plutonic rocks.

— The strain ellipsoid evolves from dominant flattening types inside and outside plutons, to prolate types in the schistosity triple points. Plane strain evolving to prolate strain ellipsoids are measured in the regional shear zones ([3], [14], [15]).

(6) Orthogneissification processes indicate a change in deformation mechanisms and microstructural variations related to the decrease of temperature during the thermal reequilibration between pluton and country rocks.

PLUTONS AS REGIONAL STRAIN MARKERS AND TECTONIC SETTING OF EMPLACEMENT. — Syntectonic plutons record geometry, intensity and kinematics of the regional déformation:

— Geometry of the regional strain field is indicated by pluton orientations, and related strain trajectories. It is characterized, in the Meseta belt, by a NW-SE shortening direction (k3) and by an horizontal NE-SW stretching direction (k,± ([10], [13]).

— Increase (or decrease) in strain intensity is indicated by pluton shapes (evolution with rime of the ellipticity ratio) and by the obliquity of long axes of plutons with respect to the regional shear plane and schistosity [2].

— Syntectonic plutons are kinematic indicators. In the Meseta belt, they record extensive strike-slip motion ([2], [11], [13]) related to ductile wrenching along pre-existing crustal fractures [16]. Wrench faults occur in two sets with SSE-NNW sinistral and ENE-WSW dextral displacements. They display an asymmetric pattern suggesting a non-coaxial strain regime during crustal scale dextral shearing between Africa and western Europe [17].

INTRODUCTION. — Lorsque des plutons granitiques se mettent en place dans une croûte en cours de raccourcissement ils créent des hétérogénéités thermiques et rhéologiques et deviennent des sites de localisation préférentielle de la déformation crustale. La déformation enregistrée au niveau de ces plutons résulte de l'interférence entre le champ de déformation régional et un champ de déformation local lié à l'intrusion des plutons [1].

En analysant les répercussions de cette interférence sur le champ de déformation finie on peut estimer le contexte tectonique de mise en place des plutons et reconstituer la géométrie et la cinématique de la déformation crustale associée [2].

LES PLUTONS GRANITIQUES DE LA MÉSETA MAROCAINE. — L'utilisation des plutons granitiques comme marqueurs de la déformation crustale a été éprouvée à l'échelle d'un segment de chaîne hercynienne, la méseta marocaine, qui constitue le prolongement Sud de la chaîne hercynienne Ouest Européenne ([2], [3]), (fig. 1).

La déformation majeure de ce domaine, d'âge tardi carbonifère [4], s'accompagne de la mise en place de granitoïdes divisés en trois groupes sur la base de leurs caractéristiques

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pétrographiques et géochimiques ([5], [6]). Il s'agit (1) de granitoïdes mixtes type I —S (Tichka, Jebilet, Zaer) ([5], [7]); (2) de granites peralumineux type S (Oulmés et Zaer) ([5], [8]); (3) de granitoïdes d'affinité alcaline [9].

Ces granitoïdes se mettent en place, dans l'intervalle 330-270 M.a. [5], dans les niveaux superficiels anchi à épizonaux de la couverture paléozoïque. Ils présentent de ce fait de forts contrastes de température avec leur encaissant. Ce désiquilibre thermique se traduit par le développement d'auréoles de métamorphisme de contact de type HT-BP à andalousite-sillimanite et par un fort amollissement thermique de l'encaissant favorisant la localisation et l'enregistrement de la déformation crustale [2].

RELATIONS MISE EN PLACE DES PLUTONS-DÉFORMATTON. — Les plutons granitiques tardi carbonifères de la méseta marocaine présentent diverses caractéristiques témoignant d'une mise en place syntectonique :

(1) La distribution cartographique des plutons n'est pas aléatoire. Les plutons sont alignés suivant l'axe NE-SW de la chaîne. Ils présentent à l'intérieur de ce groupement de premier ordre, une répartition de deuxième ordre suivant des rides ENE-WSW parallèles aux fractures préexistantes du soubassement protérozoïque [2] (fig. 1).

(2) Les plutons sont orientés parallèlement à la schistosité régionale (fig. 1). Leur forme est globalement elliptique malgré de légères dissymétries induites par des décrochements ductiles (fig. 2).

(3) Ces plutons jouent un rôle prépondérant dans la distribution, l'intensification et l'évolution microstructurale de la déformation tardi carbonifère.

Ils contrôlent la distribution de la déformation ductile qui n'est bien marquée que dans leur zone d'influence thermique ([3], [10], [11]) (fig. 1 et 2). Autour de ces zones thermiquement amollies apparaissent de grands domaines anchizonaux peu ou pas déformés [12].

L'intensification de la déformation en direction des plutons est marquée par la diminution de la longueur d'onde et de l'angle d'ouverture des plis synschisteux et par l'évolution typologique de la schistosité [3] (fig. 2). L'évolution microstructurale associée est complexe. La déformation régionale monophasée devient progressivement polyphasée à l'approche des plutons avec développement de microstructures superposées (schistosités S1; S2, S3; plis P1, P2, P3, linéations d'intersection — Li1, Li2). Cette évolution ne présente pas un caractère régional. Elle traduit un état local de déformation lié à l'intrusion des plutons et est interprétée en termes de déformation cisaillante progressive [11].

(4) Les plutons exercent un contrôle sur l'évolution thermique tardi carbonifère. Le métamorphisme HT-BP s'intensifie à l'approche des plutons et les minéraux de métamorphisme (andalousite, grenat), présentent des figures rotationnelles avec enroulement de schistosité, traduisant une croissance syntectonique ([3], [12]).

(5) La mise en place des plutons s'accompagne de perturbations du champ de déformation finie :

Un changement progressif de l'orientation des axes principaux de déformation (%,_, X2) X3) est mis en évidence par la cartographie du plan d'aplatissement et de la direction d'étirement (trajectoires principales de déformation). La schistosité de l'encaissant s'infléchit pour mouler les plutons puis passe en continuité avec la schistosité interne. Cette continuité entre schistosité externe et interne ainsi que la présence de points triples de schitosité [1], (fig. 2), traduisent le synchronisme entre l'intrusion des plutons et la déformation régionale ([11], [13]).

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Fig. 1. — Carte géologique schématique de la méseta marocaine et des domaines voisins. 1, protérozoïque (croix) et paléozoïque (points) dans le domaine Sud, pré-saharien; 2, bloc côtier faiblement déformé [4]; 3, méseta (paléozoïque), trajectoires de shistosité (traits) et vergence générale (flèches); 4, plutons tardi carbonifères, numérotés par âge décroissant [5] (1, granodiorites des Jebilet; 2, granodiorite des Zaer; 3, monzogranite d'Oulmés; 4, granitoïdes du Tichka; 5, monzogranite des Zaer; 6, monzogranite des Rehamna; 7, granodiorite du Ment); 5, fractures du soubassement réactivées en zone de cisaillement ductile tardi carbonifères; 6, direction de raccourcissement régional. A noter (1) la distribution des plutons tardi carbonifères le long de fractures crustales (2) l'étroite corrélation entre les zones de mise en place des plutons et les zones à déformation ductile (3) le paralléllisme entre les failles protérozoïques (domaine Sud) et les zones de cisaillement ductile tardi carbonifères de la méseta marocaine. Cartouche : Situation de la méseta marocaine dans le cadre de la chaîne hercynienne à l'époque tardi carbonifère (d'après [16], [17]). NA, Amérique du Nord; A F, Afrique; EU, Europe.

Fig. 1. — Schematic geological map of the Moroccan Meseta belt and adjacent areas. 1, proterozoic (crosses) and paleozoic basement (dotted) in the pre-sahara foreland; 2, weakly deformed coastal block, [4]; 3, Meseta belt (paleozoic units), cleavage trajectories (Unes) and general vergence (arrows); 4, late carboniferous plutons, from older to younger ones [5] (1, Jebilet granodiorite; 2, Zaer granodiorite; 3, Oulmes monzogranite; 4, Tichka granitoids; 5, Zaer monzogranite; 6, Rehamna monzogranite; 1, Ment granodiorite); 5, basement fractures and late carboniferous shear zones; 6, direction of regional shortening. One can note (1) the distribution of late carboniferous plutons along crustal fractures (2) the close correspondance between areas of pluton emplacement and deformed zones (cleavage extend) (3) the parallelism between proterozoic faults in the pre-sahara foreland and late carboniferous shear zones in the meseta belt. Insert: The moroccan meseta in the frame of the hercynian orogeny at the Late Carboniferous time (after [16], [17]). NA, North America; AF, Africa; EU, Europe.

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La mesure d'objets déformés ([3], [14]) confirme l'intensification de la déformation vers les plutons. Des gradients de déformation finie sont également mis en évidence depuis la périphérie vers le coeur des plutons (fig. 2). L'ellipsoïde de déformation finie présente une forme en galette (K<1) de plus en plus aplatie à l'approche des plutons, évoluant vers une forme en cigare (K > 1) au niveau des points triples de schistosité [1] et le long de zones de cisaillement ductile [15].

(6) Les processus d'orthogneissification montrent un changement de mécanismes et une décroissance de la température de déformation attribuables à la rééquilibration thermique des plutons en cours de refroidissement.

ENREGISTREMENT DE LA DÉFORMATION CRUSTALE ET CONTEXTE TECTONIQUE DE MISE EN PLACE DES PLUTONS. — (1) Les plutons granitiques épizonaux sont assimilables à des marqueurs de la déformation crustale dont ils enregistrent les caractéristiques géométriques, les variations d'intensité et la cinématique :

— la géométrie du champ de déformation régional est déduite de l'orientation des plutons et des trajectoires principales de déformation associées;

— l'intensification de la déformation est indiquée par la forme des plutons (rapport d'ellipticité) et par la diminution de leur obliquité par rapport aux zones de cisaillement;

— la cinématique de la déformation est déduite (1) de l'intégration d'incréments de déformation successifs enregistrés par des plutons d'âge croissant ou décroissant (rotation au cours du temps de la direction d'étirement), (2) de la cinématique de mise en place des plutons qui traduit à divers degrés les effets de la déformation crustale [1], (3) des sens de déplacement sur les failles ductiles réactivées aux limites des plutons.

(2) Le contexte tectonique tardi carbonifère est reconstitué grâce à l'intégration, à l'échelle du segment de chaîne, des différents états de déformation enregistrés par les plutons granitiques [2].

Les relations entre déformation et déplacement autour des plutons granitiques témoignent d'un régime de déformation non coaxial avec prédominance de mouvements subhorizontaux. Ces mouvements sont accommodés par des décrochements ductiles organisés en deux familles, ENE-WSW dextre dominante et subméridienne senestre

Fig. 2. — Enregistrement de la déformation crustale par les plutons granitiques épizonaux et critères de mise en place syntectonique: 1, orientation et forme des plutons; 2, gradients de déformation finie; 3, gradients thermiques et métamorphisme de contact syntectonique; 4, perturbations des trajectoires principales de déformation; 5, points triples de schistosité; 6, changements de forme de l'ellipsoïde de déformation finie; 7, processus d'orthogneissification enregistrant la diminution de température associée au refroidissement des plutons.

Fig. 2. — Plutons as regional strain markers and characteristics of syntectonic emplacement: 1, orientation and shape of plutons; 2, finite strain gradients; 3, increase of syntectonic contact metamorphism; 4, perturbations of finite strain trajectories; 5, schistosity triple points; 6, shape variations of the finite strain ellipsoid; 7, orthogneissification processes recording the decrease in temperature during pluton cooling.

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([10], [11], [13]), (fig. 1). Ils sont localement perturbés pour devenir décrochevauchants à chevauchants vers le NW ou le SE ([13], [15]).

Ces zones de cisaillement ductile sont localisées au niveau de fractures préexistantes du soubassement protérozoïque (fig. 1), préférentiellement réactivées dans les zones thermiquement amollies entourant les plutons [10]. Ces fractures favorisent l'ascension du magma puis contrôlent l'alignement des plutons dans leur site final de mise en place. La distribution du magmatisme tardi carbonifère et les mouvements cisaillants associés sont donc fortement contrôlés par la préfacturation du soubassement protérozoïque.

Le champ de déformation finie tardi carbonifère est caractérisé par un raccourcissement régional NW-SE avec une extension subhorizontale NE-SW [10], (fig. 1). Un tel champ de déformation caractérise les domaines crustaux déformés le long de décrochements lithosphériques. Il permet de situer la méseta marocaine au niveau d'une zone de coulissage intracontinental dextre (fig. 1). Cette zone de coulissage, située entre le bouclier Ouest africain et la chaîne hercynienne Ouest européenne, traduirait un découplage Afrique-Europe avec déplacement de l'Afrique vers l'Ouest [16]. Elle est corrélable avec les grands décrochements tardi hercyniens de l'Europe de l'Ouest [17]. Note remise le 8 mars 1989, acceptée après révision le 12 mai 1989.

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J.-L. L. : Laboratoire de Tectonophysique, C.A.E.S.S., 35042 Rennes Cedex; N. A. A., S. A. O., A. C et A. S. : Laboratoire de Géologie structurale, Faculté des Sciences,

B.P. S 15, Marrakech, Maroc.

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Tectonique/Tectomcs

Mise en évidence d'un épisode de déformation mantellique

commun aux enclaves de dunite, harzburgite et lherzolite

de la Vallée de la Papenoo, Tahiti, Polynésie française

Barbara C. WEBER, Emmanuel T. BERGER et Jean-Claude C. MERCIER

Résumé — Le modèle de résorption-rééquilibrage de la lithosphère mantellique, par interaction avec les basaltes du panache (1), vérifié par l'étude géochimique et géothermométrique du cortège d'enclaves de la Vallée de la Papenoo (Tahiti) (2) est ici conforté par l'étude des déformations. En effet la déformation plastique des dunites, aussi bien que des harzburgites et des lherzolites, relève du même épisode de déformation mantellique.

Evidence for a mantle deformation episode common to dunite, harzburgite and

lherzolite inclusions from the Papenoo Valley, Tahiti

Abstract — It is shown in this paper that plastic deformations measured in dunite as well as in harzburgite and lherzolite of the Papenoo Valley series were induced under the same mantle conditions. This result confirms the model of resorption-reequilibration by the basaltic plume of the lithospheric mantle (1) which was verified in the preceding geochemical and thermometric study (2).

Abridged English Version — It has already been demonstrated in previous work that the dunitification of harzburgites lying below oceanic islands could resuit from a resorptionreequilibration reaction between a basait of deep origin and the ultramafic rocks through which it percolates on its way to the surface ([1], [2]). Therefore some olivines of dunite xenoliths are expected to have preserved traces of mantle deformation acquired in situ before or during their dunitification, assumption which we have attempted to check by the study of a series of xenoliths found in the same host-rock. We offer a comparison of results concerning a lherzolite (PAP8718), a harzburgite (PAP8710)—both mande mineral assemblages—and a dunite (PAP8713) found in the same basait boulder from the Papenoo Valley on Tahiti, Society Archipelago, French Polynesia.

Despite their relatively small size, these three xenoliths are thoroughly fractured. Open fractures are the resuit of surface emplacement whereas sealed fractures, underlined by lineations of small neoblasts (0.05-0.2 mm), were probably formed prior to extraction by the basait. Textures are porphyroclastic for PAP8718 and PAP8713 and coarse-grained for PAP8710. The size of the porphyroclasts ranges between 0.3 and 1 cm, and that of the neoblasts between 0.01 and 0.3 cm.

The olivine fabric and direct glide-system measurements were separately performed on a 5-axis U-stage yielding a precision of +5° and +0.5° respectively.

Harzburgite PAP8710 exhibits a strong (010) [100] olivine fabric confïrmed by several direct glide-system measurements for which the Raleigh Method was used [3] (cf. legend Fig.f).

The olivine fabrics of dunite PAP8713 and lherzolite PAP8718 are very similar. They both display [010] and [001] girdles. This type of fabric may be interpreted either as resulting from the simultaneous activation of several glide-systems of common glide direction [100] —(010) [100] and (001)[100] for example —or as the consequence of a particular state of stress where the principal stresse al and a2 are nearly the same and much larger

Note présentée par Jean WYART. 0249-6305/89/03090297 $ 2.00 © Académie des Sciences

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than rj3, the minimal stress along which [100] tends to be oriented, in the case of pure or simple weak shear. Glide-system measurements [3] confirm the latter interpretation when revealing but the (010) [100] System.

Among the three possible recrystallization modes for olivine, that is static recrystallization, sub-grain rotation and grain boundary migration dynamic recrystallization, dynamic migration is identified as that having principally induced the fabrics of all three xenoliths. Indeed the other modes would induce a greater dispersion in the fabrics (+15°-30°) [4], inconsistent, for example, with the very similar fabrics of porphyroclasts and neoblasts compared for dunite PAP8713. Whereas the girdles might hide a possible greater dispersion for the neoblasts, the strong [100] maximum implies that the neoblasts recrystallized by migration, dynamically, and under the same state of stress as the porphyroclasts.

Thus it has been shown that all three xenoliths are characterized by a same and unique glide-system —(010)[100] —, a same recrystallization mode—the dynamic boundary migration—, and have very similar fabrics relative to each other with strong [100] maxima.

Experimental results ([4], [5]) confirm the activation of (010) [100] at high temperature under low stresses (<0.4 GPa at 1,300°C, <0.1 GPa at 900°C) that is under mantle conditions. Dynamic migration is also described as a typical recrystallization mode for the mande [4]. The last stresses endured by the Papenoo xenoliths as given by several grainsize geopiezometers [6] are not greater than 0.1 GPa, which leaves a large range of possible temperatures (T>900°C) under which the xenoliths could have been deformed. These conditions remain nevertheless mantle conditions.

The work presented here completes a geochemical approach undertaken previously on the same xenolith series [2] and adds evidence for a mande origin of some dunite from French Polynesia, strenghening thereby the model of interaction between a basaltic plume and the lithospheric mantle [1].

INTRODUCTION. — L'étude minéralogique et géothermométrique de divers gisements de dunites en enclaves dans les basaltes de l'Archipel de la Société a mis en évidence une origine commune entre les roches à paragenèse mantellique et les dunites, ces dernières dérivant des précédentes par un processus de résorption-rééquilibrage ([1], [2]). Ce modèle a pu être vérifié sur le cortège d'enclaves de l'embouchure de la Vallée de la Papenoo (Tahiti) où coexistent, dans les mêmes galets, aussi bien des lherzolites et des harzburgites que des dunites. D'après l'observation microscopique des textures et de l'orientation préférentielle des plans de pliage [1], on s'attend à ce que certaines olivines des enclaves de dunites aient conservé, lors de leur montée vers la surface, des traces de la déformation mantellique acquise in situ antérieurement à ou au cours de la dunification. Nous nous proposons de présenter les résultats relatifs à une lherzolite (PAP8718), une harzburgite (PAP8710) et une dunite (PAP8713) du même cortège d'enclaves.

DESCRIPTION DES ÉCHANTILLONS. — Malgré leur relativement petite taille (environ 3x5x2 cm), ces trois enclaves présentent de nombreuses fractures, d'importance différente, dont certaines sont liées à leur arrachement par le basalte alors que d'autres, cicatrisées, sont probablement antérieures. On remarque que les olivines les plus fracturées sont les plus riches en inclusions fluides : en effet ces inclusions, situées préférentiellement dans les plans du réseau de l'olivine, induisent des plans de faiblesse. Leur présence permet de distinguer les paléoblastes des néoblastes recristallisés par migration de joints.

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Il y a une grande hétérogénéité dans la taille des olivines de la lherzolite PAP8718. Les plus grands porphyroclastes (3 à 5 mm) fracturés, aux nombreuses inclusions fluides et de spinelle, à sous-joints visibles, arborent des contours à tendance amiboïdale. Des olivines de même aspect — cependant plus lobé et irrégulier — aux nombreux contacts triples, forment une matrice à grain moyen (3-1 mm). Viennent ensuite (1-0,1 mm) les néoblastes limpides, eux-mêmes légèrement fracturés et agencés en mosaïque lorsqu'ils cicatrisent des fractures, plutôt arrondis lorsqu'ils naissent aux joints des porphyroclastes. Le dernier ensemble regroupe des olivines micrométriques formant des couronnes autour des pyroxènes et des spinelles.

Beaucoup plus homogène, la harzburgite PAP8710 est constituée de grands porphyroclastes d'olivine (0,6 à 1 cm de longueur) et de néoblastes peu nombreux. Les sous-joints, toujours visibles dans les porphyroclastes allongés et peu fracturés, sont subperpendiculaires à la linéation d'intersection définie par les olivines et les orthopyroxènes (trace du plan de foliation de l'enclave). Les néoblastes, limpides, peuvent être arrondis ou regroupés en mosaïque.

Les porphyroclastes de la dunite PAP8713 sont trapus (0,5 à 4 mm de diamètre) et font presque toujours apparaître des sous-joints. Particulièrement riches en inclusions fluides, ils sont abondamment parcourus de fines fractures tardives. Leurs contours dessinent des formes légèrement amiboïdales. On distingue deux catégories de néoblastes : la première (0,2-0,5 mm) regroupe les néoblastes lobés, localement anguleux, présentant inclusions fluides et fractures comme les porphyroclastes, de nombreux contacts triples à 120° et parfois des sous-joints visibles; la seconde regroupe les petits néoblastes (0,050,2 mm) de forme arrondie, dépourvus de fractures et d'inclusions. Ceux-ci se forment généralement aux joints des porphyroclastes et des néoblastes de taille moyenne, ou dans des fractures ouvertes traversant un, voire plusieurs porphyroclastes.

ÉTUDE DES DÉFORMATIONS. — L'étude des orientations préférentielles de réseau va nous donner des indications relatives aux épisodes de recristallisation et aux conditions de déformation de l'olivine. Les mesures de pétrofabriques ainsi que les mesures directes de systèmes de glissement ont été effectuées à la platine universelle 5-axes avec des précisions respectives, sur l'orientation des axes cristallographiques, de +5° et de ±0,5°. Les plans de foliation n'ont pu être déterminés étant donnée la petite taille des échantillons.

Les olivines de la harzburgite PAP8710 présentent une forte orientation préférentielle avec des maxima ponctuels des trois axes cristallographiques (fig. d). Le faible nombre de mesures (35) fait apparaître des maximums secondaires mais reste néanmoins représentatif de l'ensemble de cette lame à gros grains dont tous les minéraux ont été mesurés. La direction [100], direction de glissement est légèrement oblique (3°) sur la linéation d'intersection. Celle-ci représente la trace du plan de foliation dans le plan d'observation (le plan de la lame mince). Les mesures directes effectuées sur les plans de pliage par la méthode de Raleigh [3] (cf. légende, fig. f) décrivent le système de glissement (010) [100], même dans le cas des minéraux mal orientés. La fabrique de l'olivine est donc de type (010) [100].

Les fabriques de la dunite PAP8713 (fig. a) et de la lherzolite PAP8718 (fig. e) sont très similaires. L'une et l'autre donnent des couronnes de [010] et de [001] et un nuage très serré de [100]. Ce type de fabrique peut signifier ou bien l'activation simultanée de plusieurs systèmes de glissement ayant pour direction de glissement commune [100], par exemple (010) [100] et (001) [100], ou bien l'activation d'un seul système sous un état de contrainte particulier (a1~o-2»a3). Les mesures directes des systèmes de glissement [3]

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(fig. f) révèlent l'unicité du système activé, soit (010) [100], ce qui confirme une déformation sous un état de contraintes principales cs1 et a2 équivalentes et très supérieures à la contrainte minimale <73 suivant laquelle tend à s'orienter l'axe [100], direction de l'allongement des minéraux, en cas d'écrasement pur ou de cisaillement simple faible. La zone relativement restreinte de probabilité de présence de l'axe [100] suggère une certaine pérennité des conditions de déformation. Par ailleurs les fabriques des porphyroclastes (fig- b) et des néoblastes (fig. c) sont remarquablement semblables.

Les fabriques d'orthopyroxènes ont été mesurées dans la harzburgite et la lherzolite mais le nombre insuffisant de cristaux ne permet pas de mettre en évidence une orientation préférentielle.

Il existe trois modes de recristallisation de l'olivine [4] : la recristallisation statique d'une part, les recristallisations dynamiques (syntectoniques) par rotation de sous-grains et par migration de joints d'autre part. Les deux premiers modes introduisent respectivement une dispersion de +20 à 30° et de ±10 à 15° de la fabrique des néoblastes par rapport à la fabrique des porphyroclastes [4]. La recristallisation dynamique par migration de joints est une recristallisation permanente sous contrainte de minéraux ayant atteint un certain seuil de déformation : les néoblastes ainsi formés acquièrent une fabrique correspondant à l'état de contrainte en vigueur. L'absence de dispersion particulière de l'axe [100] milite en faveur d'une recristallisation dynamique par migration sans changement d'orientation des contraintes.

Ainsi, on a mis en évidence dans les trois enclaves l'activation d'un système de glissement unique, le système (010) [100], d'un mode de recristallisation prédominant commun, la recristallisation dynamique par migration, et une orientation préférentielle caractérisée par un maximum de [100] d'intensité comparable dans les trois fabriques.

LÉGENDE DE LA FIGURE

, b, c, d, e : Fabriques de l'olivine. Projection Lambert sur hémisphère inférieur; contours : pointillés 1 %, lignes pleines 2, 4, 6, . . ., 22 % par 1 % de la surface du canevas. La linéation d'intersection est marquée par les points, a : PAP8713 porphyroclastes et neoblastes (66 minéraux), b : PAP8713 porphyroclastes (31 minéraux), c : PAP8713 neoblastes (35 minéraux), d : harzburgite PAP8710 (35 minéraux), e : lherzolite PAP8718 (50 minéraux). f: Le système de glissement (010) [100] a été vérifié par mesures directes effectuées sur les plans de pliages des olivines par la méthode de Raleigh [3]. Exemples de mesures de systèmes de glissement sur trois cristaux PAP8713; étoile : pôle du plan de pliage (celui-ci correspond à la direction de glissement : soit ici Ng=[100]); les points représentent les directions des axes cristallographiques mesurées de part et d'autre du plan de pliage; l'intersection des plans bisecteurs pour chaque axe donne l'axe de rotation externe et transitivement le plan de glissement doit contenir la direction de glissement ainsi que l'axe de rotation externe et être perpendiculaire au plan de pliage : ici dans chaque cas on trouve le pôle Nm = [010].

, b, c, d, e, : Olivine fabrics. Lower hemisphere Lambert projection; contours: dashed lines 1%, solid lines 2, 4, 6, . .. 22% per 1% net area. The lineation of intersection is shown by dots, a: PAP8713 porphyroclasts and neoblasts (66 data), b: PAP8113 porphyroclasts (31 data), c: PAP8713 neoblasts (35 data) d: harzburgite PAP8710 (35 data), e: lherzolite PAP8718 (50 data), f: The glide System (010) [100] was checked by direct measurements at kink-band boundaries according to Raleigh's Method (3). Examples of glide System measurements on three crystals of PAP8113; star: pole of the folding plane (corresponds to the glide direction which is Ng = [100] in this case); dots represent the directions of the cristallographic axis measured on each side of the kink-band boundary; the intersection of the bisector planes defined for each cristallographie axis gives the external rotation axis, and transitively the glide plane, which must contain both the glide direction and the rotation axis, and be perpendicular to the folding plane: its pole is found to be Nm = [010].

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Les données expérimentales actuellement disponibles ([4], [5]), concernant l'olivine déformée à l'état stationnaire, confirment l'activation de (010) [100] dans des conditions de températures élevées, soit supérieures à 900°C, pour des contraintes déviatoriques faibles (inférieures à 0,4 GPa à 1300°C; inférieures à 0,1 GPa à 900°C par extrapolation). Disposant de l'ordre de grandeur (inférieures à 0,1 GPa) des dernières contraintes déviatoriques subies par les enclaves à partir des différents géopiézomètres de la littérature [6] basés sur la taille des grains recristallisés dynamiquement, on en déduit que la déformation s'est produite à des températures supérieures à 900°C. Ces conditions de contrainte et de température sont aussi celles nécessaires à la recristallisation dynamique [4] et sont compatibles avec les conditions envisagées pour le manteau [4]. De plus la similitude des fabriques de la lherzolite — paragenèse mantellique — et de la dunite présume de leur origine commune. La détermination du mode de recristallisation de ces enclaves renforce les données pétrochimiques [2] et permet d'envisager que la dunitification de péridotites mantelliques s'est fortement amorcée dans le manteau. En effet, si la dunitification avait débuté au sein du basalte hôte, lors de la montée ou en surface, on aurait constaté une plus grande dispersion, due à la recristallisation en conditions hydrostatiques, de la fabrique de néoblastes de PAP8713. Ainsi, en accord avec les données de la minéralogie, l'enclave PAP8713 résulte de la dunitification intramantellique, antérieure à l'incorporation dans le basalte, d'une harzburgite ou d'une lherzolite.

CONCLUSION. — L'étude qui vient d'être menée confirme l'origine commune entre des roches à paragenèses mantelliques (lherzolites et harzburgites) et des dunites ([1], [2]), et montre que le processus de résorption-rééquilibrage, à l'origine de la dunitification [1], s'est effectué dans des conditions mantelliques.

Cette recherche a été financée par l'A.T.P. « Géologie et géophysique des océans ». Note remise le 9 janvier 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

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C R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 303-306, 1989 303

Paléontologie/Paleontology

Azarifeneria barrati, un deuxième genre de Dicynodonte du Trias supérieur marocain

Jean-Michel DUTUIT

Résumé — Azarifeneria barrati est un nouveau genre de Dicynodonte stahleckeriné découvert dans le Trias supérieur de la formation continentale d'Argana (Atlas occidental marocain). Par ses dimensions et sa morphologie, Azarifeneria est proche de l'espèce sud-américaine Stahleckeria potens. Son habitat était probablement tout à fait terrestre.

Azarifeneria barrati n.g. n.sp. (Reptilia: Therapsida), Second Dicynodont Genus of

the Moroccan Upper Triassic

Abstract — Azarifeneria barrati is a new genus of stahleckerinid Dicynodont discovered in the upper Triassic of the continental Argana Formation (moroccan occidental Atlas). By its dimensions and morphology, Azarifeneria is close to the south-american species Stahleckeria potens. Azarifeneria had a probably quite terrestrial habitat.

1. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE, LIEU, NIVEAU. — Ces deux pièces crâniennes ont été découvertes en 1965 dans le gisement XII (nomenclature Dutuit) ([1], [2]), situé à la base du niveau t5 de Tixeront (« grès et argiles silteuses rouges » ([3], [4]). Il est situé sur la crête gréseuse surplombant au sud-ouest l'axe de la vallée Irohalène, marqué par les douars Talaïnt et Azendoh, à la pointe nord des affleurements permo-triasiques du couloir d'Argana et au Sud d'Imi N'Tanoute (à proximité de la route Marrakech-Agadir). Le gisement surplombe le douar d'Azarifen. Il est également à 500 m environ au Nord du gisement XIII à grands Métoposaures [1] dont le niveau stratigraphique est approximativement le même. La découverte du XII se fit à l'occasion d'une prospection systématique, après la découverte de corps vertébraux de Stégocéphales en éboulis.

2. TAPHONOMIE, PALÉOÉCOLOGIE. — Le gisement XII est mal circonscrit, se présentant comme une passée à fragments osseux épars, dans un grès arkosique brun foncé, dur, qui renferme parfois de petits galets, reprise probable d'un niveau inférieur. A ce titre, il évoque un peu les conditions de sédimentation rencontrées au XVI [5]. Si l'on en croit les variations de dimensions de ces galets, les conditions énergétiques du dépôt devaient varier beaucoup. C'est un grès fin et sans galets, interprétable comme un dépôt de faible énergie, qui a livré les deux pièces étudiées ici. 10 à 20 m plus au Nord, une variation latérale à inclusions de petits galets gréseux a présenté des fragments osseux de métoposaures, surtout des corps vertébraux roulés. L'impression prévaut donc que les conditions de dépôt du gisement XII étaient celles d'un milieu aquatique d'énergie moyenne et mauvais piège à fossiles.

La comparaison du gisement XII avec le gisement XI, dans lequel ont été découverts également des Dicynodontes (Moghreberia nmachouensis) [6] apporte d'autres éléments de réflexion. Des conditions de dépôts voisines devaient en effet régner dans les deux lieux. Ils sont situés à 1,5 km l'un de l'autre seulement et appartiennent au même ensemble lithostratigraphique, mais il est peu probable qu'ils aient été exactement contemporains. Les variations latérales de sédimentation, constantes le long de cette crête argilo-gréseuse de 150 à 200 m de puissance, les abondants dépôts de surface et la multiplicité des petits

Note présentée par Jean PIVETEAU. 0249-6305/89/03090303 S 2.00 © Académie des Sciences

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accidents tectoniques rendent peu fiables les suivis de bancs. Une autre observation doit être prise en considération : au XII comme au XI, les os sont éclatés en surface, fissurés et pénétrés par la gangue selon une trabéculation à mailles serrées qui semble démontrer un séjour prolongé à l'air libre et sous climat aride [7]. On peut donc supposer des modes de vie comparables pour les deux formes, mais le pourquoi de leur inégalité de représentation se pose alors. Deux solutions peuvent être envisagées sans que l'on puisse trancher :

— Les habitats des deux formes étaient différents, et il s'ensuit l'hypothèse secondaire suivante : Moghreberia nmachouensis était davantage tributaire du milieu aquatique, ce qui expliquerait sa fossilisation plus aisée, Azarifeneria tolérant de vivre à de grandes distances des points d'eau.

— Les démographies des deux taxons étaient très différentes. Azarifeneria aurait été nettement moins représenté dans la faune que Moghreberia.

— Et il est évident que ces deux explications peuvent intervenir conjointement.

3. MATÉRIEL. — Les deux fragments décrits ne représentent qu'une partie restreinte et de situation postérieure du crâne. Les deux blocs, catalogués AZA 366.1 et AZA 366.2, sont conservés actuellement au Muséum national d'Histoire naturelle. Le 366.1 représente une partie des structures pariéto-squamosales, le 366.2 une partie des os arrière- et basicrâniens (fig. 1).

Les surfaces osseuses sont mal délimitées, les sutures inapparentes. Cet état de chose tient à la détérioration avant enfouissage, et conséquemment à une épigénisation agressive, puis une préparation difficile. Même s'il n'y a plus de contact précis entre eux après préparation, il ne fait aucun doute que les deux fragments proviennent bien d'un seul et même crâne.

4. DÉFINITION DU FOSSILE. — Classe : Reptilia. Sous-classe : Synapsida.

Ordre : Therapsida. Sous-ordre : Anomodontia. Infra-ordre : Dicynodontia.

Fig. 1. — Mise en place des deux pièces crâniennes. Les compléments de tracé en traits interrompus utilisent la reconstitution de Stahleckeria potens.

Fig. 1. — Putting of the two cranial pieces. The complements of drawing with broken lines make use of the reconstitution of Stableckeria potens.

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Famille : Kannemeyeridae Huene, 1948.

Sous-famille : Stahleckerinae non sensu Lehman, 1961.

Genre : Azarifeneria. n. g.

Espèce : Azarifeneria barrati. n.sp.

Dérivation du nom de genre : du douar Azarifen, le plus proche du gisement.

Dérivation du nom d'espèce : Elle est dédiée à M. Pierre Barrat, ancien technicien du Muséum dont l'aide fut précieuse sur le terrain.

Holotype : Base arrière-crânienne portant l'identification AZA 366.2 et structures pariéto-squamosales du même crâne portant l'identification AZA 366.1.

Localité-type et Horizon-type : Village d'Azarifen, au Sud-Est d'Imi N'Tanoute (section administrative Rohala), Atlas occidental marocain. Le gisement est numéroté XII (nomenclature Dutuit) et ses coordonnées Lambert sont 160,7/458,6, Carte I.G.N. « Imi N'Tanoute ». Niveau t5 de Tixeront.

Diagnose générique : Genre de Dicynodonte dont la longueur du crâne, les structures pariéto-squamosales et occipitales, étaient voisines de celles de Stahleckeria, avec toutefois une crête intertemporale large et un peu plus longue, et avec forte participation des postorbitaires à cette crête. Condyle occipital large. Tubers davantage écartés que chez Stahleckeria.

La diagnose spécifique est celle du genre.

5. PRINCIPAUX CARACTÈRES ET DISCUSSION. — Il paraît assuré que l'agencement des deux fragments entre eux se présentait comme indiqué sur la figure 1. Nous avons à faire à la

Fig. 2. — A et B. Pièce AZA 366.1, vues dorsale et postérieure. C et D. Pièce AZA 366.2, vues postérieure

et ventrale, c.o., condyle occipital; f.o., foramen magnum; Pa, pariétal; Po, post-orbitaire; Psph, parasphénoïde;

parasphénoïde; carré; So, supra-occipital; Sq, squamosal; tu, tuber. Fig. 2. — A and B. AZA 266.1, dorsal and posterior views. C and D. AZA 366.2, posterior and ventral

views. c.o., occipital condyl; f.o., foramen magnum; Pa, parietal; Po, post-orbital; Psph, parasphenoid; Q,

quadrate; So, supra-occipital; Sq, squamosal; tu, tuber.

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partie postérieure du crâne, en arrière d'un plan transversal le coupant entre la muraille postérieure du puits pariétal en haut, la partie prétubérienne de la base sphénoïdienne en bas.

— Ce qui s'impose au premier examen est la grande dimension de l'espèce. La comparaison avec l'arrière-crâne de Stahleckeria, genre le plus proche de celui que nous décrivons, permet d'estimer la longueur du crâne à environ 0,80 m. Stahleckeria potens, décrit par von Huene ([8], [9]), mesure environ 0,70 m. L'estimation n'est acceptable qu'en supposant que la morphologie et les proportions de l'avant du crâne avaient autant de communauté avec la forme sud-américaine qu'en a l'arrière-crâne. On remarque aussi l'importante épaisseur relative de toutes les structures, caractère massif bien appréhendable dans les parties les plus supérieures et basales de l'arrière-crâne (fig. 2).

— La crête intertemporale est relativement large à son faîte, plus large que chez Stahleckeria et un peu plus longue (fig. 2 A). Les postorbitaires ne sont plus représentés que par leur base d'insertion sur les pariétaux, ce qui est suffisant pour affirmer leur grande extension relative. Dorso-antérieurement, AZA 366.1 montre l'amorce supérieure du puits pinéal (fig. 2 A). Sur la face de cassure antérieure de AZA 366.2 on retrouve la muraille antérieure du puits et son branchement sur le tunnel endocrânien, en direction du foramen magnum. Les squamosaux s'évasent rapidement vers le bas et l'extérieur. Il ne semble pas qu'un interpariétal ait pris part à la formation de la crête comme chez Ischigualastia [10] (fig. 2 B).

— L'occiput, d'après la conformation de sa partie médiane, devait être étalé latéralement. La morphologie et les proportions des condyles, des tubers et des plans immédiatement avoisinant cette région, basale du crâne, sont très comparables à ce que l'on sait de Stahleckeria (fig. 2 C, D). Le condyle occipital est trilobé, légèrement cordiforme, peutêtre relativement plus large que chez Stahleckeria. Tubers et paroccipitaux ont à peu près les mêmes proportions que chez Stahleckeria. Les tubers sont un peu plus écartés que chez ce dernier genre.

6. CONCLUSION. — Les éléments de comparaison anatomiques et métriques dont nous disposons montrent qu'Azarifeneria est proche de Stahleckeria potens qui est, rappelonsle, un genre sud-américain (formation de Santa Maria dans le Brésil du Sud). Et bien que nous ne puissions pas juger des caractères des trois-quarts antérieurs du crâne, cette affinité de l'arrière-crâne nous paraît remarquable. Ce sont les premiers herbivores triasiques marocains qui se rapprochent ainsi d'un genre correspondant sud-américain. Ces arguments nous paraissent de nature à justifier la création d'un nouveau genre, ce taxon étant inséré dans la sous-famille des stahleckérinés. Note remise le 13 mars 1989, acceptée après révision le 10 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] J.-M.DUTUIT, Mém. Mus. nat. Hist. nat., XXXVI, 1976. [2] J.-M. DUTUIT, Coll. intern. C.N.R.S., n° 163, 1967, p. 427.

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Institut de Paléontologie du Muséum national d'Histoire naturelle, 8, rue Buffon, 75005 Paris.

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Géophysique/ Geophysics

La division de la sphère en éléments de même surface et de formes voisines, avec hiérarchisation

Henri-Marcel DUFOUR

Résumé — On propose de définir, à partir du polyèdre semi-régulier de deuxième genre à 30 facettes losanges égales, dit polyèdre de Rome de l'Isle, des maillages de la sphère quasi homogènes et hiérarchisables : à un niveau donné de décomposition, les cellules obtenues sont égales en surface et voisines en dimensions : ce sont des quadrilatères allongés (dits pseudo-losanges), chacun d'eux pouvant être à volonté décomposé en deux triangles bien conformés.

Une proposition précise est faite pour le globe terrestre, susceptible d'être adoptée internationalement.

The division of the sphere into equal area cells, with possible hierarchization

Abstract — One can define quasi-homogeneous grids on the sphere, based on a semi-regular polyhedron, with 30 equal rhomb. shaped faces, called Romé de l'Isle polyedron: at a given level of subdivision, one obtains equal-area cells, called "pseudo-losanges"; each of which can be divided into 2 almost equilateral triangles.

A precise proposai is made concerning the Earth, which could be internationally adopted.

1. POSITION DU PROBLÈME. — Il est notoire qu'il n'existe pas de décomposition hiérarchisée parfaite de la sphère, et c'est en partie pour cette raison que de nombreuses banques de données localisées, à la surface du globe, s'organisent sur des partitions définies par les coordonnées géographiques (%, cp) (latitude, longitude), en dépit des difficultés à prévoir au voisinage des pôles.

Or, s'il n'existe pas, sur la sphère entière, de décomposition homogène en surfaces à module de base le carré (telle qu'elle est suggérée par la carte de Mercator au voisinage de l'Equateur), on peut trouver des partitions hiérarchisées quasi régulières à module de base un quadrilatère allongé (dit pseudo-losange), permettant simultanément des partitions à module triangulaire, chaque pseudo-losange pouvant être à volonté subdivisé en deux triangles bien conformés.

2. BASE DE LA MÉTHODE. — Il faut naturellement partir d'un polyèdre régulier (octaèdre, icosaèdre) ou semi-régulier du deuxième genre, à faces égales (tel que défini par Catalan [1]) = une analyse rapide fait sélectionner le polyèdre de Romé de l'Isle, à 30 faces losanges et 32 sommets — de la famille de l'icosaèdre (fig.)

Soit donc un tel polyèdre (P), tangent extérieurement à la sphère (S) de rayon 1, les points de contact étant les centres (E) de 30 losanges plans égaux : il comporte 12.sommets pentagonaux (a 1, a2, a3... sommets d'un icosaèdre régulier) et 20 sommets trigonaux (b 1, b2, b3... sommets d'un dodécaèdre régulier).

Par perspective radiale sur la sphère, à partir de son centre, on fait correspondre au polyèdre circonscrit un polyèdre sphérique comportant 30 losanges égaux (d'angles 72, 120, 72 et 120°) qui, divisés chacun par le tracé de sa diagonale la plus courte, donnent 60 triangles isocèles égaux (d'angles 72, 60 et 60°), que l'on pourrait aussi obtenir à partir d'un hexacontaèdre (semi-régulier du deuxième genre) circonscrit à la sphère.

Une méthode déjà décrite par Popko (1969) (signalée par G. H. Dutton [2] en 1984) consiste à subdiviser itérativement chacun des 60 triangles par des arcs de grands cercles joignant les milieux des côtés, de façon à obtenir un système hiérarchisé de triangles

Note présentée par Jean-Jacques LEVALLOIS. 0249-6313/89/03090307 $ 2.00 © Académie des Sciences C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) série II - 21

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sphériques : mais on peut montrer que le rapport aréolaire (r) entre la surface la plus grande et la surface la plus petite, après quelques subdivisions, peut atteindre 1,091. On doit aussi noter que la méthode conduit à des traitements informatiques prohibitifs.

3. SOLUTION PROPOSÉE. — Un losange plan (L 1) du polyèdre (tel que a 1, b2, a 2, b 1), peut être considéré comme l'image, en projection gnomonique, d'un losange sphérique (L) sur le plan tangent à cette sphère au centre (E) de ce losange.

Dans le plan de projection, on prendra comme unité de longueur le côté de (L 1), et les coordonnées obliques du losange seront notées (x, y) [\x\, |v|^0,5].

L'échelle aréolaire A de la projection gnomonique a l'expression suivante :

La première approche consiste à prendre un maillage régulier en (x, y) sur (L 1), mais alors la correction aréolaire F, pour passer des aires nominales dans (L 1) aux aires réelles dans (L) serait égale à :

et comme A (0; 0) = 1; A (0,5; 0,5) = 1,624 598, on aura :

Or il est possible d'introduire des paramètres (t, T), liés à (x, y) par une relation fonctionnelle (G), continue et dérivable dans (L 1), et telle que le domaine utile de t (ou T) reste l'intervalle (-0,5; +0,5) :

La correction F devient : F=J.K/A avec J=jacobien de (G) = D(x, y)/D(t, T).

Si l'on pouvait choisir (G) telle que F soit identique à 1 à l'intérieur de chaque losange, on aurait défini une représentation équivalente de (L) sur (Ll), et une graduation régulière en (t, T) sur l'ensemble des 30 losanges (L 1) définirait sur la sphère un maillage dont toutes les cellules auraient même surface (r = 1).

Il n'y a pas de solution simple qui puisse donner un tel résultat, mais on a sélectionné deux solutions approchées importantes, d'expression générale :

Polyèdre de Rome de L'Isle-mailles ico-binaires (M 1,

M 2, M 3) et ico-triangulaires (TR); coordonnées gnomoniques

gnomoniques y) et équivalentes (t, T).

The Rome de l'Isle polyhedron-icobinary (M 1, M 2, M 3)

and icotriangular (TR) grids; gnomonic (x, y) and

M1 equal area (t, T) coordinates.

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Dans une solution (I), on pose u=0 : les lignes (t, T=Cte) définissent des droites dans le plan (x, y) et par suite des orthodromies sur la sphère : la valeur optimale de r est alors 1,01, ce qui représente un gain de rapport 9 sur la solution de Popko.

Dans une solution (II), on prend w^O; il y a une légère incurvation des lignes séparatrices, mais on atteint r = 1,001, ce qui représente un gain de rapport 10 sur la solution précédente.

Les résultats sont présentés dans le tableau ci-après (cf. [3]) :

Solution I Solution II

Valeurs de F :

t=T=0 1,003000 1,00000

|t] = 0,5; |T| = 0,5 1,005000 1,000000

t = 0; |T| = 0,5 0,995160 1,000000

Coefficients :

r 1,009 888 1,00956

Po 0,072154438539 (inchangé)

Q 0,229157538 528 0,222359620645

R 0,026874759908 0,026088974094

S 0,080845005024 0,085626271848

M 0,000000 -0,049765227938

La discussion sur le choix entre les deux solutions reste ouverte : nous nous référons par la suite à la solution (I), un peu plus simple que (II). Le passage de (I) à (II) correspond, à la surface de la Terre, à un déplacement maximal de 1,200 km.

La division du domaine de variations de t et T en p intervalles égaux (p entier >1), étendue aux 30 losanges, définit sur la sphère un maillage qui délimite 30 p2 quadrilatères de même surface (à mieux que 1 % près), et qu'on appellera « ico-losangé ». Si on pose p=2n(n entier >0), le maillage sera dit « ico binaire » et désigné par Mn+1.

Les lignes : (t+T) — q/p (q entier; —p<q<p) séparent chaque quadrilatère en deux triangles de même surface, et la réunion du maillage ico-losangé et des nouvelles lignes donne un maillage « ico-triangulaire ». Ces dernières lignes ne sont pas orthodromiques (sauf pour q=0) : c'est grâce à leur légère courbure qu'on a pu ramener r de la valeur 1,091 (Popko) à la valeur 1,010.

4. AVANTAGES DE LA MÉTHODE. — Le système possède les avantages logiques de la subdivision en carrés : repérage matriciel, égalité des surfaces, altération faible des formes.

Seulement la forme élémentaire de la maille est un quadrilatère relativement proche du losange d'angles (60, 120, 60 et 120°), donc moins compact que le carré. Par contre, on bénéficie de la possibilité de faire, à la demande, une décomposition en triangles, avec hiérarchisation possible, le triangle moyen sur la sphère ayant pour angles (66, 57 et 57°), avec comme formes limites : (72, 54, 54) (sommets de l'icosaèdre), (60, 60, 60) (sommets du dodécaèdre), (66,6, 61,4, 52,0) (milieux des côtés).

En application informatique, les expressions (3) et (4) permettent de passer de (t, T) aux coordonnées gnomoniques locales (x, y), et par suite aux coordonnées cartésiennes terrestres, par formules finies, sans aucun calcul de ligne trigonométrique. Le calcul

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inverse des formules (3) peut prendre la forme de deux développements polynomiaux : t(x, y); T(x, y).

5. APPLICATIONS EN CARTOGRAPHIE TERRESTRE [3]. — On propose de placer deux sommets de l'icosaèdre aux pôles. et un autre sommet au point suivant :

\|/ étant la latitude géocentrique (très proche de la latitude isométrique).

Cette convention est à la fois simple et optimale pour certains documents cartographiques : elle permet de ne placer que deux sommets non polaires de l'icosaèdre en zone émergée (Sahara; Inde).

Les centres des losanges sont aux latitudes \(/ = 0; \|r= ±<x/2, \|/= + (90° —(a/2)).

On espère quatre grandes sortes d'applications :

— Le report d'un maillage ico-binaire sur les cartes existantes et son utilisation pour le repérage, l'estimation des surfaces et l'analyse statistique.

— Une normalisation des codes de repérage : par exemple le choix du code ico-octal, qui correspond à l'utilisation itérée du paramètre P = 8 pour les subdivisions de chaque losange.

— La création de systèmes de cartes radiales, centrées aux noeuds des maillages icobinaires, par exemple un système polystéréographique, appelé ICOSTEREO.

— La création de cartes équivalentes, dont les coordonnées rectangulaires sont liées linéairement aux paramètres (t, T).

6. AUTRES DOMAINES D'EXTENSION. — Ayant défini une partition de la sphère, nous avons ipso facto défini une partition de l'angle solide 47t, espace vu du centre de la sphère, avec des plans centraux comme éléments séparateurs.

Tout objet sphérique ou voisin de la sphère est naturellement concerné : sphère astrale, Lune, planète... On peut, par exemple, par un code à 13 caractères (1 pour le numéro du losange, les autres pour des valeurs itérées de p = 32, symbolisées chacune par deux caractères alphanumériques) désigner une étoile à mieux que 0",0001, ce code pouvant à la fois donner son nom et sa position dans un catalogue de base.

On ne saurait trop insister sur l'homogénéisation des opérations statistiques (en losanges ou triangles hiérarchisés), portant sur les ressources planétaires, ou sur les étoiles de la sphère céleste.

Enfin les maillages qu'on vient de définir peuvent servir de support à la visualisation des courbes iso-valeurs de toutes sortes de fonctions géophysiques : altimétrie ou bathymétrie, anomalies de gravité, potentiel... ou bien encore être utilisés préférentiellement dans les méthodes numériques utilisant les éléments finis.

Il serait souhaitable que des accords internationaux permettent de définir une grille unique pour chaque objet sphérique, comme on se définit un système unique de coordonnées géographiques ou équatoriales. Note remise le 9 mai 1989, acceptée le 23 mai 1989.

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Institut Géographique national, 94160 Saint-Mandé.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 311-313, 1989 311

Sismologie/Seismology

Amplification résonante du tremblement d'une chaîne de montagnes cylindriques soumise à une onde SH

Armand WIRGIN

Résumé — L'amplification quasi résonante du mouvement du sol, liée à la topographie du site, a souvent été observée lors d'événements sismiques ([1], [2]), mais n'est pas encore comprise. On montre que les montagnes d'un relief périodique agissent comme des cavités résonantes et que le champ de déplacement présente un pôle à la résonance.

Resonant quake amplification of a cylindrical mountain chain excited by a SH

wave

Abstract — Quasi resonant amplification of ground movement, linked to the topography of the site, has often been observed during seismic events ([1], [2]), but is not yet understood. It is shown that the mountains of periodically uneven terrain act as cavity resonators and that the displacement field contains a pole at resonance.

Le sol (S) libre présente, au repos, un relief périodique cylindrique (de période d, l'axe des x2 se confondant avec l'axe du cylindre) et recouvre un manteau (M) élastique uniforme (absence de croûte). Chaque montagne de la chaîne a la forme d'un rectangle, d'hauteur b et de largeur w, dans le plan de section droite Oxtx3. On considère le mouvement (2D) périodique [le facteur-temps exp( — iat) est implicite dans la suite] antiplan (Le., ondes SH). Lorsque b=0 le sol est plan (x3=0) et ne permet pas la propagation d'une onde de surface SH le long de S dans M, comme c'est le cas (mode de Love) lorsqu'une croûte est interposée entre M et S. Nous allons montrer que les montagnes permettent d'exciter des ondes de surface SH dans M, même en l'absence d'une croûte.

Le foyer du séisme est situé dans M, loin de S, et donne lieu à une onde de volume plane frappant S avec l'angle 0(,) par rapport à la verticale. La composante transversale (au plan sagittal Ox1 x3) du déplacement peut se représenter sous la forme

c = [u./p]1/2=vitesse des ondes de cisaillement dans M, u, p=constantes de Lamé de M.

Note présentée par Maurice ROSEAU. 0249-6313/89/03090311 $ 2.00 © Académie des Sciences

312 C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II p. 311-313, 1989

L'application de la condition aux limites sur les parties basses horizontales du sol (libre) et des conditions de continuité sur la jonction montagne-manteau donne

On aura amc^a18lm lorsque P11 est petit. S'agissant de l=0, cela donne :

Considérons le cas, qui se produit notamment pour kd 4,1, où

Si |0(,) | n'est pas trop proche de TT/2, Im(P00) est petit du fait de l'équation (11). Dans ce cas, la résonance se produit lorsque Re(P00)»0. L'équation (12) entraîne CQO —1, de sorte qu'à la résonance

ce qui confirme que a0 est grand (puisque y est petit).

C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II, p. 311-313, 1989 313

Par ailleurs, l'équation (10), entraîne, au niveau de l'équation (9) :

Le deuxième terme, inexistant en l'absence de relief, est petit en dehors de la résonance [du fait de l'équation (11)], mais donne, à la résonance, la contribution :

Ce résultat est, du fait de l'équation (14), l'expression des amplitudes des ondes de surface présentes en M( 1) à la résonance. Une (plus rarement plusieurs) de ces ondes est excitée à la résonance avec une intensité d'autant plus grande que | k^l | est plus petit, c'est-àdire, que k est plus proche du nombre d'onde de Rayleigh-Wood (pour lequel fcii = 0). Ceci démontre que c'est bien le relief de S qui permet d'exciter une onde de surface SH dans M( 1) et explique pourquoi, selon Bard [4], les mouvements d'un terrain à relief périodique sont les plus forts lorsqu'une onde de volume se transforme en onde « horizontale » (i. e., rasante). En ce qui concerne le mouvement dans la montagne, il vient des équations (1) et (16) :

A titre d'exemple, pour 0(i) = 0, w = 0,2 km, b = l km, d = 5 km, on trouve, à la longueur d'onde de résonance A=2rc//c,. = 5,25 km (calculé numériquement de l'équation Re(P00)=0) que \u2\ varie entre 20 [en (±w/2, 0)] et 54 [en (x1, b)] le long de la surface d'une montagne de la chaîne. Malgré l'excitation d'une onde de surface dans M(1), le déplacement du sol dans les vallées est plus modeste que sur les montagnes, variant (à la résonance) entre 2 et 20 selon le heu.

A titre de comparaison, |u2|=2 en l'absence de relief, ce qui signifie que le relief agit comme un amplificateur résonant du mouvement du sol, dont l'effet est particulièrement sensible au sommet des montagnes. Les amplifications sont d'autant plus fortes que les montagnes sont moins larges et/ou plus hautes, et sont, en règle générale, plus fortes que celles trouvées par Bard [4] pour un relief sinusoïdal de faible pente, tout en étant proches des amplifications constatées en situation réelle pour ce type de topographie [2].

Note remise et acceptée le 22 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] L. L. DAVIS et L. R. WEST, Bull. Seism. Soc. Am., 63, 1973, p. 283-298. [2] P. Y. BARD et B. E. TUCKER, Bull. Seism. Soc. Am., 75, 1985, p. 905-922.

[3] A. WIRGIN, dans Recent developments in surface acoustic waves, D. F. PARKER et G. A. MAUGIN éd., Series on wave phenomena, Springer, Berlin, 1988, p. 145-155. [4] P. Y. BARD, Geophys. J. Roy. Astron. Soc, 71, 1982, p. 731-760.

Laboratoire de Modélisation en Mécanique, Unité associée au C.N.R.S. n° 229, Université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 315-318, 1989 315

Géochimie et géochronologie isotopiques/Isotopic Geochemistry and Geochronology

Reliques granulitiques d'âge Protérozoïque inférieur

dans la zone mobile panafricaine d'Afrique Centrale

au Cameroun ; géochronologie U/Pb sur zircons

Joseph PENAYE, Sadrack Félix TOTEU, Annie MICHARD, Jean-Michel BERTRAND

et Danielle DAUTEL

Résumé —Des granulites (pyribolite et pyriclasite) et un gneiss à biotite-amphibole du Nord Cameroun ont été datés par la méthode U/Pb sur zircons. L'ensemble des résultats permet d'identifier un magmatisme et un métamorphisme granulitique d'âge Eburnéen à environ 2100 M.a. (intercept supérieur) avec une reprise au Panafricain (580 M.a.). En plus des granulites archéennes du craton du Congo et de celles d'âge panafricain décrites sur sa bordure Nord au Cameroun et en République Centrafricaine, il existe donc une troisième génération de granulites, d'âge Protérozoïque inférieur.

Lower Proterozoic granulitic relicts within the Pan-African mobile belt

of Central Africa in Cameroon

Abstract — Zircons from Northern Cameroon granulites and biotite-hornblende gneisses have been dated. Data are interpreted as representing a plutonic emplacement and a granulitic metamorphic event at ca. 2,100 M.a. (upper intercept) with a Pan-African imprint (580 M.a.). A third granuliteforming event of Lower Proterozoic age is thus identified besides the formerly recognized Archaean and Pan-African granulites occurring in the Congo craton and along its northern edge.

L'évolution panafricaine du Nord Cameroun est dominée par une accrétion crustale (plutonisme, volcanisme et sédimentation) qui comporte une phase distensive autour de 830 M.a. suivie par une phase de convergence avec un paroxysme daté entre 630 et 580 M.a. ([1], [2]). Des incertitudes subsistaient jusqu'ici sur l'évolution pré-panafricaine de ce domaine. En effet, l'âge des reliques granulitiques antérieures à la migmatisation panafricaine de la région de Géri [3] n'était pas connu et les âges U/Pb voisins de 2000 M.a. obtenus sur les gneiss de Mbé pouvaient être interprétés en terme d'héritage sédimentaire [4]. Les nouvelles données U/Pb sur zircons que nous présentons ici permettent d'identifier clairement des témoins d'un socle d'âge Protérozoïque inférieur dans la région du Buffle Noir et de Mbé au sud-est de Poli.

CADRE GÉOLOGIQUE. — Les ensembles métamorphiques de la région du Buffle Noir [2] sont caractérisés par deux phases majeures de déformation D1 et D2 d'âge panafricain et par une foliation régionale très redressée, orientée SW-NE. Deux groupes lithologiques séparés par un décrochement senestre orienté SW-NE y ont été distingués :

— les schistes épi-mésozonaux, ou « série de Poli », sont constitué de roches volcanoclastiques et volcaniques datées, pour ces dernières, à 830 M.a. [1];

— les gneiss migmatitiques (à biotite-amphibole et à biotite-grenat) sont interprétés comme représentant des métagreywackes contenant de rares niveaux métapélitiques. Ils contiennent des reliques d'un métamorphisme de faciès granulite antérieur aux assemblages métamorphiques associés à D1 et à D2 et à la migmatisation panafricaine et sont recoupés par plusieurs ensembles magmatiques : — (a) des métatonalites et des amphibolites rubanées pré-D1, mais dépourvues de reliques granulitiques ; — (b) un complexe plutonique sub-alcalin syn- à tardi D2 ; — (c) un cortège filonien post-D2.

Note présentée par Maurice ROQUES. 0249-6313/89/03090315 S 2.00 © Académie des Sciences

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C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 315-318, 1989

RÉSULTATS GÉOCHRONOLOGIQUES. — Les datations par les méthodes U/Pb et Sm/Nd ont été effectuées sur des pyriclasites, des pyribolites et des gneiss à biotite et amphibole du groupe des gneiss migmatitiques. Les techniques analytiques ont été décrites dans une publication précédente [1]. Les échantillons sont localisés sur la figure 1 et les résultats analytiques peuvent être obtenus sur demande aux auteurs.

1. Les pyribolites du Mayo Makat (échantillon P135) affleurent en niveaux métriques concordant (sills?), souvent boudinées, dans les gneiss migmatitiques. La composition minéralogique est la suivante : magnésio-hornblende, plagioclase (An 89-94), grenat (Alm. 57-60%; Pyr. 16-21%; Gross. 16-22%), salite (XMg = 66-69%), et accessoirement quartz, biotite, rutile, apatite, ilménite, sphène, allanite et zircon. Chlorite, prehnite, séricite, épidote et carbonates constituent les phases secondaires. Les zircons P135 sont brun-clair et de forme amiboïde ou arrondie, comparables à des zircons de granulites mafiques ([5], [6]).

Les pyriclasites du Mayo Kout (échantillon P54). Elles affleurent en masses plus ou moins importantes; leurs relations avec les gneiss migmatitiques n'ont pas été observées. Elles sont constituées de quartz, de plagioclase (An 65-78) souvent antiperthitique, de biotite, de salite (XMg = 63-65%), de grenat (A1 = 57-59%, Gros = 20-23%, Pyr = 11-16%, Spes = 4-9%) et plus rarement de feldspath potassique et de rutile. La biotite, l'actinote et l'ilménite sont d'origine rétromorphique. Les zircons sont clairs et se présentent en grains allongés, ovoïdes ou rarement arrondis. Ils montrent une zonation régulière évoquant une croissance en milieu magmatique [7]. Certains cristaux montrent une faible surcroissance vraisemblablement d'origine métamorphique.

Sur le diagramme Concordia (fig. 2a) les quatre fractions P135 et les trois fractions P54 analysées donnent des points discordants qui définissent une discordia entre 2118 + 14/—13 M.a. et 576 + 26 M.a. avec un MSWD de 3,3. Compte tenu de la morphologie des zircons de P135, l'intercept supérieur est interprété comme représentant l'âge de la cristallisation des zircons dans les conditions du métamorphisme granulitique. C'est donc l'âge minimum pour la mise en place des pyribolites, pour le dépôt des paragneiss encaissants et la mise en place d'intrusifs syn-granulitiques (P54). Un âge modèle Sm-Nd de 2 500 M.a. par rapport au manteau appauvri obtenu sur P135 confirme l'ancienneté du matériel. L'intercept inférieur reflète l'histoire tectonométamorphique panafricaine; de même, le grenat de la pyribolite donne un âge Sm-Nd de 550 + 20 M.a. que nous interprétons comme celui du refroidissement panafricain de ce minéral ([8], [9]).

Fig. 1. — Schéma géologique du Cameroun et des régions voisines et localisation des échantillons. (1) Échantillons étudiés. (2) Volcanisme récent. (3) Fossés Mésozoïques. (4) Séries de Poli, Lom et Mbalmayo. (5) Gneiss indifférenciés. (6) Craton du Congo. Abréviations : A, Océan Atlantique; D, Douala; Y, Yaoundé; N, Ngaoundéré; G, Garoua; M, Maroua; J, Jos.

Fig. 1. — Sketch map of the Cameroon region and location of samples. (1) Studied samples. (2) Volcanism of the Cameroon line. (3) Benue and Garoua troughs. (4) Poli, Lom and Mbalmayo Series. (5) Indifferentiated gneiss. (6) Congo craton.

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2. Les gneiss à biotite et hornblende de Mbé (Echantillon Mb 2) sont des gneiss sombres constitués de quartz, de hornblende, de biotite, de plagioclase et accessoirement de grenat, de sphène, d'apatite et de zircon. Leur texture rappelle celle de roches magmatiques, mais la présence à l'affleurement de rares niveaux alumineux (à grenat + sillimanite) alternant avec des niveaux mafiques ainsi que la morphologie généralement arrondie des zircons semblent indiquer un protolithe de type grauwacke. Les zircons sont brun-clair, de forme arrondie ou plus rarement automorphes. Ils montrent une zonation comparable à celle des zircons magmatiques avec parfois un coeur (hérité?).

Sur le diagramme Concordia (fig. 2b), les points sont groupés et discordants, mais les intercepts peuvent être précisés grâce au sphène du même échantillon. On obtient ainsi des âges de 2104+ 7/-6 M.a. et de 580 + 11 M.a. (MSWD = 3,8). Le sphène n'est pas concordant et représente comme le zircon une phase héritée. L'intercept supérieur peut être interprété à la lumière des résultats obtenus sur les pyribolites (P135). Celles-ci sont métamorphisées avec leur encaissant gneissique à 2100 M.a. Les gneiss de Mbé, qui prolongent vers le SW de ceux du Buffle Noir, représentent donc, soit du matériel magmatique mis en place à 2100 M.a., soit des métagrauwackes déposées puis métamorphisées à 2100 M. a.

CONCLUSIONS. — Le magmatisme et le métamorphisme granulitique d'âge voisin de 2100 M.a. permettent d'identifier pour la première fois au Nord Cameroun, les témoins d'un cycle orogénique d'âge Protérozoïque inférieur. L'extension cartographique de ce socle reste délicate à préciser du fait de l'intensité de la réactivation panafricaine (migmatites) et de l'importance du matériel jeune mis en place au Proterozoïque supérieur [1]. Le meilleur critère pétrographique pour l'identification de ce socle paraît être, dans l'état actuel des travaux, la persistance des reliques d'un métamorphisme de faciès granulite antérieur aux phases tectonométamorphiques régionales et à la migmatisation.

Nous pouvons donc définir, en Afrique Centrale, une génération supplémentaire de granulites, d'âge Protérozoïque inférieur, en plus des granulites archéennes du craton du Congo et des granulites panafricaines qui soulignent la bordure nord du craton en Centrafrique [10] et à Yaoundé [11].

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 22

Fig. 2. — Diagrammes Concordia : (A) zircons du Buffle Noir : Mayo Makat (pyribolite P135) et Mayo Kout (pyriclasite P54); (B) zircons et sphène de la carrière de Mbé (gneiss MB 2).

Fig. 2. — Concordia diagrams for (A) Buffle Noir zircons: pyribolite P135 from Mayo Makat and pyriclasite P 54 from Mayo Kout; and (B) Mbe quarry: zircons and sphene.

318 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 315-318, 1989

Note remise le 21 avril 1989, acceptée le 22 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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[11] J. P. NZENTI, P. BARBEY, J. MACAUDIÈRE et D. SOBA, Precambrian Research, 38, 1988, p. 91-109.

J. P. : E.N.S.G., B.P. n° 452, 54001 Nancy Cedex,

J. P. et S. F. T. : C.R.G.M., B.P. n° 333, Garoua, Cameroun;

A. M., J.-M. B. et D. D. : C.R.P.G., B.P. n° 20, 54501 Vandoeuvre Cedex.

C. R. Acad. Sci. Paris, t 309, Série II, p. 319-324, 1989 319

Stratigraphie/S tratigraphy

Séquence de déformation progressive du Calcaire Carbonifère en Avesnois (Ardenne occidentale)

Jean-Louis MANSY et Francis MEILLIEZ

Résumé — En Ardenne, le Calcaire Carbonifère est un niveau compétent, puissant, très différencié pétrographiquement et paléontologiquement. Les conditions étant favorables à l'analyse structurale, l'étude détaillée d'une carrière a permis de mettre en évidence une séquence de déformation progressive. A l'échelle régionale, le plissement semble n'accommoder qu'une part restreinte de la déformation à ce niveau stratigraphique, le reste étant distribué sur les failles pour lesquelles il est difficile d'estimer le déplacement, faute de marqueurs appropriés.

Progressive deformation sequence in carboniferous limestone of Avesnois (Western

Ardenne)

Abstract — In Ardenne, Carboniferous limestone is a thick, compétent and well differenciated loyer. Different formations are easily recognized by accurate biostratigraphy. A detailed study of a quarry led us to a progressive deformation sequence. On a regional scale, folding is just a part of the deformation at this stratigraphic level, the other part being displayed along faults where it is quite difficult to estimate the displacement, due to a lack of good markers.

Abridged English Version — Carboniferous limestone is about 400 m thick within the Western Ardenne (Avesnois, Fig. A). It is a well-bedded series of various limestones and dolomites with few shaly interbeds, except locally. Foraminifers, conodonts and some corals yield an up-to-date, accurate biostratigraphy ([1], [2]). Thus, scattered outcrops may be confidently checked on the reference column. Thus, conditions for setting up an overall and precise structural image have been fulfilled.

Compositional differences within the Carboniferous limestone determined different rheological behaviour as deformation evolved. So a brief review of the compositions is presented from the base to the top. The thick Upper Devonian schists and sandstones, Strunian and lower Tournaisian schists and limestones are cut by decollements. [3]. The overlying thick, competent sequence encompasses the Grives (107 m) and Godin (68 m) Formations. Both are massive and the upper part is generally not bedded, acting altogether as a strong britde beam. Above, the massive and brirttle oolitic Neffe Formation (50 m) is bracketed by two relatively ductile units: the underlying Terwagne Formation (92 m) and the overlying Lives Formation (28 m and more). The last two formations are well-bedded partially dolomitic and contain shaly interbeds. In upper part of these, stratigraphie limestones with anhydrite ghosts are numerous. These two units are relatively less competent than the others.

A regional cross-section has been drawn. The main synclines are asymmetric and northly verging. The short limb is broken up while being overthrusted by the south flat limb. This is the regional pattern of this area, and it has been described from Lower Devonian to Upper Carboniferous series [7].

Detailed structural analysis within the quarry led us to set up a restoration of the structure according to a continuous and progressive shortening.

Note présentée par Jean DERCOURT.

0249-6313/89/03090319 S 2.00 © Académie des Sciences

320 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 319-324,1989

The Carboniferous limestone, being a competent beam as a whole, was first submitted to a buckling instability. The asymmetric character possibly raised as a bulk shearing developed. The internai relative rheological contrast could possibly explain this shearing. As the fold was raised up interlayer slip was favoured within the relatively incompetent Terwagne Formation (Fig. C). As a resuit, the Neffe limestone might have broken up, leading the different pieces to behave passively under rigid-body rotation during progressive shortening ([4], [5]). Breaking of the brittle lower massive limestones allowed the thrusting of the long limb over the short one. The thrust propagated straightforward across the Carboniferous limestone, although its stratigraphical trace looks like a ramp between two flats.

Finally, the whole structure was passively thrust over the northern, next fault, leading to a closing of the syncline. Thus, regional shortening must have been accomodated by minor folding of competent beams, and slipping over many faults. The main problem concerns the research of regional markers of such slips. It would indicate the minimum value of the shortening in the hanging wall of the "Allochtone Ardennais".

L'Avesnois représente l'affleurement le plus occidental du Paléozoïque ardennais. Un couvert végétal peu épais mais très étendu, confine les observations structurales de détail à quelques carrières, dont celles qui exploitent encore le Calcaire Carbonifère, recherché pour la pureté de certains de ses horizons. La révision cartographique d'une partie de la carte d'Avesnes/Helpe à 1/50000, entre deux carrières en exploitation, a permis l'identification d'un style tectonique associant plusieurs générations de failles à un épisode de plissement. Le décryptage de cette structure a été facilité par une connaissance biostratigraphique très fine de la série. Un modèle de restitution en déformation fragile progressive est discuté.

PRÉSENTATION DE LA SÉRIE. — Le Calcaire Carbonifère de l'Avesnois (fig.) comporte une succession de l'ordre de 400 m de puissance, très différenciée verticalement (pétrographie et paléontologie). Une microfaune abondante (foraminifères, conodontes), complétée par les coraux de certains niveaux, a permis l'élaboration d'une biostratigraphie très fine ([1] et [2]), régulièrement remise à jour. Les divers affleurements isolés ont ainsi pu être replacés dans la structure régionale. En outre, un épaississement de la série vers le Nord, par comblement de lacunes, a été mis en évidence [2].

Il est nécessaire de préciser les caractéristiques pétrographiques et structurales qui conditionnent le comportement rhéologique des divers niveaux de la série. A la base, le Dévonien supérieur est représenté par d'épais niveaux schisteux, intercalés de carbonates vers le sommet, eux-mêmes datés du Famennien et du Strunien. C'est un niveau de décollement régional [3]. La Formation de Grives est puissante, dolomitique et débitée en bancs épais. D'abondantes géodes, d'origine diagénétique, soulignent le litage interne. C'est un niveau au comportement très fragile. La Formation de Godin qui le surmonte, est un niveau massif, oolitique, de comportement également très fragile. En revanche, la Formation de Terwagne est finement litée, irrégulièrement dolomitique, et contient d'abondantes géodes diagénétiques. Elle renferme aussi des interlits argileux. C'est un niveau local de disharmonie, dont le rôle est important dans la structure visible dans la carrière. La Formation de Neffe, massive, oolitique et peu puissante, constitue un niveau fragile. Enfin, au sommet, la Formation de Lives très finement litée, riche en interlits argileux, en matière organique, contient des reliques d'anhydrite pseudomorphosée en calcite. C'est le niveau le plus incompétent de la série.

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Les carbonates ne montrent aucun clivage, sauf localement dans certains sites qui ont été soumis à forte compression. Il est alors souligné par des joints stylotithiques. Les rares interlits argileux, et les quelques cinérites (ex : Banc d'Or, entre les Formations de Neffe et de Lives), sont affectés par un clivage pénétratif à l'affleurement. Le niveau structural de la déformation est donc presque superficiel. Toutes les structures élémentaires affectant les carbonates sont de type fragile.

GÉOMÉTRIE DE LA STRUCTURE. — Les carrières Bocahut, situées près d'Avesnes (fig. A) sont implantées dans un synclinal déversé vers le Nord et chevauché par l'anticlinal dissymétrique qui le jouxte au Sud. Ce dispositif paraît être le motif élémentaire de la structure régionale (fig. B). D'autres carrières de la région exposent des structures comparables [2]. Mais les carrières Bocahut montrent les observations géométriques qui permettent de discuter un modèle d'évolution structurale.

A l'échelle des carrières, la stratification et les failles sont à quelques degrés près en zone autour de l'axe des plis (structure cylindrique). Cela tient au caractère compétent du Calcaire Carbonifère pris dans son ensemble.

Les fronts de taille montrent une différence de forme très marquée entre deux niveaux aussi rigides l'un que l'autre : les Formations de Godin et de Neffe (fig. C). Ce dernier est d'ailleurs cataclasé le long du contact anormal faisant reposer la Formation de Terwagne sur celle de Lives. Enfin, la Formation de Terwagne est parcourue de très nombreuses surfaces de glissement, parallèles à faiblement obliques sur la stratification.

PROPOSITION D'UNE RESTITUTION. — Une restitution peut être proposée dans laquelle plissement et failles évoluent conjointement dans une déformation d'ensemble cisaillante. Une décomposition en quelques étapes successives permet de discuter l'enchaînement des divers éléments structuraux.

Tout milieu stratifié, hétérogène dans sa composition lithologique, voit ses propriétés physiques varier d'une couche à l'autre. Lorsqu'un tel milieu est soumis à une compression orientée à peu près dans le plan d'anisotropie, il est le siège d'une instabilité mécanique qui s'exprime dans les milieux compétents par l'amorce d'un plissement [4]. Le caractère dissymétrique de ce plissement témoigne de la faible obliquité de la compression sur le plan d'anisotropie. Ici, l'axe de la compression devait plonger faiblement vers le SSE car le flanc court regarde vers le NNW [5].

L'espace contenu entre les deux surfaces axiales du couple anticlinal-synclinal, représente une bande de déformation qui constitue une perturbation dans la géométrie du milieu. Le systèmes de contraintes appliqué au milieu étant maintenu, la déformation va normalement évoluer par croissance latérale de la bande de déformation, et serrage des plis qu'elle détermine [6]. Mais la croissance d'un pli est un processus rapide qui entraîne un relâchement des contraintes, lequel marque la fin du premier épisode [6].

A ce stade, deux modifications interviennent qui conditionnent l'évolution ultérieure de la déformation. La première est géométrique: dans la bande de déformation, la stratification a changé d'orientation. En conséquence, la Formation de Neffe, encadrée par deux niveaux moins compétents, évolue vers une attitude favorable à l'apparition de fractures de tension induites, fortement obliques sur la stratification. Celles-ci peuvent se former d'autant plus facilement que ce calcaire est très fragile, et conduisent au débitage en blocs du flanc inverse. La seconde modification est d'origine rhéologique : la Formation de Terwagne, peu compétente se déforme plus vite que les niveaux moins compétents qui l'encadrent [6]. Le résultat est un «bourrage» des deux charnières, réalisé par de

322 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 319-324, 1989

nombreux glissements conduisant à la formation de nombreux petits duplex synthétiques et antithétiques exposés dans ces charnières (fig. C2).

La première étape du raccourcissement s'amortit par distribution du glissement sur de nombreuses surfaces. Les structures qui vont alors apparaître suggèrent que la compression principale est cette fois horizontale ou plongeant faiblement vers le NNW. Cette condition pourrait avoir été assurée par la formation d'une écaille quelque part à l'arrière (fig. C2). Sous ces nouvelles conditions, un chevauchement Fb se forme et cisaille le flanc court. Au mur de Fb les glissements sur la stratification sont atténués, tandis qu'ils peuvent se poursuivre au toit.

Dans la dernière étape, l'ensemble du Calcaire Carbonifère commence à glisser sur une rampe probablement située à l'avant (fig. C3). Le pli synclinal s'accentue par flexion passive, tandis que les conditions géométriques changeantes favorisent la formation d'un nouveau chevauchement (Fc sur fig. C3) dont la flèche reste modeste. En revanche, le serrage du synclinal au toit de Fc accentue la cataclase du flanc inverse dans le Calcaire de Neffe.

CONCLUSION. — La restitution de la structure observée dans la carrière Bocahut rend compte de l'ensemble des structures qui y sont observées, en les replaçant dans une séquence évolutive continue. Le cylindrisme parfait à cette échelle permet ce type de modèle caractérisé par des structures fragiles développées en milieu superficiel. La déformation est localisée, concentrée le long des bandes très étendues latéralement et

LÉGENDE DE LA FIGURE

Géologie de la région d'Avesnes. A. Carte géologique simplifiée. De larges bandes de Dévonien supérieur détritique séparent des petits synclinaux faillés de Calcaire Carbonifère. L'exemple le plus probant affleure dans la carrière Bocahut (C.B.), où l'on distingue un synclinal asymétrique faillé. B. Coupe simplifiée. Les lits calcaires soulignent des synclinaux de faible amplitude. Les plis et les failles sont moins discernables dans les schistes et psammites du Dévonien supérieur. C. Reconstitution structurale schématique. 1. Une contrainte compressive légèrement inclinée amène un léger kink et une bande de déformation qui s'étend latéralement. 2. La Formation de Terwagne, relativement incompétente, est affectée par des glissements internes qui font chevaucher le flanc long de la plateur sur le synclinal en formation. 3. Le synclinal majeur est replissé alors que la plateur est déplacée passivement sur une rampe septentrionale possible.

Geology of Avesnes area. A. Simplified geological map. Wide upper Devonian areas separate thin and faulted synclines, outlined by the Dinantian Limestone. West of Avesnes/Helpe, the Bocahut quarry exhibits such a faulted, asymmetric syncline. B. Simplified cross-section. The only calcareous beds outline low-amplitude, asymmetric synclines. Faults and folds accomodation is unknown within the Upper Devonian schists and psammites. C. Tentative sketch of structural restoration. 1. Low-angle compressive stress has led to instability and incipient kinking [5], inducing a deformation band which spreads laterally. 2. The relatively incompetent Terwagne Formation has accomodated internai slippage that brings the syncline to be overthrusted by the upper rear long limb. 3. The main syncline is then refolded as the lower long limb is passively displaced over a probable northern ramp.

Légende de la carte: 1D: schistes et psammites du Dévonien supérieur; 2T: calcaires du Tournaisien; 3V:

calcaires du Viséen; 4N : schistes du Namurien. Legend of the map: 1 D: Upper Devonian argilites and psammites; 2T: Tournaisian Limestones; 3V: Visean

Limestones; 4N: Namurian argilites.

Légende des coupes : 1, Strunien; 2, calcaires tournaisiens (avec en particulier la Formation de Grives); Formations viséennes de Godin (3), de Terwagne (4), de Neffe (5), de Lives (6).

Legend of cross section: 1, Strunian; 2, Tournaisian limestones (including Grives Formation); Visean formations of Godin (3), Terwagne (4), Neffe (5) and Lives (6).

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323

séparées par des domaines apparemment très peu déformés. Enfin, ce modèle souligne l'influence des différences rhéologiques locales. La localisation de la déformation accentue cette influence à l'échelle régionale. Les différents niveaux de décollement qui en résultent s'anastomosent dans le niveau très incompétent le plus proche, en l'occurrence les schistes du Strunien et du Famennien. Il isole le Calcaire Carbonifère des niveaux compétents

324 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 319-324, 1989

sous-jacents. La mesure du raccourcissement régional accommodé par le Calcaire Carbonifère reste à déterminer. Elle permettrait de fixer une borne minimale de raccourcissement pour le toit de l'Allochtone Ardennais.

Note remise le 20 février 1989, acceptée après révision le 2 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] E. PAPROTH, R. CONIL et coll., Ann. Soc. Géol. Belge, 106, 1983, p. 185-239. [2] J.-L. MANSY et coll., Ann. Soc. Géol. Nord (à paraître). [3] J.-F. RAOULT et coll., Doc. B.R.G.M., 81-1, 1984.

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J.-L. M. : C.N.R.S.-U.R.A. n° 719, Laboratoire de Dynamique sédimentaire et structurale

Université des Sciences et Techniques de Lille Flandres-Artois, 59655 Villeneuve- d'Ascq Cedex;

F. M. : Université du Maine, Laboratoire de Géologie, 72017 Le Mans Cedex.

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Tectonique/ Tectonics

Les structures distensives en Bresse d'après les données du profil sismique Jura-Bresse (programme ECORS)

Françoise BERGERAT, Michel CAZES, Bernard DAMOTTE, Stéphane GUELLEC, Jean-Louis MUGNIER, François ROURE et Cathy TRUFFERT

Résumé — Les premiers résultats de la traversée de la Bresse par le profil ECORS, à la hauteur de la Bresse méridionale et du seuil de Cormoz, sont présentés à l'aide d'une coupe temps pointée et d'une coupe profondeur. Les traits structuraux spécifiques de la Bresse méridionale sont mis en évidence. La localisation et la géométrie des déformations, lors de l'extension oligocène, sont contrôlées par la réactivation de structures probablement varisques et par la présence d'horizons salifères (association failles normales-faille inverse, découplages au niveau du sel triasique et oligocène).

Distensive structures of the Bresse graben from the ECORS deep seismic data

Abstract — A line-drawing and a restored depth section summarize the first results of the ECORS deep seismic profile across the Bresse graben. Specific structural features of the Bourg-en-Bresse basin are displayed. Location and geometry of these extensional structures are controlled by the reactivation of Variscan structures (Cormoz high) and by the presence of two decollement levels (salt deposits, Keuper and Oligocene in age).

Abridged English Version —The 50 km long profile belongs to the Jura-Bresse ECORS transect. It trends ESE-WNW and crosses the Bresse graben from Coligny to Tournus (Fig.1).

GEOLOGICAL SETTING OF THE PROFILE. — The overall N-S trend of the Bresse graben is in fact formed of fault blocks that trend N 20° and N 50° and correspond to several high and low subsidence axes ([1], [2]). From east to west, the ECORS profile crosses the northern part of the Bourg-en-Bresse basin, the Cormoz high and the Louhans basin (Fig. 1). Along this transect, the Bresse graben is extremely asymmetric ([3], [4]) with a large normal fault System to the east (the so-called « Grande Faille Bordière ») and, to the west, a graduai uplift of the Pre-Cenozoic basement toward the Massif Central. The asymmetry results in a greater thickness of the Paleogene sediments (up to 1,600 m, including thick sait deposits) in the Bourg-en-Bresse basin than in the Louhans basin (up to 800 m, whith almost no salt) ([5], [6]).

INTERPRETATION. — The crust is slightly thinned below the graben while the area of maximum thinning seems to be shifted westward relative to the maximum subsidence axis of the graben (Bourg-en-Bresse basin).

With regard to the upper part of the profile (Fig. 2) a line-drawing and a restored depth section summarize the fïrsts results. The main reflectors (calibrated by drill hole data) correspond to competent lithostratigraphic levels from Permian to Early Mio-Pliocene. Two salt intervais, Oligocene and Keuper in age, are clearly recognizable between competent levels. The interesting geological features are shown in the Bourg-en-Bresse basin (Fig. 3 A, B). From bottom to top, three groups of features can be characterized:

— a normal fault System with tilted blocks lies over 7 km east of the Cormoz high involving the Paleozoic basement and its Early-Middle Triassic cover;

Note présentée par Jean AUBOUIN. 0249-6313/89/03090325 $ 2.00 © Académie des Sciences

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— the Keuper salt deposits form a decollement level above which the Jurassic and Cretaceous layers drape the underlaying brittle structures. A reverse fault affects these layers just above the eastern fault of the Cormoz high;

— a second decollement level is located in the Oligocene salt formations within and above which a normal listric fault System developed.

DISCUSSION AND CONCLUSIONS. — The eastern fault of the Cormoz horst can be interpreted as the reactivation with normal motion of a Variscan structure. The various superimposed structures in the sedimentary cover can be related to Oligocene extensional tectonics.

This System can be compared with an analogical model (Fig. 3 C) where déformation is induced by motion along a pre-existing basement fault below a ductile-brittle cover pack (silicone + sand)[7]. The model shows a tilted block in the cover at the boundary between the uplifted and the downlifted domains, and a reverse fault above the basement fault.

The balanced cross-section of the Bresse graben shows, in the reconstruction, an apparent excessive length of the Mesozoic cover with regard to the Paleozoic basement. The decollement of this Mesozoic cover being impossible to the west in the absence of triassic salt layers, this excessive length implies the existence of a denudation zone to the east (horst of Poisoux).

The preliminary results of the ECORS profile across the Bresse graben thus enable us to demonstrate the major role of Triassic and Oligocene salt deposits, as important decollement levels. The particular structural features of the Bourg-en-Bresse basin resuit from (1) reactivation of a basement fault which controls the site of deformation, and (2) the existence of decollement levels (hence different rheological behaviours) inducing fault Systems with différent geometries in the sedimentary cover.

INTRODUCTION. — Le profil de sismique réflexion profonde ECORS Jura-Bresse, réalisé en octobre-novembre 1987 s'étend depuis le Massif du Grand-Crêt-d'Eau à l'Est jusqu'aux Monts du Mâconnais à l'Ouest, sur une distance de plus de 100 km. La section décrite ici correspond au tronçon bressan de ce profil. En Bresse, cinq vibrateurs de 3,5 t ont été utilisés. Chaque PV, disposé toutes les deux traces (120 m) pour obtenir une couverture 48 était le résultat de la somme de 12 vibrations effectuées par 4 en trois lieux différents. Le sweep s'étalait de 9 à 39 Hz pendant 30 s. L'écoute de 10 s aboutissait à un enregistrement de 40 s au pas de 4 ms et à la réalisation d'une section de 20 s temps double. Un traitement particulier (de type pétrolier) a été appliqué à la partie superficielle (jusqu'à 5 s).

CONTEXTE GÉOLOGIQUE ET POSITION DU PROFIL. — Le fossé bressan, allongé sensiblement N-S, est en réalité formé de plusieurs bassins de directions principales, N 20 et N 50, séparés par des seuils ([1], [2]). On distingue du nord au sud (fig. 1) : La Bresse chalonnaise, le seuil Sennecey-La Serre, la Bresse louhannaise, le seuil de Limonest prolongé au nord par le seuil de Cormoz et la Bresse méridionale (ou Bresse burgienne ou bassin de Bourg-en-Bresse). Vers le sud, le socle anté-tertiaire remonte progressivement jusqu'à l'axe Vienne-Chamagnieu qui sépare la Bresse du Bas-Dauphiné. Certains de ces seuils (Sennecey-La Serre, Cormoz), obliques par rapport à la direction générale du fossé, sont en conformité relative avec l'orientation de structures voisines varisques (bassin houiller de Saint-Étienne, bassin permien de Blanzy-Le Creusot). On peut donc les interpréter comme la trace de déformations varisques.

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L'objectif du profil ECORS, dans ce secteur, était plus particulièrement d'étudier la structuration et la subsidence du fossé bressan ainsi que le comportement de la croûte sous la Bresse. Le tracé du profil a été choisi de façon à couper perpendiculairement les plis du Jura puis à passer par (ou à proximité de) plusieurs sondages (fig. 1). Il évite ainsi l'essentiel du bassin salifère qui se développe plus au sud. Le profil ECORS, orienté, dans sa partie bressane, ESE-WNW, recoupe ainsi, d'Est en Ouest : la partie nord de la Bresse méridionale, le seuil de Cormoz et la Bresse louhannaise (fig. 1). La dissymétrie importante du fossé bressan à ce niveau est connue depuis longtemps ([3], [4]). Elle se traduit, du point de vue structural, par la présence de la « Grande Faille Bordière » à l'est et par une remontée progressive du socle anté-tertiaire vers le Massif Central à l'ouest. Du point de vue sédimentaire, l'épaisseur de sédiments paléogènes est beaucoup plus importante en Bresse burgienne (1600 m) qu'en Bresse louhannaise (800 m). Cependant, si le remplissage sédimentaire de ces deux bassins est maintenant connu (par forages) de façon assez détaillée ([5], [6]), il n'en est pas de même des structures de la couverture mésozoïque et du socle sous-jacent. La position et le pendage des failles en profondeur sont généralement extrapolés soit en prolongeant les structures visibles en

Fig. 1. — Les principaux traits structuraux du fossé bressan. 1. Seuil. 2. Courbes isopaques du Paléogène salifère (d'après Curial[5]). 3. Trace du profil ECORS.

Fig. 1. — Main structural features of the Bresse graben. 1. Basement high. 2. Oligocene salt isopachytes (after Curial[5]). 3. Location of ECORS traverse.

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surface (sur la seule bordure centralienne du fossé), soit à partir des failles rencontrées ponctuellement en sondages. Or la présence en Bresse de deux niveaux de sel (niveaux de décollement potentiels), au Keuper et au Paléogène, laissait à penser que les coupes du fossé proposées jusqu'à maintenant pouvaient s'avérer trop simplistes.

PRÉSENTATION DES DONNÉES. — Pour le moment, au niveau du Moho, les données ECORS confirment les données de la réfraction-réflexion grand angle [8]. Il y a une remontée du Moho qui culmine sous la bordure orientale du Massif Central, nettement décalée vers l'ouest par rapport à l'axe de subsidence maximum de la Bresse.

Pour la partie supérieure de la croûte, les résultats sont présentés sous forme d'une coupe temps pointée et d'une coupe restituée en profondeur (fig. 2). Cinq sondages situés sur le profil ou à proximité de celui-ci (fig. 1 et 2) ont permis le calage des principaux niveaux lithostratigraphiques compétents, localement (Sermoyer, Ratenelle) jusqu'au Permien inclus.

Les réflecteurs qui ont pu être calés de façon satisfaisante sont, de haut en bas (fig. 2B) : les conglomérats et sables à gros galets de la base du Mio-Pliocène, les marnes et calcaires stampiens, les calcaires du Crétacé supérieur (et probablement, localement, quelques mètres de calcaires éocènes), les calcaires du Malm et de la base du Crétacé inférieur, les calcaires du Dogger, un niveau triasique qu'on suppose être le Muschelkalk, le Trias inférieur-Permien gréseux.

Les deux formations salifères éocène terminal-oligocène et triasique apparaissent comme des niveaux sismiquement transparents entre les formations litées. Un réflecteur au sein du sel cénozoïque dans la partie orientale du profil pourrait représenter la « série stérile intermédiaire » à dominante argilo-carbonatée située à la limite LudienStampien [5].

La coupe restituée en profondeur (en suivant des lois de vitesses moyennées établies à partir des vitesses de tranches sur les puits BR 101 et Curciat-Dongalon, en se basant sur la lithologie) montre une dissymétrie importante (fig. 2 C) avec à l'Ouest une remontée régulière vers la bordure du Massif Central et à l'Est la « Grande Faille Bordière ». Au centre du bassin le seuil de Cormoz apparaît comme un horst, quoiqu'il soit difficile, sur ce profil, de donner avec précision le pendage des accidents qui le limitent. Contrairement à ce qui apparaissait dans les coupes antérieures ([2], [3], [4]), le maximum de profondeur du bassin de Bourg-en-Bresse n'est pas situé à proximité de la « Grande Faille Bordière », mais plutôt du côté du bord oriental du horst de Cormoz.

EXPLICATIONS DES PLANCHES

Planche I

Fig. 2. — Le profil ECORS à travers le fossé bressan. A. Section sismique non migrée. B. Coupe temps pointée. Les réflecteurs significatifs sont la base du Mio-Pliocène (MP), le toit du sel Oligocène (Ol), la série stérile intermédiaire (si) le toit du Mésozoïque (M), le toit du Dogger (D), le toit du Lias (L), le Muschelkalk (Mu) et le toit du Permo-Trias gréseux (P). C. Coupe profondeur : 1, Mio-Pliocène; 2, marnes et calcaires oligocènes; 3, sel éocène terminal-oligocène; 4, Jurassique moyen-supérieur calcaire; 5, Lias marneux; 6, sel triasique; 7, Permo-Trias gréseux et socle cristallin; 8, Mésozoïque indifférencié de la bordure jurassienne.

Fig. 2. — ECORS Bresse traverse. A. Non migrated seismic section. B. Line drawing. Significant reflectors are conglomérâtes of Mio-Pliocene base (MP), oligocène salt top (Ol), intermediate limestones and marls layers (si), Mesozoic top (M), Dogger top (D), Lias top (L), Muschelkalk (Mu) and sandstones that are PermianLower Triassic in age (P). C. restored depth section: 1, Mio-Pliocene; 2, oligocene limestones and marls; 3, upper eocene-oligocene salt; 4, Middle-Upper Jurassic (calcareous); 5, Lias (marly); 6, Triassic salt; 7, sandstone like Permo-Triassic and cristalline basement; 8, Mesozoic of Jura mountains.

PLANCHE II/PLATE II

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Planche II

Fig. 3. — Interprétation du profil ECORS au niveau du bassin de Bourg-en-Bresse (Bresse méridionale).

A. Détail de la section sismique. B. Détail de la coupe profondeur (localisé par un cartouche sur la figure 2)

(cf. légende figure 2). C. Modèle expérimental [7] avec couverture fragile-ductile sur faille de socle verticale.

sa : sable; si : silicone; g : graben affectant le bloc soulevé; bb : bloc basculé; fi : faille inverse; fs : faille de

socle. Fig. 3. — Structural interprétation of the Bourg-en-Bresse basin. A. Seismic section. B. Depth section (location

in Figure 2) (see legend Figure 2). C. Cross-section through an analogical model [7] with ductile-brittle cover

above vertical basement fault. sa: sand; si: silicone putty; g: graben on the uplifted block; bb: tilted block;

fi: reverse fault; fs : basement fault.

les traits structuraux originaux mis en évidence par le profil ECORS sont essentiellement localisés en Bresse burgienne (fig. 3). Ils sont étroitement liés à la présence de deux niveaux salifères à faible résistance mécanique qui constituent visiblement des niveaux de découplage majeurs. De bas en haut, trois groupes de structures apparaissent clairement (fif.3B):

— sur une largeur de 7 km à l'est du seuil de Cormoz, on observe un système de failles normales synthétiques et antithétiques, avec basculement de couches, affectant le Paléozoïque et le Trias jusqu'au Muschelkalk: inclus. Au-dessus de ce système de failles, le sel triasique constitue un premier niveau de découplage;

— les terrains jurassiques et crétacés drapent de façon souple les structures cassantes sous-jacentes, avec des flexures marquées à l'aplomb des failles occidentales et orientales du seuil de Cormoz (fig. 2C et 3 B). A l'est du seuil de Cormoz, ces terrains sont affectés par une faille inverse à pendage ouest;

— un second niveau de découplage est constitué par le sel éocène terminal-oligocène dans lequel on note la présence d'onlap (fig. 3 A) ainsi qu'un système de failles normales en cuillère.

DISCUSSION ET CONCLUSIONS. — Les failles normales affectant l'Éocène terminal-Oligocène peuvent être rapportées à une tectonique salifère. On peut s'interroger sur l'âge et les mécanismes des systèmes sous-jacents. Le système de failles normales situées sous le sel triasique pourrait appartenir au système distensif téthysien; cependant, à l'époque de ce rifting, la Bresse appartenait au domaine de plateau continental « stable » et non au domaine où la tectonique distensive était active (zones alpines). L'épaississement général vers l'Est des séries n'est pas en relation avec les failles vues dans le substratum. De plus, le dépocentre des formations oligocènes est à l'aplomb de ces failles normales ce qui suggère là aussi un système distensif paléogène. La faille inverse visible dans les niveaux jurassiques et crétacés pourrait être interprétée comme le rejeu d'une faille originellement normale. La compression à l'origine de cette inversion correspondrait dans cette hypothèse à la phase.pontienne. Cependant ceci oblige à faire intervenir une phase compressive.dont on ne voit .pas d'autres manifestations le long de cette partie du profil. La position de cette faille inverse pratiquement à l'aplomb d'une faille majeure affectant le socle d'une part, la présence du sel triasique d'autre part, nous ont amené à une interprétation de cette faille qui serait compatible avec les phénomènes de distension oligocène.

Nous interprétons la faille bordière orientale du horst de Cormoz comme la réactivation en faille normale d'une structure varisque. Nous sommes alors dans le cas d'un socle surmonté d'une couverture composée de roches fragiles et comportant un horizon à faible résistance mécanique : le Keuper salifère. On peut comparer un tel système aux expériences qui ont été effectuées sur des modèles représentant une série sédimentaire

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constituée d'une partie supérieure cassante et inférieure ductile au-dessus d'un socle préfacturé [7]. Le rejeu de la faille de socle (pour des pendages de celle-ci variant de 90° à 45°) induit, dans les matériaux sus-jacents, les déformations suivantes : apparition précoce d'une faille inverse chevauchant vers le bassin et s'enracinant en profondeur sur la faille de socle et développement de failles normales dans le compartiment soulevé (fig. 3C). Ces structures ressemblent à celles observées sur le profil à l'aplomb de la faille orientale du horst de Cormoz (fig. 3B), la déformation étant cependant, ici, compliquée par la présence d'un autre niveau salifère d'âge éocène terminal-oligocène qui constitue un second niveau de découplage.

Lorsqu'on équilibre la coupe, on observe apparemment un excédent de longueur du Mésozoïque par rapport au Paléozoïque au niveau du profil. Le découplage étant impossible à l'ouest (où le Trias n'est plus salifère), ceci implique à l'est une zone de dénudation (au niveau du horst de Poisoux). Si on prend comme point de référence un point situé au-delà de ce horst, on obtient un équilibrage cohérent. Par ailleurs, les étapes nécessaires pour passer de l'état non déformé à l'état actuel impliquent une chronologie particulière des déformations. Ceci est confirmé par la répartition des séquences syntectoniques de l'Oligocène qui montrent que le bassin situé à l'ouest du seuil de Cormoz s'est individualisé avant celui situé à l'est.

Le profil ECORS réalisé au travers du fossé bressan permet donc de préciser la géométrie des structures distensives commandant la subsidence et surtout de mettre en évidence le rôle joué par les horizons salifères triasique et éocène terminal-oligocène, comme niveaux de décollement majeurs. Les traits spécifiques de la distension dans le bassin de Bourg-en-Bresse sont ainsi liés : (1) au rejeu de structures anciennes dans le socle, entraînant une forte localisation de la déformation [7] et (2) à l'existence de niveaux de découplage, le contraste de comportement rhéologique existant entre socle, couverture fragile et couverture ductile induisant les changements de géométrie des failles.

Les données ont été acquises dans le cadre du programme ECORS (C.N.R.S.-I.N.S.U., I.F.P., S.N.E.A.P.). Note remise le 2 février 1989, acceptée après révision le 11 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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F. B. : Université Pierre-et-Marie-Curie, place Jussieu, 75252 Paris;

M. C. : S.N.E.A.P., Tour générale, 92088 Paris-Défense;

B. D. et F. R. : I.F.P., B. P. n° 311, 92506 Rueil-Malmaison;

S. G. : Université de Savoie, B. P. n° 1104, 73011 Chambéry;

J.-L. M. : Université J.-Fourier, rue Maurice Gignoux, 38031 Grenoble;

C. T. : U.S.T.L., place Eugène-Bataillon, 34060 Montpellier.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 333-336, 1989 333

Physique des surfaces et des interfaces/Surface and Interface Physics

Relation entre l'hystérèse de mouillage du PE et la polarité des surfaces solides et liquides

Jacques RAULT, Abdelhaq AOUINTI, Max GOLDMAN et Alice GOLDMAN

Résumé — Nous montrons que l'hystérèse de mouillage H des films de PE traités par décharge couronne obéit à la relation H ~ (y£ W)1/ 2, où y£ est la composante polaire de l'énergie de surface du liquide et W l'énergie de traitement du film. Cette loi pourrait s'expliquer soit par le phénomène de révélation de la surface solide par le liquide soit par la création en surface d'hétérogénéités chimiques.

Relation between wettability hysteresis of PE and the polarities of the solid and

liquid

Abstract — We show that the wettability hysteresis H of PE films treated by coronna discharge obeys to the relation H ~ /W.y£ where y£ is the polar component of the surface energy of the liquid and W the traitment energy. This relation could be explained by two phenomenons: the revelation of the polar solid surface by polar liquids and by the creation on the surface of chemical heterogeneities.

I. INTRODUCTION. — Il a été proposé que l'énergie interfaciale ySL entre un liquide et un solide de basse énergie peut se mettre sous la forme empirique ([l]-[4]):

ou Ys YL et Ys, YL sont les composantes polaires et dispersives des énergies superficielles ys, yL du solide et du liquide. Par cette relation et la relation de Young-Dupré :

où 0e est l'angle d'équilibre. On peut alors calculer yg par la mesure de l'angle de goutte avec deux liquides différents.

Cette méthode à deux liquides, utilisée par de nombreux auteurs ([1], [5], [8]) pour mesurer la composante polaire yf des films métalliques minéraux et polymériques, n'est cependant pas sans critique, car l'angle d'équilibre 0e n'est pas, en général, une donnée accessible : la plupart des matériaux présentent une hystérèse de mouillage, les angles d'avancée (9a) et de recul (6r) étant différents. Kaelble [5] a montré que l'application de la méthode « des deux liquides » (avec l'hypothèse 6e = 0a dans la relation 2) conduisait à des valeurs de yf dépendant du couple de liquides utilisés.

L'objet de cette Note est de relier l'hystérèse de mouillage aux composantes polaires des énergies de surface du liquide et du solide. Dans le cas des traitements faibles, on montre que la mesure de l'hystérèse de mouillage permettrait de caractériser la polarité des surfaces solides.

II RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX. — Les films de polyéthylène PE ont été traités par décharge couronne, l'énergie de traitement W étant inférieure à l'énergie critique Wc, définie dans les références [6] et [7].

Par la méthode de goutte nous avons mesuré les angles d'avancée et de recul avec quatre liquides eau, formamide glycérol et diodure de méthylène sur les films de PE traités.

Note présentée par Pierre-Gilles de GENNES.

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C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 23

334 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II p. 333-336,1989

Dans la figure 1 on reporte les valeurs de la composante polaire yf de l'énergie superficielle des films traités en fonction de l'énergie de traitement; yg étant mesuré par la méthode à deux liquides. Cette méthode conduit à des valeurs de yg qui dépendent du couple de liquide utilisé. Dans les figures 2 et 3 on montre que l'hystérèse de mouillage, définie par la relation H = yL(cos9r—cosGa croît avec la polarité du liquide et avec celle du solide. De ces deux figures on conclut que l'hystérèse peut se mettre sous la forme H ~ /j~ï W, c'est-à-dire H ~ /y£ yf si l'on postule que la composante polaire yg est proportionnelle au nombre de groupements polaires greffés en surface du film par le traitement.

III. ORIGINE DE L'HYSTÉRÈSE DE MOUILLAGE. — Le phénomène d'hystérèse pourrait être dû à deux phénomènes différents :

(a) Effet de révélation. — Yasuda et coll. [8] et Shanaan et coll. [9] ont proposé qu'une surface solide polaire pourrait être modifié au contact d'un liquide polaire : la surface

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 333-336, 1989 335

solide vue par le front d'un liquide qui avance est différente de la surface vue par le même front qui recule. Sur la surface solide non mouillée, les groupements polaires sont orientés aléatoirement ; sur la surface mouillée (et au voisinage de celle-ci) ceux-ci ont pu se réorienter (et/ou migrer vers la surface). Dans ce cas, l'angle d'avancée est peu dépendant de la polarité de la surface alors que l'angle de recul l'est. Les équations de Fowkes et de Dupé donnent :

qui pourrait expliquer les résultats des figures 2 et 3, si l'on suppose que yg est proportionnel à W. Dans la figure 4 on donne les valeurs de yg déduites de la relation ci-dessus, en fonction de y£ et de W. Le phénomène de révélation est rapide dans notre cas il n'impliquerait que des mouvements locaux proches de la surface à une température très supérieure de la température de transition vitreuse du PE(Tg ~ — 120°C).

(b) Effet d'hétérogénéités chimiques ([10], [11]). — La rugosité de la surface observée en microscopie électronique n'est pas modifiée. On peut supposer cependant que le traitement conduit à des hétérogénéités chimiques en surface. Ainsi pour des traitements faibles Joanny et de Gennes ont montré que l'hystérèse est de la forme (11) H ~ nhb 2 où n, h et b2 sont : le nombre de défauts, la force chimique et l'aire des défauts. On peut supposer que le produit nb 2 c'est-à-dire l'aire totale traitée, est proportionnelle à W. La force chimique est proportionnelle à (ySL—YSG)t- (YSL- YSG)nt les indices t et nt indiquant les moyennes obtenues sur les régions traitée et non traitée. Si l'on reprend par exemple les équations de Fowkes, on obtient h ~ 2 /y£ yg. On peut faire l'hypothèse

LÉGENDES DES FIGURES

Fig. 1. — Composante polaire yf de l'énergie superficielle du PE traité par décharge couronne d'énergie de traitement w. La valeur de yf mesurée par la méthode des deux liquides dépend du couple de liquide utilisé.

Fig. 1. — PE treated by coronna discharge. Polar component yf of the surface energy as function of energy of treatment W. yf is deduced from relation 1 by the method of the two liquids. In that case yf depends on the couple of liquid used.

Fig. 2. — Hystérèse de mouillage H du PE traité par décharge couronne en fonction de la racine carrée de

l'énergie de traitement W et ceci pour les quatre liquides : eau, glycérol, formamide et diodure de méthylène. Fig. 2. — Wettability hysteresis H of PE films treated by coronna discharge as function of the square root of the

treatment energy W, for four liquids: water, glycerol, formamid and methylene diodide. Fig. 3. — Hystérèse de mouillage H du PE traité par décharge couronne en fonction de la racine carrée de la

composante polaire y£ de l'énergie superficielle du liquide, et ceci pour différents traitements W. Fig. 3. — Wettability hysteresis H of PE films treated by coronna discharge as function of the square root of the

polar component y£ of the liquid surface energy, and for different treatment energies W. Fig. 4. — Variation du paramètre (H/2)2/y£ des films de PE traités par décharge couronne en fonction de la

composante polaire y£ de l'énergie superficielle du liquide et pour différents traitements w. Dans le cas du

phénomène de révélation, ce paramètre est la composante polaire yf du solide. Fig. 4. — Variation of the parameter (H/2)2/y£ of PE films treated by coronna discharge as function of the polar

component y£ of the liquid and for different treatment energies w. This parameter independent of the liquid

used is the polar component yf of the solid [équation (5)].

336 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 333-336, 1989

que l'agrégation en surface des groupements polaires conduit à des hétérogénéités ayant une concentration uniforme de groupement polaire (yg = Cte). Ainsi l'hystérèse serait donnée par la relation H ~ W /y£.

En conclusion, la relation H ~ /y£ peut être expliquée soit par le phénomène de révélation, soit par la présence en surface d'hétérogéités chimiques. Ces deux phénomènes pourraient intervenir simultanément. La distinction entre ces deux processus n'est pas aisée, et devrait être étudiée plus en détail. Enfin, remarquons que dans le cas de la révélation, le paramètre yg donné par la relation 5 et la figure 4, est un paramètre intrinsèque de la surface qui ne dépend pas de la nature des liquides utilisés. Note remise le 2 décembre 1988, acceptée après révision le 25 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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J. R. et A. A. : Laboratoire de Physique des Solides, Université de Paris-Sud, 91405 Orsay Cedex; M. G. et A. G. : Laboratoire de Physique des Décharges, E.S.E., 91190 Gif-sur-Yvette.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 337-342, 1989 337

Physique des surfaces et des interfaces/Surface and Interface Physics

Stabilité et « rampement » d'une goutte sur un solide

hétérogène

Martin E. R. SHANAHAN

Résumé — La forme d'une goutte posée sur une surface solide faiblement hétérogène après son étalement initial est essentiellement celle d'une calotte sphérique, mais la structure fine du ménisque et de la ligne triple résulte des hétérogénéités énergétiques. La pression de Laplace s'équilibre rapidement mais un déséquilibre capillaire peut subsister à la ligne triple. La force résultante provoque le déplacement latéral de la goutte déjà formée afin de retrouver l'équilibre thermodynamique. Ce processus, assez lent, de « rampement » est comparable au phénomène de phagocytose cellulaire.

Stability and "crawling" of a drop on a heterogeneous solid

A bstract — The shape of a sessile drop on a weakly heterogeneous solid surface after initial spreading is basically that of a spherical cap, but the meniscus and triple line fine structure results from energetic heterogeneities. The Laplace pressure rapidly equilibrates but a capillary balance may be lacking at the triple line. The resulting force provokes lateral displacement of the already-formed drop in order to attain thermodynamic equilibrium. This relatively slow process of "crawling" may be compared to the phenomenon of cellular phagocytosis.

Abridged English Version — A sessile drop on a weakly heterogeneous solid surface adopts a shape which is in general nearly, but not quite axisymmetric. Thé overall form is deterrnined by the liquid volume and the three interfacial tensions between liquid and vapour, y, liquid and solid, ySL, and solid and vapour, ysv. It is essentially a spherical segment (in the absence of marked gravitational effects) and only the fine structure of the meniscus and the triple line contour is modified by the feeble, but random, energetic perturbation to ysv, noted s(r, O) where (r, <3>) are polar coordinates following the solid surface. The solutions corresponding to the Laplace equation obtaining to the limited class of problems described above have been presented in a recent Note [2] using variational methods.

The function s(r0, O), where r0 is the drop contact radius (unperturbed) is written as a Fourier series and corresponding Fourier representations of the meniscus shape, z (r, $), local contact radius, p(4>), and local reduction in contact angle, A0(<D) are obtained. This last datum may be written:

where 0O is the unperturbed contact angle and Al, B1 are Fourier coefficients of e(r0, <D). Since Young's equilibrium condition at the contact line requires A0(3>)~e(ro, O)/y0o, it is concluded that the drop is only at thermodynamic equilibrium if both A1 and B1 are zero. Nevertheless even with A1 and/or B1 non-zero, the drop is in a state Of quasi equilibrium (not metastable equilibrium) since the Laplace pressure is rapidly equilibrated for a given solid/liquid contact region. The lack of capillary equilibrium at the triple line gives rise to a resultant force, Fx, causing displacement of the drop as a whole: (6') Fx = Ttro^coso)—A1 Sin co)

where oe is the angle between the direction of movement, x, and the origin of <D (and will be taken henceforth to be zero, without loss of generality).

Note présentée par Pierre-Gilles de GENNES. 0249-6313/89/03090337 $ 2.00 © Académie des Sciences

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In the case of a simple step function heterogeneity near the drop periphery [e(r0, <I>) = E0( — %<&<%) and 0 elsewhere], A1=0 and B1 = 2807t_1sinx leading to the expression for the force Fx ~ 2 s0 r0 x. As the drop moves to engulf the heterogeneity by a crawling movement amounting to phagocytosis, Fx diminishes with the length of the protrusion, 8, on the drop edge such that:

where U is the overall drop displacement speed and t is rime. The work done per second, FxU, is dissipated by viscous movement within the drop and using the lubrication approximation [4], this is given by:

where i is a cut-off distance near the contact radius r0 and n the liquid viscosity. Equating FXU to TS leads to a differential equation demonstrating exponentially decaying drop movement with time constant x:

Typical values pertaining to an organic liquid and x = 10- 2 lead to T~30 sec, a value roughly 30 times greater than that corresponding to the initial drop spreading process [4]. The crawling or phagocytosis process is thus relatively slow.

I. INTRODUCTION. — Lorsqu'une goutte de liquide, L, est posée sur une surface solide hétérogène, S, sa configuration à l'équilibre n'est pas, en général, axialement symétrique. La forme de l'interface liquide/fluide (vapeur, V) représente une solution non-triviale de l'équation capillaire de Laplace [1] et les conditions limites correspondant au contour de la ligne triple L/S/V doivent être déterminées. Dans une Note récente [2], nous avons abordé ce problème pour une classe restreinte de solutions. En supposant que la forme essentielle de la goutte est celle d'une calotte sphérique (de rayon de courbure R et d'angle de contact intrinsèque petit, 0O), nous avons considéré l'influence d'une fonction perturbatrice, e, faible mais aléatoire, s'ajoutant à l'énergie libre de l'interface solide/vapeur, ysv. Un minimum de l'énergie libre du système provenant des trois interfaces, Y ( = YLV), YSL et (Ysv + e), est recherché en employant des méthodes du calcul des variations. Cette technique nous mène à une solution générale contenant des coefficients de Fourier correspondant à la fonction e près du contour de la goutte. Selon la forme d'e, la solution correspond à un équilibre stable ou à un équilibre quasi stable du système. L'objectif de cette Note est de considérer cet aspect stabilité et l'évolution éventuelle de la goutte.

II FORME DU MÉNISQUE. — En coordonnées polaires suivant le plan de la surface solide (r, D), la fonction z décrivant la hauteur du ménisque peut s'écrire [2] :

où r0 représente le rayon de contact de la goutte non perturbée et les constantes A et B sont les coefficients de Fourier correspondant à la fonction d'hétérogénéité évaluée proche

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de la ligne triple, s(r0, D). Le contour de la ligne triple, p(I), et la réduction locale de l'angle de contact, À0 ($), sont donnés respectivement par :

Pour que la goutte soit à l'équilibre thermodynamique, l'équation de Young [3] doit être respectée partout sur la ligne triple :

d'où A0(D)~e(ro, $)/y0o. Une comparaison des équations (3) et (4) montre que les relations (1) à (3) s'appliquent à une goutte en équilibre thermodynamique uniquement si les constantes de Fourier A1 et B1 sont zéro. On peut démontrer que ces constantes sont en effet zéro lorsqu'un nombre pair d'hétérogénéités identiques sont disposées symétriquement autour de la ligne triple de la goutte. Que le système soit à l'équilibre dans ce cas est clair parce que tout effet d'attraction qui « tire » sur la ligne triple est annulé par l'hétérogénéité diamétriquement opposée, mais de façon générale, on peut conclure que A1 et B1 sont zéro si la force résultante des perturbations est nulle.

Si le critère de stabilité, ou d'équilibre thermodynamique de la goutte posée est la nullité d'A1 et B1; les équations (1) à (3) représentent ce que l'on peut appeler un quasiéquilibre (mais pas un équilibre métastable) même lorsque ces constantes ne sont pas zéro. L'énergie libre du système se trouve à un minimum pour le contour de la ligne triple imposé par la zone de contact solide/liquide. Le système n'est pas dans un état d'équilibre thermodynamique mais tout mouvement de la ligne triple et/ou toute la goutte sera lent, étant donné que la perturbation s est, par hypothèse, faible. Par contre, dans

Fig. 1. — Schéma du contour de la ligne triple d'une goutte posée

sur une surface faiblement hétérogène et coordonnées adoptées.

Fig. 1. — Schematic representation of the triple line contour

of a sessile drop on a weakly heterogeneous surface and coordinates adopted.

Fig. 2. — Mouvement de la goutte posée afin de « phagocyter » l'hétérogénéité s près de la ligne triple.

Fig. 2. — Movement of the sessile drop in order to "phagocyté" the heterogeneity s near the triple line.

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la masse du liquide, la pression de Laplace atteindra rapidement son équilibre et le ménisque adoptera sa forme optimale pour le contour quasi statique de la ligne triple en évolution. Un argument semblable a été proposé par de Gennes concernant l'étalement des gouttes [4].

III. FORCE RÉSULTANT DU DÉSÉQUILIBRE. — En supposant que les constantes A1 et/ou B1 sont non zéro, nous allons considérer l'évolution de la goutte sur une surface faiblement hétérogène. Une étude récente par Raphaël du comportement d'une goutte posée sur une surface bigarrée présente un certain parallélisme avec ce qui suit dans le sens qu'un déséquilibre à la ligne triple provoque un mouvement de la goutte [5].

Après la pose initiale de la goutte, un étalement suivra jusqu'à ce que la goutte soit approximativement à l'équilibre. Cet équilibre sera déterminé essentiellement par les valeurs de y, ySL et ysv et l'équation de Young. La position de la goutte sera fixée par l'endroit de pose et la dynamique d'étalement suivra les relations déjà décrites [4]. Le comportement général jusqu'à présent ne dépend pas d's( | s | « y), mais la structure fine imposée sur le contour de la ligne triple (et le ménisque) y est directement liée. Comme nous l'avons vu ci-dessus, si A1 et B1 sont zéro la calotte sphérique légèrement perturbée sera à l'équilibre thermodynamique. Dans le cas contraire, nous calculons la force résultante, F, agissant sur la goutte et sa direction d'action. En considérant l'équation (3), le déséquilibre local de la ligne triple est donné par :

Les coordonnées (x, y) sont adoptées telles que l'angle entre l'axe x et l'origine de $ est a» (voir fig. 1). La force totale dans la direction x est :

En mettant la dérivée dFx/dcn égale à zéro, nous obtenons la valeur d'co qui maximise la résultante Fx[a> = tan-1( —A1/B1)]. Ayant défini co, x représente la direction principale de mouvement de la goutte. Dans la suite nous supposerons pour des raisons de simplicité (et sans perte de généralité) que co=0.

IV. « RAMPEMENT » DE LA GOUTTE. — La force Fx provoque un mouvement de la goutte qui, en général, est difficile à élucider parce qu'après un certain déplacement, la ligne triple peut rencontrer d'autres hétérogénéités de surface qui n'étaient pas au contact du liquide au départ. Celles-ci peuvent modifier A1 et B1 et, par conséquent, la forme du ménisque et la direction principale de déplacement. Par exemple, si une hétérogénéité représente le bord de toute une surface correspondant à une seconde valeur de ysv, le problème ressemble à celui abordé par Raphaël [5]. Pour cette raison, nous allons nous limiter à un traitement simple afin de caractériser la rapidité de mouvement associée au quasi-équilibre capillaire.

Considérons que la goutte se trouve sur un solide partout homogène sauf pour l'existence d'une simple et unique hétérogénéité en forme d'une fonction d'escalier telle que :

ailleurs [2]. La dépendance radiale n'est pas explicitée mais nous supposons que e=e0 pour ro<r<p(0) (autrement l'endroit où la goutte va s'arrêter n'est pas défini). A1 est nul tandis que B1 = 2£0n~1sin%. La force initiale qui provoque le déplacement de la goutte, Fx, est alors 2 8 r0 sin x ~ 2 e0 r0 %. En supposant que l'hétérogénéité est bien

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isolée, la goutte se déplace dans la direction x en conservant sa forme essentiellement de calotte sphérique jusqu'à ce que la perturbation énergétique soit à l'intérieur de la goutte. La protubérance due à 8 disparaît au fur et à mesure que la goutte « phagocyte » l'hétérogénéité. Pendant ce processus, Fx diminue avec le temps t tel que :

où 5 représente [p($=0)—r0] et U est la vitesse de déplacement global de la goutte. La forme de l'équation (7) dépend directement de la supposition ci-dessus que la pointe de la protubérance correspond à la limite radiale de l'hétérogénéité. (Si, par exemple, e s'étendait au-delà de p, la force resterait constante initialement.)

Le travail fourni par la force par seconde, Fx U, est dissipé par le mouvement visqueux dans la goutte. En utilisant l'approximation de lubrification, la dissipation visqueuse par seconde, TS, peut être calculée de la manière proposée par de Gennes [4] :

où r] est la viscosité du liquide et i représente une petite distance de la ligne triple à l'intérieur de la goutte qui sert de coupure pour le champ de vitesse parabolique adopté. L'évaluation de la relation (8) suppose que la forme du ménisque reste inchangée pendant le déplacement et que les perturbations de la calotte sphérique provoquées par e sont peu importantes (voir fig. 2).

Le bilan Fx U ~ TS nous permet de dégager la dynamique du processus de phagocytose d's. Pour l'exemple donné d'une simple hétérogénéité, nous obtenons la distance déplacée par la goutte, l (t). :

où la constante de temps, x, est donnée par :

Le « rampement » de la goutte sur une distance 8 (0) est donc un processus de décroissement exponentiel. Une sommation de la série du type donné dans l'équation (2) pour la simple hétérogénéité nous permet d'estimer que 8(0) ~ lO-1eoro/7r.y0o lorsque X ~ 10- 2. Dans ce cas :

où V* est une vitesse capillaire caractéristique (=y/r|).

En prenant, par exemple, un liquide organique tel que y = 30 dynes/cm, r) = 10- 1 Po, r0=10_ 1 cm, 1n (r0/i) ~ 3 [4], et un angle de contact, 0O, de 10- 1 nous trouvons x ~ 30 s. La phagocytose est donc un processus relativement lent. A titre de comparaison, nous considérons la dynamique d'étalement de la goutte jusqu'à la formation de la calotte sphérique et avant son déplacement (bien que les deux processus soient simultanés dans une certaine mesure, nous pouvons les séparer en première approximation : l'étalement est suivi du déplacement sur la surface solide). La loi exponentielle d'étalement (étape

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finale) dépend d'une constante de temps, xe=roln(ro/i)/(V*0o) [4] et par conséquent, dans le cas considéré l'étalement est environ 30 fois plus rapide que le « rampement » et la phagocytose qui suivent.

V. CONCLUSION. — Lorsqu'une goute de liquide est posée sur une surface solide faiblement hétérogène, le processus immédiat et primaire est l'étalement du fluide jusqu'à ce qu'un ménisque de la forme d'une calotte sphérique (en l'absence d'effet majeur de la pesanteur) soit en place. La géométrie globale est définie par le volume de liquide et par les trois tensions interfaciales moyennes. La faible hétérogénéité n'influence que la structure fine de la ligne triple qui reste essentiellement circulaire. La pression de Laplace s'équilibre rapidement dans la goutte, ce qui peut laisser l'équation de Young insatisfaite aux bords dans certains cas. Une force capillaire déséquilibrée en résulte et celle-ci provoque le déplacement de la goutte jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli. La forme essentielle du ménisque reste pareille : ce n'est que la structure fine qui change. Ce processus de « rampement » est relativement lent par rapport à l'étalement initial, et peut-être comparé directement au phénomène de phagocytose de contaminants par une cellule biologique. Note remise le 24 avril 1989, acceptée après révision le 26 mai 1989.

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Centre national de la Recherche scientifique, École nationale supérieure des Mines de Paris,

Centre des Matériaux, B.P. n° 87, 91003 Evry Cedex.

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Chimie de l'état solide/Solid State Chemistry

Préparation chimique et données cristallographiques de

trois nouveaux phospho- et arsénioniobates: K3NbP209,

Rb3NbP209 et K3NbAs209

Mohamed Faouzi ZID, Tahar JOUINI et Noureddine JOUINI

Résumé — K3NbP209, Rb3NbP2Og et K3NbAs209 cristallisent dans le système orthorhombique, groupe d'espace P nma, Z=4, bien que seuls les deux phosphoniobates soient isostructuraux. Les caractéristiques cristallographiques de K3NbP209 sont : a=9,969(4), b = 5,207(3), c=17,936(9) Â, Dm = 2,90, Dc=2,97, celles de Rb3NbP2Os : a = 9,977(6), b = 5,215(4), c = 18,041(8) Â, Dc = 3,93, et celles de K3NbAs209 : a=22,389(6), b=5,436 (1) et c=7,870(2) Â, Dc = 3,49. Les structures de ces composés sont brièvement décrites et une filiation est établie entre celles de K3NbP209 et de Rb3NbP209 (unidimensiormelles), celle de K3NbAs209 (bidimensionnelle) et celles de P-TaH(PO4)2 et de AIn(Mo04)2 (A = K,T1, Rb, Cs) (tridimensionnelles).

Preparation and crystallographic data for three new phospho and arsenioniobates:

Abstract— The compounds are prepared by thermal reactions of M2C03 (M=K, Rb), Nb205 and NH4H2Mv04 (Mv = P or As) and characterized by single crystal X-Ray diffraction. They crystallize in the orthorhombic System, space group Pnma, Z=A, although only the two phosphoniobates are isotypic. Crystal data for K3NbP209 are: a = 9.969(4), b=5.207(3), c=17.936(9) Â, Dm = 2.90, Dc=2.97,for Rb3NbP209: a=9.977(6), b = 5.215(4), c=18.041(8) Â, Dc=3.93 and for K3NbAs209: a=22.389(6), b = 5.436(1), c=7.870(2), Dc = 3.49. The networks contain chains of Nb06 octahedra and PO4 or AsOA tetrahedra sharing corners. They are linked by Nb—O —P or Nb—O —As bridges to form double chains in the phosphoniobates and layers in the arsenioniobate. A filiation is shown to exist between the structures of K3NbP209 and Rb3NbPs209 (one dimensional), of K3NbAs209 (two dimensional) and of$-TaH(P04)2 and AIn(MoO4)2 (A=K, Tl, Rb, Cs) (three dimensional).

Abridged English Version — 1. INTRODUCTION. — Within the framework of investigating compounds built from tetrahedra and octahedra ([1] to [7]), the object of this paper is to report the crystal synthesis, the crystallographic data and the main structural features of three new phases isolated respectively in the K20—P205—Nb205, Rb20—P205—Nb205 and K20—As205—Nb2Os Systems.

2. CRYSTAL SYNTHESIS. — The compounds were prepared from stoichiometric mixtures of K2C03 or Rb2C03, Nb205 and NH4H2P04 or NH4H2As04, first heated at 400°C for 6 hrs. to decompose the ammonium salt. They were then subjected to two annealings of 24 hrs. each to respectively 600 and 700°C. Colorless and rod-shaped crystals were obtained.

3. CRYSTALLOGRAPHIC INVESTIGATION. — Preliminary reciprocal lattice investigations were done using a Weissenberg camera. An orthorhombic symmetry and the space group P nma were found for the three compounds although only the two phosphoniobates are isostructural. Crystallographic data are given in Table I, and the indexed powder diagrams for K3NbP2Q9 and for Rb3NbP209 are given in Tables II and III respectively. The powder diagram for K3NbAs209 is in the course of publication [8].

4. X-RAY STRUCTURE DETERMINATION. — The structure of K3NbP209 has been solved. Detailed results will be published later on. The structural unit is built from one octahedron sharing corners with two tetrahedra. These blocks of three polyhedra are connected by Nb—O—P bridges to form chains parallel to the b axis. They are crosslinked to adjacent chains by sharing an oxygen corner between the NbO6 octahedron and

Note présentée par Paul HAGENMULLER. 0249-6313/89/03090343 % 2.00 © Académie des Sciences

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a P04 tetrahedron (Fig. 1). It results in double chains, parallel to the b axis, held together by the K+ ions.

The structure of K3NbAs209 has also been solved. Detailed results are in the course of publication [8]. It is built from chains of the same type as in the previous structure. They form at present puckered layers in which zigzag chains are connected by Nb—O—As bridges (Fig. 2).

A filiation is found to exist between the two structures just described, that of

have a common structural feature of infinite chains built from repeating units of the same type. These chains can be connected in three ways giving rise to one, two and threedimensional frameworks, while conforming to the same space groupe Pnma, Figures 1, 2 and 3 respectively, and Table I. It can be observed after inspecting this table that values of the b parameters are nearly the same. Indeed they are the translation period along the chains. On the contrary, the a and c parameters, depending on the way the chains are connected, vary over a wide range.

It is to be noted that the onedimensional structure of K3NbP209 could be transformed into a twodimensional structure like that of K3NbAs209 (or inversely), while maintaining the same stoichiometry. It could resuit in the occurrence of a polymorph for each of these compounds, whose conditions of existence (temperature and pressure) are in the course of investigation.

1. INTRODUCTION. — Dans le cadre de l'étude de composés à charpente covalente formée d'octaèdres et de tétraèdres ([1] à [7]) susceptibles de former des matériaux conducteurs ioniques ou échangeurs d'ions, nous présentons dans cette Note les préparations chimiques, les caractéristiques radiocristallographiques et les principales données structurales de trois nouvelles phases isolées respectivement dans les systèmes

2. PRÉPARATION CHIMIQUE. — Les matériaux ont été obtenus sous forme de monocristaux à partir de mélanges stoechiométriques de carbonate d'un métal alcalin M2COs avec M = K ou Rb, de Nb2Os et de dihydrogénophosphate (ou arséniate) d'ammonium NH4H2Mv04 avec Mv = P ou As, préchauffés à 400°C pendant 6 h en vue de la décomposition du sel d'ammonium. La réaction est totale après deux calcinations de 24 h à 600 et 700°C, entrecoupées d'un broyage. Les cristaux obtenus sont des bâtonnets incolores.

3. ÉTUDE CRISTALLOGRAPHIQUE. — L'étude sur chambre de Weissenberg des trois phases révèle une symétrie orthorhombique avec les mêmes conditions d'extinction compatibles avec les groupes d'espace Pnma et Pn21a, bien que seuls les deux phosphoniobates soient isostructuraux. Les règles d'extinction relevées étaient: 0kl, k+t=l=2n+l; OkO, k=2n + l; hkO, h=2n+l.

Les données cristallographiques relatives figurent au tableau I. Les densités ont été calculées en utilisant le nombre de groupements formulaires par maille déduit des études structurales. Celle de K3NbP209 a été de plus mesurée par flottation dans un mélange de C2HSI (densité = 1,93) et de Br2CHCHBr2 (densité=2,96), produits « PROLABO ». Le dépouillement des spectres de poudre des deux phosphoniobates est donné aux tableaux II et III. Les clichés ont été établis au moyen d'une chambre à focalisation

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« Enraf-Nonius » de type Guinier-Dewolf utilisant la radiation Kc du cuivre (A.= 1,541 8 Â). Les intensités reportées dans les tableaux ont été mesurées à l'aide d'un microdensitomètre «Enraf-Nonius». Le dépouillement du spectre de poudre relatif à K3NbAs209 est en cours de publication [8].

4. ÉTUDE STRUCTURALE. — La structure de K3NbP209 a été entièrement déterminée. Les résultats détaillés de cette étude feront l'objet d'une publication ultérieure. Le motif élémentaire comprend un octaèdre NbO6 encadré par deux tétraèdres P04 avec chacun desquels il partage un atome d'oxygène. Ces motifs forment des chaînes infinies selon l'axe b, deux motifs successifs étant reliés par deux ponts Nb—O—P. Elles constituent des doubles chaînes grâce à l'établissement de deux ponts Nb—O—P entre deux motifs appartenant à deux chaînes parallèles voisines (fig. 1). La cohésion de l'ensemble est assurée par les cations K+.

La structure de K3NbAs209 a été également entièrement déterminée. Les résultats obtenus sont en cours de publication [8]. On observe le même type de motif et de chaînes, parallèles à l'axe b que dans le cas précédent, mais organisées cette fois en couches

TABLEAU I

Données cristallographiques des phases de la même filiation.

Crystallographic data of the phases of same filiation.

Formule n D* G.S. Z a (Â) b (Â) c (Â) V (Â 3) Dm De Réf.

( K3NbP209 1D Pnma 4 9,969 (4) 5,207 (3) 17,936 (9) 931 2,90 2,97 ce travail

\ Rb3NbP209 1D Pnma 4 9,977 (6) 5,215 (4) 18,041 (8) 939 - 3,93 ce travail

K3NbAs209 2D Pnma 4 22,389(6) 5,436(1) 7,870(2) 958 - 3,49 ce travail

TaH(P04)2 3D Pnma 4 15,694(3) 5,239(1) 7,878(2) 648 - 3,84 ([9], [10])

KIn (MoO4)2 3D Pnma 4 14,79 5,879 5,879 759 - 4,14 [13]

AIn (Mo04)2 3D Pn m a 4 ([11], [12], [13])

A=K, Rb, Cs, Tl

* Dimensionalité de la charpente covalente.

Les composés réunis par une accolade sont isostructuraux.

Fig. 1. — Projection de la moitié du contenu de la maille de K3NbP209 sur le plan ac mettant en évidence une double chaîne.

Fig. 1. — Projection of half of the unit cell content of K3NbP209 onto the ac plane showing a double-chain.

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parallèles au plan bc : deux chaînes successives étant liées pour chaque motif par un pont Nb —O—As. La disposition des chaînes en zigzag au sein des couches donne à ces dernières un aspect crénelé (fig. 2). Les ions K+ sont logés dans des canaux communiquants dans l'espace inter-couches.

Il existe une filiation entre ces deux structures et celles de p-TaH(P04)2 ([9], [10]) (fig. 3) et de AIn(Mo04)2 (A = K, Tl, Rb, Cs) ([11], [12], [13]) qui dérivent de la précédente par simple distorsion. Cette filiation provient du fait que les charpentes de toutes ces structures sont construites à partir de chaînes résultant de la même association de

TABLEAU II

Diagramme de poudre indexé de K3NbP209 (isotype de Rb3NbP209).

Indexed powder diagram for K3NbP209 (isotypic of Rb3NbP209).

h k l dobs dcal lobs h k l dobs dcal lobs

0 0 2 8,90 8,97 10 4 0 2 2,403 2,401 15

1 0 1 8,66 8,71 24 0 0 8

1 0 2 6,65 6,67 33 \

1 0 3 5,13 5,13 26 117.

2,242 2,240

2,240

20

2 0 0 4,97 4,98 10 4 0 5 2,047

2 0 1 4,82 4,80 9 2 0 8 2,045 2,045 8

1 1 1 4,466 4,470 27 3 16 2,044

1 0 4 4,077 4,088 6 118 2,016 2,017 58

0 1 3 3,927 3,927 53 5 0 2 1,949 1,946 15

2 1 1 3,534 3,531 <5 2 18 1,901 1,903 38

1 1 4 3,214 3,216 65 5 0 4 1,820 1,822 <5

2 1 3 3,079 3,085 63 2 2 7 1,716 1,715 33 0 1 5 2,959 2,954 16 4 18 1,589 1,588 31

2 0 5 2,918 2,912 15 5 2 1

2 1 4 2,805 2,807 53

3 1 1 2,765 2,768 15 6 11

1,577 1,577

1,577

<5

0 2 0 2,604 2,603 100 5 0 7 1,573 1,573 <5

4 0 0 2,488 2,492 <5 0 3 5 1,562 1,562 6

3 0 5 2,441 2,437 17

Fig. 2. — Projection de la moitié du contenu de la maille de K3NbAs209 sur le plan ac montrant une vue de profil (parallèle à la direction des chaînes) d'une couche « crénelée ».

Fig. 2. — Projection of half of the unit cell content of K3NbAs209 onto the ac plane showing a puckered loyer seen along the chain direction.

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polyèdres. Ces chaînes peuvent être connectées de trois façons différentes conduisant à des charpentes anioniques uni, bi ou tridimensionnelles respectivement (fig. 1, 2 et 3 et tableau I). Ce tableau rassemble les données cristallographiques relatives aux phases dont la filiation a été mise en évidence. On y relève notamment que les valeurs du paramètre b sont voisines les unes des autres. Ce paramètre mesure en effet la période de translation le long des chaînes qui sont de même type pour tous ces composés. En revanche les

TABLEAU III

Diagramme de poudre indexé de Rb3NbP209 (isotype de K3NbP209).

Indexed powder diagram for Rb3NbP209 (isotypic of K3NbP209).

h k l dobs dcal lobs h k l dobs dcal lobs

0 0 2 9,06 9,03 8 3 16 2,046 2,051 17

2 0 1 4,81 4,81 12 4 14 2,010 2,014 16

0 0 4 4,50 4,51 29 3 2 2 1,998 2,001 12

2 0 2 4,375 4,366 17 0 2 6

2 1 0 3,619 3,604 15

3 0 1 3,278 3,271 83 10 9

1,970 1,968

1,965

43

3 0 2 3,119 3,121 100 3 2 3 1,942 1,942 28

0 0 6 3,012 3,006 32 4 0 6 1,920 1,919 21

0 1 5 2,969 2,967 20 3 17 1,900 1,898 14 3 0 3 2,914 2,910 61 2 2 6 1,832 1,832 <5

1 1 5 2,845 2,844 24 5 13 1,778 1,780 29 3 1 1 2,770 2,770 13 3 18 1,758 1,757 38 0 2 0 2,614 2,607 90 3 0 9 1,718 1,717 8

2 1 5 4 1 2

4 0 4

2,554 2,550

2,183

2,184

2,183

58 13 2

1 2 8

38 1 1 10

1 0 11

1,682 1,680 1,681

1,680 1,618 1,618

31 <5

2 1 7 2 2 4

2 0 8

2,093 2,097

2,056

2,056

2,055

60 4 18 1,593 1,593 10

38

Fig. 3. — Projection de la structure de p-TaH(P04)2

sur le plan ac d'après la référence [10].

Fig. 3. — Projection of the structure of ^-TaH(PO^)2

onto the ac plane after [10].

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paramètres a et c peuvent comporter de grandes variations. La raison en est que l'organisation des chaînes change avec la dimensionnalité de la structure, tout en restant compatible pourtant avec le même groupe d'espace Pnma.

Remarquons que la transformation de la charpente unidimensionnelle de K3NbP209 (ou de son isotype Rb3NbP2Os) en une charpente bidimensionnelle de même type que celle de K3NbAs209 (ou inversement) pourrait s'opérer en conservant la même formulation. Il pourrait en résulter un phénomène de polymorphisme avec l'existence de deux formes cristallines, pour chaque composé, dont les conditions de formation (pression et température) sont actuellement à l'étude. Note remise le 23 février 1989, acceptée le 3 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[I] A. DRISS, T. JOUINI et M. OMEZZINE, Acta Cryst., CM, 1988, p. 788-791.

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[11] P. V. KLEVTSOV et R. F. KLEVTSOVA, Zhurnal Strukturnoï Khimii, 18, (3), 1977, p. 419-439.

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M. F. Z. et T. J. : Département de Chimie, Faculté des Sciences de Tunis, 1060 Tunisie; N. J. : École normale supérieure de l'Enseignement technique de Tunis, 1000 Tunisie.

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Chimie de l'état solide/Solid State Chemistry

Chimie de l'état solide : réaction de l'hydroxyde de nickel

avec l'éthylèneglycol

Kamar TEKAIA-ELHSISSEN, Agnès DELAHAYE-VIDAL, Guy NOWOGROCKI

et Michel FIGLARZ

Résumé — Par réaction d'un hydroxyde de nickel a en suspension dans l'éthylèneglycol à l'ébullition, deux types de phases sont obtenus. A reflux, on prépare un hydroxy-éthylèneglycolate Ni(OCH2 —CH2OH)0,8(OH)12 de structure turbostratique avec des plans type hydroxyde de nickel dans lesquels il y a substitution de certains ions -OH par des ions -OCH2—CH2OH; la distance entre les plans type hydroxyde est de -8,3 Â. Sous distillation contrôlée on obtient un éthylèneglycolate cristallisé Ni(OCH2 —CH20). On montre que dans les deux cas la réaction s'effectue via la solution par dissolution de l'hydroxyde de nickel x et précipitation des phases éthylèneglycolates.

Solid state chemistry: reaction of nickel hydroxide with ethyleneglycol

Abstract — Two types of nickel ethyleneglycolate phases have been obtained by heating a nickel hydroxide with ethyleneglycol at the boiling point. In refluxing conditions, Ni(OCH2—OCH2OH)0S (OH)1 2 is formed, this compound has a turbostratic structure with misoriented nickel hydroxide-type layers in which -OH groups are substituted by -OCH2 — CH2OH, the interlayer distance is 8.3Â. When the reaction is carried out with distillation, Ni(OCH2 — CH20) crystallized phase is obtained. It is shown that the reaction mechanism proceeds via the solution by dissolution of the nickel hydroxide and précipitation of the ethyleneglycolate phases from the solution.

L'objet de cette Note est de présenter les résultats d'une étude concernant le comportement de l'hydroxyde de nickel traité par l'éthylèneglycol [1].

L'hydroxyde de nickel présente une structure lamellaire : on peut le préparer sous deux variétés. La forme P est cristallisée et la forme a est à organisation cristalline imparfaite. Cette forme a est constituée de feuillets hydroxyde de nickel avec des couches d'eau interlamellaires. Notre objectif était de remplacer l'eau interlamellaire par l'éthylèneglycol qui, comme l'eau, est une molécule fortement polaire.

Nous avons préparé un hydroxyde de nickel de type a, turbostratique, qui présente des caractéristiques spécifiques [2]. Sa structure à organisation cristalline imparfaite peut être décrite par des couches Ni(OH)2 empilées le long de l'axe c, régulièrement espacées mais complètement désorientées les unes par rapport aux autres; entre les feuillets se trouve de l'eau interlamellaire liée par liaisons hydrogène aux hydroxyles des feuillets. L'hydroxyde turbostratique présente un spectre de diffraction X (fig., a) avec des réflexions 001 caractérisant la distance interfeuillet de 7 ou 8 Â suivant les conditions de préparation et des bandes h k résultant de la diffraction par les feuillets bidimensionnels. Il possède une morphologie caractéristique des composés turbostratiques et se présente sous forme de voiles très minces froissés dont la grande dimension est de l'ordre de 1 um.

Cet hydroxyde a est mis en suspension dans l'éthylèneglycol et chauffé. Les réactions qui se produisent sont assez lentes et ont été par conséquent effectuées à l'ébullition soit à reflux, soit sous distillation contrôlée. Suivant les conditions expérimentales on obtient deux types de phases résultant de l'interaction entre l'éthylèneglycol et l'hydroxyde de nickel oc.

Note présentée par Jean ROUXEL.

0249-6313/89/03090349 S 2.00 © Académie des Sciences

C. R., 1989, 2e Semestre (T. 309) Série II - 24

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Spectres de diffraction X : (a) de l'hydroxyde de nickel turbostratique (phase-mère); (b) de Phydroxy-éthylèneglycolate de nickel turbostratique (EGT); (c) de l'éthylèneglycolate de nickel cristallisé (EGC); (d) de l'hydroxyéthylèneglycolate mixte Ni—Co (Co/Ni = 0,l).

X-ray diffraction spectra of: (a) the turbostratic nickel hydroxide (starting material); (b) the nickel hydroxyethyleneglycolate phase (EGT); (c) the nickel ethyleneglycolate phase (EGC); (d) a Ni—Co hydroxy-ethyleneglycolate phase (Co/Ni — 0.1).

Lorsqu'on opère à reflux, sans éliminer l'eau du milieu, on obtient un hydroxyéthylèneglycolate de nickel turbostratique (noté EGT) de composition

Le spectre de diffraction X de cette phase est analogue à celui de l'hydroxyde a de départ (fig. b) avec une légère modulation des bandes hk et avec une distance interfeuillet de 8,3 Â contre 7 Â pour l'hydroxyde de nickel a utilisé. Cela indique une modification de l'espace interfeuillet. Le spectre infrarouge de la phase EGT montre la présence de bandes que l'on peut associer à l'éthylèneglycol en interaction avec les feuillets. Ces

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résultats couplés à ceux de l'analyse chimique permettent de retenir pour la phase EGT le modèle structural suivant. La structure turbostratique résulte de l'empilement de feuillets désorientés du type Ni(OH)2 dans lesquels certains ions -OH sont remplacés par des ions -OCH2CH2OH avec un taux de substitution x=0,8. Le calcul théorique de la distance interfeuillet en tenant compte de l'encombrement des différents groupements conduit à une valeur de 8,6 Â compatible avec la distance de 8,3 Â observée expérimentalement. Il faut noter que la largeur des raies 0 01 de EGT est beaucoup plus faible que celle des raies équivalentes de l'hydroxyde de nickel a (fig., a et b). Enfin la morphologie de EGT est également différente de celle de l'hydroxyde de départ; EGT se présente sous la forme de plaquettes sans forme caractéristique, de quelques centaines d'angströms d'épaisseur et de 1000 Â environ suivant la grande dimension.

Lorsque la réaction est effectuée sous distillation contrôlée, c'est-à-dire qu'on élimine l'eau du milieu réactionnel, on obtient un composé cristallisé (noté EGC) Ni(OCH2—CH20) dont le spectre de diffraction X est reproduit sur la figure c. Le spectre infrarouge de cette phase montre la présence d'éthylèneglycol en interaction avec les feuillets; cette interaction est différente de celle existant dans EGT et implique l'existence de cycles dans lesquels l'éthylèneglycol est engagé dans des liaisons bidentées avec Ni2+. La morphologie de cette phase est tout à fait analogue à celle de la phase EGT. La description détaillée du modèle structural de EGC sera publiée par ailleurs [3].

Si l'on considère seulement les structures de la phase-mère (hydroxyde de nickel a) et celles des produits de la réaction (EGT et EGC), on est tenté de considérer que les éthylèneglycolates ainsi préparés sont des produits d'insertion de l'éthylèneglycol dans l'hydroxyde de nickel a. L'eau de l'hydroxyde de nickel a serait remplacée par l'éthylèneglycol, avec, suivant les conditions de réaction, différents modes d'interaction des molécules d'éthylèneglycol avec les plans hydroxyde de nickel et différents modes d'organisation des plans entre eux. En fait, ce modèle d'insertion, avec échange eau/éthylèneglycol, ne correspond pas à la réalité et l'étude du mécanisme de formation de ces phases montre qu'il faut considérer que la réaction s'effectue via la solution avec dissolution de l'hydroxyde de nickel a et précipitation des phases EGT et EGC. En effet, les observations expérimentales en microscopie électronique montrent qu'il n'existe aucune filiation morphologique entre la phase-mère (voiles minces) et les éthylèneglycolates formés (plaquettes); ces profondes modifications d'habitus ne s'expliquent pas si l'on considère des réactions d'échange à l'état solide. De même, raffinement des raies 001 en diffraction X, lorsque l'on passe de l'hydroxyde de nickel a aux éthylèneglycolates (fig., a, b, c), et qui traduit une augmentation par un facteur 10 du nombre de feuillets par empilement peut difficilement s'expliquer en terme de réaction d'insertion à l'état solide.

Ce mécanisme est également valable lorsque la phase-mère est l'hydroxyde de nickel cristallisé p Ni (OH)2 [4].

Ces résultats sont confirmés a contrario par l'étude de l'interaction dans les mêmes conditions de l'éthylèneglycol avec un hydroxyde mixte cobalt-nickel de type a. La présence de cobalt empêche alors la dissolution de l'hydroxyde. Dans ces conditions, en travaillant avec un hydroxyde mixte avec 10% de cobalt, on observe toujours la formation d'un hydroxy-éthylèneglycolate turbostratique, mais les caractéristiques texturales et structurales de la phase-mère sont maintenues. L'habitus avec des voiles minces froissés est conservé en cours de réaction et on observe pour la phase mère et le produit de la réaction le même type de diagramme de diffraction X avec des largeurs de raies 001 quasi identiques (fig., d). On peut donc considérer que la réaction s'effectue à l'état

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solide par échange eau-éthylèneglycol. Cela est confirmé par le fait qu'on peut alors obtenir une réaction réversible, c'est-à-dire une véritable réaction d'intercalation-désintercalation.

Note remise le 28 avril 1989, acceptée le 29 mai 1989.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] K. TEKAIA-ELHSISSEN, Thèse Université de Picardie, Amiens, 1989.

[2] A. DELAHAYE-VIDAL et M. FIGLARZ, J. Appl. Electrochem., 17, 1987, p. 589-599 et références citées.

[3] K. TEKAIA-EHLSISSEN, A. DELAHAYE-VIDAL, G. NOWOGROCKI et M. FIGLARZ, C.R. Acad. Sci. Paris, 309, série II, 1989 (à paraître).

[4] M. FIGLARZ, F. FIÉVET and J. P. LAGIER, M.R.S. Int. Meet. on Advanced Materials, Tokyo, Japan, May 30-June 3, 1988 (sous presse).

Laboratoire de Réactivité et de Chimie des Solides,

U.A.-C.N.R.S. n° 1211, Université de Picardie,

33, rue Saint-Leu, 80039 Amiens Cedex.

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 353-356, 1989 353

Systèmes extra-galactiques/Extra-galactic Systems

(Processus physiques en Astronomie/Physical Processes in Astronomy)

Théorème du viriel pour un potentiel de gravitation de type [Newtonien+Yukawa]. Implications pour le problème de la

masse manquante

Daniel GERBAL et Haydeh SIROUSSE-ZIA

Résumé — Nous établissons le théorème du viriel à partir d'un potentiel utilisé par Sanders [Newtonien + Yukawa] : V(r) = K (M/r)[l — aexp(— r/X)]. Ce théorème utilisé pour des configurations représentant des galaxies et des amas de galaxies conduit à la détermination de masses dynamiques bien inférieures à celles obtenues à partir d'un potentiel de Newton. En ce sens le « problème de la masse manquante » peut être résolu. Une analyse de la surestimation permet de trouver un couple C[a„=0,985+0,005, Xu = 2,4Mpc+1,4] unique autorisant la résolution du problème simultanément pour tous les objets considérés.

Virial theorem for a [Newtonian + Yukawa] gravitational potential. Implications

for the missing mass problem

Abstract — We examine the [Newtonian+Yukawa] potentialproposed by Sanders as an alternative method to solve the "missing mass problem". We show the role played by an amplification factor o. Based on this potential, we establish a "virial theorem" [équation (5)]. The use of this theorem yields dynamical masses. An overestimation is defined by the ratio of a Newtonian virial mass to this dynamical mass [equation (8)]. The overestimation depends on a and a function p [equation (7)]. Theoretical overestimation locii are computed with a Montecarlo technique, represented in the [u, P] plane (Fig. 1). We define two domains of overestimation, one for galaxies, the other one for clusters. The intersection of these two domains (Fig. 4) defines "universal" values for X and a (Xu=2.4Mpc +1,4, au=0.985±0.005).

1. INTRODUCTION. — En 1933, Zwicky [1] constatait un désaccord entre le contenu en énergie cinétique et énergie potentielle présent dans l'amas de galaxies « Coma Bérénice ». Ce type de situation, constituant ce qu'il est convenu d'appeler le « problème de la masse manquante » (revue : V. Trimble [2] et réf. : [3], [4], [5]).

Ce problème est basé sur la prévalence de deux lois fondamentales dues à Newton : la loi d'inertie et la loi de la gravitation. Or ces deux lois sont expérimentalement vérifiées pour des domaines de validité en dehors desquels se situent les objets considérés. Deux propositions phénoménologiques ont été récemment avancées afin de modifier l'une où l'autre de ces lois ([6], [7]). Nous nous intéresserons dans la suite de cette Note à celle utilisée notamment par Sanders [7].

Cet auteur a proposé d'utiliser un potentiel modifié généré par une masse ponctuelle du type [Newtonien + Yukawa] — dans la suite : potentiel [N+Y] :

la constante K étant à ajuster par la suite.

Pour rendre compte des courbes de rotations plates observées dans les galaxies spirales, il a été conduit à fixer des valeurs plausibles pour les deux paramètres libres : 0,9 < a < 0,95 et 20 kpc<Ag.9<40 kpc.

Nous nous proposons dans cette Note d'étudier comment ce type de loi peut résoudre le problème de la masse manquante, non seulement pour les galaxies, mais aussi pour les amas de galaxies.

Note présentée par Evry SCHATZMAN. 0249-6313/89/03090353 S 2.00 © Académie des Sciences

354 C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 353-356, 1989

La formule (1) permet une autre interprétation : celui d'un potentiel de type Newtonien, mais muni d'une « constante » variable de la gravitation :

Pour r <£ À, G(r-0) = K(l—a) doit être identifiée à la constante newtonienne de la gravitation G.

Le potentiel [N + Y] s'écrit :

avec 0<a<l, pour éviter des zones répulsives. Ce potentiel pour r très grand prend la forme :

L'intensité du champ gravitionnel généré par une masse M est multipliée par un facteur a = 1/(1 —a) que nous nommerons facteur d'amplification.

II THÉORÈME DU VIRIEL MODIFIÉ. SURESTIMATION. — Nous nous appuirons pour notre étude, sur l'utilisation du « théorème du viriel », établi à partir de la loi de Sanders. Le théorème du viriel Newtonien est fondamental puisqu'il est par son utilisation à la base de l'estimation des « masses dynamiques » de presque tous les objets rencontrés en astrophysique. Sous sa forme la plus banale, c'est en fait une identité :

(T pour l'énergie cinétique et U pour l'énergie potentielle).

Le problème de la masse manquante s'exprime par la valeur du rapport de la Masse dynamique à Luminosité totale de la configuration étudiée [M/L]dyn. Ce rapport varie de 10 à 250 ce qui est considérable comparé au M/L moyen d'une étoile dont la matière lumineuse est supposée être constituée essentiellement. De nombreuses critiques ont été élaborées questionnant en particulier des effets dus aux projections sur le ciel. Nous ne considérerons pas, dans la suite de cette Note, ces aspects d'une vaste question, ne prenant en compte que les conséquences de la modification de la loi de la gravitation, toutes choses demeurant égales par ailleurs.

Nous suivons les méthodes usuelles (voir Collins [8]) pour établir un « théorème du viriel modifié ». Il vient tout calcul fait, et compte tenu des hypothèses suivantes :

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stationarité du système, et identité des masses :

Nous avons mis en évidence le rayon harmonique RH dans cette expression; n est le nombre d'objets présents dans la configuration, M, la masse totale et v, la dispersion des vitesses.

De l'identité (5) il est possible de tirer la masse dynamique :

est la masse dynamique newtonienne.

Si l'on veut bien admettre que la Gravitation Universelle est régit par une loi du type [N+Y], alors M est la masse dynamique réelle tandis que la masse MN est une masse apparente — contenant de « la matière non vue » — présente parce qu'un théorème non pertinent du viriel a été appliqué.

Nous définissons alors la surestimation par : S = MN/M, qui s'écrit :

en fonction de a ou de l'amplification CF. (3 dépend des positions par l'intermédiaire de

Le potentiel [N+Y] dépend de deux paramètres — le coefficient de couplage a, et l'échelle X. Nous voulons répondre aux questions suivantes : existe-t-il un couple C = (oc, Â) unique permettant de rendre compte de la matière non vue pour tous les objets (des galaxies naines aux [3] amas de galaxies) ?

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A partir des formules (8) nous traçons les courbes p = |3(a); P = (o — S)/(o — 1) pour des valeurs successives de la surestimation S = 10, 30, 50, 100.

La fonction p dépend de la géométrie des configurations étudiées et du rapport de la dimension de chacune d'elles à X, supposée universelle [ri/X = (ri/d)(d/X), d étant la dimension caractéristique d'une configuration] — soit $(X* = X/d). Pour estimer cette fonction, nous avons utilisé une technique de Montecarlo, en supposant la matière distribuée uniformément.

A partir des courbes P(o)s=Cte et en utilisant la fonction inverse de P(A*), nous avons construit dans le plan (Log x*, Log o), les courbes S = 10, 30, 50, 100.

Plusieurs Xu* correspondent à un Xu supposé universel et unique. Nous avons : Xu* g = (Xu/diamètre de galaxie) et xu* a = (xu/diamètre d'amas),

avec Log (Xu* a) « log (Xu* g) + 2 — le rayon typique d'une galaxie étant pris » 30 kpc, celui d'un amas = 3 Mpc. Nous pouvons par une translation suivant l'axe des log (A) retrouver les dimensions (relatives) : le domaine A délimité par [S = 50, S = 100] correspond aux amas de galaxies tandis que le domaine G [S = 10, S = 30] à celui des galaxies. Nous présentons dans le plan (log a, log X] ces deux domaines.

Un couple C unique, permettant d'expliquer le problème de la masse manquante, est représenté par un point ce(AfG).

L'établissement du théorème du viriel correspondant au potentiel [N + Y], puis l'application de ce théorème à des configurations représentant des galaxies et des amas de galaxies, nous ont permis d'exhiber un paramétrage unique du potentiel de type Yukawa :

Remarquons que l'échelle obtenue est beaucoup plus grande que celle proposée par Sanders. De fait cet auteur s'était intéressé exclusivement aux galaxies spirales (par le biais des courbes de rotation). Notre approche est plus générale, l'étonnant est l'obtention d'une valeur unique permettant de rendre compte de la matière dite « manquante » dans les galaxies et dans les amas de galaxies simultanément ! Note remise le 17 février 1989, acceptée après révision le 18 avril 1989.

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D. G. : Département d'Astrophysique extragalactique et de Cosmologie, Université Paris-VII et U.R.A. n° 173 du C.N.R.S., Observatoire de Paris, Section de Meudon,

5, place J.-Janssen, 92195 Meudon Principal Cedex;

H. S.-Z. : Laboratoire de Physique théorique, Université Paris-VI et U.R.A. n° 769 du C.N.R.S.,

Institut Henri-Poincaré, 11, rue Pierre-et-Marie-Curie, 75231 Paris Cedex 05.

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Hydrologie/Hydrology

Estimation de l'écoulement superficiel et de sa charge en suspension sur quelques grands bassins fluviaux du monde

Jean-Luc PROBST et Nkamdjou SIGHA

Résumé — Sur 26 grands fleuves du monde, on estime la contribution moyenne annuelle du ruissellement superficiel au débit fluvial, en utilisant l'analyse spectrale de Fourier appliquée aux séries chronologiques des débits moyens mensuels. Les données de transports de sédiments par ces fleuves permettent ensuite de calculer la charge en suspension du ruissellement superficiel. Les résultats obtenus sont utilisés à l'échelle globale pour appréhender l'intensité du ruissellement superficiel sur l'ensemble des continents et estimer sa charge moyenne en suspension.

Estimation of the surface runoff and its suspended load in some major world river

basins

Abstract — In 26 major world rivers, the estimation the yearly average contribution of the surface runoff to the river discharge, using the spectral analysis of Fourier applied to the time seeries of mean monthly discharges. The river-suspended sediment transports are used to calculate the concentration in surface runoff. On a global scale, these results allow assessing the surface runoff intensity over the entire world and to calculate its suspended load.

Abridged English Version — The main objective of this paper is to determine the surface runoff intensity in 26 large river basins, and to relate it to the river-suspended sediment transports (Table) before dam construction, as proposed by [1] to [8]. [9] to [14] have suggested, from results obtained in different river basins (Chari, Senegal, Garonne and Mosel), that the suspended load in surface runoff is constant and averages 1 g/1.

The annual contribution of the surface runoff was calculated using a Fourier spectral analysis [28] on time series of mean monthly discharges [15]. This procedure [equation (1)] allows separating the annual hydrograph to two main flow components: the base flow and the surface runoff (Figs. 1 and 2). The calculation results (Table) indicate that the surface runoff contribution (RP) varies from 2 to 52% of the total riverflow depending on the river basin. Nevertheless, there is a good linear relationship between the mean annual surface runoff depth (LR) and the annual total runoff depth (LE):

The surface runoff depth (LR) is also fairly well correlated with the runoff coefficient (KE= 100 LE/LP) (Fig. 3):

The river-suspended sediment transports ([9], [11], [16] to [19], [22] to [24]) are used to determine the relationship (Fig. 4) between the river-suspended sediment concentration (CE, mg/1) and the surface runoff contribution (RP=100 LR/LE), estimated previously:

An extrapolation of equation (5), when RP tends to 100%, allows estimating the surface runoff concentration at 1.36 g/1, without correction for channel erosion.

The suspended sediment concentration in surface runoff (Cg) may be calculated for each river basin from equation (4), using a simple mixing model which assumes that the total sediment discharge is mainly supplied by the surface runoff. The calculation results (Table)

Note présentée par Georges MILLOT. 0249-6313/89/03090357 $ 2.00 © Académie des Sciences

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indicate that 46% of the river basins have a value of CR around 1 g/1, and the average value of CR, calculated for all the river basins (except the Huangho and the Colorado), is 1.45 g/1.

On a global scale, the surface runoff depth (LR ;) could be calculated from equation (3) for each continental band (i) of 5° latitude in width, using the continental runoff and precipitation data [29]. The mean global surface runoff depth (LR global), calculated from equation (6), is estimated at 65 mm/year for the entire world i. e. 9% of the continental precipitation (746 mm) and 24% of the continental runoff (266 mm).

The total suspended sediment delivered by all rivers to the oceans has been estimated to 13.5 x 109 tons annually [19], i.e. an average river-suspended sediment concentration of 340 mg/1. According to equation (4), one can estimate the concentration in surface runoff to 1.39 g/1 for the entire world, without correction for channel erosion.

In conclusion, all the results obtained in this study confirm previous investigations in some African and European river basins, and they are consistent with the idea that the suspended sediment concentration in surface runoff may be a constant which averages 1 g/1.

INTRODUCTION. — On a toujours corrélé la charge en suspension d'un fleuve à son débit. Mais, la composante principale du transport solide fluvial étant le ruissellement superficiel sur les versants, [1] à [8] se sont attachés à déterminer les relations entre la charge en suspension du fleuve et le débit du ruissellement superficiel. Cet écoulement étant difficile à appréhender sur les grands bassins versants, [9] et [10] ont proposé de l'estimer à partir du débit solide des cours d'eau, en faisant l'hypothèse que la charge en suspension de ce ruissellement était constante. Par la suite, [10] à [14] ont vérifié cette hypothèse sur différents grands bassins, en estimant le débit du ruissellement par découpage horizontal des hydrogrammes.

L'objectif est ici de vérifier cette hypothèse sur quelques grands bassins fluviaux, en estimant l'intensité du ruissellement superficiel et en y rapportant les transports solides fluviaux, afin de calculer sa charge en suspension. Pour réaliser cette étude, on a selectionné 26 grands fleuves en fonction des informations disponibles (tableau) sur les débits [15] et les transports solides ([9], [11], [16] à [19], [22] à [24]).

I. ESTIMATION DE L'ÉCOULEMENT SUPERFICIEL. — La méthode utilisée pour séparer les écoulements est inspirée des travaux de [25] à [27] et elle consiste à appliquer l'analyse spectrale de Fourier [28] aux séries chronologiques (5 ans au moins) des débits moyens mensuels. Les fluctuations de ces débits peuvent être assimilées à des signaux et décomposées en une fonction du type :

avec/= fréquence de 0 à n, Af et Bf=coefficients de Fourier du cosinus et du sinus, fc = fréquence de séparation entre les deux composantes, t = temps en mois.

Pour chaque fleuve, la fréquence de séparation fc est déterminée à partir du périodogramme des débits (fig. 1) où la densité spectrale des débits est exprimée en fonction de la fréquence/ La fréquence de séparation fc présente la plus forte contribution à la variance des débits. fc sépare les signaux de basses fréquences (événements lents) qui

C. R. Acad. Sci. Paris, t. 309, Série II, p. 357-363, 1989 359

, TABLEAU

Données de base et résultats obtenus sur les 26 fleuves sélectionnés. S = superficie du bassin versant (103km2), Lp = hauteur moyenne annuelle des précipitations (mm), LE=lame d'eau écoulée (mm/an), KE=coefficient d'écoulement ( 100 LE/LP), Ts=flux de matières en suspension avant la construction des barrages ( 106 t/an), CE = concentration moyenne annuelle en matières en suspension (mg/1), LR=lame d'eau ruisselée (mm/an), RP = pourcentage d'eau ruisselée (1OOLR/LE), CR=charge en suspension calculée dans les eaux de ruissellement (g/1).

Basic data and results obtained for the 26 selected rivers. S —drainage basin area (103 km2), LP=mean annual precipitation (mm), LE=mean annual river flow depth (mm), KE = runoff coefficient (100 LE/LP), Ts=sediment discharge before dam construction (106 t/year), CE=mean annual river suspended sediment concentration (mg/l), LR = mean annual surface runoff depth (mm), RP=percentage of surface runoff (100LR/LE), CR= suspended sediment concentration calculated in surface runoff (g/T).

du S Lp LE KE Ts CE LR RP CR

fleuve (103km 2) (mm/an) (mm/an) (%) (106t/an) (mg/1) (mm/an) (%) (g/1)

Amazone 5908 2030 1060 52 900 143 130 12,2 1,17

Amour 1923 380- 169 44 52 160 20 11,9 1,34

Chari 600 758 45 6 2,8 76 3,5 7,7 0,99

Colorado 715 250 28 11 135 6750 5,6 20,1 33,58

Congo 3698 1520 347 23 31 25 18 5,3 0,48

Gambie 42 754 109 14 0,38 62 15 13,8 0,45

Houang Ho 814 760 60 8 1080 22040 16 27,1 81,32

Indus 916 380 260 68 440 1850 137 52,7 3,51

Lena 2430 250 219 87 15,4 29 72 33 0,09

Mackenzie 1805 380 189 50 110 442 41 30 1,46

Magdalena 276 1270 856 67 220 928 120 14 6,62

Mississippi 3265 760 178 23 500 862 32 18,2 4,73

Murray 1140 760 19 2,5 30 1360 9 47 2,90

Ntem 26 1675 477 28 0,35 28 37 7,7 0,36

Orénoque 1020 1400 1078 77 210 191 330 30,6 0,62

Oubangui 480 1240 173 14 2,9 35 21 12 0,29

Pô 70 760 656 86 15 326 136 20,7 1,57

Rhône 99 1020 494 48 10 204 74 14,9 1,36

Sanaga 77 1520 575 36 2,2 50 72 13,2 0,37

Sao Francisco 630 1020 154 15 6 62 15 10 0,62

Sénégal 218 818 47 6 1,9 190 10 21,3 0,89

Saint-Laurent 1099 890 407 46 5,2 12 8,5 2,1 0,57

Yangtse Kiang 1827 1270 493 39 478 531 117 23,8 2,23

Yenissei 2580 380 218 57 13,2 23 77 35,5 0,06

Yukon 852 380 246 65 88 419 74 30,3 1,38

Zambeze 1420 1020 157 15 48 215 40 25,4 0,85

Références : [9], [11], [16] à [19], [22] à [24].

représentent ici les écoulements de nappe, des signaux de hautes fréquences (événements à fluctuations rapides) qui correspondent aux écoulements superficiels (fig. 2).

La contribution du ruissellement superficiel (RP) au débit total varie de 2 à 52 % suivant les bassins (tableau). Cette contribution est faible pour les fleuves africains (5 à 21 %), mais elle est plus élevée pour les fleuves des régions montagneuses (Yangtze Kiang, Huangho, Indus, Colorado : 24 à 52 %), ou pour les fleuves soumis à un régime nival (Yukon, Mackenzie, Yenissei et Lena: 30 à 35 %).

Pour l'ensemble des bassins étudiés, il y a une bonne relation (r=0,79 pour 26 bassins) entre la lame d'eau ruisselée (LR, mm/an) en moyenne sur chaque bassin, et la lame d'eau écoulée en moyenne (LE, mm/an) par chaque fleuve :

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Cette lame d'eau ruisselée (LR, mm/an) est aussi corrélée (r = 0,71 pour 26 bassins) au coefficient d'écoulement moyen (KE= 100 LE/LP) de chaque bassin (fig. 3) :

IL ESTIMATION DE LA CHARGE EN SUSPENSION DU RUISSELLEMENT. — Si l'on considère que la majorité des sédiments exportés par les fleuves sont produits par l'érosion mécanique et le ruissellement superficiel sur les versants ([4] à [6], [9] à [14]), on peut calculer pour chaque bassin la charge moyenne en suspension du ruissellement de la manière suivante :

Ce modèle ne tient pas compte, en première approximation, du tonnage de sédiments produits par l'érosion des berges. Les résultats des calculs (tableau) indiquent que 46 % des bassins présentent des charges CR comprises entre 0,5 et 1,5 g/1. Les bassins qui ont des charges CR calculées, inférieures à 0,5 g/1, voient une partie des sédiments fluviaux piégés avant l'exutoire par des plaines d'inondation ou des lacs (cas du Saint-Laurent). Inversement, les teneurs élevées (CR>l,5g/l) peuvent être attribuées aux apports de sédiments par érosion des berges et du lit, et à l'érodibilité des terrains traversés (cas des loess du Huangho). Pour l'ensemble des bassins étudiés (excepté le Huangho et le Colorado), CR est estimée en moyenne à 1,45 g/1, alors que la concentration moyenne dans les fleuves est de 0,34 g/1.

D'autre part, il existe (fig. 4) une bonne relation (r = 0,804 pour 18 bassins) entre la concentration moyenne annuelle (CE, mg/1) de chaque fleuve, et le pourcentage d'eau ruisselée (RP = 100 LR/LE) :

Pour calculer cette équation, on a retenu uniquement les bassins où prédomine l'érosion des versants. L'extrapolation de l'équation (5) quand LR tend vers LE(LR/LE = 1), permet d'après l'équation (4) d'assimiler CR à CE, soit 1,36 g/1 (sans correction des apports par érosion des berges). On retrouve ainsi par cette méthode une charge en suspension du ruissellement proche de 1 g/1. C'est aussi le cas des cours d'eau périodiques sur lesquels l'écoulement fluvial est essentiellement alimenté par du ruissellement superficiel. On peut citer par exemple le Mayo Tsanaga (Nord Cameroun) où les charges en suspension mesurées dans le cours d'eau sont voisines de 1 g/1: 1,27 g/1 en 1968 et 1,17 g/1 en 1969 [20], 1,59 g/1 en 1973 [21].

III. BILAN GLOBAL DES CONTINENTS. — [29] donnent par bandes latitudinales de 5° (i) et pour l'ensemble des continents, les valeurs moyennes annuelles des précipitations et du drainage. On peut donc calculer à partir de l'équation (3), la lame d'eau ruisselée (LRi) en moyenne chaque année par tranche de latitude (i, de surface Si), et la lame d'eau ruisselée en moyenne sur l'ensemble des continents (LR global) de la manière suivante :

On obtient ainsi pour l'ensemble des continents une lame d'eau ruisselée de 65 mm en moyenne chaque année, soit 24 % du drainage continental global (266 mm) et 9 % seulement des précipitations continentales moyennes (746 mm).

Le flux total annuel de sédiments exportés par l'ensemble des fleuves du monde vers les océans, est estimé à 13,505.109 t [19], soit une concentration moyenne dans les fleuves de 340 mg/1. Si l'on ramène cette charge à la lame d'eau ruisselée selon l'équation (4),

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on obtient une charge dans les eaux de ruissellement de 1,39 g/1 en moyenne, sans corriger ici des sédiments produits par l'érosion des berges. Or d'après les travaux sur le Sénégal [11], sur la Garonne ([10], [12]), sur la Moselle ([13]), et sur les rivières des ÉtatsUnis [30], l'érosion des berges produit en moyenne de 20 à 30 % du tonnage total de sédiments exportés par les fleuves. Si l'on tient compte de cet apport dans le calcul précédent, on obtient une concentration dans les eaux de ruissellement de 1 à 1,1 g/1 en moyenne pour l'ensemble des continents.

CONCLUSION. — Une méthode simple, basée sur une analyse spectrale de Fourier appliquée aux séries chronologiques de débits moyens mensuels, a permis de séparer les hydrogrammes annuels de 26 grands fleuves du monde en 2 composantes : l'écoulement de base et le ruissellement superficiel. La contribution du ruissellement varie suivant les bassins de 2 à 52 %, mais la lame d'eau ruisselée est fonction linéaire de la lame d'eau écoulée, ou du coefficient d'écoulement.

D'autre part, on a montré que la concentration moyenne en suspension de chaque fleuve est fonction linéaire du pourcentage d'eau ruisselée sur chaque bassin. Ce modèle a permis d'estimer, par extrapolation, la charge moyenne des eaux de ruissellement à 1,36 g/1, sans correction des apports par érosion des berges. Cette charge a pu aussi être calculée pour chaque bassin à partir d'un modèle simple de mélange. Les résultats montrent que la charge en suspension varie d'un bassin à l'autre, mais les valeurs se distribuent autour d'un mode principal (46 % des valeurs), centré sur 1 g/1. De plus, la moyenne des charges du ruissellement a été estimée à 1,45 g/1 pour les fleuves étudiés.

Une extrapolation de ces modèles à l'échelle globale, à partir des données hydroclimatiques, a fourni une première estimation de l'intensité du ruissellement de surface (65 mm/an) sur l'ensemble des continents. Quand on rapporte le flux total de sédiments exportés par l'ensemble des fleuves du monde vers les océans, à cette lame d'eau ruisselée, on obtient une concentration de 1,39 g/1 sans correction des apports par érosion des berges, soit 1 g/1 environ après correction.

Tous les résultats obtenus dans cette étude, en ce qui concerne la charge en suspension du ruissellement superficiel, confirment les calculs qui avaient déjà été effectués sur quelques bassins en Europe et en Afrique, et tous ces résultats convergent vers l'idée d'un ruissellement à charge solide constante, d'environ 1 g/1.

Note remise le 17 avril 1989, acceptée le 12 mai 1989.

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J.-L. P. : Centre de Géochimie de la Surface, C.N.R.S.,

1, rue Blessig, 67084, Strasbourg Cedex;

N. S. : Institut de Recherches géologiques et minières, B.P. n° 4110, Yaoundé, Cameroun.

PLANCHE I/PLATE I JEAN-LUC PROBST

Fig. 1. — Périodogramme des fluctuations interannuelles des débits moyens mensuels du fleuve Congo :

densité spectrale des débits en fonction des fréquences (0 à Jt).

BF=basses fréquen